Le Volvestre, épicentre de la révolte des agriculteurs de 2024

- Gerard Saint-Gaudens

Le Volvestre est à la limite de la Gascogne un terroir méconnu : intégré dans l’incertaine "Gascogne toulousaine", à cheval entre Comminges et Couserans, réparti entre Haute-Garonne et Ariège, il fait presque figure de cul du monde, y compris parmi les personnes attachées à promouvoir la Gascogne ou plus vaguement encore, l’Occitanie. A noter qu’il est inclus dans la grande région du même nom qui fait figure aujourd’hui de fer de lance de la révolte paysanne.

C’est Jérôme Bayle, un éleveur de bovins du Volvestre, également rugbyman d’une équipe locale (on retrouve là les éléments de la solidarité/sociabilité gasconnes) qui est la figure de proue de la révolte contre le tabassage fiscal et réglementaire qui étouffe la profession d’agriculteur et singulièrement d’éleveur. Notre Robin des Bois en quelque sorte.
Devra-t-il se réfugier au fin fond de la forêt de Sherwood ariégeoise pour échapper aux archers du shériff de Nottingham (le préfet de l’Ariège, en l’espèce) ?

Grans de sau

  • Le « Qu’es Aquò » de Géraud Delbès sur France Bleu et France 3 Occitanie...
    Sa consoeur journaliste* lui demande, à propos de la révolte des agriculteurs, comment on dit "la grogne" en occitan : il répond que c’est la repotegada.
    Il donne encore d’autres mots occitans, que Palay le gascon connait aussi : ortalan, vailet... ortalan = jardinier, maraichervailet = valet

    *Mais celle-ci n’a vraiment aucune notion : elle ne comprend même pas cassayre / caçaire !

  • On sent confusément que les consommateurs doivent aussi accepter de payer plus cher, si le produit le mérite, pour sauver notre agriculture.

    Pour donner l’exemple (!), j’ai acheté (après un temps de débat intérieur, parce que la différence de prix était forte, et le nom "Sain’BIOse" m’agaçait) au Super U de Lavardac, cette farine bio "sur meule de pierre" de chez Ligneau (Lannes).
    Lannes est à une quinzaine de km de Lavardac... circuit court...
    Lannes

    Ce n’est pas la meule de pierre qui a emporté ma décision : je ne sais pas si c’est un vrai "plus" ou un gadget.

    Note historique : l’Armagnac produisait autrefois beaucoup de blé, qui pouvait être transporté vers Bordeaux, en passant justement par le Pont de Bordes, à Lavardac, là où est maintenant ce Super U ! (Lavardac)
    Pont de Bordes

  • Aujourd’hui, la Dépêche du Midi donne de nouveau la parole à Jérôme Bayle :
    « Chaque département a sa problématique, mais plus globalement, je dirai que la concurrence déloyale nous fait vraiment beaucoup de mal. »

    A la Dépêche qui lui demande « redoutez-vous de perdre le soutien de la population à la longue ? », il répond que les agriculteurs se battent « pour tout le monde, à moins que le consommateur français veuille continuer de manger des produits pleins de pesticides, d’hormones et de matières actives interdites en France ».

    On comprend que les consommateurs achètent ces mauvais produits, qui ne devraient même pas être sur le marché, parce qu’ils sont moins chers.

    On distingue donc une double responsabilité :
     celle du consommateur qui achète mal ;
     celle de l’Administration qui régule mal.

  • Un autre confin de Gascogne : Montcaret (on repasse dans la zone de diffusion de Sud-Ouest !)
    Montcaret

    « C’est le consommateur qui décide si on continue ou pas »
    Une entreprise de maraichage qui marche plutôt bien, depuis près de 20 ans. Ils ont plusieurs salariés.
    Mais :
     « À 5 h 30, mon époux part en livraison »
     leur semaine de travail se situe entre 60 et 80 h, ce qui, d’après les revenus annoncés au journal, donne un taux horaire inférieur au SMIC ;
     « on a la chance de vivre d’un métier qu’on adore. Nous avons cependant conscience que notre modèle – 70 % des ventes réalisées sur la ferme – n’est pas duplicable à l’infini. S’il n’y avait que des exploitations comme la nôtre, on ne pourrait pas nourrir tout le monde. »
     « Nous pensons que nous allons tenir encore comme ça une dizaine années. Et après ? On voudrait lever le pied, mais on sait qu’une structure comme la nôtre sera difficile à vendre à un jeune. On reste prudents. Notre modèle fonctionne, mais jusqu’à quand ? »

  • « arrêtons de se voiler la face, une agriculture vraiment écologique, avec plus d’humain-e et moins de pétrole implique une hausse du budget alimentaire. La part alimentaire dans le budget des ménages est inférieure à 15 % alors qu’elle était plutôt de 30 % avant la révolution verte (milieu du XXème siècle).
    Cette hausse du coût de l’alimentation peut être compensée par des changements culturels : moins de viande, moins de tout prêt, moins de km. Ca c’est un vrai levier d’action, mais la résistance côté consommateur est sérieuse. »
    Méracq

    *Impasse Agricole [Ferme Légère]

  • ça devrait être peu ou pas
    Dans le prix que paye chacun de nous, la part du produit agricole est minime même sur les produits non transformés, il y a dans tous les couts et marges additionnés pour arriver au prix final, de quoi augmenter le prix payé à l’agriculteur sans impacter fortement le prix final

    • Quand je vois que la frange des agriculteurs-éleveurs qui souffrent le plus (peut-être les derniers "vrais" paysans) travaillent 80 heures par semaine pour gagner presque rien, je me dis qu’il faudra justement bâtir un circuit où la part du produit agricole dans le prix final cesse d’être minime ; il faudra une telle augmentation des prix agricoles (pas du 10 ou 20%, beaucoup plus !) qu’elle ne pourra pas être absorbée par le circuit de distribution en aval, tel qu’il est aujourd’hui, sauf augmentation massive du prix final au consommateur.
      Or celui-ci n’est pas prêt à l’accepter, et la grande distribution saura toujours lui proposer des prix bas en achetant, non pas à nos paysans, mais à des méga-fermes industrielles, ici ou ailleurs...

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    Et dans un autre article de Sud-Ouest (une journée avec Pactole, bovin récompensé à la Fête des bœufs gras de Bazas) :

    Éliminer les intermédiaires pour mieux gagner sa vie. « Ce n’est pas un secret, l’élevage, c’est très compliqué avec l’explosion des charges », confirme l’intéressé. Revers de la médaille de cette double activité : « Je travaille quatre-vingts heures par semaine. Je me lève à 3 heures du matin tous les jours. La journée se termine à 21 heures. »

    J’espère qu’au moins il fait la sieste !

  • Tederic faisait remarquer que la part de l’alimentaire dans le budget des ménages était passée de 20 à 15% en peu de décennies et, avec la question de la distribution, cela me semble être le point central.
    Quand on comprendra qu’il n’est pas normal (ni écologique, ni rien...) de dépenser une part importante, sans doute en croissance permanente depuis des années, en objets réels ou virtuels liés à la communication (téléphones, smartphones, ipads, iphones, pc, box multiples par famille, abonnements , etc...) , un grand progrès aura été fait.
    Qui lancera une utile campagne de rééquilibrage des budgets familiaux et de résistance à la publicité ? Cela vaudrait mieux que des campagnes bien pensantes financées par nos impôts et lancées par certaines municipalités comme celle qui vient de sonner à ma porte pour me convaincre de défendre le droit des femmes...

  • Pour être exact, ce n’est pas moi, mais un article du site de la "Ferme légère" de Méracq qui signalait cette baisse de la part alimentaire des budgets des ménages, et c’était de 30 à 15% au terme de la "révolution verte" du 20e siècle.
    Je pense aussi qu’il faut rééquilibrer nos budgets en sens inverse, en augmentant la part de l’alimentaire, et en faisant très attention à la qualité, au mode et au lieu de production de ce que nous achetons.
    Il faut aussi revenir à la cuisine !

    Tout ça peut devenir un axe parmi d’autres du combat gascon, puisqu’il est question de culture et de terroir.

  • Oui, je pense aussi que c’est un défi majeur pour nos sociétés occidentales (au moins) mais nous ne sommes pas seuls sur ce créneau - heureusement d’ailleurs !- et notre spécificité en l’espèce est limitée (mais pas inexistante, à creuser...).

  • Notamment la ferme des Mawagits, intéressante pour nous déjà par son nom ; mauagit = maladroit ces trois exemples vont dans le sens de l’agro-écologie.
    Au passage, il y a une réponse à ma question (lire plus haut) sur l’avantage de la meule de pierre pour faire de la farine :
    « Ce moulin écrase le grain de façon progressive, lentement, sans le chauffer ni lui faire perdre ses qualités ; il produit ainsi une farine excellente. »

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Un gran de sau ?

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