Arrêter d’employer ici l’expression "Occitanie"

- Guilhem Pépin

[C’était un gran de sau sur l’article sur les noms et mots en -òi/oy, dont il ne commentait qu’un aspect mineur.
Tederic, webmèste]

Une seule remarque un peu hors-sujet sur ce texte, mais qui est d’ordre général pour l’ensemble de ce site : afin d’être rigoureux "scientifiquement" il faudrait arrêter d’employer ici l’expression "Occitanie" comme s’il s’agissait d’une réalité qui avait existé avec ce nom précis dans le passé et pour tout l’espace d’oc à l’exclusion - sans raison valable autre qu’historico-politique - des pays de langue catalane (voir tout le développement que j’ai écrit à ce sujet dans le livre que j’ai co-écrit avec Jean Lafitte, Langue d’oc ou langues d’oc ?, éditions des régionalismes, 2009).

La première fois que ce nom a été réellement utilisé en français pour désigner une réalité tangible est quand la majorité du conseil régional de la région née de la fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon a décidé de prendre ce nom d’Occitanie (en 2016). Ce terme, provenant directement du long travail d’influence du mouvement occitaniste, n’avait auparavant jamais, jamais, jamais existé en dehors de ce mouvement.

Avant la fin du XIXe siècle, il ne fut employé que par quelques savants (depuis le XVIIe siècle) comme la version latine du nom de la province de Languedoc s’étendant de Toulouse au Rhône. Auparavant il n’existait que le terme latin - et exclusivement latin - de "lingua occitana" qui ne se traduisait en langue vernaculaire que par l’expression française "la langue d’oc" puis "languedoc", jamais Occitanie. En langue locale "la lenga d’oc" puis ensuite "lengadoc", jamais Occitania.

De 1359 à 1789, ces termes de "la langue d’oc", puis Languedoc n’ont désigné que les trois sénéchaussées de Toulouse, Carcassonne et Beaucaire-Nîmes, soit la zone s’étendant de Toulouse au Rhône. Et rien d’autre !

Avant 1359, le terme de "la langue d’oc" apparut dans les textes dans les années 1280 (Dante n’est pas du tout la première personne à l’avoir utilisée !) est à l’évidence d’origine linguistique, mais il fut donné aussi à l’évidence par des étrangers parlant des langues d’oïl aux populations du sud du royaume de France annexés au domaine royal capétien après la croisade contre les Albigeois. Il permettait de donner un nom générique à des provinces disparates qui n’en avaient aucun auparavant.

Pour éviter les longues énumérations fastidieuses de provinces de la taille d’un diocèse que l’on retrouve constamment à l’époque de la croisade contre les Albigeois, la monarchie capétienne a commencé à l’utiliser pour les provinces méridionales qu’elle dominait directement (qui étaient dans le domaine royal). Ainsi la seule province gasconne a être comprise dans cette expression entre les années 1280 et 1359 est la Bigorre qui fut réunie au domaine royal français à partir de 1292. Mais l’expression "la langue d’oc" était très plastique et s’appliquait parfois à des provinces comme la Saintonge ou le Lyonnais, tout en évitant constamment la Basse-Auvergne (région de Clermont-Ferrand). De plus, dès cette époque, la limite territoriale septentrionale de cette "langue d’oc" se trouvait la plupart du temps sur la Dordogne.

Donc, merci de dire à la rigueur "pays d’oc", bien que cette expression soit tout aussi erronée qu’Occitanie. Mais au moins elle reconnait qu’en dépit de proximités linguistiques, cet ensemble de régions disparates et sans rapports directs entre elles quand elles étaient éloignées géographiquement (ex : la Gascogne et la Provence) ne fut "unifié" que par l’Etat français. Sans ce dernier, personne n’aurait eu l’idée de leur appliquer à la fin du XIXe siècle un nom unitaire (Occitanie) excluant de surcroît la Catalogne.

Bien entendu, le choix d’un tel nom n’a pu provenir que de Languedociens et de gens originaires de provinces voisines de dialecte languedocien (Quercy pour Perbosc et Pays de Foix pour Estieu). Felix Castan a d’ailleurs écrit un article intitulé très justement : "Antonin Perbosc (1861-1944) : Celui qui nomma l’Occitanie" voir : http://www.arkheia-revue.org/Antonin-Perbosc-1861-1944-Celui.html

Castan datait le choix de nom pour l’ensemble des "pays d’oc" (sauf la Catalogne et les pays "catalans") de l’année 1897 : "Cette cohérence n’a été possible que grâce au décret historique qu’il prit avec son ami Estieu, dans l’été de 1997 (sic) : en nommant l’Occitanie, ils en fixaient définitivement l’identité". Cela confirme totalement ce que j’avais trouvé avec mes propres recherches.

Je me doute bien que cela ne va pas être encore bien assimilé ou même être mis de côté puisque les idées reçues ont la vie dure, donc ne m’en veuillez si je le répète encore et encore dans l’avenir.

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