Lo bailet de sèrp. C’est magique… Les noms de la libellule en gascon.

- VERDIER Gilles

La libellule est un très bel insecte qui n’a pas manqué d’être à l’origine de croyances et de superstitions très nombreuses en Europe, et donc en Gascogne.
Les divers noms de la libellule en gascon portent la marque de ces croyances…

Pour nommer la libellule, la langue gasconne a, en gros, 3 groupes de noms.

1. Les noms se rapportant au vieux nom français « la demoiselle », dont l’origine serait, selon le naturaliste Réaumur, en rapport avec la finesse de la taille de l’insecte et son allure délicate.

La damisèla (Lande, Béarn, Gironde).
La demoasèla (Gironde).
La damaisèla/domaisèla (Comminges).

En catalan : la damisel.la, la senyoreta…

2. Les noms se rapportant à des superstitions, des légendes associant la libellule à des bêtes à venin. Une légende racontait par exemple qu’on pouvait voir la libellule assise sur la tête d’un serpent, comme si elle l’avait charmé. Une autre racontait que les libellules suivaient les serpents et les recousaient lorsqu’ils se blessaient… Dans le Rustan, on disait que c’était la femelle de la vipère et que si l’on voyait une libellule, la vipère était proche !

Pour le gascon, voici les noms de cette famille :
Lo bailet de sèrp/dera sèrp (Astarac, Bigorre) : valet du serpent.
La cabalh de sèrp (Val d’Aran) : cheval du serpent.
L’espuga-sèrp (Magnoac) : gratte-serpent.

Cette famille existe dans toute l’Europe :
Gallois : gwas-y-neidr = serviteur de la vipère.
Breton : marc’h aer =cheval de serpent.
Anglais : adder-fly ou dragon-fly = mouche-vipère ou mouche-dragon.

Dans d’autres langues, c’est avec le démon que le petit insecte collabore :
Castillan : caballito del diablo.
Catalan : espiadimonis.

3. Les noms se rapportant à des superstitions, des légendes associant la libellule à l’idée d’aiguille, de piqûre, de flèche, de dard… Elle est nommée aiguille ou couturière car la légende rapportait que la libellule était capable de vous coudre les yeux durant votre sommeil ou de coudre la bouche des enfants menteurs... On croyait aussi qu’elle portait un dard et aussi que les ailes des libellules étaient coupantes ou qu’elle pouvait aveugler quelqu’un en projetant un liquide toxique ; d’où les noms qu’on lui donne dans les langues d’Europe : « aiguille du diable », « crève-œil », « tire-sang », « pique-serpent ».
Pour le gascon, voici les noms de cette famille :
  L’agulha, l’agulha de París, l’agulhèr (Landes, Béarn) : l’aiguille.
  La costurèra (Béarn) : la couturière (et son aiguille…).
  L’esplinguèr (Béarn) : l’étui à épingle.
  Lo pica-sèrp (gascogne toulousaine) : le pique-serpent.
  Lo cura-uelh (Lomagne) : le crève-œil.

Dans les langues d’Europe, on a par exemple :
Breton : aiguille du diable (Haute-Bretagne), nadoz-ear = aiguille de l’air, nadoz-aer = aiguille-serpent.
Anglais : horse-stinger = aiguillon de cheval (Dorset), devil’s darning-needle = aiguille à repriser du diable.
Allemand : Teufelsharrnadel, Teufelsnadel = aiguille du diable.

4. Des isolés.

Lo curè (Landes, Gers) : sûrement pas étranger à l’entourage magico-religieux de l’insecte.
Lo mossur (Landes) : en concurrence avec la damisèla au centre des Landes. Ce nom est étrange pour la libellule…

Un gran de sau ?

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