Un panorama général de l’ethnogénèse sud-gasconne et péri-basque (2022) Vulgarisation au regard des données actuelles de la génétique des populations

- Vincent P.

La génétique des populations a permis, ces 10 dernières années, d’avoir une vision globale et à gros traits du peuplement de l’Europe. Il convient d’être très au clair sur les différentes étapes désormais mises en évidence, pour comprendre comment, des millénaires après, émergent les populations contemporaines, dont les Basques, et les populations avoisinantes.


L’ADN ancien résout le puzzle de l’origine des Basques

Je me permets de reprendre un précédent texte mien, qui se veut de la vulgarisation :

“Pour faire simple, en affinant avec des échantillons d’ADN ancien, notamment de la steppe est-européenne dont sont issus les Indo-Européens et les civilisations de l’âge du Bronze, il a été clairement mis en évidence les choses suivantes :

 Les populations autochtones de l’Ouest européen (WHG) sont les chasseurs cueilleurs de Lascaux et Altamira, population éteinte, aux yeux bleus et à la peau foncée ;

 Ils ont été génocidés, en tout cas remplacés, par des fermiers du Néolithique (EEF) en provenance d’Anatolie : ils se sont quelque peu métissés à mesure de leur progression vers l’Ouest, mais jamais en de grandes proportions ;

 Une vague en provenance d’Europe de l’Est a déferlé sur l’Europe de l’Ouest à l’Âge du Bronze. Il y a eu remplacement quasi total des populations en Europe du Nord (des îles britanniques à la Russie actuelle). En Europe du Sud, il y a eu métissage car les sociétés néolithiques étaient mieux organisées, apparemment : ce sont les sociétés campaniformes. Ces populations de la steppe, avec cheval notamment, ont charrié les langues indo-européennes et ont amené une génétique faite d’un mélange de génétique de chasseurs cueilleurs de l’Est de l’Europe (EHG), de fermier néolithiques (EEF) et de génétique du Caucase (CHG), qui est la base du peuplement ancien de l’Iran notamment.

Bref, une mesclagne ... WHG + EEF + CHG + EHG ...

Les langues dans tout ça ? Il semble que le basque, comme toutes les langues pré-indo-européennes parlées sous Rome (l’ancien sarde, l’étrusque, l’ibère, le ligure ancien, le tartéssien, ...), aient été les restes des langues paléo-sardes (en effet, les Sardes sont les seuls à avoir grosso modo évité la vague du Bronze) parlées par les populations du Néolithique, puis parlées par leurs descendants métissés.

On ne sait rien d’écrit de la transition entre Néolithique et Âge du Bronze, mais elle a été violente apparemment : quasi toutes les lignées mâles ont été remplacées, par des porteurs de l’ADN paternel R1b. C’est l’apport des dernières études : R1b est un marqueur de la steppe, à tout le moins des sociétés de la culture campaniforme, vraisemblablement née sur le Rhin par la confrontation de fermiers du Néolithique et de migrants de la steppe (qui a ensuite déferlé vers le reste de l’Europe).

Les Basques sont donc une population métissée de l’âge du Fer. Les études sont même formelles : il est délicat de différencier génétiquement à l’âge du Fer, donc au moment de l’arrivée de Rome dans la péninsule ibérique, les populations anciennes qui habitent le Pays Basque actuel des autres habitants de la péninsule, qu’ils soient ibères (donc locuteurs d’une langue pré-indo) ou indo-européens. Autrement dit, la conquête par les campaniformes de l’Europe s’est faite partout, mais selon les contextes, l’on a continué à parler une langue pré-indo, tandis qu’ailleurs non. Il est envisageable que le basque soit alors un pidgin pré-indo/indo.”

I - Une analyse par graphique PCA

Nous en sommes donc à l’âge du Fer, c’est à dire -800 avant JC, jusqu’au 1er siècle de notre ère, et la péninsule ibérique comme le sud de la France actuelle sont habités par des populations héritières des civilisations campaniformes, aux langues diverses (des langues pré-indo-européennes comme l’ibère, le tartéssien, le ligure, l’aquitain, ..., d’autres des langues indo-européennes infiltrées dans la région à l’âge du Bronze, comme l’ancien cantabre, le lusitanien et évidemment le celte, probablement le dernier arrivé), mais à la génétique assez similaire.

Sur ce premier "PCA" (Principal components analysis), qui simplifie l’analyse du génome des individus en coordonnées, l’on comprend assez bien le phénomène : en bas, les populations autochtones d’Ibérie, qui vont rencontrer les migrants de la steppe (en haut à gauche), où se trouvent toujours les populations modernes d’Europe du Nord et de l’Est, pour donner naissance à des populations intermédiaires à l’âge du Fer.

Sur cette question, un article primordial d’Iñigo Olalde :

L’histoire génomique de la péninsule ibérique durant les 8000 dernières années

Notez sur le PCA qu’il y a des individus un peu aberrants dans le groupe "Occitanie", qui se trouvent en haut à gauche : ce sont des "migrants" inaltérés qui s’installent encore à l’âge du Fer dans le cadre de la mobilité européenne. Le terme "Occitanie" est mal choisi, et il est dommageable qu’une région administrative ait une telle influence pour des considérations scientifiques ; ce sont des échantillons du Languedoc méditerranéen :

Origine génétique des gaulois

Pour nous repérer, ajoutons des populations contemporaines : au hasard, les Nordistes en France, les Basques d’Espagne et les Andalous.

L’on comprend aussitôt que les Basques d’Espagne se retrouvent au milieu des populations de l’âge du Fer d’Ibérie, là où les Andalous ont subi une dérive vers la droite, vers les populations italiennes (l’on verra après la raison). (Les Nordistes français relèvent de l’univers de l’âge du Bronze, quelque peu dévié lui aussi vers la droite d’ailleurs).

À ce propos, il semble que la division entre France du Nord et France du Sud préexiste au moins depuis l’âge du Bronze, avec une population au nord ayant été plus intensément sujette aux migrations en provenance de la steppe (et donc encore de nos jours, plus en liaison avec l’Europe du Nord et de l’Est, à tout le moins transitoire).

Affinons. Nous disposons d’échantillons précis pour de nombreuses sous-régions basques, désormais, depuis une étude récente :

Genetic origins, singularity, and heterogeneity of Basques

Cela devient assez vite illisible, mais rajoutons une dernière fois d’autres populations : miracle, cette même étude possède des échantillons d’individus originaires des zones que l’article appelle "péri-basques", dont la Chalosse, le Béarn et la Bigorre. Mettons également les habitants de La Rioja, et les Auvergnats.

Compte tenu de la difficulté à lire le PCA à ce stade de densité de points, je vais utiliser les moyennes de points de l’ensemble des individus de chaque groupe. Reste que la tendance est déjà là : La Rioja dérive également tout comme l’Andalousie (mais moins), les Gascons du Sud dérivent également mais bien moins.

Sans même maîtriser les coordonnées du PCA, sa lecture est intuitive :

L’on observe la dérivation vers la droite de l’ensemble des points espagnols, plus intensément à mesure que l’on s’éloigne du foyer basque, resté proche de la variation de l’âge du Fer. L’article cité plus haut a mis en évidence, après Olalde, que la distinction basque est récente : elle date des temps historiques, les Basques ont échappé aux phénomènes ultérieurs affectant la péninsule ibérique.

Ces phénomènes sont connus : c’est Rome, 4 siècles d’intégration au sein de l’Empire Romain et des échanges méditerranéens et c’est la conquête musulmane par les Arabo-Berbères d’Afrique du Nord. Je passe sous silence les migrations germaniques dont les Wisigoths, qui s’intercalent, car elles ont été le fait de peu d’individus qui se sont fondus et se firent "Romains" (l’article d’Olalde aborde la question cependant, pour un cimetière wisigoth en Catalogne actuelle).

Les Espagnols dérivent donc, avec quelques surprises, ou confirmations, c’est selon :

 Le point Spanish_Biscay correspond aux Encartaciones de langue romane à l’ouest de Bilbao. Ils se distinguent plutôt nettement du point Basque_Biscay, en montrant une dérivation.

 Il y a un problème avec un individu de l’échantillon cantabre, qui se trouve trop à droite (ce qui sème le doute sur son caractère autochtone), ce qui truque quelque peu la position médiane, mais en moyenne, ils montrent une grande variation, allant du point des Encartaciones à une variation espagnole classique, et dans tous les cas, ils se trouvent dans la variation castillane.

 Les Catalans d’Espagne ne sont pas nettement différenciés des autres Espagnols, en tout cas des Espagnols du Nord.

 Les romanophones de Navarre (Spanish_Navarre), au sud, possèdent une variabilité génétique similaire au gros de l’Espagne centrale et septentrionale, très différente des points basques de Navarre. Le "gap" n’est pas surprenant pour qui connaît un peu ces contrées, mais il est parmi les plus impressionnants que l’on puisse constater, au vu du peu de kilomètres entre Tudela et la zone bascophone.

 Les points castillans ayant le moins dérivé sont sans surprise Soria et Burgos.

 L’Espagne de l’Ouest et du Sud montre une plus grande dérivation vers la droite (et soit dit en passant, la celticité de la Galice est évidemment ridiculisée) : il est donc temps de dire à quoi elle correspond.

Prenons alors un peu de recul, en ajoutant les Italiens.

On le voit, la dérivation des Espagnols se fait vers les Italiens modernes. Ce qui contraint à comprendre pourquoi les Italiens se trouvent "là" sur le PCA, la question de savoir pourquoi les Espagnols modernes tendent vers l’Italie depuis leur "base" basque étant évidente en revanche : c’est Rome.

L’Italie possède le même peuplement, initialement, que le reste de l’Europe occidentale, à savoir des fermiers EEF qui vont rencontrer la culture campaniforme forgée par les migrations des steppes. Mais la spécificité italienne aux temps historiques va se faire via les intenses migrations grecques de la Magna Graecia, puis sous l’Empire romain, via les migrations orientales. Ce double phénomène migratoire fait que les Italiens, notamment ceux du Sud, sont génétiquement pour moitié pour ainsi dire des Orientaux.

L’Empire romain va charrier dans toute l’Europe une variabilité génétique de la Méditerranée orientale. Que sont donc les Espagnols modernes, à larges traits là encore ? Des "métis" entre les autochtones ibères à la génétique bascoïde et les colons romains de toute la Méditerranée. L’on peut même essayer de quantifier la mixité.

Et l’Afrique du Nord dans tout ça ? Le peuplement de l’Afrique du Nord est complexe, mais la base principale de son peuplement est CHG (la composante caucasienne, très forte en Iran), qui tire les populations vers la droite, tout comme les Italiens. Autrement dit, un métissage nord-africain va également tirer vers la droite les populations : cela explique la position plus à droite que tous les Espagnols des Canariens, population métisse qui a absorbé les anciens Guanches.

 Revenons aux Français : un décalage vers la droite signifie-t-il tout comme pour les Espagnols un métissage romain ? A priori, oui. C’est exactement ce qui est arrivé aux Gascons : sur la "base" basque du Fer, un métissage, plutôt réduit, mais réel, avec les colons romains (qui ont amené le latin) a abouti à un décalage.

Et les Auvergnats dans ce schéma ? Ils sont plus "haut", c’est à dire plus ouverts aux influences septentrionales, mais sans forcer le PCA, l’on décèle bien la dichotomie entre la France du Nord et la France du Sud. La France au nord de la Loire, probable frontière, se trouve dans une variabilité classique de l’Europe du Nord, quand les Provençaux tirent franchement vers l’Italie (et les Corses, évidemment, sont italiens).

Les grandes lignes sont claires : les Basques ont échappé, à une date historique pour des événements qui nous échappent, à l’influence de Rome, puis à celle d’Al Andalus. Mais reste un mystère à élucider, avant de continuer : pourquoi les Galiciens et autres populations de l’Ouest de la péninsule ibérique (les Portugais sont dans le même cas), sont-ils si "orientaux" ?

La réponse est probablement à chercher dans l’Histoire des migrations sous l’occupation musulmane : les populations chrétiennes mozarabes, descendantes des populations fortement romaines du Sud de l’Espagne, sont remontées vers le nord, pour refuser la conversion (les convertis, eux, se sont mêlés aux classes dirigeantes, et leurs descendants finirent par être expulsés par les Rois catholiques vers l’Afrique du Nord). Ces phénomènes sont parfaitement attestés : une ville comme León a été repeuplée par des Chrétiens originaires du sud, déplacés. Les royaumes chrétiens au nord, dont celui des Asturies, ont bel et bien été le refuge des gens du sud, qui ont amené leur génétique dans les confins atlantiques de Galice et d’Oviedo.

Évidemment, l’on peut s’interroger si de base, et en tout état de cause, la romanisation n’avait pas été intense en ces terres. Rien d’incompatible, mais comme nous allons le voir immédiatement, la présence d’un métissage, réduit, mais réel, nord-africain, montre qu’il s’est passé quelque chose (les populations ibères de l’Andalousie romaine étaient très métissées des voisins d’en-face).

II - Quantifions l’apport romain !

Je vais prendre, de manière très grossière, 4 points de référence :

MAR_Taforalt : le peuplement ancien du Maroc septentrional ;
Iberia_North_IA : une moyenne du peuplement de l’âge du Fer dans le nord de la péninsule ibérique ;
FRA_Occitanie_IA2 : une moyenne du peuplement de l’âge du Fer dans le sud de la Gaule ;
ITA_Rome_Imperial : une moyenne du citoyen romain lambda sous l’Empire à Rome (son positionnement sur le PCA le place au milieu des Grecs modernes du Dodécanèse et des Juifs sépharades) ;

Et je vais demander à un algorithme de faire une approximation en fonction de ces 4 points.

Target : Basque_Araba
Distance : 1.5302% / 0.01530169
54.6 Iberia_North_IA
22.8 Iberia_East_IA
22.6 FRA_Occitanie_IA2

Que des composantes du Fer : aucun apport nord-africain ou romain.

Target : Basque_Soule
Distance : 2.0017% / 0.02001652
53.4 Iberia_East_IA
46.0 Iberia_North_IA
0.6 ITA_Rome_Imperial

0,6% Romain en Soule, c’est la marge d’erreur, mais ce peut être aussi le signe de l’influence minime béarnaise car ...

Target : French_Bearn
Distance : 1.4043% / 0.01404344
41.2 Iberia_North_IA
35.0 Iberia_East_IA
18.0 FRA_Occitanie_IA2
5.8 ITA_Rome_Imperial

... tout de suite, l’on arrive sur 6% quasi d’apport romain en Béarn.

Target : French_Chalosse
Distance : 1.2773% / 0.01277280
36.6 Iberia_North_IA
33.6 Iberia_East_IA
24.8 FRA_Occitanie_IA2
5.0 ITA_Rome_Imperial

Un poil moins pour la Chalosse.

Target : French_Bigorre
Distance : 1.2419% / 0.01241917
41.8 Iberia_East_IA
32.0 Iberia_North_IA
18.0 FRA_Occitanie_IA2
8.2 ITA_Rome_Imperial

Et un poil plus pour la Bigorre, en conformité avec ce que l’on sait de la plus grande présence de toponymes latins en -anum en Bigorre.

Target : Spanish_Aragon_North
Distance : 1.3406% / 0.01340595
39.0 Iberia_East_IA
30.6 FRA_Occitanie_IA2
21.0 Iberia_North_IA
9.2 ITA_Rome_Imperial
0.2 MAR_Taforalt

En Aragon du Nord, on est sur 9% ! Et l’on voit apparaître, potentiellement en bruit, une influence nord-africaine, dans la marge d’erreur.

Target : Spanish_Galicia
Distance : 1.1692% / 0.01169215
43.2 Iberia_North_IA
23.6 FRA_Occitanie_IA2
20.2 ITA_Rome_Imperial
9.0 Iberia_East_IA
4.0 MAR_Taforalt

Ce n’est plus la marge d’erreur en Galice : 20% Rome, 4% l’Afrique du Nord, un quart de la variabilité génétique de dérivation par rapport à l’âge du Fer.

Target : Portuguese
Distance : 1.1120% / 0.01112025
29.4 Iberia_North_IA
25.8 FRA_Occitanie_IA2
22.8 ITA_Rome_Imperial
17.4 Iberia_East_IA
4.6 MAR_Taforalt

Il se confirme que les Galiciens sont "portugais".

Target : Spanish_Burgos
Distance : 1.4325% / 0.01432527
44.8 Iberia_North_IA
30.4 Iberia_East_IA
12.2 FRA_Occitanie_IA2
12.2 ITA_Rome_Imperial
0.4 MAR_Taforalt

L’apport nord-africain redevient très faible à Burgos.

Target : Spanish_Pirineu
Distance : 1.1911% / 0.01191108
31.0 Iberia_North_IA
28.8 Iberia_East_IA
22.4 FRA_Occitanie_IA2
16.6 ITA_Rome_Imperial
1.2 MAR_Taforalt

On voit que les Pyrénées catalanes n’ont pas échappé à la romanisation, et vraisemblablement pas, vu le petit niveau - mais réel - d’affinité marocaine, réel, à la remontée mozarabe vers le Nord.

Target : Basque_Baztan
Distance : 2.0186% / 0.02018565
46.4 Iberia_East_IA
42.6 Iberia_North_IA
11.0 FRA_Occitanie_IA2

On revient chez les Basques, que des composantes du Fer, pas de Romain, pas d’Afrique du Nord.

Target : Spanish_Biscay
Distance : 1.5521% / 0.01552104
35.4 Iberia_North_IA
30.2 Iberia_East_IA
25.4 FRA_Occitanie_IA2
7.8 ITA_Rome_Imperial
1.2 MAR_Taforalt

Les Encartaciones montrent une vraie influence romaine, et aussi nord-africaine ...

Target : Basque_Biscay
Distance : 1.6760% / 0.01676035
49.4 Iberia_East_IA
28.0 Iberia_North_IA
22.6 FRA_Occitanie_IA2

... tandis que la Biscaye bascophone n’en montre aucune : quel gouffre là encore ! Du niveau de celui entre les deux Navarres.

L’on pourrait continuer comme ça, mais l’on a compris le sens global : ce qui manque à mon analyse, c’est parvenir à distinguer finement les composantes du Fer, notamment l’apport celtique proprement dit avant l’arrivée de Rome, mais nous manquons d’échantillons français de cette époque. Quid de la France, selon ce modèle ?

Target : French_Auvergne
Distance : 1.8528% / 0.01852850
55.6 FRA_Occitanie_IA2
28.6 Iberia_North_IA
15.8 ITA_Rome_Imperial

On voit que l’Auvergne a été romanisée, 16% ce n’est pas négligeable.

Target : French_Brittany
Distance : 4.0079% / 0.04007922
100.0 FRA_Occitanie_IA2

La distance de l’approximation est trop grande (4%), cela signifie que les échantillons de départ ne collent pas avec l’histoire de la Bretagne, mais en tout cas, aucun apport romain, et rien en commun avec le Fer ibère (fatalement, la Bretagne est dans une variabilité européenne steppique d’Europe du Nord).

Target : French_Provence
Distance : 2.1074% / 0.02107353
62.0 FRA_Occitanie_IA2
27.6 ITA_Rome_Imperial
10.4 Iberia_North_IA

Et sans surprise, en France, c’est en Provence que l’apport romain est le plus important.

***

Conclusion :

Rome a créé les Basques. On ne saura jamais vraiment pourquoi, mais ils ont échappé à l’intérêt impérial, et ont pu rester isolés. Il est possible que d’autres contrées d’Espagne avaient également échappé à Rome, mais elles n’ont pas alors échappé aux migrations historiques consécutives de l’invasion musulmane (que l’on détecte via la remontée vers le nord d’une composante nord-africaine).

Sans surprise, les populations péri-basques qui entourent le monde basque actuel ont agi comme zone-tampon : elles montrent une influence romaine, et de fait, les habitants des Encartaciones, comme ceux de Burgos et Soria, comme les Gascons, sont passés au latin. L’on sait combien le gascon comme le castillan portent la marque du substrat de la proximité basque (notamment la répugnance pour f et v).

Il est en l’état impossible de quantifier l’apport proprement celtique à l’âge du Fer, faute d’échantillons, mais il est certain que bascophones de cette époque comme celtophones étaient génétiquement similaires, tout comme les Latins sont similaires aux voisins étrusques. Les raisons qui ont fait que dans telle zone une langue indo-européenne s’est imposée, tandis qu’une langue pré-indo-européenne s’est maintenue, restent mystérieuses. D’ailleurs, rien ne dit que dans des zones réputées indo-européennes l’on ne parlait pas dans certains endroits des dialectes pré-indos, et réciproquement : le monde ancien était moins homogène (cf la découverte d’inscriptions basco-aquitaines dans les hautes terres de Soria, pourtant réputées celtibères).

Pour revenir plus précisément aux populations sud-gasconnes échantillonnées, Béarnais, Chalossais et Bigourdans, elles se différencient toujours précisément des Basques voisins, dont elles dérivent. Il convient donc d’analyser la romanisation de nos contrées aussi sous un angle migratoire, la question étant de savoir si l’apport romain s’est fait de proche en proche (via les grandes métropoles comme Burdigala et Tolosa au fil des alliances et des générations, ainsi que des migrations) ou bien si les colons latins ont eu une descendance directe métissée au sein des Tarbelles, Iluronenses, Venarni et Bigorritani. Ce qui nécessite de revaloriser le cosmopolitisme des villes antiques comme Dax, ou encore la puissance du phénomène de colonisation agricole (cf toponymes en -anum, voire -acum). Cela dit, il conviendrait également d’avoir des approximations numériques de la population antique : le boom démographique s’est fait au Moyen-Âge, sur une base probablement réduite de personnes.

Dans tous les cas, il est quelque peu rassurant de constater que si les langues bougent, ce n’est pas sans locuteurs qui les charrient. Tout comme il est rassurant de constater l’existence d’une Vasconie, Basques et péri-Basques, attestée par la linguistique et d’autres indices, mais qui en vérité se caractérise plutôt par une plus grande imperméabilité aux faits historiques à compter de Rome, plutôt que par le passé protohistorique. Tout est bien récent, en somme.

Quelques contrées mériteront des études plus poussées : on pense notamment à tout le vaste sud de la France, en silhouette l’ancienne Occitanie linguistique (du Poitou à la Provence), qui donneront probablement les raisons de la différence entre la France du Sud et la France du Nord. Mais notre pays se crispe sur ces questions, malheureusement.

Grans de sau

  • Oh hilh de p****, quel article !
    A relire plusieurs fois.
    Mon petit logo "vascon" a du succès...

  • Affinons quelque peu la question "mozarabe" avec le schéma joint au présent "post".

    On le voit, les Hispaniques du Sud-Est entre le 3ème siècle et le 16ème siècle sont des populations "romaines" : ils se situent sur le PCA au même niveau que les populations de la Rome de l’Antiquité tardive, c’est à dire un métissage de populations européennes et levantines.

    Ce sont ces populations "romaines" du sud de l’Espagne que les envahisseurs arabo-berbères vont rencontrer et ce sont ces populations qui, soit se convertiront pour se faire pleinement des sujets d’Al Andalus, soit prendront le chemin de l’exil vers les royaumes du Nord (où alors survivait un monde plus archaïque, romanisé certes, mais beaucoup moins) en devenant les Mozarabes (des Chrétiens arabisés par la culture, sans conversion toutefois).

    En lisant le PCA, on voit que les points "Galicia" et "Cantabria" tendent vers les points historiques de l’Espagne du Sud-Est : évidemment, on ne peut s’assurer que cette dérivation par rapport aux Basques (qui représentent une moyenne de la population ibérique à l’arrivée des Romains) est le produit du seul apport mozarabe, il est fort probable que la romanisation des premiers siècles avait déjà fait quelque peu dériver ces populations vers le monde oriental, par apport génétique en provenance de la Méditerranée orientale.

    Cependant, la Galice est un finistère atlantique net : il est assez contre-intuitif d’imaginer qu’elle aurait été plus romanisée que les environs de Burgos par exemple (mais pourquoi pas ?). C’est là que l’histoire mozarabe prend de son importance : des Hispaniques du sud de la péninsule sont venus se réfugier au milieu de populations imparfaitement romanisées, et ont donné naissance à des civilisations chrétiennes importantes (le pèlerinage de Compostelle, l’art roman, ...).

    Au passage, constatez que les points contemporains en Murcie sont moins "orientaux" que ceux des siècles qui précèdent : c’est que les descendants des convertis à l’Islam ont été expulsés, et que tout le sud hispanique a été repeuplé avec des gens du Nord, lors de la Reconquista.

  • Zoomons le précédent schéma (cf en bas) : j’ai inséré les points basques de Biscaye, castillanophones des Encartaciones à l’ouest de Bilbao, les points cantabres et galiciens.

    L’on constate, sans surprise, le continuum de proche en proche : l’on passe de la Biscaye vers la Cantabrie avec les Encartaciones comme intermédiaire (en réalité, cette contrée ne doit pas différer de la Trasmiera autour de Laredo), puis vers la Galice, avec les Asturies qui doivent vraisemblablement s’intercaler.

    NB : Le point le plus à droite du groupe cantabre semble poser problème, il est très décalé par rapport aux points cantabres, il est possible que la personne ait été mal sélectionnée et n’ait pas une ascendance cantabre (il se trouve au milieu de gens d’Extrémadure et les premiers Canariens).

    Le décalage à chaque fois vers la droite sur le PCA correspond à un déplacement vers l’ouest sur la carte (c’est contre-intuitif !) : à mesure que l’on va vers la Galice, les populations montrent un apport plus oriental (romain et en petite quantité, nord-africain), ce point est abordé précédemment.

    Le plus intéressant est de constater combien l’on peut toujours différencier en tendance les bascophones de Biscaye des romanophones de la même contrée. Et cela se joue dans le sens de l’apport "romain" pour les populations des Encartaciones. Il faut bien avoir en tête que les Encartaciones, c’est à peine peut-être 40km de longueur, immédiatement à l’ouest de Bilbao.

    Comment expliquer cette différence ? Déjà, l’on peut constater qu’il y a corrélation : l’apport romain génétique va de pair avec la présence d’une langue romane. Ensuite, il convient de constater que les Encartaciones ont été annexées tardivement à la Biscaye, firent partie du duché médiéval de Cantabrie, puis du grand royaume des Asturies. L’intégration à la Biscaye n’est réelle qu’à compter du 17ème siècle.

    Mieux, les Encartaciones n’étaient pas en territoire antique "cariste" (prédécesseur de la Biscaye), mais en territoire autrigon.

    https://es.wikipedia.org/wiki/Autrigones

    Cette division a perduré dans les diocèses médiévaux : les Encartaciones étaient dans le diocèse de Valpuesta, face à Bilbao et le reste de la Biscaye, dans le diocèse d’Armentia (ville d’Alava).

    https://docplayer.es/docs-images/59/43217302/images/6-0.png

    Il y a donc une tendance lourde qui place sur le Nervion une frontière. Elle est à relativiser évidemment, mais elle a tout de même eu des conséquences, sur la langue parlée et l’orientation historique.

    Et cette langue parlée ? C’est une autre question, complexe, que les dialectologues espagnols ont du mal à résoudre : les parlers des Encartaciones relèvent du domaine castillan, dont la marque la plus nette face aux autres parlers du nord de la péninsule (qui s’etendront au sud par la suite), est la répugnance pour le f. Cela rappelle quelque chose : une langue romane née aux abords du monde basque, chez des populations romanisées. Et elle est attestée pour la première fois ... à Valpuesta, le siège de l’évêché dont dépendaient les Encartaciones.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Cartulaires_de_Valpuesta

  • M. Vincent P.
    L’âge du fer me semble bien tardif pour les premiers Basques quand on sait que bien des noms d’outils basques sont formés à l’aide du mot aitz "pierre" : aizto "couteau", aiztur "ciseaux", aitzur "pioche", etc.
    L’hypothèse que le basque pourrait être un pidgin, un mélange ou une lingua franca est bien sûr intéressante, mais les peuples sont nationalistes (surtout les hommes qui sont assez toxiques hélas, on en voit le résultat avec les guerres) et je doute qu’ils accepteraient cette idée. Ils ont déjà du mal à accepter une origine néolithique agro-pastorale. Ils veulent seulement être les descendants directs de Cro-Magnon !!

    [Adishatz Bantasan ! J’ai déplacé votre gran de sau vers ce nouvel article de Vincent P., puisqu’il semble y répondre. Tederic lo webmèste]

  • On se "coltine" ces mythes du 19ème siècle autour de la racine aitz depuis longtemps, mais, d’une part, toutes les langues sont également anciennes, la question est celle de leur ancienneté dans un lieu géographique donné, d’autre part, l’âge du Fer, c’est quand même 2 millénaires et c’est assez ancien, à mon sens !

  • En effet, aucune langue n’est "plus ancienne qu’une autre", sinon sur un territoire donné.

    Quelques remarques :

    1) Les Indo-Européens ne sont pas originaires des steppes nord-pontiques. L’hypothèse "Kourgane" de Mme Gimbutas a permis de faire un lien assuré entre Srednij-Stog II et le foyer des futurs Indo-Iraniens (vers Afanasievo, etc .) Mais avant, la continuité est très douteuse. On a donc dû se rabattre sur l’idée d’un "foyer secondaire" dans cette région. (J. P. Mallory, « A. Häusler, « Comments on ’The Chronology of Early Kurgan Tradition’ », JIES 5, 1977 ; N. J. A. Merpert, « Comments on ’The Chronology of Early Kurgan Tradition’ », JIES 5, 1977 ; S. Milisauskas, European Prehistory, New York, San-Francisco, Londres, 1978. A. Häusler,« Nomaden, Indogermanen, Invasion. Zur Entstehung eines Mythos », Orientwissenschaftliche Hefte 5, Halle 2002 ; « Invasion aus den nordpontischen Steppen nach Mitteleuropa im Neolithikum und in der Bronzezeit : Realität oder Phantasieprodukt ? » dans Archäologische Informationen 19, 1996. Leo S. Klejn, « Are the Origins of the I-E Languages Explained by the Migrations of the Yamnaya Culture to the West ? », European Journal of Archaeology, 21, 1, 2018.

    2) La fable de la "vague d’avancée massive" de fermiers anatoliens a vécu. Même son principal promoteur, C. Renfrew, a dû le reconnaître. Ce milieu agricole se transformera rapidement en sociétés hiérarchisées : retour de l’élément autochtone, sensible dans la culture énéolithique de Baden.

    3) Les Indo-Européens du -IVe M, qui sont déjà éclatés et dialectalisés, ne sont pas ceux du VIIe M, en gestation. Le tout-génétique, notamment tel qu’on le pratique aux Etats-Unis, écrase le temps et néglige tout ce qui n’est pas statistique.

  • 4) La provenance des premiers IE dans la steppe pontique s’est faite par le nord et le nord-ouest (A. Häusler ; Leo Klein). Il y a lieu de considérer les faciès sud de la TRBK ("Beakers, Entonnoirs") et les "Amphores globulaires".

    5) On ne repère aucune influence linguistique du "groupe du Sud-Est" (Eric Hamp) sur le domaine centre (indo-)européen. Plus on va vers la Baltique-est, plus les traits caractéristiques de cette aire du S-E s’affaiblissent. Quant aux noms de rivières, c’est dans cette aire baltique que leur caractère indo-européen est le plus affirmé.

    6) Les mouvements intrusifs en provenance du S-E vers le N-O furent internes au monde indo-européen, et tardifs. Ils sont typiques de la "société héroïque", qui se met en place.

    7) L’étude de la tradition formulaire, narrative et mythologique (le discours) ne montre aucune rupture de continuité dans les domaines occidentaux (celtes, italiques) et centraux (germanique, slave, balte). Le classement des dialectes de l’IE montre 1) un groupe du Nord formé du germanique, du baltique et du slave ; 2) un groupe occidental, formé du celtique et de l’italique avec des rapports spéciaux avec le germanique ; 4) un groupe du S-E avec le pré-hellénique, le grec, le groupe indo-iranien ; 5) l’anatolien, séparé précocement du tronc commun.

    8) L’arrivé de locuteurs de l’IE sur la façade atlantique obéit au modèle ’elite dominance’. Les études génétiques menées notamment sur le site de Sion/Sitten en Suisse révèlent un processus de conciliation par échanges exogamiques.

    9) L’expansion de peuples IE à partir du IIIe M répond au surplus de population, conséquence de la néolithisation (N. B. : dès le Paléolithique final l’Europe pratique une forme d’élevage lié à la chasse, et une agriculture de cueillette raisonnée.) On doit à cet époque le thème de la "terre affligée et soulagée" étudié notamment par G. Dumézil. C’est la phase d’expansion sous la conduite des Dioscures cavaliers.

    10) Il est très possible que les îles britanniques (Windmill Hill, etc.) aient été PIE vers -6000 (car participant de l’horizon de Maglemose).
    11) Les Européens étaient déjà assez largement intégrés au Mésolithique, depuis 40 000 ans d’installation Sapiens sur ce continent étroit.

    11) Aucun pidgin ne survit, et les situations de déséquilibre qui produisent des "langues mixtes" (Missprache-) signalent précisément la fin d’une société. Le basque est remarquablement solide, comme le latin ou toute autre langue vivante.

    12) L’administration romaine (circonscriptions reprises par les Eglises) a contribué à façonner l’Europe ethno-culturelle. C’est sans doute vrai pour les Basques, ce l’est pour les Bretons armoricains, pour les "provinces" rhénanes et les régions du Danube. Si l’aquitanien avait survécu quelques siècles de plus en Vasconie du Nord, l’Eglise aurait évangélisé en (vieux-)basque, et le "Pays basque" irait peut-être jusqu’à Mont-de-Marsan... L’assimilation s’est faite par les villes, les derniers Aquitaniens de ces régions constituant un milieu rural, pauvre, sans prestige. (Un Ausone vit dans son monde littéraire et "romain" tardif). Pourquoi les Basques pyrénéens ont-ils échappé au déclassement social ? Solidité de liens proto-féodaux précoces, ou claniques, plus solides qu’en plaine ?

  • Je découvre un peu tardivement cette remarquable étude de Vincent (qui mériterait d’être éditée, soit dit en passant) ainsi que les échanges qui l’accompagnent.
    Une petite objection de ma part et une question, qui lui est liée :
     l’objection : les langues ne me paraissent pas d’égale ancienneté, question du lieu mise à part. Tout porte à croire (mais en effet, c’est plus croyance que certitude scientifique) que le basque est fixé depuis longtemps, en apparente continuité avec le proto basque, comme les prakrits indiens seraient chronologiquement en continuité avec des prakrits plus anciens). Le gascon, au contraire, ne peut se targuer de dater de plus d’un millénaire (11 ou 12 siècles, grand maximum, pour faire bon poids). Bien entendu l’ancienneté est à mettre au compte des migrations plus ou moins massives, accompagnées de situation disglossiques, qui auront bouleversé des équilibres linguistiques antérieurs). Etes-vous d’accord ?
     La question : mis à part l’action d’institutions structurantes (administration centrale, Eglise peut-être ...) qu’est-ce qui, à un moment donné, cristallise -pour ne pas dire fige, ce qui serait excessif- une langue dans son évolution ? Ou alors faut-il croire à une évolution naturelle indéfinie et à peu près linéaire, sauf migrations massives ?

  • Adiu Gérard,

    Pour nuancer ton objection, même s’il est compliqué - voire illusoire - de donner une date de naissance à des langues évoluant sur un même territoire, je dirais quand même que le basque et le gascon ne sont pas plus anciens l’un que l’autre car ce sont les évolutions respectives du vasco-aquitain et du latin vulgaire, durant le haut Moyen Âge.

    Bien évidemment, sur notre territoire vasco-aquitain, le protobasque est plus ancien que le latin, langue de conquête, mais on ne peut pas faire démarrer le gascon au Moyen-Âge et dire que le basque est ce qu’il est depuis toujours...

    • Dans leur article sur le protogascon, Chambon et Greub datent les caractéristiques qui distinguent le gascon du latin à partir du VIème siècle, ce qui leur fait dire que le (proto)gascon est une « langue romane autonome » même si on peut dire « que cette langue s’est coordonnée ensuite, sociolinguistiquement et, dans une certaine mesure, linguistiquement, au provençal ».

    • Selon les bascologues (Michelena, Lakarra, Zuazo, etc.), la forte proximité des dialectes basques actuels donne à penser qu’il existait une sorte de basque unifié vers la même période que l’éclosion du protogascon. On a tendance à nommer autrement la langue des écrits basques retrouvées à partir du Xème siècle et la langue plus ancienne dont on a retrouvé les traces antiques : "protobasque", "aquitain", "vasco-aquitain", etc.

    Les points communs de ces deux langues (basque et gascon) :

     on n’a pas vraiment de connaissance ou de trace écrite entre l’Antiquité et le millénaire suivant. On sait que la période suivant la chute de l’Empire Romain est politiquement troublée et assez mystérieuse.

     le gascon et le basque sont les produits d’influences mutuelles, mais non symétriques car les langues n’avaient pas la même fonction sociale. Le gascon a subi les effets d’un substrat ou adstrat donnant des caractérisques phonologiques - et plus modestement lexicales - d’autant plus marquées que l’on s’approche des Pyrénées (qui sont le lieu d’une plus grande fréquence de toponymes bascoïdes). Ce sont les fameux isoglosses concentriques ... ou degrés de gasconité. Le basque, de son côté, ne ressemble probablement plus trop au vasco-aquitain du fait de son évolution naturelle, mais aussi à cause de son contact millénaire avec les autres langues romanes, en particulier le gascon. Son lexique s’est enrichi de mots romans, la conjugaison utilise d’avantage des auxiliaires comme les passés composés des langues romanes. Certaines déclinaisons de sont répondues telles que -a : etxe-a = la maison, cette innovation est donnée postérieure à l’Antiquité, peut être pour coller davantage à la distinction déterminé/ indéterminé des langues romanes (?).

  • Bien sûr, des langues peuvent naître, soit par dialectalisation (pour diverses raisons sociales et ethniques). Le gascon s’est constitué sur un substrat aquitanien dont l’effet est mesurable (prosthèse ; f > h, etc.) alors que le basque existait déjà, et celui-ci est issu d’un état de langue qui, à partir d’un certain terminus, représente autre chose que l’"aquitanien", et que nous ne pouvons saisir. Même chose pour l’indo-européen : des vestiges de constructions plus anciennes, y apparaissent comme des résidus par rapport à la langue moyenne restituée par la comparaison et la reconstruction interne. Cet "avant" ne peut être saisi.

    Sur le très long terme, les langues attestées perpétuent, mais en les renouvelant, les oppositions fondamentales de la morphologie : par exemple dans la conjugaison romane, par l’intermédiaire du latin, la distinction du -s du singulier, du -nt du pluriel. De ce point de vue, le latin n’est que de l’indo-européen transformé (mais de façon cohérente, non aléatoire).
    On en dit autant de la religion : une divinité comme Fides Bonne-Foi se comprend immédiatement dans le cadre civique, mais Mater Matuta la "Mère du matin" est un archaïsme qui vient de la couche la plus archaïque des croyances. Sans périodisation (comme pour l’histoire d’une langue), on n’explique pas la constitution d’une tradition religieuse et d’une tradition narrative.

  • Il est dans la vie des langues des périodes de stabilité et d’autres de renouvellement rapide. Les langues romanes sont issues de l’usure du latin classique, qui n’était déjà plus celui de la Rome du IIe siècle, sinon dans les écoles : fin de la déclinaison par usure des finales, d’où usage intensif des prépositions et fixation d’un ordre des mots dans la phrase ; valorisation spontanée de la forme accusative parce que la plus fréquente ; création de temps composés à auxiliaires, etc.
    La stabilité politique et territoriale conserve en principe une langue, mais ce sont les institutions qui font la différence par-delà le foisonnement inévitable des parlers.

    Les hautes cultures de tradition orale se révèlent particulièrement résistantes dans ce cas. Ainsi nombre de textes indiens et iraniens ont-ils été préservés par la récitation, dans le cadre immuable et contraignant de la métrique, alors même que certains passages étaient devenus incompréhensibles.
    Mais que vienne à manquer le milieu des conteurs, des poètes de cour, des ambassadeurs qui utilisent une koiné, alors la langue se réduit à de petites communautés séparées.

    L’imprimerie a contribué à unifier des dialectes (les parlers de la Teutonia), à en marginaliser d’autres. Si le sentiment d’appartenance ethnique, la fierté et les préjugés fondateurs qui l’accompagnent, défaillent, rien ne peut plus être fait. Quand une logique d’éradication prévaut (cas de la France), on aboutit au linguicide consenti.

  • [Je ne sais pas pourquoi tout est sorti en italiques.] [résolu ! Tederic lo webmèste]

    L’évolution des langues est un phénomène universel : (hors destruction du groupe ou assimilation) toute structure usée est remplacée à partir des ressources existantes ; de nouveaux besoins nécessitent des mots nouveaux ; l’usure phonétique sévit, etc.
    Pour le cas des langues actuelles, certaines ont connu des périodes de relative fixité. Pour le français, le massacre de la langue sous les coups du français standard, avec son immense cohorte de calques du grec et du latin, est un exemple extrême.
    (Nous sommes les témoins de l’ultime dégradation des langues et parlers. Air connu.)

    Le lexique vieux-celtique est important en gascon, comme dans les parlers d’oc et d’oïl. Or, le celtique n’a pas plus survécu en Gascogne qu’en Poitou. ce qui pourrait laisser croire qu’il y eut une volonté administrative de romaniser la société provinciale (c’est le point de vue de l’archéologue Fabien Régnier). Si l’on considère l’indifférence d’un Ausone à la situation linguistique de son Aquitaine ; l’exemple de la Gaule, où la nouvelle bourgeoisie se voulait aussi romaine que les Romains ; et compte tenu du caractère cosmopolite des villes dans lesquelles la lingue franca était le bas-latin, on peut admettre que l’aquitanien ne tenait qu’une place effacée dans la vie courante, et n’avait pas place chez les décideurs. L’aquitanien survécut cependant dans les cultes locaux (des inscriptions en attestent) et cela le fit ranger par les évangélisateurs comme un vestige à recouvrir, associé à des cultes condamnés. Mais par partout. Pas dans le milieu résistant des montagnes et des piémonts, qui fut acquis à la civilisation romaine, puis à sa nouvelle religion officielle, dans sa langue, au prix de l’introduction d’une foule de mots (et de notions, il ne s’agit pas seulement de "mots") latins.
    Je crois qu’une partie de l’explication se trouverait dans l’histoire de la première Eglise de ces régions. Il faut aussi que soit apparue une forme d’organisation nouvelle (ou renouvelée), assez large, fondée sur des relations étroites entre les lignages locaux, et linguistiquement conservatrice d’homogénéité. Une sorte de pré-féodalité. Que nous indiquent à ce sujet les noms des paroisses primitives ?
    Peut-être aussi la faiblesse numérique des Aquitaniens de Gascogne n’a-t-elle pas permis leur survie. La fin de la Gaule celtique ne s’est pas traduite par un regain d’"aquitanité". Tout est tombé en même temps.
    Il est quand même étrange que les traits aquitaniens les plus fréquents (f > h ; prosthèse, //b// gascon (regrettablement écrit v à l’initiale alors que c’est un métaphonème, soit dit en passant) etc.) soient si bien marqués dans des régions de faible gradient de gasconnité même, alors que les traces lexicales ne sont pas si nombreuses que cela.

  • Il serait très intéressant d’appréhender l’état des rapports entre (vieux-)celtique d’Aquitaine et "aquitanien" et de savoir si la langue aquitaine a pu influencer cette forme d’indo-européen du N-O apportée par les ’Campaniformes’, langue qui a évolué sur place vers le celtique. Malheureusement nous ne connaissons pas les parlers celtiques d’Aquitaine. Il y a bien des années, Michel Lejeune a identifié un "aquitanisme" dans la diphtongue -oi- pour -ou- (toita pour gaulois touta). Mais on ne peut en dire plus.

    Les noms de certains peuples d’Aquitaine sont celtiques, et la répartition des toponymes chargés de signification religieuse (type *Mediolanum, étudiée par le Pr Yve Vadé, de Bordeaux) montre un établissement réfléchi
    https://books.google.fr/books/about/Le_syst%C3%A8me_des_Mediolanum_en_Gaule.html?id=zfwztwAACAAJ&hl=en&output=html_text&redir_esc=y

    Toutefois, cela ne signifie pas une faiblesse de l’élément aquitain, laissant plutôt supposer une très longue coexistence entre deux modes de vie.

    L’ibère n’a pas survécu, ni le celtibère, ni le lusitanien. Le basque si, peut-être sauvé par son usage par l’Eglise (in extremis ?).

  • Bonjour
    Concernant la survivance de la langue basque durant les temps modernes, je pense qu’il y a deux faits à considérer.

    Le plus important, il y a eu continuité des institutions au sein de chaque province. Ces institutions pouvant être de différents types : allant des assemblées provinciales, aux règles d’héritage, en passant par les peines endurées.

    Ensuite, il y a le vécu des locuteurs. Comme me le disait un élu bayonnais - gascon - dans les années 80 : ""nous pensions que pour s’intégrer à la république il fallait abandonner notre "patois", alors que les basques l’on réussi en gardant leur langue "".

    Pour les périodes précédentes, il y a dû y avoir ce même genre de phénomènes. Une des preuves de la permanence des institutions est la collecte à la fin du moyen âge des fors, c’est à dire la traduction et l’écriture en langue romane des règles, "lois" et coutumes existantes dans chacune des provinces, y compris en dehors des Pays-Basques d’ailleurs.

    Enfin, il faut se rappeler que, sauf famine pu guerre, les mouvements de populations ont toujours été très faibles jusqu’il y a peu : on se déplaçait vers les villages ou bourgs voisins et la barrière de la langue était réelle. Vers 1930 encore, on envoyait de jeunes basques de basse Navarre apprendre le gascon dans des fermes de Sauveterre ou au-delà, simplement pour pouvoir commercer.


Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs