Béarnais, gascon : le ciel semble se dégager Jean Lafitte [Forum Yahoo GVasconha-doman 2013-02-08 n° 10748]

- Jean Lafitte

Bonjour les amis,

Je suis sans bruit les échanges riches et courtois de ces derniers jours et je m'en réjouis.

Côté "béarnistes" radicaux, le ciel semble s'éclaircir.
Vous vous souvenez sans doute du message de Gerard Saint-Gaudens du 16 décembre dernier que je rappelle ici :
Gascon et béarnais : deux langues différentes ? Gerard Saint-Gaudens

« Gascon et béarnais : deux langues différentes ?

On peut à la rigueur imaginer que des historiens passionnés par le Béarn puissent signer le manifeste dont "Biarn toustems" donne l’écho (cf "nouveautés sur le web") mais que des linguistes ou supposés tels puissent écrire que gascon et béarnais doivent être inscrits séparément au nombre des langues de France est totalement aberrant ; son vaduts pècs o qué ? ».

Mais il y a du nouveau dont j’ai aussitôt fait part aux députés, conseillers généraux et quelques maires qui avaient signé le "Manifeste pour la reconnaissance du béarnais et du gascon" :

« Il s’avère en effet que ce « Manifeste » est à la fois mal rédigé et mal orienté :

– mal rédigé, car son titre et encore plus sa formule finale tendent à faire reconnaitre « séparément le béarnais et le gascon dans la liste des langues de France… », ce qui laisse entendre qu’il s’agit de deux langues différentes ; c’est linguistiquement insoutenable et le Pr. André Joly, linguiste connu, se prononçant en tant que « responsable du Conseil scientifique » de cet Institut, vient de déclarer dans un texte largement diffusé hier au sein de l’Institut :
« nul n’ignore, sûrement pas moi, […] que le béarnais est une variété de gascon. Cela se sait depuis des dizaines de lustres et je suis étonné qu’on puisse encore en débattre ».
– mal orienté, car sous le régime de l’article 75-1 inséré en juillet 2008 au titre XII "Collectivités territoriales" de la Constitution, toutes ces collectivités — et pas seulement les régions, car aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre, art. 72, al. 5 — ont le pouvoir de reconnaitre les langues patrimoniales de leur territoire, alors que l’Etat se trouve dessaisi de ce pouvoir et qu’aucune disposition de l’article 34 ne place ces langues dans le domaine de la loi, hormis sous l’angle de l’Education.
Mis à part les Députés, qui peuvent toutefois faire des déclarations et orienter les élus des collectivités territoriales, vous n’avez donc pas à "pétitionner" ni "manifester" pour des mesures en votre pouvoir !
Proposez donc à votre assemblée délibérante (et invitez les maires des communes voisines à faire de même) une délibération du genre :

« Vu l’article 75-1 de la Constitution » « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » « La langue patrimoniale du territoire de la ville de Navarrenx est le béarnais. »
ou encore
« Les langues patrimoniales du territoire de la ville de Bayonne sont le gascon et le basque »

[N.B. Tous les écrits communaux des archives de la ville sont en latin ou en gascon, le basque ne s’étant écrit que très tardivement et se cantonnant dans les campagnes rurales (Cf. Ricardo Cierbide)] »

Bien orchestrée dans la presse, la publicité d’une telle délibération ferait certainement plus de bruit que n’importe quelle pétition ! »

Certes, M. Joly vient d’écrire aux mêmes destinataires en affirmant la bonne rédaction de son texte que je n’ai pas su lire, mais que ces personnages politiques ont certainement bien compris.
Je ne polémiquerai pas avec l’éminent linguiste, me contentant d’observer que tous ceux d’entre vous qui ont participé au débat suivant le message de Gérard Saint-Gaudens ont lu comme moi et plus encore M. Pierre Bidau dans le billet qu’a publié — et donc approuvé — l’Institut béarnais et gascon dans sa Lettre n° 33 parue fin Janvier :

« Manifeste de l’Institut pour la reconnaissance du béarnais et du gascon

L’Institut Béarnais et Gascon a décidé de publier ci-dessous la liste des élus signataires à ce jour : […] Ce manifeste, signé par une vingtaine d’universitaires […] demande instamment que le BEARNAIS et le GASCON soient enfin reconnus comme langueS de France […]. »

[Ici, le S majuscule est de moi, faute d’autre moyen pour tirer l’œil du "listaire"]

« Pierre Bidau - Coordinateur signatures Elus - Vice président de l’IBG »

Linguistiquement, donc, le Pr. met fin au cafouillage. Je l’en ai remercié publiquement.

Plân couraumén atouts,

J.L.

P.-S.


Gascon et béarnais : deux langues différentes ? Gerard Saint-Gaudens

Note du webmestre en mars 2023 lors d’une mise à jour consécutive à la disparition de Jean Lafitte :
Le message de Gerard Saint-Gaudens du 16 décembre évoqué plus haut doit être celui-ci ! ; il est bref mais a donné lieu à un fil de discussion...

Grans de sau

  • Ce message de Jean Lafitte à Gasconha-doman en 2013 est intéressant à plus d’un titre. Il montre ses positionnements théoriques et tactiques originaux, et aussi sa combativité et son art de polémiquer sur un ton "courtois"...
    Ce qui attire mon attention ici, c’est la proposition qu’il fait aux élus du Béarn (et aussi à ceux de Bayonne par exemple - on pourrait étendre à toute la Gascogne) d’utiliser finement une compétence qui vient, semble-t-il, de leur être accordée, en prenant des délibérations affirmant que le béarnais (ou le gascon) est la langue patrimoniale de leur collectivité, et bien sûr en médiatisant ces délibérations...
    Je ne sais pas si ce conseil a été suivi... c’était il y a 10 ans, et il n’est peut-être pas trop tard...

    Et avons-nous suffisamment exploité le concept de langue patrimoniale ? est-il d’ailleurs mentionné comme tel dans nos textes constitutionnels ?
    Il convient bien, selon moi, à une langue qui, certes, n’est plus guère parlée dans la vie courante, mais que nous voulons encore présente dans notre environnement, par exemple dans nos noms de lieux et dans la signalétique publique...

  • La proposition de feu Jan Lafitte venait sans doute après l’adoption de l’article 75.1 de la Constitution, contrepoint à l’affirmation du « français,langue de la République ». Cet article introduisait bien la notion de « patrimoine de la France » mais l’absence d’une loi d’application a empêché et en tous cas retardé pour longtemps toute concrétisation en ce sens. Et la loi Molac (qu’en reste-t-il en fait après ses mises en cause constitutionnelles ?) n’a rien dit en ce sens.
    Voir en lien ci-dessous une intéressante (mais longue) étude de ce problème juridique dont j’ai extrait le passage le plus significatif :
    https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2011-1-page-69.htm

    « L’inscription d’un nouvel article 75-1 dans la Constitution [12][12]Voir par ex., F. Benoît-Rohmer, « Les langues officieuses de la…, selon lequel « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », constitutionnalise pour la première fois les langues régionales. À sa suite, un projet de loi devrait prochainement être examiné par le Parlement afin de fournir un cadre législatif cohérent à leurs locuteurs [13][13]Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de… dont il faudra bien situer juridiquement la position. Cette promotion pose incontestablement le problème du statut constitutionnel des langues régionales et de leurs utilisateurs, à supposer que le juge constitutionnel juge utile d’en dessiner les contours, par-delà les statuts législatifs et réglementaires connus du droit positif. »


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