Et rebelote sur les graphies ! lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2008-08-03 n° 9040]

- Jean Lafitte

Bonjour à tous,

À partir des difficultés de Philadelphe de Gerde pour écrire le gascon
en graphie occitane de Perbosc, notre ami Daniel Séré revient sur les
mérites de la graphie classique.

D'abord, sur Philadelphe, je dois avoir quelque part une photocopie
d'une page rapportant ses propos ; il s'agissait notamment d'une graphie
Perbosc du genre « agradar-s » que Philadelphe jugeait incompatible avec
sa rime « Bigordas » ; depuis Alibert, il y a un mieux avec « agradà's »,
mais c'est « Bigordans » qui ne va plus !

Et Daniel d'évoquer l'aranais : « La graphie classique adaptée à
l'aranais, gascon à peine moins extrême [que celui de Philadelphe], ne
semble pas être un obstacle majeur à l'enseignement de cette langue.
Mais d'aucuns me diront que le fait que le Val d'Aran se trouve en
Espagne facilite les choses... ».

ì mon avis, il y a là deux facteurs, mais certainement pas le fait que
le Val d'Aran soit en Espagne.
1° Le fait qu'il y avait vers 1984 (dixit Alain Viaut, qui a bien étudié
la chose) quelque 79 % des 6000 Aranais qui comprenaient parlaient leur
gascon local. Comme pour le français dont la graphie est souvent plus
complexe que l'occitane, un tel environnement permet de surmonter les
difficultés, sinon d'écriture, du moins de lecture, car les mots d'usage
courant sont dans l'oreille avant d'être sur le papier. On est loin du
compte pour le gascon dans nos villes et même nos villages !
2° les Aranais ont INTELLIGEMMENT changé les règles de la graphie
occitane du gascon qui les gênaient. Par ex., /linçò/ et non /linçòu/,
/es hemnes/ et non /eras hemnas/, /es òmis/ et non /eths òmis/ etc. Et
ils écrivent sur un /caièr/ et non un /quadèrn/ etc.
Or ces règles particulières ne concernent que quelque 6 000 habitants.
Pour s'en tirer comme les Aranais, il nous faudrait donc avoir aussi des
règles classiques particulières pour la Vallée d'Aure, d'autres pour le
Vic-Bilh, pour la Gascogne maritime (aire du gascon noir), pour le
Médoc, le Bazadais etc.
Et l'on retombe dans ce que les "classiques" reprochent aux modernes, la
multiplicité des formes à travers le domaine.

L'adaptation de la graphie à l'environnement linguistique et culturel
est donc essentiel pour faciliter l'apprentissage. C'est exactement ce
que stipule l'Arrêté ministériel de l’Éducation nationale du 15 avril
1988, Annexe I, § Langue d’oc :
« En ce qui concerne les graphies, on s’efforcera d’adopter des
attitudes ouvertes. Pour amener les élèves à une pratique parlée et
écrite de la langue dans sa *variété locale,* l’enseignant sera
évidemment conduit à privilégier une base graphique qu’il déterminera
librement *en fonction de l’efficacité pédagogique et de l’environnement
littéraire et culturel.* L’exploration de la littérature lui offrira de
nombreuses occasions d’introduire dans son enseignement des éléments
d’information sur les autres systèmes d’orthographe, passés et actuels.
Les oeuvres et les documents seront en effet présentés et étudiés en
respectant strictement leur graphie d’origine,[...]  »

Mais j’ai eu tout récemment la surprise de rencontrer un « professeur
certifié d’occitan  » (aujourd’hui à la retraite si j’ai bien compris)
qui affirmait péremptoirement en public que la graphie occitane est
officielle à l’Éducation nationale et que les maitres ne peuvent en
utiliser une autre. Sans doute n’a-t-il pas jamais entendu parler de cet
Arrêté... Est-ce cela la compétence professionnelle ?

Donc, pour revenir à la graphie classique : en soi, pour quelqu’un qui a
une bonne connaissance d’un parler, ou qui, apprenant un parler gascon,
est entouré de personnes qui en usent bien et couramment, je suis tout à
fait d’accord qu’elle tient globalement la route (mais il faut apprendre
par coeur que dans « E voletz drin de vin ?  », le -n est muet "vin" et
s’entend dans "drin", etc. )

Mais tout en admettant les deux graphies, Daniel écrit « j’aurais un
faible pour la graphie classique à laquelle je trouve des vertus
esthétiques et là, si j’ai bonne mémoire, je crois bien que Vincent
Poudampa ne me désavouerait pas.  »

Pour l’"esthétique", après tous les spécialistes des questions
d’orthographe dans toutes sortes de langues, je considère qu’il s’agit
d’une appréciation purement subjective, liée notamment à l’habitude
qu’on en a, et qu’invoquer cet argument non mesurable, c’est s’engager
dans des guerres de religion tout à fait vaines.
Je rappelle quand même que l’époque classique a baptisé "gothique", donc
"barbare" le style ogival, que les romantiques portèrent aux nues.
Alavéts...

En tout cas, pour l’enseignement, ayant pratiqué la classique pendant 14
ans et la moderne depuis 5 ans seulement (en laissant l’option aux
"élèves" et en mentionnant presque toujours les deux quand j’écris au
tableau), je puis assurer que c’est la nuit et le jour pour obtenir très
rapidement une lecture correcte. Et le temps gagné là peut être consacré
à la langue elle-même.
Quant au bagage général de mes "élèves", il est plutôt nettement
au-dessus du commun !

Et cette expérience d’enseignement, je ne crois pas qu’il y en ait
beaucoup à l’avoir, car je crains que le professeur mentionné plus haut
ne soit pas une exception dans sa corporation. Aussi bien rares doivent
être les enseignants "officiels" (et rétribués) qui aient un jour
enseigné la graphie moderne et pu comparer objectivement leurs vertus
pédagogiques.

Enfin je suis aussi d’accord avec Guilhem et Daniel : « Peu importe,
après tout, que le gascon soit écrit en graphie classique ou en graphie
moderne, pourvu que cela soit sous son vrai nom.  »

Hèt beroy,

J.L.

Grans de sau

  • J.Laffite a écrit :

    <<2° les Aranais ont INTELLIGEMMENT changé les règles de la graphie

    occitane du gascon qui les gênaient. Par ex., /linçò/ et non /linçòu/,

    /es hemnes/ et non /eras hemnas/, /es òmis/ et non /eths òmis/ etc. Et

    ils écrivent sur un /caièr/ et non un /quadèrn/ etc.

    Or ces règles particulières ne concernent que quelque 6 000 habitants.

    Pour s'en tirer comme les Aranais, il nous faudrait donc avoir aussi des

    règles classiques particulières pour la Vallée d'Aure, d'autres pour le

    Vic-Bilh, pour la Gascogne maritime (aire du gascon noir), pour le

    Médoc, le Bazadais etc.

    Et l'on retombe dans ce que les "classiques" reprochent aux modernes, la

    multiplicité des formes à travers le domaine.>>


    Je pense que ce passage est fautif dans son raisonnement et sa conclusion puisque les parlers aranais connaissent eux aussi tout un tas de variantes locales (ainsi certains encroit du bas Aran ne prononcent pas le h aspiré - ex : er haro => pron : [er'aru] et pourtant tous les Aranais apprennent désormais à l'écrire avec ce h) aussi bien phonétiques que syntaxiques( le "que" énonciatif). Une "norme" pour l'occitan gascon aranais a donc dû être trouvée pour l'enseignement et la langue administrative. En outre l'aranais écrit moderne ne fait qu'appliquer les règles de la graphie alibertine dite "classique" qui est bien plus souple que
    l'on veut bien nous le faire croire au XXIe siècle : à savoir que chaque variante locale d'un mot doit pouvoir être entendue et donc lue. Le choix de graphier le v intervocalique "u" ou "v" est à la discrétion de chaque locuteur : les Aranais ont choisi "u" => se laver = lauà-s.
    Le "e" du pluriel féminin s'entend : c'est un "é" atone fermé.
    Pour ma part j'ai choisi d'adopter cette façon d'écrire mon parler luchonnais. En outre j'y ai substitué le "(i)sh" hideux pour le son [S] rendu "ch" en français par "(i)x".
    Voilà, en vrac et rapidement quelques réflexions que méritaient le paragraphe cité.

    B°S.-Aau

  • Juste deux petites corrections :
    Les aranais écrivent es òmes e non pas es òmis (petit béarnesisme :))
    et ils écrivent bien quadèrn. Bon, d'habitude ce serait plutôt à Jan
    Lafitte de me corriger, alors je saute sur l'occasion :D
    Coraument,
    G


Un gran de sau ?

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