"lingüistica" ou "lengüistica" ? lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2008-01-03 n° 8544]

- Jean Lafitte

Adixat a touts,

J'ai répondu par ailleurs à Cédric sur la question des attestations
médévales de "occitan". Ici, je voudrais répondre à sa réflexion liminaire :

« devant le peu de pertinence des linguistes occitans, j'emploie Lenguistica
e non linguistica (face a une certaine illogique de prétendus linguistes, et
bien que peu cartesien j'essaye de suivre une certaine logique). »

L'âge aidant, je me suis rendu compte que nous trouvons souvent illogiques
les gens dont en réalité nous ne comprenons pas la logique ; et que,
progressant dans la connaissance de leur point de vue, on finit souvent par
reconnaitre qu'ils sont logiques.

Tout récemment, j'ai assisté à un "séminaire" sur la "motivation graphique",
terme savant pour désigner une réflexion sur les raisons qui poussent à
écrire d'une façon et non d'une autre.

C'est ainsi que l'orthographe anti-étymologique des anciens "sçavoir" pour
un mot qui ne vient pas de "scire" mais de "sapere" n'était pas due à
l'ignorance (ceux qui écrivaient avaient appris à lire dans le latin et
connaissaient cette langue bien mieux que la plupart d'entre nous), mais au
désir d'inscrire le mot dans la série sémantique de "science, sciemment,
conscience" etc.. D'autres cas tenaient au désir d'aligner les rimes sur une
même orthographe.

Peu importe la suite, ce qui nous retient ici est la question suivante :
faut-il écrire et dire "lingüistica" comme dérivé du latin "lingua" ou
"lengüistica", comme dérivé de l'occitan "lenga" ?

(Remarquez que je note le tréma sur le u, suivant la prononciaiton et
l'usage les plus généraux, et l'écarte de la réflexion de ce jour).

Les "linguistes" occitans optent pour la première forme, car le mot est de
formation savante et n'a jamais été dérivé de la forme populaire "lenga".
C'est parfaitement logique, tout comme l'on écrit "pròva" (preuve), qui est
l'aboutissement populaire de "proba" latin, mais "probable", qui est
l'adaptation savante du latin "probabilis". Et la prononciation exige cette
différence de graphie, car toutes les régions d'oc qui prononcent le [v]
opposent les deux mots.

Mais il est des mots d'origine savante qui sont devenus d'usage tellement
"populaire" que leur phonétique s'est "popularisée".

Par exemple, infirme vient du latin "infirmus" ; mais depuis si longtemps que
l'espagnol dit et écrit "enfermo" ; dans son poème qui fut primé aux Jeux
floraux, Fébus (mort en 1391) écrit : « Qu¹ieu soy fugitz tan que mon cors
s¹enfirma ». Le livre de morale "Discipline de clergie" (Sud de l'actuelle
Gironde, vers 1400) on lit : (quand un membre s'infecte « conben que li sie
couppat affin que no pergue los autres per la infirmetat d-aquet ».

Alors, doit-on dire et ecrire "infirm(i)èr" ou "enfirm(i)èr" ?

Palay a constaté un grand flottement dans la langue et ne s'est pas prononcé
(les <> encadrent les italiques de Palay ; "ë" remplace le "e avec point
inférieur) :

« Dans les syllabes protoniques, on trouve de nombreux cas de permutation
entre <i> et <e> ; ils sont dus à des causes très diverses (dissimilation,
nature plus ou moins savante ou plus ou moins populaire de l'origine et de
la forme du mot, etc.), seul l'usage fixe ces permutations ; on dit <enjùstë>
et <injùstë, imperiàu> et <emperiàu, deficile> et <dificultàt>, etc. Si un
mot qui, en latin, est précédé de la particule privative ou commence par
<im, in>, ne se trouvait pas à la lettre i, on le chercherait à la lettre
<e>. »

La tendance occitaniste est de généraliser le i, étymologique. Mais c'est
changer la langue, contre son évolution naturelle.
Par exemple, l'Incaration (de Jésus-Christ), point de départ de notre ère,
est notée "Encarnation / -cion" dans les textes bayonnais du XIVe s.
On lit "deben enterrogar cascun..." dans la coutume de St-Sever (1380, copie
1480) ; "enteresse" dans un acte de Barège de 1419 etc.

Il faut donc être très prudent dans la réécriture savante en "in" de formes
que l'on prononce aujourd'hui en "en".

Si donc la critique de "lingüista" de M. Cédric me parait peu justifiée, il
a du moins senti qu'on ne peut pas faire n'importe quoi dans ce domaine.

Qu'il en soit remercié.

Hèt beroy.

J.L.

Un gran de sau ?

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