Benauge Anneau gascon Entre-deux-Mers

Saint-Macaire / Sent Macari

- Tederic Merger


 

Rue Louis Blanc / Chemin de "Mauhargat" / Camin de Mauhargat

en graphie alibertine :

Mauhargat
Prononcer "Maouhargat". Mau hargat : mal forgé A rapprocher de lieu-dits en (...)

Mauhargat est un quartier de Saint Macaire.
Pourquoi ces guillemets autour de Mauhargat, sur la plaque de rue, comme si c’était un gros mot ?
Mais cet usage est général dans ces plaques sous-titrées de Saint-Macaire : par exemple, le cours du 30 juillet est aussi sous-titré "Belle Croix" avec les guillemets ; et on ne peut suspecter un manque de respect pour "Belle Croix", alors pourquoi ?
Il y a comme une diglossie dans cette présentation des noms de rue qui fait souvent apparaitre la version gasconne - ou tout simplement le nom d’origine - en mode mineur, subalterne, alors que le beau rôle revient aux noms officiels, français, sans couleur locale, sans saveur, parfois désuets ("L’Amiral Courbet" pour la rue Rendesse, "Carnot" pour la rue des Bancs Carnasseys... je permute les guillemets !).

Rue Louis Blanc / Chemin de Mauhargat
Rue Louis Blanc / Chemin de Mauhargat

 

Grans de sau

  • Je pense que si c’est écrit en petit, c’est avant tout parce que ce sont les noms médiévaux. Cela dit, je doute que ’’rue Rendesse’’ soit jamais sorti de l’usage.

  • Ce nom Mauhargat est repris par une association d’artistes et d’artisans : le Collectif Simone et les Mauhargats qui a une boutique et une galerie.

  • Il faut être un peu « couillon » pour juger sans se renseigner. Je suis coresponsable de ce « forfait »commis contre la culture gasconne.
    Notre premier objectif visait à faire connaître les anciens noms de rues , qui ne pouvaient apparaître qu’au second plan puisque seules les dénominations récentes sont reconnues pour l’adressage postal , foncier et autres.
    Les guillemets n’ont été utilisés que pour repérer les termes n’appartenant pas au français.
    D’autre part, Macarien de naissance, j’ai pu constater que la terminologie « Rendesse » avait disparu au profit de « Port », puisque le quartier a accueilli le deuxième port à partir de 1658.
    Enfin , le collectif « Simonnet les Mauhargats » devait s’intituler à l’origine « En voiture Simonne » : nous leur avons suggérer d’utiliser Mauhargat par auto-dérision.
    Pour rappel, très peu de communes girondines avaient pris l’initiative de réveiller les fondements gascons de la toponymie dans les années 80 et nous en sommes fiers.
    A bons entendeurs, salut !

  • Je rajoute que Louis Blanc, acteur célèbre de la Révolution de 1848 et promoteur des « ateliers sociaux « , a été choisi par les ouvriers tonneliers qui ont développé un primo-socialisme dans notre commune à partir de 1850 : la mémoire est construite à partir de couches successives, le tout est d’en révéler l’épaisseur...

    • Bonjour M. Billa,
      Quand les ouvriers tonneliers ont - merci de nous l’apprendre - choisi de nommer "rue Louis Blanc" ce chemin de Mauhargat, le gascon devait être encore la langue usuelle du peuple de Saint Macaire ; pour eux, c’était surement "le patois", et ils avaient déjà, sans doute, intériorisé que le patois était inférieur à la langue française, et qu’il ne méritait pas d’être protégé.
      Nous, les promoteurs d’une nouvelle Gascogne, qui arrivons 150 ans plus tard alors que le gascon a été effacé, découvrons avec émotion, grâce à la signalisation dont vous avez eu l’idée, ce nom Mauhargat, qui pour eux était banal, et en plus devait signifier quelque chose comme mau bastit / mal bâti, ce qui n’est pas tout-à-fait poétique ; pour nous, c’est une trace délicieuse de la Gascogne ancestrale ; hargat (forgé) a même l’emblématique h gascon qui remplace le f latin !

      Je pense toujours que l’usage systématique des guillemets pour rappeler les dénominations gasconnes anciennes sur les panneaux de rue n’était pas approprié, parce qu’il peut signifier une distance excessive par rapport à elles, la volonté de souligner qu’elles sont obsolètes... alors que nous, nous rêvons de les remettre dans la vie courante !

      Noms de rue à Saint Macaire

  • Si vous êtes toujours par là M. Billa, il y a un truc qui m’intrigue. Je me souviens d’une plaque en gascon qui existait quand j’étais enfant/ado , sous l’emban du prieuré. Je me demande qui l’avait rédigée et ce qu’elle est devenue. Je doute qu’elle ait été écrite en gascon macarien , en tout cas.

  • De plus le cours du 30 juillet rappelle les « Trois Glorieuses « et la Révolution de 1830 , revendiquée aussi par les ouvriers tonneliers ( Belle Croix n’aurait pas due être encadrée de guillemets, c’est une erreur du fabricant).
    Pour Gaby, nous avions mis en place une plaque bilingue dans la galerie du cloître, destinée à présenter le plan du Prieuré avant amputation et de le commenter aussi en gascon , une première expérience de signalétique de notre patrimoine. L’initiative a reçu de nombreuses critiques : « les touristes se foutent complètement du gascon ».
    Et puis, la plaque a été vandalisée puisque la colonnade est devenue le lieu de rdv des ados, parfois agités mais c’est une forme d’appropriation du lieu.
    Donc, nous n’avons pas poursuivi la démarche , espérant de jours meilleurs que nous n’avons pas perçus...

  • Vous êtes trop dans la certitude de l’ethnocide : les ouvriers n’étaient pas à priori honteux d’être gascons puisqu’ils ont connu le prolixe Élie Boirac dont l’œuvre a été brillamment étudiée par David Escarpit. Nous avons apposé une plaque commémorative sur sa maison natale en 1984.
    Simplement, ils voulaient manifester leur adhésion aux nouvelles idées per le choix d’un évènement et d’un acteur fondateurs.
    Si j’osais , je vous conseille de lire "La fin des terroirs" d’Eugen Weber qui expliciter les mutations culturelles du 19e.
    Adichats ! (sans guillemets)

  •  La définition de l’ethnocide (Wikipédia) :

    L’ethnocide est la destruction de l’identité culturelle d’un groupe ethnique, sans nécessairement détruire physiquement ce groupe (génocide) et sans forcément user de violence physique contre lui (persécution, déportation, enlèvement des enfants). Un ethnocide peut être la conséquence d’un changement économique ou social progressif ou d’une politique d’État, en cela ce terme peut concerner un grand nombre d’exemples (...)

    La Gascogne, donc Saint Macaire, n’ont pas connu persécution, déportation, enlèvement des enfants !-)

    Connaissez-vous Elie Boirac ? David Escarpit

    Poésies de Boirac Poèmes inédits en français & en gascon de St-Macaire

     Je ne pense pas que les ouvriers de Saint Macaire avaient honte d’être gascons au 19e siècle ; je ne sais pas s’ils identifiaient leur "patois" comme gascon.
    Ils pouvaient avoir honte de ne pas (bien) parler "la léngue dous moussus" (le français).

     J’ai bien lu "La fin des terroirs" d’Eugen Weber, il y a une douzaine d’années, et je le recommande comme vous.
    Je pense qu’il a sédimenté en moi, même si je ne me rappelle plus précisément ses enseignements.
    Oui, rebaptiser "rue Louis Blanc" un chemin de Mauhargat me parait bien un symptôme de cette "fin des terroirs" dans le courant du 19e siècle.
    L’histoire a des mouvements de balancier, et les terroirs peuvent retrouver de la pertinence.

  • « Lous Moussus » ( tiens, des guillemets )
    c’est à dire les patrons tonneliers, parlaient le gascon qui a vraiment fléchi au moment de la mise en œuvre de l’obligation scolaire.
    Je suis de ceux qui pensent que la culture gasconne persiste dans notre configuration mentale et les contacts avec d’autres cultures le prouvent chaque fois.
    D’autre part, la montée du socialisme a transcendé les terroirs puisque l’emploi industriel se nourrissait du déracinement des populations mais il existe de beaux contre exemples comme le noyau anarchiste des carriers de Carrare en Toscane.
    A titre personnel ,je me revendique comme gascon et je ne suis pas un locuteur : ai-je bien le droit ?

    • Je suis de ceux qui pensent que la culture gasconne persiste dans notre configuration mentale et les contacts avec d’autres cultures le prouvent chaque fois.

      Une sorte d’esprit gascon (pourriez-vous préciser ?)...
      Je n’y crois pas trop... mais peut-être qu’avoir l’esprit gascon, c’est croire qu’il y en a un !-)
      Je suis plus à l’aise avec l’idée d’un domaine gascon, toujours le triangle Mar-Garona-Montanha, sans être trop tranchant sur ses limites...
      L’esprit gascon serait alors de situer nos terroirs dans cet ensemble, de le prendre comme échelon régional de référence, comme espace d’observation historique et géographique, ou comme horizon de vie qui dépasse le bassin quotidien.

      A titre personnel ,je me revendique comme gascon et je ne suis pas un locuteur : ai-je bien le droit ?

      De nos jours, être locuteur gascon, c’est possible de deux façons : locuteur naturel (mais alors on risque d’être vieux !-)) ou locuteur volontaire (et là, il y a une revendication gasconne forte !).
      Se revendiquer comme gascon sans parler gascon ? Il vaudrait mieux que ce soit possible si on veut que la Gascogne survive... mais ça ramène à la question de "l’esprit gascon" que j’ai évoquée plus haut.

  • Je ne parlerais pas pour Gasconha.com dans son entier, mais je ne crois pas me tromper en disant que nous n’avons pas un très fort tropisme pour l’histoire sociale, surtout celle d’à compter de la fin du XIXème siècle, et que cela s’en ressent dans nos choix "normatifs".

    Je pense tout comme Tederic que la perte d’un nom gascon comme "chemin de Mauhargat" dénote une francisation regrettable, la mise en évidence d’une figure nationale ou d’une figure locale (ici nationale) étant presque indifférente, tant l’acte marquant est la disparition du nom gascon, descriptif, ancien, j’oserais dire "authentique" (avec des guillemets, pour indiquer que je ne suis pas certain que le mot soit le bon !).

    Dans la recherche de ce que sera l’identité gasconne de demain, il nous semble plutôt opportun d’aller chercher dans un passé plus lointain, d’avant le voile de l’universalisme français. Et pour dire la réalité, sans outrage excessif à la mémoire de Louis Blanc, il me semble que Mauhargat aurait mieux vieilli, Louis Blanc ayant été largement oublié.

  • Louis Blanc, c’est 1830, époque à laquelle le chemin de Mauhargat est situé dans la commune de Pian.
    l’authenticité n’est pas immuable : la carte de Belleyme montre par exemple que beaucoup de toponymes ont changé, toujours dans le registre gascon.
    Enfin, regretter l’universalisme (qui n’est pas que français) c’est mettre en doute le bilan de la Révolution.
    Certes, la notion de « régénération du citoyen » suivie de celle de « fabrication de l’homme nouveau » a suscité la séparation ,à remettre en cause , entre « ethnos » et « démos ».
    Mais, l’attribution du statut communal à toutes les paroisses en 1791 a stimulé le réveil de toutes les identités locales ( cf. la résistance de Pian à son annexion par Saint Macaire) .
    De même, le Journal des débats de l’Assemblee Législative a été traduit dans les langues régionales.
    C’est alors que s’est développée la pratique consistant à commémorer les événements par la toponymie.
    Dirions nous que le 14 juillet est frappé d’un déficit d’authenticité ?

  • Je ne vais pas vous cacher ce que je pense, je remets très sérieusement en doute le bilan de la Révolution, surtout celui de la dictature militaire napoléonienne, qui a imposé le jacobinisme comme religion d’État. Je n’ai aucune passion, non plus, pour le code civil napoléonien, qui a cassé des traditions juridiques ancestrales, qui étaient la base du monde gascon.

    Je suis également effaré par le patriotisme communal, hérité de la transformation des paroisses en communes par la Révolution, et dont je pense que nous le payons encore. L’ancien monde était plus subtil dans ses appartenances, moins mécanique (lire Anne Zink sur la question).

    Notre période est cependant réjouissante que tous ces acquis d’un peu plus de 200 ans sont remis en cause. Tant pis pour l’épopée hégélienne de la République, et pour le pauvre Louis Blanc.

  • La Révolution a été la prise de pouvoir par la bourgeoisie au détriment de la noblesse qui avait fait son temps. Cette même bourgeoisie dite républicaine qui est toujours au pouvoir aujourd’hui et qui n’a pas l’intention de le lâcher de si tôt. Le peuple, patoisant ou pas, a toujours été le dindon de la farce. Talleyrand disait d’ailleurs de manière très cynique, au sujet de ce peuple, qu’il fallait l’agiter avant de s’en servir.
    C’est souvent le cas dans l’Histoire, les masses sont manipulées par des agitateurs au service de coteries, lesquelles tirent finalement les marrons du feu. C’est une constante bien documentée. Quand on dénonce cela au moment où ça se passe, on est traité de fou ou bien, aujourd’hui, de complotiste. Mais seuls les enfants pensent qu’il n’y a jamais de complots. Or, l’Histoire des puissants et du pouvoir n’est faite que de complots et de manipulations, pour le prendre ou pour s’y maintenir.


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