Bazadais

Saint-Pierre-d'Aurillac / Sent Peÿ d'Aurelhac / Sent Pèir d'Aurelhac

- Vincent P.


 

Les Pradiasses

en graphie alibertine :

Las Pradiaças

(lo) Pradiàs, (la,era) Pradiassa
Respectivement formes masculine et féminine, à prononcer "(lou) Pradiàs" et (...)

prat, prada / pré

dérivés : prada, pradèra : prairie pradèu : airial pradina (prononcer (...)


Le terme pradiasse se retrouve fréquemment en terre garonnaise, au sens large (Bordelais, Bazadais, Agenais, ...) : il désigne ici, à Saint-Pierre-d’Aurillac, les anciens prés le long de la Garonne, aujourd’hui plantés d’arbres, pour un résultat esthétique un peu douteux à mon goût, et pour des raisons qui m’échappent toujours un peu (ces terres ne sont-elles pas très fertiles ?).

Comme l’on retrouve ce terme à Saint-Barthélémy-d’Agenais (47), en Agenais guyennais, on ne peut expliquer la séquence -ia- par la chute d’un -n- intervocalique. Par ailleurs, l’on trouve en Aveyron des lieux-dits Pradials qui montrent que la séquence en question est bel et bien "organique".

Mais du coup, je bloque linguistiquement pour expliquer ces formations romanes. Ce n’est pas directement le latin prata qui a donné prada (cf prée en toponymie oïlique) avec le suffixe -aça (graphié -asse, du latin vulgaire -acea), plus ou moins péjoratif (les "mauvaises prairies" : en fin de compte, elles ne doivent pas si bonnes à cultiver que ça !).


 

Grans de sau

  • En pays garonnais, on trouve aussi systématiquement :
    prat > pradiòt et prat > pradiar
    et aussi plaça > placiòt en concurrence avec plaçòt.

    Ton hypothèse est fort judicieuse, je n’y avais pas pensé. C’est vrai qu’en général, les autres mots en -iàs, -iassa, -iòt s’expliquent soit par une racine en -i (omiàs, borriàs, haliassa, carriòt, soit effectivement par une chute du -n- (jardiassa, moliassa, moliòt, saliòt).

    Toutefois, trois mots en particulier attirent mon attention :

     Gahiòt : certes, le mot gahin a la même signification ailleurs, donc il est fort probable que ce soit gahin > *gahinòt > gahiòt, mais c’est quand même une zone où le n intervocalique a disparu tôt (la Benauge). A noter qu’il existe gahòt, de sens différent.
     Mainiòt : là, franchement, le passage par *maininòt me semble improbable. Je ne connais pas le mot *mainin pour ’’petit domaine’’.
     Agriòta : je ne crois pas non plus à agre > *agrin > agriòta, mais plutôt à un équivalent d’*agròta.

    Et puis, pourquoi un double diminutif ? Pourquoi passer par *placinòt pour expliquer placiòt ? Pour pradiar, OK, ça peut s’expliquer parce que les deux suffixes n’ont pas la même fonction : *pradin ’’petit pré’’ > *pradinar ’’ensemble de petits prés’’ > pradiar. Mais pour pradiàs : *pradin ’’petit pré’’ > *pradinàs ’’grand petit pré’’ ? Hum ! A moins que ce soit pradiars et non pradiàs.

  • On ne peut pas théoriquement expliquer ces dérivés en -i- sur prat par une double suffixation -in + suffixe :

     On trouve le terme pradiasse en Agenais non-gascon deux fois : à Saint-Barthélémy dans les coteaux au nord de Marmande et Eynesse, en Pays Foyen. Or, le phénomène de chute du -n- intervocalique n’était pas connu de ces parlers, ni à date récente, ni à date ancienne.

     On constate en toponymie guyenno-languedocienne des dérivés de prat type pradials, où là encore le -i- ne se justifie pas et ne peut s’expliquer par la chute du -n- intervocalique.

    Mais :

    On trouve bien en Périgord ou en Vivarais des lieux-dits "Les Pradinasses", qui semblent clairement la base possible du pradiasse répandu en pays garonnais, par le phénomène de chute du -n- intervocalique.

    Alors, quelle explication ?

     Soit il s’agit bel et bien d’une chute du -n- intervocalique, et ce phénomène a été connu plus loin que nous ne le pensons, aussi bien en nord-gascon qui ne le connaît plus (ça, nous le savions déjà), que dans des parlers tout à fait frontaliers, type le guyennais des coteaux de l’Agenais.

    (Par exemple, le lieu-dit La Tauziatte à Lamothe-Montravel, en Périgord, mais de parler de type castillonnais, qui semble montrer une telle chute du -n- intervocalique)

     Soit il s’agit d’un terme né dans un contexte gascon garonnais, d’autant que c’est un terme en lien avec les prés en bordure de fleuve, terme qui a eu son succès dans des zones frontalières à la morphologie géographique similaire. Les mots voyagent, nous le savons, et donc les voisins auront utilisé le terme en question, plutôt que pradinasse.

     Soit il existe des suffixes populaires type -iàs ou -iòt, nés dans un contexte de confusion de suffixes. C’est depuis toujours mon explication privilégié pour placiòt.

    Il faut également expliquer les Pradials de l’Aveyron, face au plus classique Pradals des pays languedociens (prat + suffixe qualitatif -al).

    Bref, une vraie énigme phonétique, que je n’ai jamais vue traitée.

  • Quelques éléments nouveaux pour notre enquête :

     Sur l’existence d’un suffixe -iòt : je viens de me rappeler l’existence du gentilé casteriòt, de formation indubitablement populaire et correcte (apparition du -r- intervocalique, tiré des dérivés de -ll- intervocalique, ici castellu(m) en latin), pour nommer les habitants de Castets-en-Dorthe (33), en Bazadais.

    Or, le -i- ne se justifie pas dans cette formation : ainsi, il existe bel et bien un suffixe populaire -iòt, qui a pu être utilisé dans le cas précis pour faire la distinction avec casteròt "petit château", qui aurait été homonyme.

    Il conviendrait de fouiller plus profondément la toponymie et les dictionnaires pour constater s’il existe bel et bien une série de suffixes "secondaires" : -iàs, -iòt.

     Très près du toponyme Pradiasse de Saint-Barthélémy-d’Agenais, l’on trouve sur la commune voisine de Montignac-Toupinerie le lieu-dit Pradasse, en bordure du Trec de la Greffière.

    Ce toponyme ne paraît pas sur la carte d’État-Major, pas plus sur la carte de Cassini : il est donc récent, ou alors très mineur, et urbanisé tardivement. Reste qu’il montre à peut-être moins d’un kilomètre de distance l’hésitation sur le terme, entre pradaça et pradiaça.

     La forme masculine Pradias, en toponymie, est nettement pan-gasconne : on la trouve en Couserans, en Armagnac, en Lomagne. Face à Pradinas, répandu dans tout le domaine d’oc non-gascon, en Cantal, dans la Creuse, en Languedoc, ...

    C’est tout de même une sacrée tendance, qui donne envie de bel et bien y voir la chute du -n- intervocalique et éventuellement, un terme qui a voyagé.

  • À Loupiac (voisin), on a identité Pardiars/Pardias. Cf archives du château du Cros :
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k34106w/f246.item
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k34106w/f249.item

    Pas d’attestation dans le censier/obituaire de Saint-Macaire, numérisé il y a un an (BnF Latin 9936) :
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10721041n/

  • Au sujet de la plantation en peupliers des anciens jetins ou aubarèdes (ce qui a fait qu’on s’est mis à qualifier d’aubarèdes ces peupleraies) : il y a 2 facteurs explicatifs :
     la production d’allumettes (lien avec les manufactures de la SEITA en val de Garonne)
     la stabilisation des terres alluvionnaires
    Je n’ai pas encore étudié l’historique du sujet ; ça pourra être traité dans une future chronique radio.


Un gran de sau ?

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