Rive droite gasconne Gascogne médiane

Bazens


 
en graphie alibertine :

Basens
Prononcer "Bazéns"

Le cadastre napoléonien donne pour Bazens des noms de lieu très gascons dans cette zone pourtant "frontière" qui borde la vallée de la Garonne sur sa rive nord :

  • Lascarbouères : disparition du "n" entre voyelles
  • Fontarrède : pas de "h" gascon, mais forme hypergasconne "ahreda" pour "froide" (a prosthétique + "hr" à la place de "fr")
  • Lalanne : transformation de "nd" en "n"
  • Las naou ouns (Las nau honts) : remplacement du "f" latin par le "h" hont = fontaine, source

Il donne aussi "As Taps" et "As Planès"...tapo, tapon = bouchon, bonde

Ces noms n’apparaissent plus guère sur les cartes modernes, probablement disparus avec les maisons qui les portaient.

Je suis également intrigué par "Le Batan" ("Au Batan" sur le cadastre napoléonien, un moulin ?) ; des "Le Batan" apparaissent ici et là en Gascogne.
"batan" (battant ?) apparait dans un texte de Jasmin :
"Anfin, la campano, as truts del batan, lanço en brouzinan son timbre noubial sul roc e dins la plano"

Pour Bazens, Panoramio / Google Maps donne cette photo de tour avec balet "vascon".

Et Google Street View donne ceci :


 

 

Lòcs (lieux-dits = toponymie, paysage...) de Bazens :


 

 

 

Grans de sau

  • De passage à Bazens récemment, je n’ai pas pu immortaliser le village, qui est joli, sans un affreux contre-jour que je me promets de régler, via un second passage dans cette contrée que je prévois d’ici l’automne.

    Quant à Bazens, le village est proche du Port-Sainte-Marie, et il faut supposer que le dialecte des lieux devait être fort similaire.

    La toponymie actuelle laisse transparaître des formations bien gasconnes : Fréchet (mouillure -ish-), Titoy (suffixe -òi), Auret (h initial, aspiration perdue), Jean Saumon, Séton (-n final prononcé), ...

    Faut-il supposer un recul des caractéristiques gasconnes dans cette partie de l’Agenais, face à des migrations périgourdines, limousines ou auvergnates ?

  • Excité par la gasconitat des noms de lieu de Bazens, j’ai fait la même recherche par le cadastre napoléonien sur Frégimont et sur Clermont-Dessous.
    Rien de tel sur ces deux dernières communes, ce qui confirmerait que Bazens aurait acquis ou gardé sa gasconitat dans l’orbite du Port Sainte Marie.

    Autre chose : on voit à Bazens et aux alentours beaucoup de noms de lieu en paire sur le modèle "Sur Larroc" et "Sous Larroc". Je pense que c’est un calque de la paire gasconne "Larròc dessus" et "Larròc devath".

  • J’émets une réserve pour le "ahreda" du lieu Fontarrède, qui plus est dans une région agenaise où les formes hypergasconnes ne sont pas nombreuses.

    Car de la même manière on trouve des Fontan, Hontan, Hontans, Hontaas (forme plus béarnaise). Je pense que l’on a plutôt "Fonta" pour "Hont-Font / Houn-Foun" e "(r)rède)" pour "rheda / réde".

    Le double "rr" tout comme l’accent grave ne sont évidemment pas justifiés.

  • Nous sommes dans une zone où le -n final est clairement prononcé (tantôt vélaire, tantôt nasal, selon les locuteurs) : une forme *fontan se serait maintenue telle quelle.

    Au demeurant, cela ne change rien à l’hyper-gasconnité du toponyme car hreda pour "froide", donc avec la mutation de fr- initial en hr-, est assez exceptionnel en ces marges garonnaises, où freda devait être le standard du dernier état de la langue parlée.

  • J’avais déjà créé comme lòcs "Hontarrède" à Xaintrailles et "Fontarède" à Moncaut, les deux distants de Bazens d’environ une vingtaine de km, mais sur la rive gauche de Garonne, donc a priori plus disposés à l’ipergasconitat.
    Je vois d’ailleurs un Fontarranque à Fieux près de Nérac qui me semble exactement du même genre (hranca ou ahranca). Hors Gascogne, on a "24285 Montagnac-la-Crempse LAFONTFRANQUE" (Fantoir).

    Je ne sais pas comment il faut écrire en alibertin : ahreda ou arreda ? on écrit "ahriesta", non ? Et en franco-phonétique : le hr donnait-il un double roulement du "r" ? et quand le "a" prosthétique se mettait devant ?

    Je rappelle aussi Rieste/Hriesta à Damazan.
    Il me semble donc que les côteaux de l’Agenais gascon avaient de l’hypergascon, si on considère que fr->hr en est un des traits.
    En fait, j’en viens à penser que toute la Gascogne fut hypergasconne...

    Sur l’hypothèse "hontan hreda", je ne sais pas ; j’ai bien lu l’objection de Vincent ; je vois un "Lahountan/La Fontan" à Beauziac près de Casteljaloux. Ah oui, c’est celui qu’ils veulent mettre dans un "Center Parcs"...
    Je n’ai pas l’impression que "hontan" soit autant utilisé que "hont" en Agenais. A Fieux justement, il me semble que j’ai vu "Fonblanque" et pas "Fontablanque".

  • Le Batan est le moulin à foulon. Il y a ’’le Moulin Battan’’ a Langon.

    N’oubliez pas qu’en pays garonnais, tous ces Honta- / Fonta- peuvent être des patronymes, comme Lahontan en Gironde.

  • Merci Gaby pour l’explication du "batan" ; ça vient du français "battant" ?

    Quant à Fontarrède et autres :
    D’accord, il ne faut jamais négliger la possibilité qu’un nom de lieu vienne d’un patronyme.
    Et il y a bien une famille noble "de Fontarède" en Agenais, dont le nom découle peut-être du Fontarrede actuellement à Moncaut, et qui était autrefois une commune indépendante, avec une belle église. Pour ce Fontarrede là, je penche pour un véritable nom de lieu ; pour celui de Bazens, il faudrait vérifier par exemple si ce n’est pas une possession de cette famille.

  • Dans Notice sur la vicomté de Bezaume, le comté de Benauges de Jean François Bladé, Fontarrède est écrit avec une forme latinisée "Fontanfreda". Il s’agit de Fontarrède près de Moncaut, manifestement.

  • La gasconnité bien marquée du Port-Ste-Marie me parait être non pas liée à un atavisme quelconque, mais être liée à un mouvement migratoire peut-être liée à la voie de crêtes de la Ténarèze et à une natalité plus importante des régions pyrénéennes. C’est ici que le gascon passe la Garonne jusqu’à Clermont-Dessous sans atteindre le village de Fourtic juste à l’est (voir commentaires de l’ALLOc). Il ne pourrait pas y avoir une "frontière" aussi marquée s’il y avait eu une population stabilisée depuis des siècles. Donc Tederic, je ne sais pas s’il y a eu un hyper-gasconnité plus étendue antérieurement.

  • Je suis très intéressé par cette question du bicéphalisme linguistique de l’ancien Agenais, rive droite de la Garonne. Je pense ainsi assez fortement que le substrat n’est rien de mécanique : c’est un phénomène de dynamique des populations et d’affinités.

    Aussi, expliquer une forte gasconnité rive droite de la Garonne, au-delà du constat, banal, qu’une rivière n’est jamais une frontière, c’est chercher à comprendre ce qui a pu faire que ces populations ont pratiqué une langue, ou du moins des modalités linguistiques, dont le centre de gravité n’était pourtant pas celui de leur capitale naturelle, Agen (la question de la langue d’Agen est une autre question).

    Dans le cas de cette rive droite en Marmandais et Tonneinquais, l’étude des migrations, même à date récente, nous donnerait des éléments quant à l’orientation démographique de ces lieux. Je suis persuadé que l’on ferait aisément la preuve d’un renouvellement de la population assuré par le cœur de la Gascogne, via, en effet, ces grandes voies de communication que peut être par exemple la Ténarèze.

    A rebours, une étude toponymique parcellaire des zones guyennaises tend à me faire conjecturer l’existence de migrations limousino-périgourdine ininterrompues, depuis des siècles, qui expliquent les traits déjà quasi limousins, au moins phonétiquement, de parlers dès Seyches.

  • Que puiré estar "hontar" o donc ací "fontar", dab lo sufixe de quantitat indeterminat mes "un hontar" qu’es un mòt masculin donc "hreda" n’aniré pas dab aquò.

    Personaument, n’èi pas jamè entinut díser "ahred" o "ahreda", ne’m pensi pas que singui ua fòrma atestada aquò (belèu me trompi, qu’at disi atau shèt document). Le fòrma ipergascona que seré le de Bigòrra o de Comenge "hered" o "hereda".

    E se n’èra pas ua "fontarèda" com n’am entà "pomarèda", un lòc dab mantua honts ? E en aqueth cas, lo doble "r" que seré ua pèca. Brombam ne’s pòden pas hidar a l’ortografe francesa en los toponims !
    Jo, que dirí aquò : "Fontarèda".

    • La toa prepausicion que’m hè pensar, Renaud, a ua petita discussion qu’avom a la nosta amassada de Sent Jan de Marsac - on ne podos pas vénguer - a prepaus de "Artigarrède" (nom d’ua pastisseria prestigiosa...).
      L’un de nosautes qu’a avançat la possibilitat de artigar + sufixe -eda.
      Jo n’ac sentivi pas tròp, e preferivi artiga + hreda.

      Ende tornar a Bazens e lo son Fontarrède :
       sembla qu’ua fòrma "ipergascona" de fraga e sia ahraga ; lavetz...
       que torni mentàver lo Fontarranque deu Néraqués ; aci nat sufixe -anca, si ?
       qu’am tanben evocat la possibilitat d’un "hontan hreda" qui permet d’evitar lo "ahreda" s’ac calèva ;
       ne’m sovengui pas d’atestacions de "hontar" dens la toponimia (ni aulhors ?)
       lo sufixe -eda s’aplica en generau a formacions vegetaus
       ne’s poderé pas envisatjar tanben l’ipotesi d’ua fòrma latina compausada (fontana-frigida ? ne soi pas un bon latinista !) qjui auré balhat directament "hontarreda" per las reglas d’evolucion gascona ?

  • Une hypothèse séduisante apparait dans ce fil de discussion :
    le débouché sur Garonne d’une voie de circulation venant du sud et amenant une migration de population gasconne qui se serait déposée en aval de ce débouché, et notamment sur la rive droite.

    La Ténarèze avait une branche qui débouchait, je crois, au Port de Pascau en face d’Aiguillon et du Port Sainte Marie.
    Mais jusqu’à quand la Ténarèze a-t-elle été vraiment une voie de circulation ?
    La voie de circulation fluviale offerte par la Baïse, qui aboutit aussi au Port de Pascau, est peut-être plus décisive. Je sais qu’elle a été très active, et qu’elle l’était encore pour le transport des céréales du Condomois vers Bordeaux (puis vers les Antilles !) au 18e siècle.

  • Je crois qu’il est quasi certain que le Fontarrède de Bazens ne peut s’expliquer sans faire référence au Fontarède de Moncaut (47). D’ailleurs, Fontarrède à Bazens peut indiquer un lieu d’origine.

    Or, le Fontarède de Moncaut est une ancienne paroisse, qui bénéficie d’attestations anciennes probables, à dénicher.

    Un auteur du XIXème siècle, Fernand Lamy, semble en citer une, sans référence malheureusement : Fonte Frigida. Et ajoute : "en langue du pays, Fontafrède ou Fontarède par la suppression de la lettre f".

    Il a très bien pu inventer cette attestation pour coller à son hypothèse étymologique, c’est un problème de manque de rigueur scientifique que de "balancer" de la sorte une attestation ancienne, sans la corroborer ou en donner l’origine. Par ailleurs, il est vrai que la forme Fontafrède est bizarroïde : Fontfrède, oui, mais Fontafrède n’a pas grand sens, sauf réfection et hyper-correction étrange, de la part de locuteurs qui savent que leur langue transforme f en h.

    Tout simplement, il est possible que hont ait connu une forme féminine honta, à vérifier, qui en composition avec hreda "froide", conservera le a : c’est un phénomène phonétique standard. Mais je n’y crois pas, et ce serait vraiment chercher des exceptions à un vocable bien ancré et répandu, bien étudié dans toutes ses formations toponymiques.

    La solution viendra des attestations anciennes de la paroisse de Fontarède. Pour ma part, ma préférence va nettement à un équivalent très classique du Fontfroide français ou du Fontfrède d’oc, à savoir bel et bien, ainsi que l’affirme Tederic depuis le début, une forme hypergasconne du même terme, via une variante hreda/arreda issue du latin frigida, selon un mode de résolution du fr- initial que l’on retrouve pour le latin fraga "fraise" : haraga, araga, arraga.

    Il reste un problème. C’est que tous les exemples de résolution dans le groupe fri- montrent l’émergence d’une voyelle e : le latin fricare "frotter" donne heregar, le latin frisca "fraîche" donne heresca. Et bien entendu, toutes les formes pyrénéennes, conservatrices, pour frigidu, et qui font montre de l’introduction d’une voyelle, sont : heret. Source : Rohlfs.

    Il faut donc supposer une forme ahreda, étrange. Une solution : la forme est arreda, tirée de l’ancien hreda*, et dans le cas du Fontarède, un -rr- s’est tout simplement perdu à l’écrit, qui est le phénomène de modification le plus répandu en pays gascon.

    * : A propos de la question du -rr- double, il est théorisé que ces formes sont nées de la sorte : fraga > hraga > rraga > arraga.

    Dans notre cas, frigida donnera freda > hreda > rreda > arreda.

  • Mais pourquoi pas tout simplement fontan hreda ? Il existe bien les patronymes Fontan, Hontan, Lahontan, Lahonta...

    • Il faut quand même respecter la phonétique, il n’y a aucune raison qu’un n intérieur disparaisse en gascon central ou garonnais. Et surtout pour trois toponymes identiques, ou quasi : Hontarrède, Fontarède, Fontarrède.

      Et il faut aussi raisonner par analogie : les Fontfroide des pays d’oïl et les Fontfrède des pays d’oc sont des toponymes bien trop abondants, pour ne pas chercher la simplicité, pour ce qui semble en être un équivalent gascon. On ne trouve pas en pays d’oc d’ailleurs de Fontanfrède. Plus généralement d’ailleurs, je ne connais aucun toponyme avec Fontan/Hontan en composition avec adjectif.

      Je comprends mal la difficulté qu’il y a à admettre que hreda ait pu connaître une forme arreda, fossilisée en toponymie, même en ces zones. Les textes anciens bordelais sont pas exemple truffés de ar- prosthétique, et arreda n’est jamais qu’une sur-évolution via ce phénomène.

  • Pas de problème pour admettre arreda (ou plutôt ahreda ?). C’est juste qu’il m’avait semblé lire quelque part (Grosclaude ?) hontan+hreda.

  • Ce qui est en jeu, c’est la possibilité d’un FR -> HR sur la rive droite de Garonne ; ça ne parait pas irréaliste dès lors qu’on y a bien le F -> H.
    Pour l’instant, ce Fontarrède de Bazens est le seul qu’il me semble avoir trouvé.
    Je vous tiens au courant dès que j’en trouve un autre !


Un gran de sau ?

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