L’amolat. Le frai des poissons de l’Arros....

- VERDIER Gilles

« A l’amolat deu mes d’abriu, que vejem los auborns amassats per l’Arròs... ».

A Saint Sever de Rustan, le frai des poissons blancs dans l’Arros, au mois d’avril, est appelé en gascon « l’amolat ».
Ce mot n’est pas mentionné dans les dictionnaires gascons de référence.

Par contre, nous avons (Palays et Per Noste) :
« Un molon » (Gers) : tas, masse, réunion de choses.
« Ua molòta » (Gers) : petite meule.
« Un modolon* » (Couseran) : petit tas de foin.

Pour l’occitan languedocien  :
Dictionnaire d’Alibert (Languedocien) :
« Amolar » : 1/ mettre en tas 2/ se réunir en groupe, en bancs à l’approche du froid (poissons) 3/ faire passer le filet de pêche à celui qui va le lancer 4/ former une congestion.
« Un molon » : un tas. Alibert renvoit ce mot à « modolon ».
« Un modolon* » : un tas de foin
« Un modòu* » : un morceau

Dictionnaire de Mistral (Trésor de Félibrige).
« un amolat » : airée de gerbes qui a été foulée une première fois
« Amolar » : mettre en meule, entasser les gerbes.
« S’amolar » : s’accumuler en congestion (sang, lait…)
« Amolonar » : entasser, accumuler.
« S’amolonar » : s’entasser, se pelotonner.
« Un molon » : un tas, un amas, un attroupement
« Una molonada » : une foule.
« Molonejar » : s’attrouper.

Etymologie.
Le gascon du Rustan « l’amolat » a bien la même origine que le languedocien « amolar » = mettre en tas. Les poissons sont effectivement rassembler « en tas » durant cette période. On voit dans le Mistral que ce verbe languedocien « amolar » est bien employé en Languedoc pour les poissons se réunissant en bancs.

Pour l’étymologie d’ « amolar », il faut remonté au latin « mola » = meule de moulin (olive, blé…). L’emploi métaphorique de la meule du moulin pour désigner la meule de foin s’explique par la forme conique de la meule inférieure ou interne des moulins à huile antiques (voir photo). Cette métaphore est déjà présente en latin avec le mot « meta » qui désigne tout objet de forme conique : borne de cirque, meule conique inférieure d’un moulin, meule de foin.
Donc, le latin « mola », désignant la meule latine pour moudre le blé ou presser les olives va donner :
• Les mots romans pour désigner la meule (pierre) : occitan « mola, mòla », catalan « mola », castillan « muela », français « meule ».
• Des mots romans pour désigner de façon métaphorique le tas conique de foin ou de gerbes : français « meule » et aussi quelques mots occitans « molòta, amolar »…,
• puis l’occitan ne va garder que le sens de tas, d’amoncellement dans une importante série de mots de cette famille : « molon, amolar, molonar, amolonar etc… » et bien sûr dans notre mot gascon rustanais « l’amolat ».

A noter.
• Pour dire le frai du poisson, la gascon a également les mots : « la frega » « la hregua », « la hregada », du latin « frictiare » = frotter car la femelle frotte son ventre contre le sable pour faciliter l’émission des oeufs.
• * Les mots gascons « un modolon » (Couseran et Languedoc), « un modòu » (Languedoc) et français « un mulon » qui signifient aussi meule de foin ou de gerbes ont une tout autre origine. C’est le mot latin « mutulus » = modillon (bloc de pierre de soutient). Ce mot latin a donné le castillan « un mojòn » et le catalan « un mollò  » = une borne et par métaphore « modolon »"mulon"….