L’orbissana (seguida) e la colòbra... arresponsa au darrèr gran de sau...

- VERDIER Gilles

L’ORBISSANA. Un aveugle qui voit clair… Des noms gascons pour l’orvet.
Votre témoignage est très intéressant car il démontre l’extrême complexité des dénominations animales en gascon, langue qui n’a jamais été normalisée.
J’ai essayé de compléter les recherches :

Cette attestation de “cinglan” pour dénommer l’orvet, est présente dans le dictionnaire d’Arnaudin et dans le dictionnaire Per Noste. Votre témoignage renforce cette attestation.
Par contre, “cinglan = orvet” est ignoré par l’Atlas Linguistique de Gascogne et par le dictionnaire Palay.
Pouvez-vous nous dire le secteur des Landes où vous avez entendu ce mot pour désigner l’orvet ?

Ce que j’ai trouvé :

Cinglan/singlan = couleuvre. Les attestations écrites :
• Carte 37 (couleuvre) de l’Atlas Linguistique de Gascogne. Cinglan est porté à l’ouest du Gers (3 points), dans l’Entre-deux-Mers (7 points) et sur la côte landaise (1 point à Souston).
• Dictionnaire de Pierre Méaule (Escource 40). Cinglan (masculin) : Zamenis, couleuvre dont l’attaque à hauteur de ceinture est violente (verte et jaune).
• Dictionnaire de Simin Palay. 1. Cinglàn = Serpent, espèce de couleuvre longue et mince. 2. Singlàn (Gers) = Serpent non venimeux long et verdâtre. 3. Un séngle /uo sínglo (Gers) = Serpent.
• Dictionnaire Per Noste. 1. Singlan (Armagnac) = Serpent non venimeux long et verdâtre.2. Singla (f) = serpent. 3. Sengle (m) = serpent.

Cinglan = orvet. Les attestations écrites.
• Dictionnaire Per Noste. Cinglant (m) Grande Lande = Orvet.
• Dictionnaire Arnaudin. Orvet = cinglan.

En résumé, on a une famille de mots gascons avec la racine CINGL / CENGL pour désigner un reptile long et fin : la singla (Gers), lo segle = serpent > lo singlan = couleuvre. Dans les Landes cette racine est aussi utilisée pour désigner l’orvet : lo cinglant.

Etymologie :
Latin “cingula” = sangle, ventrière. “Cingula” devient en gascon “cingla” qui est la sangle mais aussi une fine bagette flexible. Cette image de fin et flexible amène le sens de serpent : “cingla” et “cingla”+ suffixe -an =” cinglan”.
L’orthographe française a toujours fluctué : “sangle” fut d’abord “cengle”, puis “sengle”... “Sangler” mais aussi “cengler”, “cingler”....
On remarque que pour le gascon, le dictionnaire de Per Noste et le Palay sont fluctuants aussi sur l’orthographe : singlan (couleuvre) et cinglant (orvet), cinglàn (serpent).

Sur la même carte n°37 (couleuvre) de l’ALG, on a comme vous l’attestez :
“sèrp chirpèira [sèrp tyirpèiroe]” sur 1 point à Biscarrosse
“Liron [liroun]" dans tout le Médoc, les Landes de Gironde et l’Entre-deux-Mers (11 points).
On a aussi dans le dictionnaire d’Arnaudin.
Couleuvre : cot-loun ; sérp ; tchirpeyre ; serpilhote ( p e t i t e c o u l e u v r e ) ; liroun ( g r a n d e - ) ; serpilhasse ( g r o s s e couleuvre).
Etymologie ;
Chirpèira (nf). Ce nom semble apparenté à “lo chirp [tyirp]”, “lo chirpon” (Grande Lande) = le crapaud, racine qui a donné aussi “ua chirpa” = une callosité, une couche de crasse... et “chirpós”= crasseux. En français populaire, on a “crapoteux”.
On aurait donc “chirp” + suffixe -èira qui marque souvent une relation. Y aurait-il de vieilles histoires, superstitions landaises liant le crapaud à la couleuvre ...?
Le mot “chirp” fait partie de cette liste de mots typiquement gascons dont on ne trouve aucune trace dans les autres parlers de France, ni dans les idiomes ibéroromans (G. Rohlfs Le gascon p. 101). L’étymologie est à ma connaissance inconnue. C’est un mot typiquement landais.
Liron (nm). On peut penser que ce nom de la couleuvre du nord de la Gascogne a pour origine le verbe gascon “lirar” = tourner, rouler, aller de part et d’autre. Pour appeler les oies, le gascon crie “liron, liron, liron...” car elles arrivent en se dandinant. L’oison est appelé “un liron / liròt”. “Anar liron-liron” est bien aller en zigzaguant. On aurait donc un nom rappelant la reptation de l’animal.
Et pour finir en beauté et se mordre la queue... "un liron" est aussi le nom de l’orvet dans certains coins du Médoc !!!

Grans de sau

  • Bonjour Gilles,

    Pour Biscarrosse et environs

    Chirpèira = couleuvre qui, selon les anciens avec qui j’ai parlé, avale les crapauds. Je n’ai jamais observé le phénomène mais ils m’ont assuré que c’était vrai.

    Liron = Grosse couleuvre verte qui saute sur les gens si on l’approche trop. Voici le témoignage donné à Félix Arnaudin par un certain Souleyreau, né en 1825 à Biscarrosse. On sait qu’Arnaudin retranscrivait scrupuleusement le parler de ses informateurs (dictionnaire, volume 2) :

    Liroun (Liron) s.m. Sorte de grande couleuvre. "Ùu’ sérp prime é loungue, dus métres, qu’en ba biste, que mounte sous aubres, que chiule, que saute su’ le gén. Gnaque pa, mé que s’arremoundilhe autourn de le cinte, qu’ous estupe" (Un serpent mince et long, de deux mètres, il est rapide, il monte aux arbres, il siffle, il saute sur les gens. (Souleyreau 84 ans, sa femme 80 ans, leur fille 40 ans, à Iquem, Biscarrosse.). "Lou liroun, qu’es ùu’ sérp berde, prime é loungue, que lùue lou cap un pié de haut en chiulan, é qu’apousséc le gén" (Le liroun c’est un serpent vert, mince et long, qui dresse sa tête à un pied de haut, et qui poursuit les gens).
    (Monicien).

    Pour l’orvet, je ne connais que cinglant (ce qui signifie aussi souple, flexible chez nous).

  • La traduction de Souleyreau n’est pas complète, la voici :
    "Un serpent mince et long, deux mètres, il va vite, il monte sur les arbres, il siffle, il saute sur les gens. Il ne mord pas, mais il s’enroule autour de la ceinture, il les étouffe".