« Qu’amiam lo vetèth entà Rabastens dab la cremèra ».
On amène le veau au marché de Rabastens de Bigorre avec la remorque.
Dans le Sud du Gers et le Rustan, la remorque pour porter un veau ou des porcs au marché est appelée en gascon « la cremèra ».
Dans le Gers et vers la Garonne, « la cremèra / lo cremèth / la crumèra / lo crumèth / lo crumèl » est uniquement le mot gascon pour la cage portative qui isole la poule et ses poussins. On la nomme « la cujòla » dans le Rustan.
L’étymologie de ce mot gascon est difficile et incertaine...
Pour Joan Coromines, « cremèra /crumèra /crumèth… » sont des dérivés du mot gascon « crum » = le nuage.
Il explique que cette petite cage maintient la poule et ses poussins à l’isolement dans une semi obscurité. On a donc l’idée de couvert… comme un ciel « encrumat ».
Le gascon du Rustan n’a gardé que le sens de cage de transport pour animaux plus importants.
Mais d’où vient ce mot gascon « crum » ?
Patric Guilhemjoan écrit que « la somme des hypothèses étymologiques de « crum » se réduit à des conjonctures qui n’apportent malheureusement aucune certitude »..!
Ce qu’on peut dire.
Pour l’idée de "nuage", "nuageux", "couvert", "sombre", le gascon a, entre autres, des mots en « TRUM » :
• Trum (nm) Gers. Temps nuageux
• Trum (nm) Landes. Nuage.
• Trum (nm) Val d’Aran. Obscurité, manque de lumière.
• Trumada (nf) Gers. Brume
• Entrumat (adj). Chalosse, Comminges. Couvert.
Et des mots en « CRUM » :
• Crum (nm). Gros nuage.
• Crumada/crumatèra/crumalèra (nf). Couverture de gros nuages.
• Crumèra (nf) Gers. Nuages légers
• Crumòlis (nm pl) Ht. Adour. Gros nuages
• Crumós (adj). Nuageux.
• Crumar-se. Gers. S’embrumer.
• Encrumat (adj) : couvert
On a aussi avec le même sens :
Ancien occitan
• « trum » (adj) = obscur.
Occitan languedocien
• « trum » (adj) = obscur, sombre, morose.
• « trumada » (nf) = orage, tempête.
• « crum » (adj) = sombre, obscur
• « crum » (nm) = nuage sombre
Hypothèse étymologique 1.
Pour Joan Coromines, le gascon « trum », et donc également l’ancien occitan et l’occitan languedocien auraient pour origine le gaulois « trumos » dans le sens de sombre (de la même famille celtique : brittonique « trum » = sombre, triste et gaélique « tromm » = lourd, pesant).
Donc, certaines zones de Gascogne auraient gardé le « TR » étymologique « trum / entrumat » : Comminges, Toulousain, Chalosse,
D’autres zones auraient changé « TR » en « CR » par contamination par les synonymes « cubert /cobert/ caperat… » employés dans le nord des Landes pour arriver à « crum/ encrumat » : Gers, Landes.
Tout ceci n’est qu’hypothèse.
Hypothèse étymologique 2.
Pour André Hourcade et Jean Bouzet, l’étymologie de « crum » est le latin « cumulus ». A noter pourtant que le mot « cumulus » a pour signification en latin : « amas, tas » et aussi « surplus » et « comble, apogée »… Il ne sera employé dans la classification des nuages par les météorologues qu’à partir de 1858… Les deux auteurs ne mentionnent pas la problématique du couple « trum/crum ».
Tout ceci n’est qu’hypothèse.
Hypothèse étymologique 3.
Pour compliquer encore un peu plus le problème, le gascon du Lavedan et du pays Toy possède une racine « TURM » dans des mots et des toponymes avec le sens de grosse pierre.
Turma (nf) Lavedan. Grosse pierre.
Turmo (nm). Lavedan. Gros rocher.
Ces deux mots sont en relation avec le castillan « tormo » = rocher isolé et le catalan « turma » = tumeur, enflure, testicule de bétail.
Ces mots auraient pour origine (Joan Coromines) un radical pré-roman turm-, exprimant l’idée de bosse, d’enflure, à rapprocher du mot latin « tuber » = tumeur, excroissance.
De là l’hypothétique passage (juste mentionné par Patric Guilhemjoan) de « TURM… » à « TRUM… » par similitude de forme d’une bosse et d’un nuage…
Encore une hypothèse…
Que sèm plan lonh deu marcat de Rabastens e deu vetèth dens la cremèra…