La guerre des LGV aquitains aura-t-elle lieu ? Oui si l’on en croit les déclarations de guerre : « projet insensé » dit M.Hurmic, le maire de Bordeaux au risque de casser sa majorité ; et à qui son opposant Cazenave (LREM) reproche de faire de Bordeaux… « un village gaulois » (Astérix n’est pas loin).
Cette guerre nous intéresse-t-elle, nous habitants des pays gascons, héritiers des Aquitains qui n’étaient pas gaulois, parait-il ?
Si l’on regarde les tracés retenus depuis octobre 2013, oui, sans hésiter (voir pj).
Au sud de Bordeaux les deux lignes devraient adopter un début de tracé conjoint traversant les Graves et le Bazadais avant de se séparer.
L’une piquerait droit vers le sud, près de Mont de Marsan (une gare LGV prévue), avant de prendre une direction ouest vers Dax puis, ultérieurement piquer vers le Pays basque au sud ouest avant de franchir un jour la frontière.
L’autre ligne se dirigerait vers Agen (un des deux arrêts prévus avant Toulouse) en demeurant sur la rive gauche de la Garonne (la rive « gasconne ») pour ne franchir le fleuve qu’au sud de la commune de Castelsarrasin, peu avant la nouvelle gare LGV de Bressols, à mi-chemin de Montauban et Montech, après quoi elle piquerait vers le sud, toujours rive droite.
Nous sommes donc presque toujours en pays gascon.
Il est donc important pour nous de se demander : pourquoi faire ?
S’agit-il d’irriguer le territoire, voire d’en « désenclaver » certains comme on le dit à chaque fois qu’on envisage un développement de ce type ? Ce serait à la rigueur vrai pour Mont de Marsan, moins bien loti jusqu’à présent en matière ferroviaire que Dax ou Agen, ses voisines.
Pour l’essentiel, c’est bien de relier l’une à l’autre les métropoles de Bordeaux et Toulouse qu’il s’agit, avec l‘arrière-pensée constante de diminuer le temps de transport entre Paris et les deux métropoles du sud ouest.
Quant à la ligne LGV Bordeaux-Dax, elle n’a bien sûr de sens qu’en vue de sa prolongation vers l’Espagne, que toutes les études de la SNCF envisagent via le Pays basque.
Relier Bordeaux et Toulouse dans de meilleures conditions, ce ne peut qu’être favorable à nos pays, si du moins ces deux métropoles cessent de se considérer comme de belles forteresses peu concernées par leurs arrière-pays (je grossis le trait, je sais bien …).
Mais une nouvelle ligne est-elle nécessaire pour cela ? Les anti-LGV comme M. Hurmic plaident plutôt pour une rénovation des lignes existantes, permettant de gagner 18 mn sur le temps actuel entre les deux métropoles. Au total, la nouvelle ligne LGV ne gagnerait que 22 mn par rapport à ce tracé rénové.
De même, le tracé rénové Bordeaux Dax gagnerait 18 mn par rapport au temps actuel, ne laissant qu’un écart de 8 mn sur le projet de nouvelle ligne LGV.
Le journal Sud Ouest (édition du samedi 31 octobre) a soigneusement vérifié ces données à partir d’ études de la SNCF, en particulier une note de synthèse de l’entreprise de juillet 2016.
Par ailleurs les nouveaux tracés, outre leur coût financier supérieur à celui de simples (mais importantes) rénovations (voir ci-après) représenteraient un coût spécifique tant économique qu’écologique car ils passeraient par les riches terres viticoles des Graves ; de même, plus tard, pour le tracé Dax-Hendaye, ils prélèveraient des terrains sur les étroits et fragiles goulots que sont les zones en Maremne (Labenne, Orx) et en Labourd côtier.
De plus, si l’on considère le seul projet de LGV Bordeaux-Dax, qui n’a de sens que s’il était prolongé vers l’Espagne et permettait une continuité avec le réseau AVE espagnol, remarquons que ce dernier, à partir de Madrid a développé deux branches : l’une au nord ouest, vers Valladolid et au-delà Léon à l’ouest et l’autre au nord-est à travers l’Aragon : Saragosse puis Huesca dans le Haut-Aragon.
On voit tout de suite que Valladolid est actuellement le point le plus au nord du réseau AVE.
La continuité avec le projet français pourrait être établie par la future ligne Valladolid/Vitoria/Bilbao et Irun.
Certes la liaison entre Vitoria/Bilbao et Saint Sébastien (à continuer vers Irun), le fameux « Y basque » de l’autre côté de la frontière, est prévue pour la fin 2023 mais ses surcoûts, dus aux nombreux ouvrages d’art nécessaires et au prix considérable de la future gare AVE de Bilbao (740 M EUR) font entrevoir des délais assez importants. De plus la liaison Valladolid/Palencia/Burgos/Bilbao a pris du retard alors que sans elle le Y basque n’a pas de sens.
Par parenthèse, on peut noter que le point existant le plus proche des Pyrénées du réseau AVE est…Huesca, tout proche de la grandiose gare internationale de Canfranc récemment rénovée dont on connait la problématique : obtenir une continuité en France via Oloron et Pau et non via le Pays basque.
A minima le projet Bordeaux/Dax pourrait avoir du sens dans cette direction là, qui renforcerait potentiellement les liens entre les capitales aquitaines que sont Bordeaux et Toulouse avec les villes aragonaises, à défaut de le faire avec les métropoles basques mais cette hypothèse ne semble nullement envisagée. Il est vrai que le poids économique des zones basques est supérieur à celui des villes aragonaises et béarnaises, ce qui peut légitimer bien des surcoûts si on reste dans la pure logique économique de long terme.
Parlons de coûts, justement : les conclusions de la SNCF en octobre 2013 retenaient 5,9 Mds EUR pour Bordeaux-Toulouse et 3,2 pour Bordeaux Dax (en mentionnant une évaluation de 4,1 Mds pour le prolongement vers la frontière espagnole) soit un total immédiat pour les deux projets de ligne de 9,1MDs (auxquels s’ajouteraient ultérieurement les 4,1 - dont 1Md promis par les fonds européens-).
En face les rénovations des deux lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux -Dax sont estimées actuellement par la SNCF dans une fourchette comprise entre 4,6 et 7,3 Mds, la LGV ayant vu son coût réévalué (en euros actuels, sans actualisation à l’horizon 2030 ) à 10 Mds EUR. On pourrait ajouter que dans le cas de si lourds investissements, il est presque constant que de forts dépassements de coût sont à déplorer pendant les long travaux nécessaires.
Cela concernerait autant les travaux de rénovation que de construction ex nihilo de voies nouvelles mais il est permis de penser que de forts dépassements soient davantage vraisemblables dans ce dernier cas, en terrain « inconnu » des ingénieurs et techniciens. On a donc une comparaison 10 Mds ++ sans compter les prolongements vers la frontière basque (nouvelles lignes) face à un point moyen de 6 Mds + (rénovations) .
Voilà ce qu’on peut dire aujourd’hui. Personnellement je penche bien plus vers l’option « rénovation » mais le débat est ouvert. Qu’en pensent les gasconhautes ?
https://www.tarn-et-garonne.gouv.fr/content/download/6889/41199/file/tracedept82_nov2013.pdf