Lettres à Bernard Manciet de Frédéric Sudupé

- Gerard Saint-Gaudens

Les éditions Passiflore publient un recueil de lettres posthumes à Bernard Manciet, qui méritent le détour.

L’éditeur dacquois Passiflore est un fleuron de l’édition en pays gascon. Outre de remarquables ouvrages sur la course landaise (belle monographie illustrée sur Nicolas Vergonzanne, entre autres) ils donnent une voix à des écrivains régionaux, seulement en français certes (Léon Mazzella par exemple avec ses « Chasses furtives ») jusqu’à présent mais c’est déjà beaucoup d’autant que certains s’attaquent à des sujets liés à la langue gasconne, tel Marc Large avec La Folle Histoire de Félix Arnaudin en 2019.

Cette fois-ci Passiflore édite un livre original, celui d’un landais, Frédéric Sudupé, dont ils avaient déjà publié un Tête à Tête avec la Dame de Brassempouy en 2020. Il s’agit des Lettres à Bernard Manciet, à la veille de l’année qui marquera le centenaire du poète, romancier et essayiste qui nous quitta au début de l’été 2005.
Livre original, pour plusieurs raisons :
D’abord parce que l’auteur, de parents basque et vendéen, ne connait pas le gascon et a reçu l’œuvre de Manciet dans sa version française*.
Ensuite par sa forme : les romans par lettres, si appréciés autrefois, ne sont plus guère de mode, tout comme le style, élégant et ultra classique, presque précieux, de Sudupé.
Bien sûr il ne s’agit pas ici de roman mais de quarante-quatre lettres posthumes, au bout de dix ans d’amitié et, de la part de Sudupé, d’une totale admiration. Une admiration quasiment subjuguée tant par l’œuvre que par le personnage au point que l’auteur ait prévu une réaction d’agacement de ses lecteurs (« trop admiratif, ébloui, voire naïf, bien trop flexible devant le maitre… »). Il faut dire que Manciet, quelque peu roublard et maniant à merveille la fausse modestie, incitait à cela. Mais l’admiration de Sudupé est sincère, totale et, disons-le, la qualité exceptionnelle de l’œuvre et du personnage de Manciet, la méritait bien. D’autant que Sudupé partageait avec lui un immense univers littéraire et pouvait se sentir de plain pied avec lui, avec la double distance de l’âge et de l’admiration.
Bref, un livre unique, étonnant, sensible et qui ouvre des fenêtres nouvelles sur l’œuvre du poète de Trensacq.

* Guy Latry, s’il nous lit, pourrait nous dire quelles oeuvres gasconnes de Manciet n’ont pas été encore traduites en français. Ce qui n’exonère pas les gasconophones de faire l’effort de le lire dans sa langue originelle, un effort certainement car la langue de Manciet est souvent obscure, « esquerre » tant qu’on voudra. Manciet : detz ans dejà