Une étude généalogique de la moyenne vallée de la Garonne La généalogie de Bernard Charbonneau

- Vincent P.

Il y a quelques années, je m’étais pris d’intérêt pour les généalogies de quelques personnalités plus ou moins illustres ayant un ancrage gascon. Gérard a ainsi pu parler l’an dernier de la figure de Bernard Charbonneau.

Le personnalisme gascon

C’est un peu prendre la vie de quelqu’un par un angle anecdotique, mais au prétexte de parler de quelqu’un de célèbre, cela dit aussi de l’histoire des temps modernes des pays gascons.

Il s’avère que, bien que né à Bordeaux au début du 20ème siècle, Bernard Charbonneau avait ses deux parents nés dans le département du Lot-et-Garonne.

 La famille paternelle Charbonneau :

Elle est fixée depuis le 18ème siècle dans les environs de Tonneins : un ancêtre, Pierre, fils d’un Charbonneau et d’une Favereau, épouse à Tonneins une dénommée Marie Laffit(e)au, de Tonneins, fille d’Izaac Laffit(e)au et Marthe Luquet.

Les prénoms marquent sans difficulté l’ancrage dans le protestantisme garonnais ; il sera noté qu’une autre famille protestante de Tonneins aura pour descendant illustre, Lionel Jospin, par sa mère née Dandieu.

Quant au nom de famille Charbonneau, il marque vraisemblablement une origine gavache, dans la mesure où sa distribution est ancrée avant toute chose dans l’espace entre Loire et Gironde, notamment en Bas-Poitou. Il en va de même du patronyme Favereau. La toponymie autour de Marmande et Tonneins laisse parfois entrevoir comme une extension du foyer de migration gavache de l’Entre-deux-Mers en Agenais.

Les Charbonneau se fixent par la suite à Grateloup, sur les hauteurs de Tonneins, dans les coteaux entre Lot et Tolzac, aux limites extrêmes du domaine linguistique gascon. À Grateloup, alliance avec une famille Magniac : les patronymes sont plutôt locaux sur cette branche (Pommarède, Dauzon, ...) même si l’ancêtre Magniac le plus lointain provient de Fumel.

Qu’est-ce que cela dit des migrations des Agenais des coteaux, en zone linguistique que nous disons guyennaise, vers la vallée de la Garonne, de langue gasconne ? Une étude serait à mener.

À la génération suivante, mi 19ème siècle, mariage à Clairac (une famille protestante, j’imagine, au vu du prénom Marthe), avec une fille Rey ; sur cette branche, les patronymes sont locaux là encore : Rey, Saget, Passet, Nadau, Leydet, Dutilh, ... L’on constate des alliances vers Agmé et Labretonie, ce qui n’est évidemment pas lointain depuis Clairac, mais pas non plus totalement limitrophe : on voit des mariages entre deux Nadau, peut-être des cousins, et l’on croit deviner des allers-retours entre Clairac et Agmé, du reste l’ancêtre Pierre Nadau est dit, deuxième moitié du 18ème siècle "bourgeois du Petit-Loy" à Labretonie.

Faut-il imaginer une mobilité spatiale plus vaste s’agissant de familles protestantes, bourgeoises qui plus est ? Il faudrait évidemment comparer avant de tirer des leçons, il est possible dans tous les cas que Clairac constituait une véritable ville, attractive.

 La famille maternelle Martin :

Elle est originaire de Boé, rive droite de la Garonne, du moins sa mère y est née. Le père, en revanche, était né à Port-Sainte-Marie, d’une famille de la ville, avec des ramifications vers Francescas via la famille Corne (Corné ?) au milieu du 18ème siècle, toujours du côté Martin.

Le père, donc le grand-père de Bernard Charbonneau, avait sa mère également de Port-Sainte-Marie : Benech, Alezay, Beaugrand, ... Beaugrand, par exemple, ne somme pas très gascon, on peut imaginer du reste qu’un port comme Port-Sainte-Marie devait attirer une population plus cosmopolite. Il semble également que le patronyme Alezay pourrait être auvergnat, il a disparu en France, dans tous les cas, et ses dernières attestations sont en Lot-et-Garonne fin 19ème siècle.

La grand-mère de Bernard Charbonneau du côté maternel, elle, naquit à Agen, née Mazaré, dont le père était né à Castelsagrat, dans le département actuel du Tarn-et-Garonne, dans les coteaux entre la Séoune et la Barguelonne, au NE de Valence-d’Agen, dans l’ancien Agenais historique. Les patronymes, de ce côté, sont typiques du nord de la Garonne, donc "languedociens" : Tinel, Vidal.

Enfin, la mère de cette grand-mère, qui épousa donc un homme de Castelsagrat, était d’Agen, née Rouzet dans cette fille, fille d’un Rouzet et d’une Laboulbène. Les Rouzet sont originaires de Monclar, toujours en Agenais, dans les coteaux au nord du Lot, en aval de Villeneuve-sur-Lot.

En conclusion :

Nous avons là un enfant de Bordeaux au 20ème siècle, qui tire l’essentiel de sa généalogie de la moyenne vallée de la Garonne, qui confirme avoir été une puissance source de peuplement de la grande ville de la Garonne. Dans le détail, Charbonneau était issu d’une famille de l’Agenais, protestante des environs de la confluence Garonne/Lot (autour de Clairac et Tonneins), catholique d’Agen (donc fatalement, dans un relatif "cosmopolitisme" local, avec des branches qui s’enfoncent de part et d’autre de la Garonne, vers Francescas pour le côté gascon notamment).

Voir en ligne : Généalogie de Bernard Charbonneau sur Geneanet

Grans de sau

  • La généalogie des habitants de Blaye à Monségur et de la Dordogne à la Garonne sont issus en grande majorité de la migration du XV°/XVI° s. après la guerre de Cent Ans et la peste.
    Ces migrants Gavaches ont repeuplé des communes entières, construisant des maisons - obligation stipulée dans les baux à fiefs nouveaux. Cette population a fait souche et si on remonte dans leur arbre généalogique, on trouve un breton, un poitevin, etc.venus des provinces de l’ouest mais aussi du Pays Basque et Massif Central.Par la suite, ils ont peu bougé et se sont difficilement mélangés avec les Gascons pour des raisons complexes.

  • ARCHITECTURE de la MAISON RURALE XV° ET XVI° siècles dans l’ENTRE DEUX-MERS
    Etude de l’habitat des migrants Gavaches, son approche historique et sa culture matérielle. Un territoire créé artificiellement.
    Cet ouvrage est préfacé par M. le professeur Araguas, médiéviste.
    Cette approche est en deux parties .

    L’une a pour but de replacer cette vague migratoire dans son contexte historique de la guerre de Cent ans et la peste. Celle-ci se propage dans le bordelais et G. de Lurbe, chroniqueur, montre comment le Parlement de Bordeaux se déplace au gré des vagues d’épidémies par exemple. D’autre part, les Gascons, ralliés aux Anglais guerroient contre le roi de France.
    Les pouvoirs politique et religieux vont faire appel à la migration pour travailler les terres dépeuplées par les épidémies en Entre-deux-Mers notamment. Devenues des friches qui ne rapportent plus, des baux à fiefs nouveaux très avantageux vont être proposés aux Poitevins, Bretons, Normands etc venus s’établir dans les Petite et Grande Gavacheries mais aussi dans notre région.
    Une des obligations qui était faite aux migrants était de construire une maison dans les 3 ans qui suivaient le bail. C’était les ancrer dans les terres qui leur avait été attribuées et pallier au manque de logis souvent contaminés par la peste.
    Deux populations se côtoient, parlant une langue différente : langue d’Oc et langue d’Oïl et ne se mélangeront que très tardivement.

    L’autre est constituée d’un corpus de 26 bâtiments avec photos, plans, descriptif.
    Bien qu’ayant évolué les maisons sont encore là, avec leurs murs épais, la division des espaces d’origine.
    Elles se différencient du bâti qui les a précédées, fait de poteaux toute hauteur soutenant la charpente et aux murs enduits de torchis. Avec l’arrivée des Gavache les bâtis sont désormais en moellons et entablements en pierre de taille. Un élément novateur, est la présence de la cheminée qui jusqu’alors n’était que dans les maisons seigneuriales, les maisons paysanne n’en ayant pas.
    Cheminées monumentales, calquées sur la province d’origine du migrants et influencées par les châteaux de leur province quittée. Ce nouveau type de bâti permet un grenier fortement mansardé mais cependant habité tout en servant de lieux de réserve alimentaire.
    Puits, fournières, éviers, autant de caractéristiques récurrentes qui les caractérisent sans oublier les immenses bergeries.

    Ainsi à partir de ces nouvelles approches, le mode de vie de ces migrants se dessine et bien qu’ayant peuplé notre région, il y a plus de 800 ans, ils restent très présents. Présence d’autant plus vive que bien de leurs descendants sont parmi nous. Cela se retrouve immanquablement dans nos arbres généalogiques. Nous sommes tous des migrants, tous un peu Gavaches !

    Architecture de la maison rurale XV° et XVI° s.dans l’E2M et de l’habitat des migrants Gavaches
    Annette Pezat
    • Il se trouve que je lis en ce moment le livre récent d’Andrés Kristol "Histoire linguistique de la Suisse romande".
      L’auteur y parle de la germanisation d’une grande partie de la Suisse, celle justement qui n’est pas restée "romande" ni "romanche".
      Or, la colonisation des campagnes suisses par des populations germaniques (les alamans) du nord du Rhin s’apparente à celle des gavaches dont parle ci-dessus Annette Pezat.
      Et l’auteur invoque aussi une épidémie de peste (p. 138) :

      « Pendant longtemps, j’ai tenté de résoudre cette énigme [la germanisation de la Suisse par les colons des campagnes] en supposant que les populations alémaniques agricoles avaient connu un taux de fertilité nettement plus élevé que les populations citadines romanes, et en partie cette explication pourrait rester valable.
      Actuellement, je pense cependant que le phénomène s’explique plutôt par l’histoire de la grande épidémie de peste (la peste de Justinien) [...] qui a touché beaucoup plus durement les populations citadines de langue romane - étant données les conditions sanitaires de l’époque - que les populations germaniques, qui vivaient à la campagne, disséminées dans de nombreuses fermes isolées. »

      Mais c’était entre le VIIe et le IX siècle, donc bien plus tôt que la gavachisation de nos terres d’oc au nord de la Gascogne.

  • Bonjour,
    En Allemagne on trouve des régions et villages qui ont longtemps parlé français, se diluant peu à la population autochtone. Les protestants réfugiés sous Louis XIV ont été accueillis, leur attribuant des terres là aussi. Autre vague de migrants français au moment de la Révolution, mais cela ne correspondait pas au même type de population ni aux même raisons...