Paisans de noste #1 La Coordination rurale 47

- Tederic Merger

Ils ne parlent guère de Gascogne, et épousent sans souci l’identité "47".
D’ailleurs, rappelons que le département 47 n’est (n’était) grosso modo gascon que dans sa moitié au sud-ouest de Garonne...
"Le 47" est présentement le seul département gascon (et un des rares français) où la Coordination Rurale dirige la Chambre d’agriculture, par la grâce des élections professionnelles. Pourquoi cette exception, qui a peut-être frappé les esprits des heureux élus, et renforcé leur identité "47" ?

Grans de sau

  • "EN 47 VOTEZ LES 47", c’est le slogan de ces candidats de "les 47", émanation de la Coordination rurale* dans le département du Lot-et-Garonne.

    Le fait pour un syndicat agricole de se présenter directement (ou presque) à des élections politiques est, il me semble, très rare.
    Et en plus ça marche : par exemple dans le canton de Tonneins, leur candidat est bien placé pour gagner au 2e tour.
    Ils mettent l’accent sur la valeur travail, le refus du gaspillage de l’argent public, la nécessité des retenues collinaires face aux "écolos"...
    Dans le texte de l’affiche ci-dessous, ce passage inclusif qui n’aurait pas figuré dans un texte de l’extrême droite :

    le 47 est une terre d’accueil, une terre de différences où les couleurs se mélangent et deviennent sueur au coeur de la mêlée

    "les 47", "le 47"... nous sommes quelques uns à être hérissés par cette référence constante - et numérotée - au département ; mais ils le font tous, et ne comprendraient même pas que ça puisse hérisser...

    Le succès de "les 47" est peut-être à rapprocher du relativement bon résultat de la liste du Mouvement de la Ruralité aux élections régionales en Nouvelle-Aquitaine.
    Mais l’abstention massive doit relativiser ces résultats.

    * Syndicat majoritaire dans ce département où il est aux commandes de la Chambre d’agriculture, ce qui est aussi exceptionnel ; il est considéré comme "à droite", tient un discours fortement anti-écolo, et a des méthodes parfois "musclées".

  • La CR 47 est très "anti-écolo".
    Le représentant de la Confédération paysanne du même département, syndicat paysan plus "écolo", répond aux accusations de ceux qui lui reprochent de pactiser avec la première, et s’élève ainsi au dessus de la mêlée.
    Agriculture en Lot-et-Garonne : « Dans l’intérêt de tous les paysans, oui, nous parlons avec la CR 47 »
    Ces passages de ses réponses à "Sud-Ouest" méritent d’être cités ici, puisqu’il est question d’"ethnocide", de "paysans historiques" (menacés d’élimination)... :

    « La CR 47 est moins un syndicat agricole qu’un mouvement identitaire, qui en Lot-et-Garonne rassemble la majorité des paysans historiques, ceux qui ont survécu à l’ethnocide mis en œuvre par les politiques dites publiques depuis les années 1950. Une posture identitaire, c’est celle d’un groupe social qui se vit seul contre les autres. »

    « aucune forme de guerre civile au sein de la population n’améliorera ni le sort des paysans, ni la situation écologique. Ce dont il faut nous libérer, c’est du complexe agro-industriel. Cette collusion d’intérêts qui décide de tout via l’administration, les banquiers, les conseillers techniques, les marchés… et qui est parvenu à faire avaler aux paysans qu’ils sont des « entrepreneurs », libres. Méprisés comme « bouseux », cette flatterie était alléchante. En réalité, elle a servi à leur déléguer leur propre élimination. »

  • Intéressant tout ça…
    Passons sur le 47, identification au territoire mythique ( ?) de l’immortel Lot et Garonne, alias Agenais, comté d’Agen, etc… tout de même !
    Que cela nous plaise ou non, les départements ont fini par acquérir une sorte d‘identité en deux siècles. Il faut bien se raccrocher à quelque chose pour n’être pas un rien au milieu de nulle part, surtout quand on n’a pas vraiment idée d’une identité locale plus rassembleuse, ce que ne peut pas être la Nouvelle Aquitaine. Encore du pain sur la planche pour faire émerger l’identité gasconne !

    Plus particulièrement, l’appel du responsable local de la Confédération paysanne à parler avec la Coordination Rurale 47 me semble de bon augure. Il y est peut être un peu forcé par le rapport de force local mais ce dépassement des frontières mentales me semble de bon augure.

    Compte tenu de la sociologie de nos zones rurales gasconnes (pas de grands céréaliers chez nous), il m’a toujours semblé que le modèle FNSEA ne collait pas à nos réalités.
    Il y a beaucoup de vrai dans ce que dit le responsable de la Confédération quand il pointe du doigt ceux qui ont flatté les paysans de chez nous et d’ailleurs par une promotion au rang enviable (sur le papier) d’entrepreneur, méga- investissements et méga- endettements à la clé. Il me semble que les trois petites organisations syndicales gagneraient beaucoup, particulièrement chez nous, à surmonter leurs a priori en se concertant pour faire contrepoids à la puissante FNSEA.
    Trois organisations en effet : à la Confédération paysanne qui a su reprendre le flambeau de la petite agriculture familiale en lui insérant de bonnes doses d’écologie et d’altermondialisme, au risque d’être parfois otage de LFI et des Verts, la Coordination rurale, relativement proche du RN tout en s’en différenciant électoralement quand c’est possible, fait bonne figure.
    Mais il ne faudrait pas oublier la troisième, historiquement proche du PCF, le Modef (ni le Medef ni le Modem !), « mouvement de défense des exploitants familiaux », apparemment en déclin mais qui a eu de vrais soutiens dans nos terroirs gascons : la fête du Modef 40 (encore !) à Soustons en juillet a duré longtemps bien qu’elle semble n’avoir pas repris depuis les confinements de 2020 mais elle réunissait des foules dans une sympathique ambiance bon-enfant, une histoire sans doute pas finie.

    Quant au reproche fait à la Coordination rurale, il est en partie vrai : elle semble un peu se manifester comme une citadelle assiégée, mais il faut dire que si elle semble aujourd’hui anti-écolo, les Verts et leurs appendices extrêmes, voire extrémistes, type Les soulèvements de la Terre ou L214 ne reculent pas devant l’ « agribashing » - c’est assez récent d’ailleurs, perceptible depuis deux ans à peine - et promeuvent volontiers les « viandes de synthèses » produites industriellement, avec l’objectif ultime de faire disparaitre l’élevage. Tout comme ces organisations combattent indifféremment toutes les retenues d’eau, aux situations pourtant bien souvent différentes les unes des autres.
    Bref, nos paysans, agriculteurs, comme on voudra, vivent aujourd’hui de sacrés défis internes et externes et l’alliance des petits ne sera pas de trop pour les affronter.

  • La CR semble plus forte sur un axe nord-sud, 47-32-65.
    Il faudrait aller plus finement à l’intérieur des départements.

    09 :
    FNSEA-JA 54.05%
    Confédération Paysanne 38.79%
    Coordination Rurale 7.16%

    31 :
    JA 38.68%
    FNSEA 34.88%
    Union Confédération Paysanne - Coordination Rurale 26.44%

    32 :
    FNSEA-JA 46.95%
    Coordination Rurale 28.98%
    Confédération Paysanne 17.42%
    MODEF 6.66%

    33 :
    FNSEA-JA 60.19%
    Confédération Paysanne 25.99%
    Coordination Rurale 13.82%

    40 :
    FNSEA-JA 54.47%
    Union Confédération Paysanne - Modef 32.82%
    Coordination Rurale 12.71%

    47 :
    Coordination Rurale 59.67%
    FNSEA-JA 24.59%
    Confédération Paysanne 9.91%
    MODEF 5.83%

    64 :
    FNSEA-JA 53.98%
    Autres listes 24.21%
    Confédération Paysanne 13.19%
    Coordination Rurale 8.62%

    65 :
    FNSEA-JA 57.03%
    Coordination Rurale 29.55%
    Confédération Paysanne 13.42%

    82 :
    FNSEA-JA 63.23%
    Confédération Paysanne 20.29%
    Coordination Rurale 16.48%

    https://chambres-agriculture.fr/elections2019/resultats-des-elections-2019-des-chambres-dagriculture/