Le roman de Marc Large (« La folle histoire de Félix Arnaudin », éd.Passiflore,2019) est-il la véridique histoire du « Pèc de labouheyre » ?
Pèc*, il le paraissait aux yeux des Landais de son temps par la nouveauté et l’étrangeté de ses pratiques : photographies, recherche obstinée et obsessionnelle des vieilles chansons, des vieux contes, ce que personne ne faisait à son époque dans ce territoire landais resté à l’écart de la vogue romantique des Jasmin, Bladé et plus tard, des Camelat et Palay.
Mais était-il rigoureusement aussi fou que le montre l’auteur ?
Tout ce que j’ai pu lire ici ou là, voire entendre autrefois de Bouheyrots de bonne souche, à son sujet, allait dans le sens d’une légère bizarrerie, d’une évidente misanthropie pessimiste sur son époque, d’une certaine inadaptation sociale évidemment mais certainement pas de la folie maniaco-dépressive.
Accessoirement, était-il aussi tenté par les vues anarchistes que le montre Large ?
Une biographie plus systématique, disons universitaire, ne serait pas de trop pour éclaircir ces questions maintenant que toutes les sources sont devenues disponibles (au Musée d’Aquitaine de Bordeaux, sur le site du Parc Naturel de la Grande Lande et aux archives départementales des Landes).
Cela dit, le roman est bien ficelé, agréable à lire et transmet toute la sympathie que Marc Large éprouve envers le plus remarquable des folkloristes gascons (bien plus honnête et rigoureux que Bladé, par exemple).
J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à le lire, presque d’une traite. D’autant que les reproductions de photos d’Arnaudin ponctuent les textes de façon très bienvenue. Et d’ailleurs, un des grands apports de ce livre est de nous faire littéralement toucher du doigt la qualité extraordinaire de photographe qu’était Arnaudin, un des pionniers de cet art dans notre région.
Dommage que malgré le bataillon de lecteurs et relecteurs sollicités, l’auteur ait laissé passer ici ou là des choses un peu curieuses : par exemple une étrange confusion entre hôtels particuliers et hôtels de voyageurs (p 74) ou un propos assez hexagonal prêté à Arnaudin dans son dialogue avec « lou Jan », le berger landais totem d’Arnaudin (p100).
Par ailleurs on ne peut que regretter la façon dont a été conçu le lexique gascon en annexe qui mélange sans précaution orthographes franco-phonétique et normalisée,source de confusion plus que probable pour le lecteur non averti quand il essaiera de prononcer ces mots.
Une ré-édition (je suis prêt à parier que l’éditeur dacquois aura toutes les raisons du monde d’en prévoir d’autres !) saura remédier à cela.
*pèc : terme beaucoup moins typé « pathologie » que le français « fou ».
Arnaudin n’era pas hòu, qu’era pèc o au menx qu’era atau vist preus boheiròts deu son temps…