La folle histoire de Félix Arnaudin

- Gerard Saint-Gaudens

Le roman de Marc Large (« La folle histoire de Félix Arnaudin », éd.Passiflore,2019) est-il la véridique histoire du « Pèc de labouheyre » ?
Pèc*, il le paraissait aux yeux des Landais de son temps par la nouveauté et l’étrangeté de ses pratiques : photographies, recherche obstinée et obsessionnelle des vieilles chansons, des vieux contes, ce que personne ne faisait à son époque dans ce territoire landais resté à l’écart de la vogue romantique des Jasmin, Bladé et plus tard, des Camelat et Palay.
Mais était-il rigoureusement aussi fou que le montre l’auteur ?
Tout ce que j’ai pu lire ici ou là, voire entendre autrefois de Bouheyrots de bonne souche, à son sujet, allait dans le sens d’une légère bizarrerie, d’une évidente misanthropie pessimiste sur son époque, d’une certaine inadaptation sociale évidemment mais certainement pas de la folie maniaco-dépressive.
Accessoirement, était-il aussi tenté par les vues anarchistes que le montre Large ?
Une biographie plus systématique, disons universitaire, ne serait pas de trop pour éclaircir ces questions maintenant que toutes les sources sont devenues disponibles (au Musée d’Aquitaine de Bordeaux, sur le site du Parc Naturel de la Grande Lande et aux archives départementales des Landes).

Cela dit, le roman est bien ficelé, agréable à lire et transmet toute la sympathie que Marc Large éprouve envers le plus remarquable des folkloristes gascons (bien plus honnête et rigoureux que Bladé, par exemple).
J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à le lire, presque d’une traite. D’autant que les reproductions de photos d’Arnaudin ponctuent les textes de façon très bienvenue. Et d’ailleurs, un des grands apports de ce livre est de nous faire littéralement toucher du doigt la qualité extraordinaire de photographe qu’était Arnaudin, un des pionniers de cet art dans notre région.
Dommage que malgré le bataillon de lecteurs et relecteurs sollicités, l’auteur ait laissé passer ici ou là des choses un peu curieuses : par exemple une étrange confusion entre hôtels particuliers et hôtels de voyageurs (p 74) ou un propos assez hexagonal prêté à Arnaudin dans son dialogue avec « lou Jan », le berger landais totem d’Arnaudin (p100).
Par ailleurs on ne peut que regretter la façon dont a été conçu le lexique gascon en annexe qui mélange sans précaution orthographes franco-phonétique et normalisée,source de confusion plus que probable pour le lecteur non averti quand il essaiera de prononcer ces mots.
Une ré-édition (je suis prêt à parier que l’éditeur dacquois aura toutes les raisons du monde d’en prévoir d’autres !) saura remédier à cela.

*pèc : terme beaucoup moins typé « pathologie » que le français « fou ».
Arnaudin n’era pas hòu, qu’era pèc o au menx qu’era atau vist preus boheiròts deu son temps…

Grans de sau

  • Message 1/2

    Bonjour Monsieur,

    Merci pour cet intéressant billet.
    Laissons donc parler Félix Arnaudin lui-même, avant que je ne vous propose une réponse :

    « Dans ma pauvre vie de rêveur sauvage, toutefois anxieux de notre passé local, je n’ai guère reçu d’encouragements. L’indifférence et les railleries, un peu de tous côtés, en ont volontiers pris la place.

    Maintenant, la Lande n’existe plus. Enchantement des aïeux déroulant sous le désert du ciel, sa nudité du premier âge à l’étendue plane, sans limites ; la plantation en allée, écœurante de banalité, borne implacablement la vue, hébète la pensée, en abolit tout essor. Même l’œil avait le perpétuel éblouissement du vide, où l’âme élargie, enivrée, s’abîmait dans d’ineffables et si chères tristesses. A succédé la forêt, la forêt industrielle, avec toutes ses laideurs, pour le maximum d’argent.

    Que mon œuvre soit mon tribut filial à cette terre de grandiose et ensorcelante poésie que j’aime maladivement et qui reste devant mes yeux, à travers l’amertume de mes regrets, toujours mystérieusement souriante, dans la douce splendeur de son horizon sans borne, toujours animée de la vie naïve et libre des jours évanouis » FA.

    Il écrit souvent qu’il aimait "maladivement" la lande. Qu’il était "possédé" par elle. En étudiant de près ses propres écrits, j’ai découvert quelques étranges symptômes qui n’enlevaient rien à son génie. Syllogomanie et autres. Il avait un cahier où il notait tout ce qu’il mangeait. Un autre où il consignait les kilomètres qu’il faisait. Etc. Il photographiait systématiquement ses chiens et chats morts. Il parlait de mélancolie à une époque où ce terme désignait la dépression. Il parle très souvent de tristesse, de son déclassement, de sa solitude, de cette profonde souffrance qu’il ressentait.
    J’ai fait lire tout ceci à un médecin qui y a perçu peut-être une forme de d’Asperger, autisme sans déficience intellectuelle : "difficultés dans le domaine des relations et des interactions sociales : se faire des amis, par exemple. Des intérêts restreints (en nombre mais très forts en intensité, répétition de cet intérêt). Un besoin de routine et une difficulté d’adaptation aux changements et aux imprévus, une tendance aux comportements répétés et stéréotypés. Des perceptions sensorielles souvent exacerbées (hypersensibilité). Cette surcharge sensorielle peut varier en intensité et dans le temps. Le risque de dépression et la perte d’estime de soi sont réels pour la personne qui vit régulièrement l’échec, l’anxiété et l’insécurité".

  • Suite 2/2

    Nullement anarchiste, il était progressiste et attaché à une justice sociale : il a libéré son métayer Monicien de son statut (ancêtre du dessinateur Lasserpe, pour l’anecdote), vécu en concubinage pendant trente ans avec une servante, aspirait à la sécurité sociale, plaignait les femmes pour leur condition de travail, critiquait la commercialisation de la forêt artificielle, et a même souhaité en 1915 un monument aux morts semblable pour toutes les victimes de la guerre.

    Il utilisait paradoxalement des moyens modernes au service d’un certain conservatisme.

    Une biographie universitaire serait la bienvenue et je me suis toujours étonné qu’elle n’existe pas...

    Pour la page 74 concernant l’histoire chaotique de l’hôtel de Luynes, merci pour la précision et la correction sera apportée si réédition il y a.

    Concernant le lexique gascon, j’ai eu autant d’avis divergents que de lecteurs gascons. Merci de m’indiquer ce qui ne convient pas, pour vous.
    De la même façon, je me suis rendu compte que tous les spécialistes de Félix Arnaudin ont chacun leur propre vision de lui. Probablement en raison des zones d’ombre qu’il a (volontairement ?) laissé dans ses écrits ou des épisodes passés sous silence. Par ailleurs, il écrivait souvent en employant des métaphores...

    Que ce roman, et c’est l’une de ses "missions" premières, puisse donner envie au lecteur de lire Arnaudin lui-même !

    Merci encore à vous.
    Adishats (Adishatz)
    Large

  • Adishatz
    "Concernant le lexique gascon, j’ai eu autant d’avis divergents que de lecteurs gascons. Merci de m’indiquer ce qui ne convient pas, pour vous."
    Le problème signalé est qu’il y a au moins deux graphies concurrentes. Si vous ajoutez des avis aux avis, vous risquez d’obtenir des répiéçages et d’autres incohérences graphiques.
    Il faudrait choisir une convention graphique unique et s’y tenir (ou bien celle d’Arnaudin, ou bien la normalisée), donc confier la relecture et mise en graphie finale à un seul rédacteur compétent dans les parlers locaux, je pense par exemple à Arnaud Lassalle, Jean-Jacques Fénié, Halip Lartigue…

  • Cher Monsieur Large,
    Merci pour votre réponse et toutes ces précisions, notamment médicales.
    Le cas a l’air sérieux en effet (au passage vous m’avez appris le mot de sygillographie "goût immodéré -et pathologique- pour l’accumulation d’objets") ; ceci dit je me méfie toujours un peu de la tendance médicale à "pathologiser" un peu tout mais enfin... Arnaudin avait quoi qu’il en soit un type de personnalité le condamnant à refuser tout changement certainement ; un landais qui nous lit peut-être me disait l’autre jour qu’il serait aujourd’hui un défenseur nostalgique du pinhadar menacé par diverses évolutions actuelles et c’est probablement vrai.
    Concernant le lexique, Gasconha.com vous donnerait bien volontiers sa modeste assistance le jour de la réédition de ce livre. Je pense que deux transcriptions de chaque mot seraient utiles et éviteraient le passage incertain de l’une à l’autre : une transcription en graphie "classique"(éventuellement modifiée façon Jean Laffitte -première manière- , graphie utilisée par Halip Lartigue que vous citez et qui serait le meilleur conseiller en la matière ; mais aussi transcription franco-phonétique utilisée par Arnaudin.
    Si vous nous donnez vos coordonnées courrièl par la "souillarde" du site, nous pourrons communiquer là-dessus.
    Encore merci, adixatz !

    [note du webmèste : nous avons bien l’adresse e-mail de Marc Large, qu’il a donnée en envoyant ses grans de sau]

    • « un landais qui nous lit peut-être me disait l’autre jour qu’il serait aujourd’hui un défenseur nostalgique du pinhadar »

      Oui, drôles de retournements historiques :
      Les "aspergés"* de la lande rase comme Arnaudin ont comme dignes successeurs les "aspergés" du pinhadar qu’il abhorrait, dont moi (et jadis ma mère).
      J’ai été heurté quand, il y a 30 ans, un non-landais m’a dit qu’il détestait la forêt, "plantée", des Landes de Gascogne.
      Depuis, j’ai compris un peu, et appris à ne plus révérer le pinhadar en bloc, à aimer sélectivement là où il laisse de beaux troncs rythmer la vue...
      J’ai appris à priser la forêt diversifiée, avec des chênes par exemple.
      Mais à choisir entre le pinhadar et des champs de maïs comme dans la Beauce, je choisis le pinhadar, quel qu’il soit, au moins pour la bruyère, les genêts, les gawarres qu’il laisse pousser entre les rangs de pins (pas toujours ?)... pour la vie animale, les parfums, les fleurs qui vont avec...

      * aspergés : ceux touchés par une certaine forme d’autisme...

  • Merci pour vos réponses. Je reviendrai vers vous en cas de réédition. Ci-joint, un petit cadeau qui devrait vous plaire...
    Amitiés

  • "Je pense que deux transcriptions de chaque mot seraient utiles et éviteraient le passage incertain de l’une à l’autre : une transcription en graphie "classique"… mais aussi transcription franco-phonétique utilisée par Arnaudin."
    En effet, je ne voulais pas compliquer le propos mais c’est aussi ce que je préconiserais.

  • Précieuse relique en effet ! La collaboration d’Arnaudin avec le Félibrige a été très limitée. Les grandes et bruyantes "taulejades" n’étaient pas son affaire et il se voyait plus comme le conservateur d’un monde qui mourait que le propagandiste d’une renaissance.
    Mais enfin il fut reconnu ,comme l’atteste ce document (que j’ai du mal à lire en détail). Merci donc.

  • Le voici en plus gros plan. Retrouvé par un descendant de Félix au château Arnaudin, face à la maison du Monge. À noter le terme « folk-lore » (emprunt gascon ?)

    [Clicatz sou mey petit, que l’auratz mey gran !

    Sinoun :
    "M. Félix Arnaudin, de Labouheyre, qu’a gagnat lou gran prèts d’haunou, medalhe bermèlhe dap lous sous tribalhs sus lou fok-lore landés.
    Orthez, lou 21 d’aous 1902"
    lou webmèste]

  • Qu’i a totun aquesta letra de Camelat (de memòri) on conda que pendènt ua frelibrejada on avè condat Arnaudin, e on èra vinut, enfin, que’u vòu presentar Mistral. Que l’amia davant, que’u dit d’atèner percè que’u va cúlher e quèn torna dab Mistral... be s’es escapat !

    Qu’èra hòrt gloriós mes qu’avè hòrta ua grana admiracion per Mistral. E qu’avè reson, l’ajant legit preu permèr còp engoan (Pouèmo dou Rose, Mirèia, Memòris e racountes), que’m sembla, occitan o gascon, digun n’es au dessús d’eth... E Arnaudin qu’ac sabè.

  • Très belle anecdote, Renaud. Merci.
    Dans une lettre du 27 avril 1896, adressée à Lafore, Félix raconte qu’il a refusé de rencontrer les félibres, dont Mistral, parce qu’il était trop sauvage. Il était pourtant un grand admirateur de Mireille.

    le 19 septembe 1919, Arnaudin écrit : "Je n’ai pas assisté à la félibrée de Pau lundi dernier. Il y a bien longtemps, lors de la venue du grand Mistral, j’aurais tant voulu avoir l’honneur de lui serrer la main, et je ne l’eus pas. Je me trouvais là si seul. Si désorienté. Si étranger ! "

    En toute modestie, je pense avoir tenté de m’approcher au plus juste de sa personnalité, dans mon roman. Du moins, ne pas le trahir !

    Concernant, le gascon, Félix lui-même employait différente graphies. Par exemple, il y arrive d’écrire Boha et d’autres fois Bouhe (cornemuse landaise).

  • Erratum : Arnaudin écrivait bien Bouhe.
    Et pardon pour mes coquilles, j’écris trop vite sur ce forum. Merci pour les échanges passionnants.

  • à Tederic Merger,
    Merci, je viens de découvrir un terme : Aspergès (aspersion d’eau bénite sur les fidèles).
    Concernant Félix Arnaudin et la pignada, il n’a jamais dit qu’il détestait les pins. Il en a même photographié de très beaux. D’ailleurs, il employait alors une verticalité peu commune dans ses photographies.
    Il détestait seulement la forêt artificielle (la plus grande d’Europe).
    Il s’employait parfois à la gommer de ses clichés (à la peinture sur des épreuves papier).
    Je le cite à nouveau : " la forêt industrielle, avec toutes ses laideurs, pour le maximum d’argent (...) la plantation en allée, écœurante de banalité, borne implacablement la vue, hébète la pensée, en abolit tout essor."

  • Comme le rappelle Christophe, c’est bien "le pignadà" - masculin, avec un r final sous-jacent qui ne se prononce pas (pignadar-pinhadar).
    Alors justement, d’après ce que j’ai compris au fil du temps, ce mot pignadà désignerait précisément la forêt plantée (ou semée par la main de l’homme, souvent "en allée") : un linguiste (je crois que c’était Jean Laffite) nous a fait remarqué que "pignadà" dérive exactement du mot pignat/pinhat, qui lui-même dérive du mot pin. Un pignadà serait exactement un ensemble de pignats ! c’est impeccable sur le plan de la logique linguistique.

    Le gascon a au moins un dérivé direct de pin, c’est piéde (prononcer pi-éde, ou sans doute pi-eude en pays negue) très proche du français pinède* qui désigne peut-être, lui, une forêt de pins plus naturelle, celle qu’Arnaudin pouvait aimer.
    Bon, c’est la spécialisation du vocabulaire à laquelle je suis arrivé, mais je me doute que d’autres viendront l’enrichir ou la contester !

    * En passant, je pense que le français n’a fait qu’emprunté pinède à la langue d’oc en général, parce que la terminaison ède ne me parait pas française d’origine.

  • il est en effet tentant de voir dans "pinhadar"(pignadà) les bois de pins semés,"artificiels" en l’opposant à la "sèga"(sègue) ,forêt de pins non plantée mais c’est peut-être trop interpréter.Le Palay donne "pignada" comme"pinède bois de pins".Une "pignade" est pour lui un semis de pins.."Pièdo"(en alibertin "pièda") serait pour lui un terme armagnacais pour bois de pins,pinède(curieuse,cette référence à l’Armagnac )Et par contre,il ne connait pas "pignat" et je me demande d’où le linguiste cité par Tédéric(Jean Laffitte ?) tenait ce mot.
    Quant à pinède en français,c ’est vrai que cette désinence ne sonne guère française.

  • Pour être plus précis, pinhat viendrait de pinh, variante landaise de pin. On peut donc s’interroger sur l’origine du mot pinadar qui se trouve , lui, dans l’Entre-deux-Mers, puisque *pinat/pinada ne semble pas connu, à moins que ce soit un calque de pinhadar.
    Pour pieda je pense que c’est en effet une forêt semée ’’en vrac’’ ou issue de régénération spontanée, mais pas vraiment plus naturelle puisque les forêts naturelles de pin sont localisées sur les vieilles dunes littorales. Cette différence pinhadar/pieda me semble découler du fait que pieda serait un mot plutôt bazadais/néracais/armagnacais, plutôt qu’une coexistence des 2 mots au même endroit avec des sens différents, et si des lieux-dits ’’Piède’’ pénètrent sur le plateau landais cela ne m’étonnerait pas qu’ils désignent des plantations rectilignes.

  • A propaus de pinhadar, aciu un document qui èi dab las paperòlas de familha. Un lanusquet uei inconeishut qu’ac avè balhat au men paiòt ; ne’n sabi pas de mei. Que v’ac balhi en version normalizada (VN) e en grafias originaus (VO/VF).

    Lou concours dous preboyans de Gascogne (1946) — graphie et traduction de l'auteur —
    Lou concours dous preboyans de Gascogne (1946) — graphie et traduction de l’auteur —
    Insabut (anonyme).
    Graphie et traduction de l’auteur. Prose rimée.
    Ecrit pour le concours de la Caisse de Prévoyance des Landes de Gascogne, dans le cadre de la lutte contre les incendies du pignada.
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    • En dehors de l’intérêt linguistique du texte, je pense utile de résumer la proposition du lanusquet préboyan (si j’ai bien compris) :
      Voyant dans la brane, la touje, l’auguéte (la molinie) sèque, la fougère, la cause des incendies, il propose de les déraciner avec des tracteurs (darrigar pro pregontament) sur de larges passages ainsi nettoyés et labourés, qui seraient ensuite des péguilhères (parcours de troupeaux) ; je comprends que par la suite les troupeaux qui passeraient par là assureraient gratuitement le nettoyage...
      Notre préboyan propose donc une nouvelle mixité landaise entre le pignadà et le pastoralisme.
      Moi-même, je n’ai jamais compris pourquoi on n’avait pas fait ce genre de larges bire-huecs (coupe-feu), qui selon moi pourraient aussi accueillir des espèces végétales moins inflammables...

  • Aquí la version normalizada…

    Lo concors deus preboyans de Gasconha (1946)
    Lo concors deus preboyans de Gasconha (1946)
    1946. Autor insabut. En grafia alibertina.
    Acompanhat d’ua introduccion e de nòtas.
    Télécharger (125.9 ko)
  • Merci a vos, Jan l’Aisit per aqueth texte hort òriginau.

    Mes qu’i torni : que vòu diser un "pinhat" ? Un joen pin plantat per l’òmi ? Lo diccionari francès-gascon Per Noste (veder "semis") qu’u defineix com "semis de pins" mentre qu’es estat ignorat preu Palay.

  • Que compreni pinhat com vos : joen pin (sufix -at designant un especimèn juvenil de planta o d’animau ; varianta Per Noste : piat e autas formas dab sufix diferents). Foix que da pignat "petit pin", çò qui ei parièr. Palay qu’a piàt, var. piàc, “jeune pin, terrain où il y a de jeunes pins.” Donc pinhat ne serà pas sonque la varianta dab -nh-, on l’-n- intervocalica ne cad pas, solide.
    Lo pinhat que designa la parcèla tota per metonimia, supausi. Lhèu açò que poiré explicar ua part deus toponims vegetaus en -at qui tant chepican a Tederic, o lo Cassor(r)at de Dacs qui’m turlupina tanben ?
    — 
    Sus la prononciacion é/è ne’ns pòdem pas tostemps hidar en las grafias ancianas, patuesas o francesas, pr’amor que caló hòrt de temps entà fixar é = [e] barrat, è = [ɛ] obèrt. Teoricament qu’estó actat en la reforma de 1878, mes a çò qui sembla ne percolè pas de tira en tota la populacion. Lo monde que podèn escríver frére en enténer [fʁɛʁ], o piéde en volent díser [piˈjɛðə], [ˈpjɛðə]…

    • Les noms et mots en -ar injustement affublés d’un t final sont bien, comme l’a remarqué Jan l’Aisit, un des mes chepics du moment.
      Je vous livre un lòc*, "Le Piédat" à Bazas (FANTOIR), que j’analyse comme "Piedar", donc avec le double suffixe -eda et -ar, ce qui parait redondant, mais peut s’analyser logiquement comme un ensemble d’ensembles : un ensemble de piédes, qui sont elles-mêmes des ensembles de pins...
      Sinon, on peut aussi envisager une déformation de piadar : une seule lettre change alors, mais le chemin change, entre pin + at + ar et pin + eda + ar.

      Les empilements de suffixes sont un trésor à bichonner !

      *Il y a aussi "Piédas" à Fargues, près de Langon, que j’analyse en Piedars.

  • Mercés hòrt per las noticiòtas dab los Pdf. Que m’avisèi tròp tard que manquèvan, e ne sabí com las i ajustar :)

  • E d’on ètz donc Jan l’Aisit ?! Shalòssa, ma hida, nani ?

  • Enfin au mensh, de’vs legir qu’es un arregauton.
    Lo tèxte aquest, s’èra un gascon landés deu luvant ? Qu’am "ende" e "austan" : ende, segon l’Alg que’s dit en un parçan, de bisa entà mijorn, comprés enter Luc Bon e Vilanava de Marçan e Labrit au cochant e mèi lunh lo Gèrs.
    "Austant", aqueth territòri en mèi larg... Donc, qu’èra, forçat, d’un parçan comprés en les hitas landesas de "ende"...

    • End’ajudar a la localizacion deu "lanusquet preboyan" :
      Dens la soa grafia, « Que bau saja d’ets at ha dise ! » que’ns balha tanben un indici : "d’ets at" = "de vs’ac" en grafia alibertina.
      Los qui an la carta d’aquesta particularitat de prononciacion "ets, edze" entà vs (qui’s pòt prononciat p alhors !) que poderan crotzar damb los autes indicis.
      Jo que sabi qu’a l’estrem orientau de las lanas geograficas, deu costat de Nerac, e disen atau... Mès que dirén tanben prénguer au lòc de préner com ditz lo preboyan : un aute indici...

  • Renaud,un esplic per "arregauton" que t’en pregui.Arregautar qu’es "roter, regorger"...Non vedi pas .

  • Ah ! Bè, "arregauton" com "régal"... Quiò, qu’ac èi entinut díser o legit... O lavetz, que disi pegaus !

  • Merci.Francament, n’ac sèi ps tròp e n’èi pas lo dicccionari de Foix a man aqui ...

  • Pensi que l’autor poiré vèner deu Marsan, belèu.

  • Ah bon, au mensh ne soi pas jo qui’vs balhi l’arregautèra…
    En tot cap plan vist Renaud ! (E non pas Arnaud com vse mentavoi mei ensús, desencusas…)
    Qu’èi la familha autorn de Dacs, e lo patuès qui entenèvi mainatge (o au mensh, escotós qu’ac aurí entenut) qu’èra màgerment lo de l’oèst de Shalòssa, dab brigalhs de bearnés tanben. En lo còrpus escriut lo gascon qui mei se sembla a çò qui coneishi que serà lo deu curè Lamanhèra de Doazit.
    — 
    Tà l’autor mistèri que calculi com vos, a vista de nas que’u situarí de cap a Labrit o quauquarren atau. Qu’aví pensat a Marsan tanben. La forma som (“nous sommes”) que sembla de’s trobar sustot en vasadés ; en saber dinc a on es espandida, que coneisherem lo limit sud…
    Las formas qui cercarí de verificar (podossi consultar l’ALG) que son : som, ende, estalasia, aolhas (plan destecat : a-ó-lhas), menhar, créser, austant, en atretants, piadar… e efectivament vse, evse realizat [(e)ts(e)].
    En recopar tot aquerò be seré lo hilh deu diable ne trobèssim pas !

  • Labrit perqué pas, mès i auré -o per -a finau.

    Sabi qu’estalasia es au mens vasadés, aolha tabé, menhar (qu’emplègui) se retrobèva en país garonés e vasadés (vau gueitar dens mes nòtas). Austant se disèva entà Recohòrt, cresi tabé entà lo mijorn deu Vasadés. Piadar es present dens la toponimia deu Cernés e deu Vasadés.

  • Per menhar : Cernés (Cerons, Landirans, Pujòus, Bomas, Hargas, Sautèrnas, Vilandraut), Vasadés (canton d’Auròs, Castèths, St Perdon, St Pèir), sud E2M (Caudròt). Pensi qu’anèva mèi au levant entà lo Cairan mès los relevats me son de manca.

    Varianta amenhar (Barsac, Tolena, Lengon, Viaujac, Birac...)

  • En exclusivité, le vélo de Félix Arnaudin avec lequel il a parcouru 19 536 kilomètres (Lou pèc était précis). Tenu dans un endroit secret, il attend d’être exposé au public !

  • Erratum, errata, etc, "arregauton" qu’es un qué-que sii hargat especiaument per jo-medish... singui ua "conardisa" com ac disè le mia gran mair... "Arregaujon", ce dit Arnaudin. Donc, non, Jan, ne’m bàlhatz pas briga le gomitèira... Qu’es aquò a voler copiar lo francés, "c’est un régal de vous lire"... que’n dic lo contrari, malaja !

  • A Renaud - Lo qui jamei n’a desparlat, qu’arronci la purmèra pinha :D

  • à Tederic Merger,
    Sources : François Hubert, conservateur du Musée d’Aquitaine à Bordeaux, d’après les propres calculs (excessivement précis) de Félix Arnaudin.

  • Alavetz, preu tèxte "lo Concors deus preboyans"... qu’èi cercat e haut o baish trobat ! Avec l’aide de l’ALG

    Si l’on prend :
     Ende : dans les Landes, la préposition n’est présente qu’à Lubbon, Labrit, Sarbazan, Villeneuve de Marsan et Saint-Justin

     "vse" réalisé en "tse" : Lalanne avait retranscrit "dze" pour "vous-la" (dzela) pour la même zone dans les Landes.

     "austant" : même zone

     "estalasia" : même zone + Labrit qui a "estinsèla" mais c’est un gallicisme, donc une info peu fiable. Notons que seuls Lubbon et Saint-Justin prononcent "estalasies" avec la finale en "e" => Villeneuve de Marsan (VdM) et Sarbazan prononcent la finale typiquement landaise "estalasis" sans faire entendre le féminin.

     "Menhar" : pas trouvé ce mot mais la forme "plenha" ("pleine" avec un phonème de substitution) couvre la majeure partie des Landes sauf le gascon maritime.

     "créser" : même zone (vérifié avec "avoine" et "alouette")

     aolhas : pas trouvé - pas noté pour "graolha" dans l’ALG

     V intervocalique en "b" : Labrit et Lubbon font "w", ne restent donc que Sarbazan, VdM et Saint-Justin

     "Piadar" : la différence se fait donc ici sur nos 3 candidats finaux ! VdM fait "piatar", Saint-Justin "piar" (complète simplification du consonantisme intervocalique, soit-dit en passant) et tadadada, seul Sarbazan réalise "Piadar"

     Quand on regard les finales en "ia" comme celle de "estalasia" à Sarbazan + "farine", "voisine" ou "pouliche", on constate une instabilité à Sarbazan. Le témoin avait fait "estalasí" mais aussi "bi" pour "via" avec en opposition, "harie", "besie" et "pourie". On pourrait dire au vu de "estalasie" que l’auteur était de Saint-Justin... mais utiliser la forme "piadar" plutôt que "piar"(celle de Saint-Justin) ne paraît pas très logique parce que s’il avait voulu "normaliser" son mot, il aurait dit plutôt "pinhadar" qui est bien plus connu que les deux formes précédentes.

    On peut donc penser qu’il était soit de Roquefort, soit de Saint-Gor, soit de Sarbazan.

    Alea jacta est !

     

  • Eh bien bravo. Ça c’est de la précision.
    Après, si l’auteur a préféré piadar à piar, c’est sans doute moins pour normaliser que pour la métrique, qu’il maîtrise de bout en bout ; et la forme -ia- plutôt que -inha- pouvait être une question de sensibilité personnelle. Il connaissait sûrement de nombreux mots et formes des parçans voisins. Un rimeur ne se privera pas d’emprunter pour les besoins de la métrique ou de la rime.
    D’où les recoupements à partir de plusieurs mots.
    Cela nous indique aussi que la conjugaison som (nous sommes) descend au moins jusque là.

  • Per "som", que’m demandi se ne l’èi pas entinut díser a Garrèi (Garrey)... Que’m carré verificar.

    E òc, de vrai, le metrica ! N’i aví pas pensat. Alavetz, belèu qu’es de Sent Justin...

  • Eh ben tè aquera hòu !
    Que soi a m’avisar que “que som” e seré autant espandit en Shalòssa com “qu’èm”, en concurréncia… En fèit “som” que sembla de traversar Gasconha en diagonala, non pas “De Baiona dinc a Vasats” com disè lo Prevoyant, mes de Vasats dinc a Polhon quiò, au mensh segon l’ALF.
    Tant qui n’aprénem n’ei pas vielhèr !

  • Bravò Renaud ! Coma as hèit pr’auger aquesta precision au nivèu comunau ? L’ALG es pas ta precís, p’rai ?

    @Jan-Ives : au fèit, quora parlèvi de Labrit, avèi comprés "Albret" (d’ont ma remarca sus -a finau), e belèu que parlèvas de la comuna de Labrit ?

    A tots : conéishetz lo petit reculh d’istoèras en gascon d’entà Recohòrt dens Pain de seigle et vin de grives de P. Laporte-Castède ?

  • E ben, si ! Qu’èi espiat les cartas, tot simplament !
    Preu recuelh, òc, que’u coneishi mes que l’èi en çò deus parents, donc n’ac puish pas consultar... Mes vertat que diu estar instructiu sus le lenga deu parçan.

    A l’Albret, tanben que’m disí ne comprení pas le toa responsa !

  • @ Gaby - Bona question, mercí de’m l’aver pausada…
    Quiò, que pensèvi sustot en la comuna, mes de hèit ne sèi pas tròp on se hè lo pas [ə]/[o].
    — 
    Ei en gascon aqueth libe ? o bilingüe au mensh ? N’ac èi pas vist precisat enlòc.

  • Lo libre es en francés mès gaunit de mòts gascons. Au mitan, i a un braçat d’istoèras dens un franc gascon de la Petita Lana, demb la traduccion francesa. I a tabé provèrbes e cançons demb les particions. Lo libre es redde instructiu perque hèi conéisher la via rurala entre 1897 e 1918 entà Recohòrt (los parents de l’autor son de Canens e d’Arua).
    Vau aprestar un document demb les istoèras e los provèrbes.

  • Per la lemita [ə]/[o], passa en quauque lòc entre Castèthgelós e Nerac.
    Mèi au mijorn sabi pas exactament, mès cresi de memòria que separa pus o mens los departaments 40 e 33.

  • Pourquoi était-il connu avec un prenom different de celui de naissance : Simon dit « Félix » Arnaudin ?
    C’était aussi le cas de mes grands-parents.
    Je ne sais pas si cela était courant dans la région ou hors région.
    Sinon, il y a un article dans SO sur le livre mais avec accès payant.

  • Bonjour 32406465,
    Il était effectivement de coutume d’utiliser le second prénom, ce qui ne facilite pas toujours la tâche des généalogistes. Simon Félix n’est pas un cas à part, le même procédé valait pour toute sa famille. De vieux Gascons m’ont expliqué qu’il y avait un prénom pour Dieu et un pour le diable. Le diable ne devait pas avoir connaissance du premier prénom.

  • Au XIXe, les prénoms changeants sont légion dans l’état-civil, et dans toute la Gascogne, des Alpes aux Pyrénées :)
    J’ai dans mes ancêtres néracais un Jean Joseph Lapoujoulade, une fois Jean, l’autre Joseph. Ou une arrière-arrière grand mère albigeoise Bardy (Bardine), Albine à l’état civil et Thérèse partout ailleurs...

    Voir en ligne : http://soi.aquí.òc.eu

  • =)49
    J’ai aussi entendu cette explication sur le diable. Pour protéger le nouveau-né d’un décès prématuré on utilisait un prenom different qui suivait toute sa vie.
    =)50
    J’ai constaté cela dans les tableaux généalogiques.

  • Moi, on m’a dit, pour ma famille, que le parrain donnait le prénom (le 1er) et que les parents donnaient celui d’usage. C’est plus prosaïque ! Mon arrière-grand père, tout le monde l’appelait Ernest mais son prénom à l’état civil était Joseph.

  • Bonjour,

    J’ai entre les mains les Chants populaires de la Grande-Lande d’Arnaudin. Je recherche des enregistrements de ces chants sur le Web. Mais n’en trouve point. Plus que les chants de danse, les rondeaux, je recherche ces chants mélancoliques, comme celui «  en plus profonde harmonie avec le lieu d’immensité et de paix infinie ou il s’épand si largement » et « chanté lentement avec son accent indiciblement douloureux et des intervalles de silence… » que cite Arnaudin dans Un jour sur la Grand’lande ( L’horizon chimérique, page 51). Les paroles :
    N’ey tan sercat m’éymiye
    Troubade jou be l’éy.
    L’éy troubade adroumide
    A l’ombre d’un haouguéy
    Le lane n’ére soule…

    Je voudrai moi aussi ressentir l’émotion (mélancolique) que procure l’immensité de la terre plane et sans fin. Merci beaucoup par avance si quelqu’un peux m’aider à trouver de tel enregistrements.

    Amicalement

    Jean-Paul

    PS : je n’ai trouvé que cette page, un rondeau : https://www.musiqueslandes.com/chant

  • Merci à tous les deux,
    "En arribans a la gran’lane" est effectivement mélancolique à souhait ( y a t il d’autres couplets ? )
    Je trouve étonnant que si peu de chanteurs, voire de musiciens, aient exploiter/explorer à ce jour le corpus musical recueilli jadis par Arnaudin dans la Gascogne Occidentale.
    N’y aurai t il pas là matière à faire du neuf avec de l’ancien ?
    Amicalement
    Jean-Paul

  • Le Conservatoire des Landes a commencé à s’y intéresser, en harmonisant à plusieurs voix plusieurs chants de la Grande Lande recueillis par Arnaudin , à l’occasion de trois ateliers de chant polyphonique gascon à Labouheyre au printemps et à l’automne dernier.On verra si cette initiative prospérera.

  • Vous lisez Un Jour, sur la grand ’lande de Felix Arnaudin (2). Vous tombez sur ces phrases, page 55, à propos de la grande lande : « Ne va-t-elle pas achever de mourir… sans qu’aucun de ses fils... ait tenté de perpétuer son souvenir par l’écriture... Et j’ai laissé deviner ailleurs, quitte à m’expliquer en détail, plus tard, par quoi je fus empêché de m’essayer moi-même à cette tâche (22). »
    Vous vous empressez de tourner les pages pour aller à la note 22, mais vous n’en saurez pas plus : « 22. A un érudit et fervent ami de notre pays landais qui me pressait d’aborder l’entreprise, je répondais naguère : « La pensée d’un livre à faire sur notre ancienne lande n’a jamais cessé de remplir mon esprit ; et l’amour passionné, presque maladif, que dès le premier âge je nourrissais pour elle... m’aurait peut-être permis d’en mener quelques parties à bonne fin. Mais une circonstance très particulière, que je vous confierai avec une profonde tristesse, vient un beau jour renverser mon projet… Maintenant, mon temps est accompli, je n’y peux plus songer. »
    Participez à « l’émergence d’un peuple gascon créatif », selon les termes d’un administrateur de ce site(3), en imaginant la circonstance qui a pu qu’empêcher Arnaudin de réaliser l’œuvre de sa vie. Elle vaut la peine d’être dite selon lui (4).
    Tous les genres littéraires sont acceptés en réponse à ce post (exégèse, poésie, policier, psychologique, science-fiction, étude de mœurs, historique, pastiche, fantastique, heroic fantasy, feel good, voire même régionalisme…). Vous n’êtes pas obligé d’être triste et mélancolique comme le pec de Labouheyre.
    Pas de contrainte de date ni de longueur (si plus de 3000 signes joindre fichier doc). Pas de gagnant : il ne s’agit pas d’un concours.
    Ouvert à tous les âges, nationalités ou sexes. Texte en français. Une version en gascon sera certainement la bienvenue (mais des versions en d’autres langues le seront aussi, en breton, papou, occitan, basque, tchoutche, alsacien, voire même en béarnais…)
    Merci grandement de faire suivre à des gens possiblement intéressés.
    Amicalement
    Jean-Paul Ducos
    1. Pour ceux qui n’était pas là, le sujet de rédaction n°1 (L’épée de Delbousquet) est au bout de ce lien :
    https://www.gasconha.com/spip.php?article8350#forum106795
    2. Felix Arnaudin. Un Jour sur la grand’lande. L’horizon chimérique. pp 55. https://www.leslibraires.fr/livre/1405523-un-jour-sur-la-grand-lande-felix-arnaudin-l-horizon-chimerique
    3. https://www.gasconha.com/spip.php?auteur1
    4. Félix Arnaudin. Chants populaires de la Grande Lande. Préface pour l’édition de 1912. Editions Confluences pp XXXIV : « Après d’autres qui y échoué me hasarderai-je à faire le livre de la lande où j’essaierai à mon tour d’en évoquer la pleine et vraie vision ? Un jour voilà quelques vingt ans, je m’étais résolument mis à l’œuvre : rempli et enfiévré de mon sujet j’écrivis plusieurs chapitres et du même confiant élan... et je crois, aussi fidèle de couleur et approprié de langage, serait venu en entier le reste si à ce moment précis une circonstance que je dirai à son heure (elle vaut d’être dite) ne m’eût brusquement privé de la disposition d’esprit qui m’avait si profitable ; et de renvoi en renvoi j’en demeurai là de mon projet.. »

  • Il a en fin de compte écrit un "livre de la lande", non ?
    En tout cas, on voit qu’il avait l’art de tenir le lecteur en haleine !

    PS1 : Il est maintenant sur Facebook.

    PS2 : Moi, j’en suis encore au sujet précédent et mijote l’envoi d’une lettre, forcément mystérieuse, destinée au taiseux-parlapauc qui avait trouvé l’épée sarrasine dans son champ.
    L’adresse d’expédition de la lettre est un haut lieu de Delbousquet (et de moi-même), mais comme Arnaudin, je n’en dirai pas trop pour l’instant...

  • L’ami d’Arnaudin
    Je suis Marie jusqu’à la chambre du mourant. Elle pose le bougeoir sur la table de chevet et nous laisse seuls.
    ⸻Bonjour Felix, c’est moi.
    Il tourne la tête, me reconnait. Oui, c’est moi, celui dont tu parles dans la dernière note de ton livre de l’an dernier, c’est moi l’érudit et fervent ami de notre pays landais. Erudit, c’est vite dit, si on te compare à toi. Ami aussi d’ailleurs : combien de secrets devons-nous partager avec quelqu’un pour prétendre être son ami ? Disons que nous sommes du même village et que nous étions à la communale en même temps.
    J’ai longtemps marché de long en large dans le quartier, de l’airial au puits, du puits à l’airial, avant d’oser frapper à la porte.
    Enfants, nous montions sur les arbres pour aller dégotter des nids ou manger des fruits. Sur les branches d’un pommier, un qui disait qu’il sera forgeron, un autre instituteur ou militaire. Lui était resté en bas : il allait écrire un livre. Quelle idée, le prétentieux ! Je le bombardai de pommes, les autres s’y mirent. Jeune homme, je m’étais moqué de lui, le solitaire, à la fête de Labouheyre : je lui demandai devant tous les autres : alors, l’écrivain, ce livre tu l’as l’écrit ou pas ? J’étais dans la quarantaine, je tombai sur lui comme je chassais sur la dune du Boumbét. Nous parlâmes un peu de tout, du temps et des affaires du pays. Inquiet pour lui - à cet âge, on est moins bête et méchant -, j’ai fini par lui poser la question : alors ce livre ? Il ne répondait pas, la tête levée vers le tuc de Boumbét. Je le pressai à voix forte de s’y mettre sérieusement sinon il allait nous en faire une maladie. Et c’est là qu’il me parla d’une circonstance très particulière, qu’il me confierait un jour, qui l’avait empêché de l’écrire. Et l’en empêcherait pour toujours. Forcément, l’œuf se logea dans ma tête. Au cours des années, je le croisais à l’occasion. Il écrivit quelques livres sur le pays. Je le félicitais à chaque fois. Malgré ces publications, il devenait de plus mélancolique. Mais je n’osais pas lui demander. Et l’œuf grossissait, grossissait.
    Et voilà qu’hier j’apprends qu’il est mourant. Le béret à la main, j’ai tourné plusieurs fois autour de sa maison. Un type honnête et rigoureux comme lui n’invente pas pour se rendre intéressant. Alors, j’ai frappé à la porte. Un peu honteux. Méchante curiosité, va ! Marie m’a ouvert - toutes les servantes s’appellent Marie par chez nous -. Elle m’a dit d’attendre. Elle est revenue et je l’ai suivi. Maintenant je suis dans sa chambre, encombrée de papiers et de livres partout :
    ⸻Tu peux être fier, Felix tu l’as écrit ce livre, et pas qu’un d’ailleurs...
    Il branle la tête pour me signifier que non, me dévisage, se souvient de notre rencontre au Boumbét. Il commence :
    Je m’étais endormi sur la dune…
    Il tourne son regard vers la flamme de la bougie, continue en chantonnant, mais pas en français :
    ⸻… à l’oumbre d’un haouguéy, le lane n’ére soule, nat ligot, nat aoulhéy…
    (à suivre par qui voudra)

    Jean-Paul

  • 25/09/2024
    Lou hasan rouyé
    Parmi les contes recueillis par Arnaudin (1), Lou hasan rouyé est particulièrement saisissant par sa concision et son pathos, irrigué de « toute la magique poésie » de la Grande-Lande. Fait remarquable : c’est le seul pour lequel il n’y a pas de conteur répertorié en italique à la suite du texte. C’est à se demander s’il n’est pas le fruit de l’imagination d’Arnaudin lui-même. Incognito, ne l’aurait-il glissé dans ce recueil, un peu honteux, craignant qu’on lui reproche un jour de ne pas être assez rigoureux, honnête et sincère dans sa tâche de dresser l’inventaire de la culture gasconne au mitan du 19ème ? Dans ce cas, Arnaudin n’aurait-il pas renoncé à sa fibre de romancier pour ne pas décrédibiliser son travail d’ethnologue ?
    Lou Hasan rouyé est aussi remarquable par son originalité : contrairement aux autres contes, celui-là ne nous rappelle rien : on ne voit pas d’où il « sort ». Or je viens de lire que le mathématicien italien Jérôme Cardan (1501-1576), celui qui a donné son nom aux cardans, a relaté dans son autobiographie avoir fait toute sa vie « le rêve répété d’un coq qui semble sur le point de dire quelque chose de menaçant » (2). Un coq annonciateur de mauvaises nouvelles ne ferait-il pas partie de l’imaginaire européen ? Dans ce cas, Arnaudin aurait recueilli l’une des dernières versions de conte auprès d’un berger. Il aurait ensuite oublié de mentionner le nom de ce berger dans son recueil (ou est-ce l’éditeur ?).
    Jean-Paul
    1) Felix Arnaudin. Œuvres Complètes I. Lou hasan rouyé in Contes populaires de la Grande-Lande. Editions confluences. P.253-254
    2) Italo Calvino. Jérôme Cardan in Pourquoi lire des classiques. Editions du seuil. P. 58