AVANT-PROPOS
Pourquoi ouvrir la réflexion sur un pareil sujet ? Nous savons d’expérience que
toute discussion sur la langue, la signalétique, la signalisation, impliquant les
graphies et la politique linguistique des collectivités, et les choix des personnes, déborde très vite et inévitablement les questions strictement techniques et les débats théoriques. L’affectivité joue autant que les raisonnements.
Comme le mouvement existe, qui tend à donner un autre statut à notre langue, il serait vain de faire comme si toutes les réponses avaient été apportées – à des questions souvent non posées… – comme si tout allait se résoudre sans mal.
Si différents soient-ils, ceux qui œuvrent pour la langue et l’identité de notre
pays n’échappent pas aux critiques, et s’en donnent souvent assez entre eux,
pour les éviter en matière de signalétique et de noms de lieux. S’ils ont fait le
choix de « sauver ce qui peut l’être et de promouvoir ce qui doit l’être » de notre personnalité, alors ils nous liront sans prévention, et élargiront la réflexion.
Qu’ils en soient d’avance remerciés.
ABRÉVIATIONS ET CONVENTIONS
On désignera ici par macrotoponymes les noms de communes et d’objets
géographiques majeurs (fleuves, montagnes, cols, forêts, sites connus) ; par
microtoponymes les autres noms du cadastre qui font l’objet d’une signalétique publique (écarts, lieux-dits).
Les graphies du XIXe siècle et celles qui leur ont succédé, employées
notamment par Simin Palay et l’Escola Gaston Fébus, sont désignées par le sigle GGF, qui englobe aussi les graphies recommandées par l’IBG.
La graphie de l’IEO pour le gascon telle que l’emploie entre autres D.
Grosclaude est désignée par IEOg.
La graphie gasconne amendée naguère proposée par Jean Lafitte (caractérisée
notamment par ch et x au lieu de ch et sh de la précédente) est désignée par
GIEO.
Voir le tableau des équivalences graphiques donné dans l’Annexe N° 2 [à compléter]
BIBLIOGRAPHE ÉLÉMENTAIRE
A. Dauzat : Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, 2e éd.
revue et complétée par Ch. Rostaing (tenir compte des extrêmes réserves,
justifiées, de X. Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Paris, 2001, p.
10).
JJDCB : P. Jouët et R. Jolais, Dictionnaire des communes de Bretagne (à
paraître).
A. Longnon : Les noms de lieux de la France, Paris, 1929.
M.-T. Morlet : Les noms de personnes sur le territoire de l’ancienne Gaule,
Paris, 1985.
E. Nègre : Les noms de lieux du Tarn, Paris, 1959.
P. Skok : Die mit den Suffxen ‘-acum, -anum, -acum’ südfranzösischen
Ortsnamen, Halle, 1906.
A. Vincent : Toponymie de la France, Bruxelles, 1937.
Répertoires INSEE
J. Séguy, J. Allières ; X. Ravier, Atlas linguistique de Gascogne, Paris, 1954-
1973.
Dictionnaire des noms de communes
D. Grosclaude : Dictionnaire toponymique des communes du Béarn, 1991.
D. Grosclaude, J.-F. Le Nail, J. Boisgontier : Dictionnaire toponymique des
communes des Hautes-Pyrénées, 2000.
G. Rohlfs, Le gascon, études de philologie pyrénéenne, Tübingen et Pau.
S. Palay : 2Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes, Paris, 1961.
P. Rondou, « Essai de toponymie de la vallée de Barèges », Bulletin pyrénéen,
1915 à 1930.
Sites : Gasconha.com
Toponymie, histoire, notre bien propre
La Gascogne, GASCONHA, est l’ensemble des terres dont le gascon, langue d’oc
aquitano-romane, est la langue ancestrale :
Béarn, Généralité de Gascogne, Basse-Guyenne ou Gironde et ses confins garonnais, et Val d’Aran.
La langue gasconne, patrimoine du peuple gascon, est indissociable de sa conscience d’identité.
Or, le statut de la langue a plus changé en cinquante ans qu’en près de deux
millénaires : de vernaculaire général elle est devenue le fait de ceux que les
linguistes appellent souvent des terminal speakers, les derniers locuteurs.
Ce n’est pas une raison pour baisser les bras.
Langue référentielle, mythique, mais aussi, fût-ce encore faiblement, langue enseignée et pratiquée, langue transmise, le gascon est au cœur de la reconquête culturelle.
Un devoir envers les générations passées et les générations à venir pousse à augmenter le « taux de reproduction » de cette langue en accroissant sa lisibilité et son illustration.
N.-B. : Une formulation telle que « la langue devrait, etc. » n’est pas une
figure de style. Elle rend compte d’un objet culturel qui dépasse l’activité de ses locuteurs, étant reproductible dans la longue durée, doté d’un corps et d’une vie propre. La langue n’est pas une collection de parlers immédiats mais un individu historique.
La Gascogne est aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit elle s’éteindra dans
l’indifférence et cessera de faire entendre sa voix et de refléter le monde à sa
façon ; soit elle assumera sa culture naturelle en se la réappropriant, au besoin par une recréation hardie mais réfléchie.
Le renouveau onomastique (noms, prénoms, noms de maisons, de lieux,
raisons sociales, etc.) nécessite une stratégie pour la langue.
Donner au gascon une place décente dans l’espace public implique un travail
sur la toponymie et la signalétique.
Ce travail, que nous limitons en l’occurrence à la langue écrite tout en sachant qu’il faudra aussi s’inquiéter de ses aspects parlés (orthoépie), comprend deux volets : les noms de lieux écrits et la
signalétique publique, administrative ou privée.
VIE PUBLIQUE
Le bilinguisme signalétique est une part de la vie de la langue. Il amorce une
remontée sociale et fait signe. Il est incitatif.
Le doublage de la signalétique doit faire entrer la langue dans la vie publique.
On l’a fait pour des langues comme le galicien, le romanche ou le catalan, il n’y
a pas de raison de l’interdire au gascon en arguant d’un statut socio-linguistique momentanément infériorisé.
La signalisation bilingue ne doit pas être réservée à quelques emplacements
privilégiés.
Le message implicite serait alors que la langue doit être confinée
à une culture de consommation, désactivée et touristique. Or, ce n’est pas
une « langue du passé ».
Il faut au contraire que la langue soit visible partout,
d’autant que les derniers locuteurs se rencontrent autant aux périphéries que dans les quartiers touristiques et autres centre-ville.