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Il est parfois question, sur Gasconha.com, et notamment à propos des locs limitrophes du Pays basque, de leur gasconnisation progressive : le gascon, venant des plaines, semble avoir peu à peu gagné du terrain sur le basque, langue des collines et des montagnes. Langue, aussi, on peut l’imaginer, perçue comme rustre, quand le gascon avait encore du prestige.
Eh bien, en Lomagne, le même phénomène a dû se produire, mais, cette fois, ce n’était plus le gascon qui grignotait le basque, mais le languedocien qui grignotait le gascon.
Certes, c’est moins spectaculaire, parce que le gascon et le languedocien, c’est toujours de la langue d’oc, alors qu’entre basque et gascon, il y a une différence abyssale.
Voici ce qu’écrit André Dupuy dans son article sur les paysages de la Lomagne (passage mis en gras par moi-même) :
"Au-dessous de 200 mètres, de Lavit vers Asques et le Castéra-Bouzet, de belles plaines se déroulent, fertiles et de « bon travail », mais c’est vers Garganvillar et, à droite de la Gimone, Saint- Sardos, qu’apparaissent les vastes étendues de grandes cultures.
Ailleurs, les plaines voisinent avec la masse sombre des bois alors qu’ici l’horizon est dégagé, une marche en quelque sorte avant la vallée du fleuve. Pour les gens de la Rivière, les habitants de cette moyenne terrasse ne sont pas encore, bien sûr, des leurs, mais ils ne s’apparentent déjà plus à ces rustres gascons des côteaux. La preuve en est, entre autre, l’abandon de leur dialecte pour le languedocien devenu aussi celui des riverains*.
*Le languedocien pénètre en Gascogne suivant les reliefs (fasc. 12 La langue)."
"les gens de la Rivière" ou "riverains" sont les gens de la plaine de Garonne (l’arribèra en gascon).
Il semble qu’ils ont été les premiers gascons "languedocianisés" en Lomagne, parce que situés dans une zone de passage soumise à l’influence toulousaine.
Puis les habitants de la "moyenne terrasse" ont suivi, laissant le gascon aux lomagnols des collines, dont le parler devait porter sur lui les stigmates de l’isolement par rapport au monde urbain, et de conditions économiques plus dures.
Et encore ceci :
"LE BAS-PAYS
Au bas du versant garonnais, dans la boucle qu’elle forme à sa confluence avec le Tarn, la Garonne s’est aménagé une basse-terrasse jouxtant la plaine alluviale.
[...]
Les talus souvent boisés des terrasses supérieures délimitent bien ce territoire qui tout au long des siècles a subi une forte influence du fleuve et dont les habitants se sont individualisés très tôt en se démarquant de leurs voisins gascons.
Pour la Lomagne, c’est en quelque sorte le bas-pays et, comme tel, se veut plus civilisé que le haut-pays, la civilisation, ou tout au moins ce qui en tient lieu, arrivant par la vallée et s’y établissant des décennies en avance.
Si fortement individualisé soit-il, cet ensemble de terroirs ne deviendra cependant jamais un pays. Il relèvera de la Lomagne sur le plan féodal et religieux mais de Rivière-Verdun pour la judicature et l’élection, restera dans l’orbite des foires et marchés de Lavit mais adoptera le dialecte languedocien...
L’abbé de Moissac sera le haut et puissant seigneur de Saint-Nicolas la principale et de loin la plus grande paroisse.
Ajoutez à cela le cosmopolitisme des gens du fleuve, longtemps importante voie commerciale, qui y faisaient étapes et vous comprendrez qu’ici on ne se trouve plus tout à fait en Lomagne."
On comprend au passage que pour Dupuy, la vraie Lomagne est gasconne, et que les parties les plus basses, plus proches du fleuves, plus ouvertes au "progrès", et qui ont abandonné le dialecte gascon au profit du languedocien, ne sont "plus tout à fait en Lomagne".
Tout ça, c’est du passé. Maintenant, toute la Lomagne, qu’elle soit restée ou non fidèle au gascon dans le passé, est passée au "tout français".
L’existence même du pays de Lomagne comme bassin de vie a été niée par l’industrialisation de l’agriculture et les nouveaux modes de transport de la 2e moitié du 20e siècle. Dupuy le sait et le dit.
Mais si Gasconha.com a une partie "istòria", c’est bien que le passé nous intéresse pour construire le futur.
La promotion, maintenant, du pays de Lomagne, en l’inscrivant dans la promotion de la Gascogne, peut être comme un flambeau qui éclaire la recherche d’une nouvelle agriculture et d’un nouveau mode de vie qui renouerait avec celui de l’ancienne Lomagne.
L’histoire est cyclique...