De retour de Dax (la hèsta...) vers Bordeaux, j’ai vu que les nouveaux panneaux indicateurs de noms de gare sont "bilingues" à Ychoux et Labouheyre.
En fait, nous savons, PJM nous en a parlé, qu’ils sont digraphiques (ou bigraphiques ?) et non bilingues :
ils affichent le nom (de toute façon gascon) de ces deux localités en deux graphies différentes, la graphie officielle française et la graphie occitane selon la norme d’Alibert.
Cela donne "Labouheyre / La Bohèira" et "Ychoux / Ishós"  ; sauf que sur les deux panneaux que j’ai vu à Ychoux, l’un oubliait l’accent (Ishos), ce qui a le grave inconvénient de changer l’accent tonique de syllabe, pour les saberuts qui connaissent la graphie alibertine.
Hélas, ces saberuts sont si peu nombreux que la transcription alibertine de ces noms sera le plus souvent lue respectivement, "La Boèïrà" et "Ichos".
Dans le premier cas, déplacement de l’accent tonique, dans le deuxième remplacement de "ou" par "o".
Dans le train, le contrôleur annonçait, lui, (ou elle), "Labouère" (sans le ÿ) et "Ichouks"...
Tout cela vaut une analyse approfondie.
Il faut constater d’abord la nouveauté fracassante, voire saugrenue, de ce bigraphisme, là où on l’attendait le moins, dans l’univers très normalisé des gares (songeons à l’uniformisation architecturale des gares à l’âge d’or du chemin de fer !), et dans une France qui est toujours très jacobine et uniformisatrice.
Mais la Région a quelques compétences sur le transport ferré régional...
Au moment où les derniers locuteurs natifs de Labouheyre et Ychoux abordent le 3e ou le 4e âge, s’amorce une reconnaissance officielle de leur langue (même si c’est sous le qualificatif imprécis d’"occitan"), par l’affichage d’une graphie supposée, à juste raison, plus occitane.
Le hic, c’est que 99,9% des gens (dont les locuteurs natifs qui devraient faire le relais) vont le lire d’une manière atroce.
Paradoxe apparent, "Labouheyre" et "Ychoux" ont pu être lus correctement, en préservant totalement la prononciation gasconne, par la population régionale, jusqu’au grand brassage des dernières décennies, qui a fait perdre la mémoire.
Ma position :
– La signalisation bigraphique a l’avantage de suggérer l’existence d’une langue autochtone, fait réel, même si cette langue est en voie de disparition.
– Une langue vit si elle est parlée, et avec sa prononciation propre.
– La graphie choisie pour ces panneaux bigraphiques ne résout pas, hélas, le problème de la perte de la prononciation authentique, et crée même un fort risque de prononciations aberrantes.
Elle est aussi tellement éloignée des habitudes de lecture françaises qu’elle favorise à l’extrême les erreurs lors de la fabrication des panneaux, comme le SORITDA relevé à Bayonne.
– "Labouheyre / La Boueÿre" et "Ychoux / Ichous" auraient pu redresser la dérive actuelle de la prononciation, et peut-être préparer le terrain pour une correction de la norme officielle française.
Remarques de détail :
Même dans le cadre de la graphie alibertine, on pouvait faire d’autres choix.
Le "h" de "Labouheyre" ne semble pas aspiré ni étymologique, d’après les recherches menées par BBF (Bénédicte Boyrie-Fénié).
Le verbe "bohar/bouhà" n’explique probablement pas le nom, mais a pu influencer les graphies.
Pour "Ychoux", dont la graphie officielle est aberrante (le "y" comme le "x"), on pourrait aussi proposer "Shos", "Shors", "Ishors"... Avec une prononciation induite catastrophique...
Voir le loc Ychoux [commune].
Voir aussi notre rubrique Valorisation du gascon dans l’espace public