Lorsque l’article initial fut rédigé, qui entendait dégrossir notamment le mystère désormais éventé du peuple basque, il manquait des échantillons cruciaux pour affiner l’étude, faite alors avec les moyens du bord. Depuis, l’on a progressé, par la mise en ligne d’échantillons anciens issus d’études scientifiques (dont de l’âge du Fer dans ce qui était la Gaule, époque cruciale), ainsi que contemporains.
La provenance des échantillons contemporains par département (une moyenne, et non une collection d’individus) est douteuse, et semble provenir, non pas d’études publiées dans des revues scientifiques, mais d’une base de données sur volontariat. L’on ne connaît ni le nombre d’échantillons, ni la fiabilité de ceux-ci. L’on fera avec.
Je renvoie évidemment à l’article initial, pour une meilleure compréhension des dynamiques démographiques à l’œuvre depuis le Paléolithique supérieur jusqu’à l’époque romaine. Je propose une démarche "didactique" avec le PCA, ainsi que j’avais pu le proposer il y a 2 ans et demi. La lecture de l’article initial est recommandée pour mieux comprendre.
Pour commencer, nous nous calerons sur la base suivante, composée de trois groupes de populations modernes, qui, sans être les sources de variation génétique, sont comme des pôles :

– Les Basques (ici la Soule) "en bas au centre", qui sont la population la plus représentative des populations de l’âge du Fer du Sud-Ouest européen, très marquée par le substrat du Néolithique des fermiers (EEF), qui étaient eux-mêmes mélangés de chasseurs-cueilleurs autochtones (WHG), puis métissées de l’apport de la plaine européenne lors des migrations Yamnaya à compter de l’âge du Bronze, probablement la source des langues indo-européennes ;
– Les Bretons de France, qui sont une population proche des populations du Nord de l’Europe de l’âge du Fer, qui déplacèrent les populations fermières (ce qu’elles échouèrent à faire au Sud de l’Europe) : pour simplifier, ce sont des populations qui ont peu pratiqué le métissage avec les fermiers ;
– Les Toscans, population de base fermière du Néolithique (avec moindre apport des chasseurs-cueilleurs), marquée très fortement par le métissage oriental de l’époque romaine, ce qui les décale en haut à droite, vers l’Iran moderne (c’est l’apport dit CHG) ;
On comprend donc la logique : si l’on tend vers le haut à gauche, l’on a un apport plus "steppique", vers le bas, plus "fermier", vers le haut à droite, plus "Rome impériale". Le modèle a du mal, évidemment, à apprécier les apports ultérieurs, pour la simple et bonne raison que, par exemple, les populations germaniques qui ont fondu vers l’Europe après Rome, étaient similaires, sur le plan génétique, aux populations celtes avoisinantes.
3 pôles. Pour faire le lien avec l’article de 2022, j’ai indiqué la Chalosse : cela a été démontré la fois dernière, les populations de Chalosse sont quelque peu décalées vers le "haut", par rapport à la Soule, ce qui dénote une plus grande ouverture à l’influence steppique (et marginalement un apport romain). Vincent ? C’est moi ...
I - La façade atlantique : la "France jaune" et le sud de la Loire
Il y a 6 ans, une étude est venue dire la grande macro-division historique française, et elle est bien sur la Loire, conformément à tous les "clichés" français :

La grande tendance s’est alors affirmée : la différence de peuplement entre le Sud de la Loire et le Nord de la Loire tenait probablement à ce que le Sud avait maintenu un apport "fermier" plus important que le Nord, autrement dit il convenait de considérer la France comme un continuum entre Europe du Nord et du Sud, avec une légère fracture sur la Loire. L’on voyait poindre sur la carte une France "jaune" et une France "bleue".
Les échantillons modernes confirment cette orientation : Charente-Maritime et Deux-Sèvres tendent vers le monde "méridional", donc en tendance vers les Basques, quand le Maine-et-Loire est orienté vers l’Europe du NO, les îles britanniques. Il est délicat de faire dire plus à ces échantillons peut-être mal sélectionnés, mais l’écart entre le Maine-et-Loire et les Deux-Sèvres est stupéfiant, pour deux départements voisins.

On pense évidemment à la Viennoise et aux "Sept Provinces", qui semblent avoir été une préfiguration de la division linguistique entre oc et oïl.

L’on voit sur le PCA que l’Indre, dans le Berry, semble intermédiaire. Mais difficile de tirer des leçons de ces échantillons, car la Sarthe, dans cette optique, est plus aberrante. Reste que la tendance est là : les terres entre la Loire et la Gironde, relèvent d’une orientation plus méridionale que septentrionale, ce que d’autres éléments culturels tendaient à prouver (substrat occitan, toitures en tuiles romanes, ...).
II - Le monde linguistique occitan : le coeur de la "France jaune"
Et le monde d’oc justement ? Nous le savons largement évaporé de nos jours, mais il a constitué, par le maintien d’une forme de langue romane plus conservatrice, plus conforme aux standards de l’Europe méditerranéenne, un phénomène indépassable de l’Histoire de France.

Et bien l’Occitanie, là n’est pas le moindre des paradoxes, ça a existé ! Tir groupé des populations occitanes, en décalage vers le haut par rapport aux populations basques (donc plus grande ouverture aux migrations indo-européennes, mais on le savait au vu de la celtisation de la Gaule, tardive néanmoins), mais aussi pour certains, vers la droite, marquant un apport latin plus net.
Finalement, ce sont là des choses bien banales qui sont démontrées : le Sud de la France a été marginalement moins ouvert aux migrations venues du Nord de l’Europe que le Nord de la France, et plus ouvert aux migrations méditerranéennes de l’époque romaine que le Nord ... encore que.
III - Le monde linguistique d’oïl : la "France bleue" bien diverse
Encore que ... en effet, les échantillons "oïlitans" à notre disposition montrent deux choses :

– Les échantillons au Nord de la Loire sont toujours plus en haut que ceux du Sud (j’ai mis deux points du Sud, avec la Haute-Vienne et l’Aveyron pour comparer, et ne pas surcharger), confirmant l’orientation plus ouverte sur l’Europe du Nord ;
– L’on constate un dégradé vers la droite, allant des contrées du Nord-Ouest vers le Centre-Est de la France : cela sera à affiner ultérieurement en faisant tourner les calculateurs, mais l’on peut conjecturer que l’on tient là l’influence de la Rome antique, en tout cas, cela n’aurait rien d’étonnant au vu, par exemple, de l’importance d’une ville comme Autun dans l’Antiquité et des diffusions des innovations le long du Rhône et de la Saône.
Et quid des contrées intermédiaires, dites "arpitanes", autour de Lyon et des Alpes ? Sans trop en faire dire, là encore, il semble que le Rhône autour de Lyon, connaît une orientation septentrionale plus marquée que les départements voisins, et plus montagnards de la Loire et de l’Isère, dans une variabilité en fait "occitane".

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Conclusion : le continuum français au sein de la diversité européenne

La France n’existe pas. Ou plutôt, si, mais elle était un morceau d’Europe en continuum, entre péninsule ibérique et monde celto-germanique, coupée plus ou moins arbitrairement. La France méridionale, entendue comme celle au sud de la Loire, héritée du diocèse de Vienne, était un monde qui avait mieux maintenu l’apport des fermiers du Néolithique, sur un temps long, sans que l’on puisse dire en l’état si l’orientation plus septentrionale (lire : qui tend vers l’Allemagne et les îles britanniques) de la France du Nord est un phénomène fruit des migrations "barbares" après la chute de Rome, ou bien si cette orientation était déjà là clairement dès l’âge du Fer, donc avant Rome.
Enfin, en vérité, on sait que cette orientation existait : il suffit de rajouter sur le PCA les échantillons à disposition de la Gaule de l’âge du Fer (French_IA). Déjà, les Gaulois de la Normandie étaient similaires aux populations britanniques actuelles et celles de la région administrative actuelle similaires aux populations actuelles de la "France jaune" (notez que les populations de la fin de l’âge du Bronze dans la région Grand Est, donc avant l’âge du Fer, étaient similaires aux populations basques actuelles : c’était avant l’afflux des populations indo-européennes dans la vallée du Rhin).

En revanche, on constate un décalage constant vers la droite par rapport aux populations de l’âge du Fer, qui est l’apport de la romanisation des populations gauloises, particulièrement marqué dans la France de l’arc méditerranéen mais aussi dans l’axe rhodanien.
En somme, la génétique n’apporte rien que nous ne sachions déjà : la France a connu plusieurs vagues migratoires qui ont déterminé, selon les creusets localement, des espaces plus ou moins bien définis. Dans cette optique, la magna divisio (initiale, sur la Loire) entre le monde d’oc ancien et le monde d’oïl semble être en jachère, également, dans les dynamiques de peuplement, et donc des parentés, qui préexistent à l’Empire romain et sont renforcées par Rome. Une orientation ancienne, fruit probable de la géographie.