En travaillant sur le cadastre napoléonien de la commune de Bouilh-Devant (Bolh Davant) exécuté en 1811 par le géomètre du cadastre M. Laffaille sous les ordre de l’ingénieur M. Leclerc, je suis tombé sur un étrange hydronyme : “ruisseau d’Outremont ou Lurus”.
Il s’agit bien du ruisseau séparant Laméac de Bouilh Devant connu par tous les habitant sous un seul nom : “le Lurus” en gascon “Lo Lurús” [lou lu’ruh].
Pourquoi cet étrange et exotique nom de “ruisseau d’Outremont” pour le Lurus ?
Ce nom atypique, n’est aujourd’hui connu de personne. Il est absent de l’enquête Sacaze.
Le Lurus coule dans une vallée (260m) qui surplombe à l’est celle de l’Arros (196m), dont elle est séparée par l’alignement de collines sud-nord (300m). Par rapport à l’Arros et au village de Laméac, il est...outre monts, si les collines entre Laméac et Bouilh peuvent être considérées comme des monts..! Le géomètre Laffaille aurait-il inventé ce toponyme en fonction de la topographie du lieu ? Ça semble invraisemblable !
Le même géomètre Laffaille a été mandaté pour arrêter la même année (1811) les délimitations officielles de la commune de Bouilh-Devant. Ce document officiel écrit, qui fait encore foi, s’appelle le “Procès verbal de délimitation de la commune de Bouilh-Devant”. Il est disponible sur le site des archives 65. Et encore une fois, content de sa trouvaille, il reprend en définissant les limites de la commune avec SSR et Laméac le seul hydronyme “ruisseau doutremont” oubliant même le véritable hydronyme :”le Lurus”.
Heureusement, ce monstre hydronymique n’a pas fait fortune. Il n’a jamais plus été repris et il est aujourd’hui absent des cadastres des communes où coule le Lurus. Il est vrai que les géomètres ne sont pas les mêmes.
Rapidement m’est apparue l’origine incroyable de ce nom.
Lors de l’enquête préparatoire à l’établissement du cadastre, le géomètre a du arrêter les toponymes des quartiers et cours d’eau qu’il devait inscrire officiellement sur le plan.
Lorsqu’il s’est agi d’arrêter le nom du cours d’eau séparant Bouilh-Devant et Laméac, il a recueilli deux hydronymes en français auprès de la population : “Le Lurus” et une autre appellation à la prononciation sûrement mixte français-gascon :“Le ruisseau dou Trémoun”.
En effet, “Le Tremont/Lo Tremont” est le quartier de Laméac juste de l’autre côté du Lurus et les habitants de Bouilh-Devant employaient indifféremment à l’époque les deux hydronymes en gascon “Lo Lurus / L’arriu deu Tremont”.
Ce toponyme du quartier est inscrit dans l’enquête Sacaze de Laméac.
M. Laffaille a transformé sur le cadastre l’hydronyme “ruisseau dou Trémount” en un improbable “ruisseau d’Outremont”. Ignorant le quartier de Laméac qui a donné son nom au ruisseau, et peut-être le gascon, il a pensé que ce “doutrémoun” devait se traduire en français par “d’Outremont”...
Fort heureusement cette appellation ne sera pas reprise par les cartes IGN. Elle n’a eu aucune influence sur l’appellation populaire du cours d’eau “lo Lurus”.
Voilà comment la commune de Bouilh-Devant est encore séparée de Saint Sever et de Laméac, dans le “procès verbal officiel de délimitation”, par un hydronyme chimérique...