J’ai longtemps vécu avec cette illusion que Julien Gracq avait écrit les 30 pages de La Route en s’inspirant, au moins en partie, de l’histoire de notre légendaire Ténarèze. Ce n’est récemment que j’ai pu lire le récit de son séjour dans le Gers (La Novempopulanie in Nouvelle Revue Française n°332 1980) : non seulement il n’en fait pas mention mais surtout, dépité, je dus me rendre à l’évidence : il ignorait jusqu’à son existence et avait roulé dessus sans le savoir du côté de Lupiac (voir post n°80 Vues sur les Pyrénées)
Julien Cracq entre Lupiac et Eauze
Le narrateur de La Route est un soldat qui s’éloigne d’un Royaume « sur un étroit chemin pavé qui conduisait sur des centaines de lieux de la lisière des Marches aux... », « les dalles de la surface gardaient des traces anciennes qui mordaient la roche d’une gouttière usée », « c’était une route fossile : la volonté qui avait sabré de cette estafilade les solitudes pour y faire affluer le sang et la sève était depuis longtemps morte », « ..on eut dit soudain que la route ensauvagée, crépue d’herbes … mêlait le temps plutôt qu’elle ne traversait les pays, et que peut être elle allait déboucher, dans le clair obscur de hallier qui sentait le poil mouillé et l’herbe fraîche, sur une de ces clairières où les bêtes parlaient aux hommes ».
De vieux chemins romains, il y en a partout. Ils mènent tous à Rome, mais si comme ce soldat nous les suivons dans l’autre sens, à mesure que leur état se dégrade, nous nous perdons dans la nature sauvage, les légendes et le temps. Bref nous mourrons (1). A ce titre, le texte de Gracq décrit tout aussi bien la Ténarèze, ce pourquoi je me permet de l’inclure dans cette suite.
JP
1. Toutefois, ne voulant pas sans doute céder à cette facilité, J Gracq décrit la rencontre du narrateur vers la fin de son récit avec des sortes de bêtes silencieuses, bien plus étranges encore que les bêtes qui parlent. On est pas obligé de le croire.