Langue usuelle, langue religieuse, identité... Dominique

Chers amis,
Une question : quelqu’un saurait-il si au moment de la Réforme la Bible a été traduite en langue "vulgaire " gasconne dans les Etats de Jeanne d’Albret et si c’était cette traduction qui était utilisée au culte ?
Cette question m’est venue en lisant sur ce site une phrase incidente de quelqu’un, mais je n’arrive plus à la retrouver.
Cette phrase disait en substance que le tropisme du franco-provençal parlé dans les Alpes piémontaises le portait vers l’Italie et non vers les langues de l’espace français.
Cela est vrai me semble-t-il géographiquement mais non historiquement et encore moins du point de vue d’une histoire "religieuse".
Dans ces vallées où on parle selon les lieux soit provençal, soit franco-provençal soit piémontais, la langue de la Bible a été fondamentale ; au Moyen-âge se sont les premiers à avoir traduit vers la fin du 12ème siècle les textes en langue vulgaire, ceci leur valu persécutions, massacres bien trop longs à raconter, lorsque ces gens des vallées vaudoises de langue franco- provençale se rallièrent au concile de Chanforant à la Réforme calviniste, ils se cotisèrent de façon extraordinaire pour de pauvres paysans des montagnes et payèrent la traduction de la Bible à partir du grec (la Septante) et de l’hébreu (donc non du latin) à prix d’or au cousin de Calvin Oliviétan.
Mais ils firent traduire cette Bible en "français" vers 1532, langue peu, pas ou plus parlée par eux.
Ce qui fait que ces gens qui subirent encore deux siècles et demi de persécutions parlaient ensemble une langue d’oc et priaient en français.
Je trouve cela étonnant, leur identité n’était pas seulement dans la langue, et leur tropisme les a porté vers l’autre côté des Alpes par rapport au cours des rivières.
Ils ne se sont sentis Italiens que très tard, au début du XX ème siècle, même quand les Etats de Savoie leur ont reconnu la liberté religieuse leurs langues sont restées la langue d’oc maternelle et le français du culte.
Je raconte cela parce que je pense que la défense d’une identité d’une culture peut prendre des voies fort variées, tortueuses, et que j’ai trouvé que certains des derniers échanges sur ce site étaient un peu acides et tournaient à l’aigre.
Je pense que bien des démarches doivent nous permettre de conserver ou même de trouver tardivement, tel est mon cas, une identité.
Amitiés à tous

Grans de sau

  • Je n’ai pas tout compris de la démonstration, mais je tiens juste à signaler que le domaine franco-provençal n’a jamais été tourné vers le domaine nord-italien et que la frontière entre les pays piémontais et ces mêmes pays franco-provençaux est nette (elle est également ethnique pour tout dire au vu des dernières études). La Provence, c’est différent.

  • Sur les variétés du francoprovençal ou arpitan, le récent ’Dictionnaire’ de Dominique Stich fournit des textes dans toutes les graphies utilisées pour les patois et les transcrit en graphie commune.
    C’est un travail remarquable (en bien).
    Si l’on se fonde sur les critères linguistiques, le domaine alpin d’Oc ne serait pas provençal, mais simplement "alpin" ou "gavot".
    Le sentiment d’appartenance local va souvent à l’encontre de cette réduction à l’isoglosse, et l’on a toujours dit "provençal alpin". Des disputes en perspective, sans parler des graphies...

  • Plusieurs points,me semble-t-il dans le post de Dominique :

     le tropisme italien des Vaudois est religieux, pas ethnique : après l’expulsion des Vaudois du royaume de France, dont je n’ai pas la date, la seule Eglise vaudoise organisée subsistante était -est toujours- en Italie.
    Quant au fait de traduire la Bible dans la langue "du roi" c a d le français et à utiliser cette version française dans les textes liturgiques, on constate le même phénomène pour les communautés réformées de langue d’oc (Cévènnes et autres) et en Gascogne, plus spécialement en Béarn.
    Cela dit, c’est bien en milieu réformé que pärurent les Psaumes d’Arnaud de Salettes, aumonier de la très huguenaute Jeanne d’Albret ; en Armagnac, il me semble que Peir de Garros en fit également une traduction partielle.

  • J’étais en effet peut-être confuse : je réagissais à cette phrase que j’avais mal ? interprétée :"A peine deux indications géographiques : les Alpes italiennes (un jour il faudra que les Occitans prennent une carte et constatent que ces vallées sont totalement ouvertes sur le Piémont, donc comme frontière, c’est pas top) et la "Mar Grana", qui au grand mieux a inspiré le seul Manciet depuis 60 ans."
    Cette phrase m’a amenée à réfléchir car je trouve que c’est plutôt vers l’espace "français" au sens géographique que ces gens se sont ouverts.
    Je voulais dire que l’ouverture vers le Piémont n’était pas forcément une ouverture vers la culture Italienne, je me fonde pour dire cela sur des recherches que j’ai pu faire sur des textes médiévaux et sur des récits de ma belle-famille, immigrés en Provence au confluent de la Durance et du Rhône vers 1900, ils avaient le sentiment de parler la même langue, le provençal que leurs voisins dans la vie de tous les jours, ils portaient des noms à consonance française pour un grand nombre et à l’école normale d’instituteurs d’Aix dans les années 1930 ils ont appris l’italien qu’ils ne parlaient ni n’écrivaient, et étudié les textes de Mistral comme ils étudiaient Victor Hugo.
    J’ai simplement voulu dire que les choses semblent plus compliquées qu’un "regard sur une carte".
    mais c’est comme je le disais une petite phrase qui ne remettait pas en cause la valeur à mes yeux du raisonnement de Vincent P. dans le lien dont je l’ai tirée.

    Pour ce qui est de la répartition linguistique des langues dans les vallées "vaudoises", j’ai vu une carte qui montre que la séparation entre "alpin", piémontais, zigue-zague pas mal entre des villages très voisins.
    Merci de la réponse sur les traductions de la bible, bien sûr l’identité que ressentent les vaudois entre eux est essentiellement religieuse et leur histoire est extrêmement compliquée
    Mais pour ce qui est de la Bible, j’ai lu quelque part que Jeanne d’Albret l’avait fait traduire en basque (me trompé-je ?) ne l’a t-elle donc pas fait traduire en gascon ?
    Amitiés à tous

  • Bonsoir Dominique,
    Vous nous montrez là que les sphères religieuse, linguistique et géographique ne correspondent pas toujours et pas du tout dans le cas des vallées occitanes du Piémont : linguistiquement elles ont encore un bon usage du provençal alpin mais sont tournées vers le Piémont, pas vers la France -avec toutes réserves sur l’emploi de ce dernier terme, dont la nature serait à définir si on y cherche autre chose qu’un ensemble linguistique.
    Quant au défaut d’inspiration occitane du côté de la Mar Grana, il est bien réel (à part les proclamations et les hymnes, un peu comme le "Deutschland ueber alles" évoquait l’Allemagne "de Memel jusqu’à l’Adige").
    Chanter la Mar Grana, comme Manciet le fit superbement, est bien spécifiquement gascon.
    Enfin, je ne vois pas de traduction exhaustive de la Bible en gascon, pas même le Nouveau Testament (tout cela reste à faire), seulement les Psaumes, qui furent également traduits en basque par le pasteur de Liçarrague, à la demande aussi de Jeanne d’Albret.
    Notre basquisant attitré (F.Lartigue) peut éventuellement vous en dire plus.

  • le clavier m’échappe tjrs des mains, j’étais le précédent auteur"inconnu".

  • Bonjour Gérard,

    Oui, je crois que Jeanne d’Albret avait fait cela mais je n’en sais pas plus que vous à ce sujet.

  • Erratum :
    quand j’écrivais il y a un an que la traduction gasconne du Nouveau Testament n’existait pas encore, je me trompais manifestement puisqu’on trouve sur Amazon une proposition d’une traduction de M. René Canton "Lous Ebanyelis" (en graphie fébusiennes manifestement).
    J’ignore si cet ouvrage se trouve encore en librairie.


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