Gascon, basque, breton... Vincent.P

- Vincent P.

Petit fait sympathique : à 05:50, en parlant d’identité française, le journaliste qui anime le débat (souvent virulent dans cette émission) demande : "si on est français, on peut pas être gascon, on peut pas être basque ou breton ?"

Il est amusant de voir que dans l’imaginaire français, "gascon" résonne encore.

www.dailymotion.com

Grans de sau

  • Hier sur France Culture, à l’émission Ping-pong : l’animateur Martin Quenehen, dit au chanteur invité Dick Annegarn (d’origine néerlandaise) "Vous [...] qui êtes aujourd’hui gascon... [...] vous êtes prêt à migrer si ça devenait comme ça jusqu’en Gascogne ?" (sous-entendu, aussi difficile politiquement qu’en Turquie...).
    Je comprends que le chanteur s’est installé en Gascogne, terre accueillante aux artistes.

    Déformation "professionnelle" chez moi : où en Gascogne ? s’agit-il de la Gascogne convenue, celle du "Bonheur dans le pré", réduite au département du Gers ? ou vais-je avoir une bonne surprise ?
    Verdict de Wikipédia : menos mal (si j’ose dire - entendons-nous bien : je n’ai rien contre le département du Gers comme territoire), Dick Annegarn ne s’est pas installé "dans le Gers", mais à Lafitte-Toupière, département 31 près de Saint Gaudens, Comminges.
    Il y organise même chaque année un Festival du verbe.

    Réflexe "professionnel" encore, je vérifie le lòc de Lafitte-Toupière sur Gasconha.com ; je sais qu’il y est. Déception et incompréhension : i-y-est-pas ! Puis je comprends : Gasconha.com ne connait que Lahitte-Toupière, plus à l’ouest, en Bigorre, qui est un homonyme en gascon mais pas en français !

    Wikipédia ne mentionne pas que ce Lafitte-Toupière est en Gascogne : « une commune française située dans le département de la Haute-Garonne en région Occitanie ».

    Par contre, le site de la mairie explique bien :
    « A l’origine "Laffitte" s’écrivait "la Hitte" et indiquait une pierre dressée, une borne de limitation de territoire. Toupière est un dérivé de "Toupis" en gascon qui signifie pots en terre cuite ou en grès permettant de conserver la graisse de porc ou de canard. »

    Mise à jour 2020 : Lafitte-Toupière est bien sur Gasconha.com !

  • Dans le cas de la France, plus précisément de l’Etat-nation (et non pas de l’Etat national !) qui est censé lui correspondre, les régionalismes sont une façon de protester contre la perte d’une identité, et une façon de maintenir ce que l’idéologie française, universelle comme chacun sait, a cassé des identités réelles. Les régionalismes oscillent entre les timides affirmations de peuples trahis par leurs élites et des velléités d’émancipation déconsidérées. Les Français d’Oïl comme les autres y sont passés.
    Le débat français sur ce thème est biaisé, et le restera, c’est une tare de l’esprit français, parmi d’autres.

  • Bonjour,

    Vous dites :"une façon de maintenir ce que l’idéologie française, universelle comme chacun sait, a cassé des identités réelles"

    Le dogme de la diversité et de l’écologie culturelle sur lesquels s’appuient tous ces "identités réelles" n’est il pas un universalisme ? Tout comme cette volonté d’émancipation et cette minoritarisatiin partagées ? En quoi des identités sont elles "réelles" ou "factices" ?

    Vous dites : "Le débat français sur ce thème est biaisé, et le restera, c’est une tare de l’esprit français, parmi d’autres." Je ne comprends pas ce que vous exprimez.

    Dans l’attente de vous lire, cordialement.

  • Bonjour, Bonjour !

    Il n’est bien évidemment pas possible de traiter ici de ces vastes sujets, mais je dirais qu’il y a une spécificité française qui est due à la constitution historique même de ce pays et de ses habitants, soumis depuis très longtemps à un système directeur littéraire, juridique, administratif au fond invariable.
    Cette idéologie, dominante depuis au moins le XVIe siècle, privilégie l’universalisme théorique sur les appartenances ethniques, naturelles et culturelles. Il ne s’agit pas de ces préjugés qui accompagnent généralement les conflits de peuples et d’Etats (pas de dogme moraliste à entretenir à ce sujet). Cette idée française, qui ne repose pas seulement, ni même essentiellement, sur la puissance politique, a été et demeure la justification majeure des linguicides organisés qui ont francisé les "territoires" pour en faire ce qu’ils sont aujourd’hui. Avant d’être un individu historique, la France est une personne morale dont la raison d’être est bien de substituer l’abstraction hors-sol aux attachements concrets.
    Si l’acculturation des peuples peut passer pour un phénomène historique compréhensible dans le cadre d’une conflit de civilisation ou d’un bouleversement démographique comme le monde en a toujours connus, il est plus rare, et même exceptionnel, de voir se développer une idée, une doctrine, explicitement tournée contre les différences ethnoculturelles, et pour le bien des peuples visés. La France s’est pensée et voulue le prototype d’une humanité nouvelle unifiée par sa langue. Ce n’était pas là de l’impérialisme ordinaire.
    Les Français furent la matière première de ce projet. Le lucide Ernest Renan faisait remarquer : « C’est le sort des peuples qui ont à remplir une mission intellectuelle ou religieuse sur les autres peuples, de payer de leur nationalité cette brillante et périlleuse vocation. (…) Qui sait si un jour les idées françaises ne rempliront pas le monde, quand la France ne sera plus ? » (Études d’histoire religieuse).

    Les régionalistes et autonomistes de l’Hexagonie ont parfois payé très cher pour avoir compris cette leçon.

  • Très bonne analyse, comme d’habitude.
    Le mondialisme et la globalisation actuels sont en quelque sorte un avatar de cet universalisme français. Mais la globalisation se fait désormais sans la France et même contre elle puisque la très artificielle "nation" française est en train de se dissoudre après avoir elle-même éradiqué les particularisme dits régionaux. Cette éradication s’est faite avec beaucoup de hargne dès la Révolution et c’est la République qui l’a parachevée. Il s’agissait alors de créer un sentiment national, lequel n’existait pas encore dans beaucoup de campagnes au moment de la défaite de 1870, surtout dans celles qui ne parlaient pas le français. Il fallait donc créer cette nation française pour faire pièce à l’Allemagne nouvellement unifiée et préparer la revanche. Ce fut le rôle de l’école de Jules Ferry, qui n’était pas mue que par les bons sentiments de façade qu’on connaît mais qui a servi à préparer psychologiquement le peuple au massacre à venir, en même temps qu’on domestiquait ces corps rétifs au travail dans les usines de la bourgeoisie capitaliste. Et puis il y avait aussi cette aversion, ce mépris bien bourgeois pour le peuple et la ruralité, cette haine de tout ce qui était ancré alors qu’on voulait justement l’avènement d’un homme désincarné, ou bien réincarné en un idéal hors-sol et débarrassé de tout ce que les promoteurs de la France nouvelle considéraient, avec mépris, comme des archaïsmes indignes de leur vision du monde.
    L’universalisme français, c’est un peu l’histoire de l’arroseur arrosé. Maigre consolation pour les nations "premières" de l’hexagone, dont la plupart sont aujourd’hui en état de mort clinique. L’enfer est bien pavé de (fausses) bonnes intentions.


Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs