Le gascon garonnais Quelques spécificités

- Gaby

Je vais vous parler ici du gascon garonnais (au sens de garonnais dans l’ensemble gascon septentrional, càd le dialecte -le mien- quasiment disparu, qui était parlé entre le Tonnenquais et le Sauternais, sur quelques km de largeur (les premiers coteaux de la rive droite du Tonnenquais à Cadillac ; la ville de Langon et quelques communes du Sauternais). Je ne traiterai pas de l’intégralité de ses caractéristiques qui en font un mélange des dialectes bordelais et bazadais avec des traits agenais à l’est, mais je présenterai seulement quelques aspects particuliers.

Commençons par le lexique ; voici une liste non exhaustive de mots typiquement garonnais (au sens large, càd répartis entre Agen et Bordeaux, voire carrément entre Toulouse et le Médoc)

 s’agroar [saɣɾu’wa] : s’accroupir.
 aubareda [ɒwβ’ɾeðə/-o] : peupleraie des bords de Garonne (en plus d’être une saulaie d’aubiers) ; sens particulier du mot aubareda « saulaie » plus répandu < aubar « saule blanc (aubier) ».
 àuger [’awʒə/-e] : avoir ; mot du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne, en aval on trouve auger [ɒw’ʒe] qui est moins strictement garonnais (on le trouve dans l’Entre-deux-Mers, la région bordelaise au sens large).
 bada-costat [,baðəkus’tat] : sorte de crevette (Châteaureynaud).
 benaujant [benɒw’ʒãŋ] (Gaye) / bicanàs (Séré) : plouc ; le premier mot (Cadillac) est le gentilé pour la Benauge, arrière-pays rural de Cadillac ; le second mot (Marmande) est probablement un import limousin (cf. bicanard « rustre »), on en trouve d’autres en marmandais p.ex. boirar. Aussi pibes en Marmandais ; peut-être une abréviation.
 bèrla [’bɛrlə] : bille à jouer, p.ext. couille ; dérivé berlon [bɛr’lũŋ] « grosse bille » ; en bordeluche un casse-berles est un casse-c... ; cependant une attestation isolée dans le Lauragais (FEW). J.-Y. Gaubert propose comme étymologie le lat. beryllus.
 bisana [bi’zanə] : borne, présent dans la toponymie du Langonnais ; variante de bidana, qui est plus largement nord-gascon avec ses variantes bridana, blidana.
 borriu [bu’riw] : de mauvaise humeur (Masson, Baudet).
 briulassa [βɾiw’lasə] : pholiote, pleurote, poussant sur les troncs de peupliers (Hilaire) < briule « peuplier ».
 cala [’kalə] : quai, embarcadère, sur la Garonne ; couramment usité en francitan garonnais.
 carrolha [ka’rujə] : chemin creux (Suire), dans le secteur de Quinsac et Cambes ; bien plus en amont, on trouvera carròla, également en pays garonnais mais non-gascon (Toulouse, Bas Quercy).
 carrelòt [kare’lɔt] : ruelle ; mot présent en amont du Marmandais.
 carruet [kary’et] : ruelle ; mot présent entre le Réolais et Cadillac, visible en divers lieux sur le cadastre napoléonien mais absent de la toponymie actuelle ; l’étymon doit être carruca (cf. FEW).
 chanat [ca’nat] : crevé, épuisé (comm. D. Séré), mot d’origine gavache correspondant à l’oc canat ou à l’argot cané. De même en bordeluche, chana [’canə] signifie « pipe (fellation) » (Ducloux). Le tout se rattache au lat. canna, via la langue d’oïl.
 changòt [cãŋ’gɔt] / chancòt [cãŋ’kɔt] : flaque (ALG, Macarienes, Gaye), dans la région de Langon, St-Macaire, Cadillac. Le mot bazadais est charnòc.
 colina [ku’lino/-ə] : vallon où de l’eau s’écoule, à ne pas confondre avec « colline ». Mot du Lot-et-Garonne ; on trouve à l’ouest la variante colèira [ku’lɛjɾə] qui, elle, se retrouve cependant dans l’est du domaine d’oc !
 conhut [ku’ɲyt] : qui a perdu (au jeu) (Chevillard) ; sans doute à comprendre comme « coincé », même si l’on attendrait cunhat, mais il y a peut-être l’attraction de mots comme con, conhanhe, etc.
 deixibrar [deʃi’βɾa] : déchirer, lacérer (Masson) ; mot rare dont la variante xibrar [ʃi’βɾa] est bien connue dans le sud de la Gironde y compris dans le francitan « chibrer » qui signifie « abîmer ».
 dobleiron [duβlɛj’ɾűŋ] : type de pierre de taille ; en français régional, le mot spécialisé doubleron est encore connu des spécialistes des carrières de pierre.
 esbrifar [ezβɾi’fa] : mettre en loques (Masson) ; curieux mot isolé, étant donné que briffer dans le sens de chiffonner, abîmer, mettre en loques, est un mot de l’est de la France (FEW).
 estèir [es’tɛj] : petit affluent de la rive droite de la Garonne (en aval du coude de la Garonne au niveau de St-Macaire) et de la Dordogne (en aval de Castillon) soumis aux marées. Le mot est connu sur le Bassin d’Arcachon mais avec un sens différent.
 gaula [’gawlə/-o] : bras secondaire de la Garonne, y compris comme hydronyme ; mot garonnais par essence, avec sa variante jaula [’ʒawlo] ; peut-être à rapprocher de mots nord-occitans tels gaule, gaura, gaulha, etc. qui désignent des bourbiers, des mares, ou moins sûrement de gaula au sens de bâton, branche (> bras de rivière).
 getin [ʒe’tĩŋ] : taillis de saules des bords de Garonne, par extension terres alluvionnaires des bords de Garonne (là où les saules ont laissé la place aux aubarèdes) ; du verbe gitar « rejeter de souche ». On le trouve en toponymie, par exemple le site protégé des Jetins à St Pierre d’Aurillac.
 grausilhar [ɣɾɒwzi’ja] : farfouiller (Laffargue).
 grenopit [ɣɾenu’pit] : flétri (Masson) ; relevé par D. Escarpit en Médoc.
 gringalhut [ɣɾĩŋga’jyt] : granuleux, pourvu d’aspérités (Masson).
 haian [a’jãŋ] : hêtre ; mot présent en toponymie (Donzac) ; semble être influencé par le mot gavache fayan sur la base du mot gascon hai, que l’on trouve d’ailleurs dans la toponymie du même secteur sous la forme diminutive haiòt [a’jɔt], et la forme collective haiar [a’ja].
 honèira [u’nɛjɾə] : vallon avec un écoulement, dépression de terrain ; mot présent en toponymie (Semens), correspondant à la série gasconne honèra, honada, honau, honsada, honsau, etc.
 jabrós [ʒa’βɾus] : sale, maculé, souillé (Masson, Boirac) ; faça jabrosa « sale gueule » ; ainsi que les dérivés jabrosar, enjabrosar (Masson) ; c’est évidemment un mot d’origine poitevine (jabrou « sale, barbouillé ») ou saintongeaise (jhobrous « sale, barbouillé »).
 lachòc [la’cɔk] : flaque (Laffargue) ; onomatopéique.
 legrir (hèser los ulhs) [le’ɣɾi] : écarquiller les yeux (Masson, Secrets dau Diable) ; peut-être s’agit-il d’un dérivé d’alègre « joyeux », cf. le béarnais alegrir, autrement dit : « s’égayer les yeux ».
 (pas) lenge[pa’lẽnɟə] : pas du tout (ALG) ; attesté à Pujols/Ciron, mot apparemment très local, avec comme variantes bazadaises enge, inge, nenge. A rapprocher de ne gentem (cf FEW) ?
 liganha [li’ɣaɲə] : chassie ; forme typique des Graves (ALG à Pujols/C. ; entendue par mon grand-père [Talence] et dans les Graves) ; les formes largement dominantes sont laganha et leganha.
 lisa [’lizo/-ə] : limon de Garonne ; mot du Lot-et-Garonne, connu dans l’ouest de la France mais avec le sens d’argile.
 litzar [li’dza/-tsa], litzada [li’dzaðə/-tsaðo] : glisser, glissade (Macarienes, ALG).
 mata [’matə] : haute berge, par dérivation digue ; mot bien connu en Marmandais, alors que dans d’autres régions c’est une touffe, une cépée, une motte ; dans le Bas Médoc, c’est un terrain gagné sur l’estuaire. Le sens de digue est très spécifique au Marmandais.
 mochar [mu’ca] : montrer (Ferrand) ; forme locale du secteur de Langon/La Réole, alors qu’en gascon les mots muixar et moixar sont les plus répandus.
 moches [’mucəs] (Laliman) : gosses ; origine inconnue, peut-être de l’espagnol muchachos ?
 parda [’paɾðə] / pardòta [paɾ’ðɔtə] : pignon (nom d’un cépage) (Féret). Divers cépages portent des noms locaux typiques.
 nhiula [’ɲiwlə] : flemme (ALG à Blaignac) ; je découvre par hasard dans le FEW nioura en arpitan pour une femme indolente !
 pampalhet [pãmpa’jet] : fête de la fin des vendanges ; mot encore utilisé dans l’Entre-deux-Mers et dont un restaurant de St-Macaire porte le nom.
 pautrinhar [pɒwtɾi’ɲa] : patauger, piétiner (Masson ?) ; typiquement d’origine saintongeaise, ne se retrouve qu’ici en gascon.
 peirat [pɛj’ɾat] : syn. de cala (cf. ci-dessus), mais inusité en francitan.
 a pilha-peròc [a ,pijəpe’ɾɔk] : vite fait mal fait (Masson) ; semble signifier littéralement « à pille-enveloppe de l’épi de maïs ».
 piu [piw], piva [’piwə/-βə] : dindon, dinde (ALG, Hilaire, Launet de Beaumont) ; onomatopéique ; attesté jusque dans le NO de l’Entre-deux-Mers.
 raganet  [raɣa’net] : avorton (Séré) ; signifie littéralement... « trou du cul » ! En effet, la ragana ou regana, outre son sens originel de « ravin, rigole » (d’où un hydronyme du Marmandais) désigne le sillon fessier, mais aussi le sexe féminin, et il est intéressant de constater que ce mot, d’origine gavache, est justement connu dans des parlers gascons à proximité des Gavacheries, à savoir Marmandais et Bas Médoc !
 ragolh [ra’ɣuj] : remous du fleuve (Suire, R. Escarpit) ; influence poitevine-saintongeaise, régions dans lesquelles sont localisés les mots en ragouil- liés à des mouvements de l’eau (FEW).
 ralut [ra’lyt] : chétif (pour un végétal tout au moins) ; origine à creuser, car d’apparence gavache.
 ribòt [ri’βɔt] : sol battant (luvisol) (Féret, comm. A. Bord) ou moellon (Billa) ; mot typique de la région de St-Macaire, origine inconnue.
 rimonar [rimu’na] : grommeler.
 senticós [sẽnti’kus] : susceptible.
 tausa [’tawzə] : averse (Gaye) ; mot typique de la Benauge, d’origine mystérieuse et inconnu ailleurs.
 tresson [tɾe’sũŋ] : type de filet de pêche manié par les tressonaires.
 trompa [’tɾũmpə] / tromba [’tɾũmbə] : doline, boyau (cavités karstiques) ; le premier mot se trouve sur la base Karsteau (« trompe d’Artigolle » à St-André-du-Bois) et dans le toponyme « moulin de la Trompe » à Faleyras (donc dans le centre de l’Entre-deux-Mers) ; quand au second, nous l’avons entendu une seule fois, dans la bouche d’un habitant de St-André-du-Bois à propos de la « trompe d’Artigolle ». Evidemment en lien avec la forme en entonnoir (trompette) des dolines. Cependant, dans le cas du moulin de la Trompe, le sens est peut-être différent car en Ariège, une trompa peut désigner le canal d’un moulin.
 vagassèir [baɣa’sɛj] : débris flottant sur la Garonne ; on trouve aussi vagassièr en Bas Quercy, donc toujours en pays garonnais.
 viròl [bi’ɾɔl] : type de filet de pêche.

Le lexique garonnais, notamment vers l’est (Laffargue, Séré), est influencé par :
 le saintongeais (proximité de la Petite Gavacherie dont les habitants se rendaient à Marmande et à La Réole : (a)lisa, balòt, chanat, chauma*, coçarda, jabrós, javassa(r), pautrinhar, ragana/raganet, ragolh...
 le périgourdin (proximité de la frontière linguistique, Seyches étant déjà de parler périgord) : arlòt/arlotar, bergaud, boirar, cabòrna, chauma*, faure*, jau, patilhós*, picadís, de raletas, sinar, tran, xabròt...
 le « languedocien » : aboriu, borrasson, campèstre, çaquelà, se clinar, empenat, faure*, fièra, fraunhós, patilhós*, vormelós...

Quelques particularités très locales sont relevées :
 le passage de -eir à -ir (gir < geir « hier » [Bourciez], mestir < mesteir « métier » [Boirac, Macarienes]) ; notez bien qu’il s’agit de -eir et pas de -èir qui, lui, reste bien -èir. De même, frid < fre(i)d « froid », forme du Haut Entre-deux-Mers et de la Benauge.
 le passage de -e- à -u- (vutèth < vetèth « veau » [Bourciez], lugir < legir) ; on retrouve en parallèle vudèth < vedèth à Libourne, ainsi que pusca < pesca, pusquèir < pesquèir, etc., en Bordelais.
 boiat < goiat « jeune homme » en Sauternais (Bourciez) ; cela peut sembler être une coquille, mais le mot apparaît plusieurs fois, et on sait par ailleurs que le passage -g-/-b- est courant (golh/bolh, gopilha/vopilha, jauga/jauva, auguicha/auvicha, seuva/seuga...)
 un îlot de formes très étonnantes de type sud-gascon attestées dans la région de Langon (Buget, Ferrand, Bourciez) : oelh < ulh, hoelha < hulha... ainsi que lhevar < levar, lhèit < lèit...
 la résolution de -ua(-) par -uva(-) [-yβa-/-yβə] en Marmandais (ailleurs on utilise [w] ou [j], à moins que le -n - ne soit conservé) : luva, duvas...

Au niveau de la prononciation :
 -h- muet, ce qui entraîne l’élision dans certains cas : qu’hasèva  ; mais lo haian, lo huc  ; cela entraîne aussi des modifications de prononciation : les hulhas [le’zyjəs], duhòra [’djɔrə], bohuròc [buj’ɾɔk].
 les -n (/-nt/-nd) ainsi que les -m (/-mp/-mb) prononcés indifféremment [-ŋ] : can, camp et cant, vin et vint, ben, vend et vent, càntam et càntan, som et son, se prononcent pareil.
 -tg(e)/-tj-/-ch- prononcés indifféremment [c] (entre « tch » et « ty »), alors qu’en Bazadais on distingue -tj- [ɟ] et -ch- [c].
 au- atone (et parfois même en position tonique) prononcé [ɒw] comme en Guyenne, alors qu’en Gascogne [aw] tend à ne pas se relâcher.
 annada prononcé [ãŋ’naðə] (« ang-nade »), ce que l’on retrouve aussi dans le Bazadais.
 un certain nombre de consonnes finales amuïes, surtout après diphtongue : nuit [nyj], pòrc [pɔɾ], caud [kaw]...
 en Marmandais, -c, -p parfois prononcés [-t].
 tendance à prononcer -x- comme [-dz-] plutôt que [-gz-].
 dans -ns- après voyelle, le -n- a tendance à disparaître en entraînant une nasalisation de la voyelle, ce qui se retrouve dans l’Entre-deux-Mers, tout comme dans les dialectes limousins : dançar [dã’sa] plutôt que [dan’sa].

Au niveau de la conjugaison :
 les formes conei < coneix, parei < pareix [Masson, Boirac].
 l’imparfait avèva/-èu’ prononcé [a’βɛw(ə)] (çà et là en Pays macarien, entouré par avè [a’wɛ] au sud et avèva [a’βɛβə] au nord)
 le prétérit ouest-garonnais en hasuri, hasures, hasut, etc. ainsi que le subj. imparfait en hasussi, hasussis, hasussi, etc. (hiri et que hissi en bordelais, hasoi et que hasossi en bazadais et marmandais).
 les subjonctifs qu’èsti (en Langonnais) et que siqui (en Marmandais), entourés par le plus classique que sii.
 les imparfaits en -issèvi (côtoyant ceux en -ivi).

Grans de sau

  • Gaby, dans ta liste de mots nord-garonnais/girondins, tu cites des féminin en -èira, lesquels correspondent parfaitement aux masculins en -èir, suffixe caractéristique du gascon occidental. Ce phénomène -èir, -èira était le fait des parlers nord-girondins mais non celui des parlers sud-girondins auxquels se rattachait le parler marmandais, lesquels possédaient les suffixes -èir, -èra. comme en bazadais si je ne m’abuse.
    Tu as bien fait de préciser que le mot carrelòt, ruelle , était présent en amont du Marmandais. Car à Marmande on utilisait uniquement la forme bien gasconne carreròt pour désigner une ruelle.
    C’est fort dommage qu’il n’existe pas de recueils de contes en nord-garonnais analogues à ceux de Jean-François Bladé, rédigés en sud-garonnais.
    Comme tu le sais, bien que ne possédant pas le savoir des anciens aujourd’hui disparus, loin de là hélas, je suis toujours à ta disposition en ce qui concerne l’antenne sud-girondine que formait encore le parler de Marmande et de ses environs dans les années 50 du siècle dernier et donc Denise Laffargue était l’une des dernières locutrices natives. C’est pour moi l’occasion de citer le nom de cette dame qui nous a quittée en janvier 2016 (déjà !) et que l’ami Bernard Lebeau, un autre vieux Marmandais expatrié comme moi, a eu le privilège de connaître et de bénéficier de son enseignement.

  • En effet, -èira se trouvait dans la partie girondine de notre dialecte garonnais (en pays macarien et réolais on trouve des lieux-dits la Carboueyre, les Peyreyres, la Houneyre, Caoudeyre, la Rouqueyre...) et rejoignait en cela les dialectes de la région bordelaise mais aussi le gascon maritime.

    Dans les Contes de Garona aux éditions Letras d’Oc (qui n’ont rien de très garonnais) on trouve notamment un conte court en gascon de Ste Croix du Mont et un ou deux en gascon de La Réole. Il faudra absolument que j’aille un jour dépouiller les collectages faits par les ATP de Marmande, il y a peut-être des contes dedans.

    Merci pour carreròt, je n’avais noté que carreròta pour le Marmandais (trouvé dans les cadastres XIXe je crois).

    Évidemment, dès que j’ai une question en matière de Marmandais, c’est à toi que je m’adresse. d’ailleurs j’ai justement une question : est-ce que popar son mau signifie bien "prendre son mal en patience’ ?

  • Gaby, tu me poses une colle avec l’expression popar son mau. Je n’ai pas souvenir de l’avoir entendue à Marmande ou ailleurs, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’existait pas. Et toi, où est-ce que tu l’as trouvée ou entendue ?

  • Uniquement dans des sources écrites, je crois Meste Verdié et Florimond.

  • Per "popar son mau", qu’aví trobat aquò en Arnaudin : "se pochar le maliça" => ravaler sa colère.

    Donc... que diu estar aquò !

  • Se pochar la/le malícia, ravaler sa colère, que s’arretròba tabé hens lo "Lexic francés-Gascon deu parlar de Biscarròce" deu Halip Lartigue.

  • Gaby, à ton petit lexique nord-garonnais, je rajoute le mot liron (liroung), connu aussi dans les Landes, et certainement en dialecte bazadais aussi, et qui désignait la couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus). Les anciens en faisaient parfois la description affolante d’un énorme serpent de 2m et plus qui se déplaçait à très grande vitesse, qui sautait sur les gens et s’enroulait autour d’eux pour les étouffer. Une sorte de boa gascon en quelque sorte.

  • E bé mercí Renaud !

    Liron étant landais, je ne le place pas dans cette liste de mots à répartition a priori garonnaise.

  • Alors tu peux exclure aussi du lexique "garonnais" des termes comme boirar, remuer, bulhir, bouillir, sinar, renifler, sentir, jau, coq, qui nous viennent de la langue limousine via le nord-languedocien/guyennais, ou même xèira, chaise, typiquement landais, et crampa, chambre, typiquement sud-gascon, landais et béarnais. Je me souviens qu’une petite femme maigrichonne était traitée de jau bulhit (jowbuyit) en parler marmandais.
    Si on veut éviter de noter des mots parce qu’ils sont "landais", "bazadais", "guyennais" ou autres, alors il ne va pas rester grand chose du lexique "garonnais".
    Ne perdons pas de vue que nos tentatives de classement dialectaux et lexicaux, "garonnais", "guyennais", "landais", etc., ne sont que de grossières approximations et n’ont rien d’absolu du fait que nous avons affaire à des zones de transition et non à des langues codifiées aux contours clairs et nets.

  • Je m’explique :

    La liste avec les mots en gras : mots typiquement garonnais a priori. Liron n’y a donc pas sa place, bien que la liste ne soit évidemment pas exhaustive.
    Ensuite je cite les influences non gasconnes, et là effectivement il y a des mots qui ne sont pas exclusivement garonnais. Je n’y cite pas liron non plus, qui est gascon.

  • La définition de « getin » me semble, peut-être, un peu ambiguë.
    Je me souviens qu’on allait se cacher dans les jetins, dans ces taillis, rejets de saules, qui poussaient sur les bancs de gravier, découverts en basses eaux, en bordure de Garonne.

  • Étant tonneinquais, je confirme le post précédent.
    Les jetins, ce sont les taillis qui poussent en bordure de Garonne.

  • Je risquerais, pour pives (gosses), une forme à -v- de pua, au sens de “(jeune) pousse, tige” (ailleurs “mât, pointe…”).
    Plus généralement, la série pivar “monter”, pivala “jeune anguille” (qui remonte les cours d’eau ; plutôt que pibala*) est de cette famille (cf. lua < luva / liva, lagúa < laguva, etc.)…

  • Gaby, dans ta liste tu mentionnes mon nom pour pibe, gosse. Permets-moi de te reprendre car jamais ce terme ne s’est appliqué à des enfants. Les gosses, à Marmande, c’étaient les dròles comme partout ailleurs en nord-garonnais. Pibe, comme je crois t’en avoir déjà parlé, était un terme péjoratif dans la bouche de certains pour désigner un paysan auquel était aussi appliqué le terme imagé de pica-bosic.

  • Désolé, Jan l’Aisit, mais votre hypothèse semble fragile car dans la région marmandaise le mot pibe s’appliquait péjorativement à un paysan et non à un enfant. Comme je le mentionne plus haut, un gosse était un dròle alors qu’un paysan était traité péjorativement de pibe ou de pica-bosic et en plus péjoratif encore de bic ou de bicanàs dans la bouche de certains. Dans le français local et populaire des bords de Garonne, le terme encore courant dans la bouche des gens âgés pour "enfant", "gosse" est "drôle".

  • Au temps pour moi, ma mémoire me joue des tours ; je corrige cela et par la même occasion je corrige si nécessaire dans notre brouillon de dictionnaire... et j’en profite pour prendre note de bic, qui est donc de l’argot gascon marmandais, donc une rareté.

    A noter que pu(v)a [’py(w)ə] donnerait puva [’pyβə] (c’est d’ailleurs le mot pour "dent" (de peigne/râteau...) et non piva en Marmandais, n’est-ce pas ?

    A noter que des gens pas si vieux emploient toujours "dròle". C’est le cas de mon oncle tout au moins.

    Je modifie aussi la définition de getin.

  • Complément toponymique au sujet des jetins :

    au Jetin (Toulenne 33)
    les Jetins (St Pierre d’Aurillac 33)
    au Jettin (La Réole 33)
    aux Jettins (Tonneins 47)
    Jettins (Taillebourg 47)
    Jettins de la Filhole (Marmande 47)
    Beaujetin ? (Sénestis 47)

    Mais aussi, curieusement : au Jetin (St Denis de Pile 33).
    Peut-être aussi aux Juttins (Cabara 33).

    ======================

    Pour gaula & cie :

    Gaule (Calignac 47)
    la Gaule (Floudès 33, St Pardon de Conques 33, Calonges 47, Ste Marthe 47, Thouars/Gne 47, Le Mas d’Agenais 47, Sérignac/Gne 47)
    la Gaoule (Castets en Dorthe 33)
    Lagaule (Tonneins 47, Fauillet 47)
    Lagaoule (Ste Marthe 47)
    Lasgaules (Aiguillon 47,)
    Gaoulet (St Pierre d’Aurillac 33)
    la Gaulette (Thouars/Garonne 47, Villeton 47)
    la Gauletine (Marcellus 47)
    Bosc de la Gaule (Calonges 47)
    la Gaule de Jeandon (Marmande 47)
    la Gaule de Magdeleine (ibid)
    les Champs de la Gaule (Buzet 47)
    Pré de la Gaule (Varès 47)
    Prés de la Gaulette (Villeton 47)
    ainsi que comme hydronyme à Caudrot tout au moins

    D’ailleurs gaula serait-il celtique ? Quel est l’avis de Gérard (Loison) là-dessus ?

  • Tu as entièrement raison, Gaby, le mot gascon central pua, dent de peigne ou de râteau, donne puva (pube) en marmandais, (puwe) en gascon de la Grande Lande, et pas du tout piva. De même que prua donne pruva (prube) en marmandais et (pruwe) en gascon de la Grande Lande. Rien à voir donc avec le bayonnais iva priva (ibe pribe) pour ua prua, une prune. Dans ce dernier cas, en marmandais on dirait una pruva (une prube).

  • Pour en revenir aux fameux jetins de Garonne, d’après la thèse du géographe Pierre Deffontaines éditée pour la première fois en 1932 qui concerne la « La moyenne Garonne », on apprend que « les Jetins sont des saules cultivés et plantés en rang serrés. La zone plantée en bordure du fleuve devait rester en petit taillis pour ne pas gêner la navigation à la corde »

    http://www.donnees.aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/DREAL/ficheinfo/?Code=SIN0000169&Rubrique=SIN

  • Que m’agradi plan "rimonar", que m’en vau ensajar de l’emplegar d’ara enlà !

  • Qu’i a causas que dits que coneishen, o coneishèn, a Mamisan tanben :
     Mestir per "mestièr / mesteir"
     Lugir per legir
     Luva, duvas

    Qu’i a tanben causas que coneishen plan en Comenge o en Bigòrra d’on, totun, le justificacion de’queth tèrme, un chic esloish, de "gascon orientau" com
     les finalas m o n tostèm prononçadas [ŋ]
     Les consonantas finaus meilèu mudas. A Nistòs (65) e en Vath d’Aura, que disen per exemple clarament "era lei(t)" o "uei(t)". Sus l’ALG, que veden clarament duas pòchas, lo de’queth gascon garonés e lo d’un gascon nòrd bigordan...

    A despart deu lexic, que’m sembla, qu’en fonologia, qu’es pro complicat de defenir un parlar com natre o tipic !
    Sustot qu’i a tota l’influenàa lengadociana preu gascon garonés, non ?

  • Compléments :

     ralut est bel et bien d’origine saintongeaise, comme on le voit dans le FEW (même étymologie que rasclar). Mais curieusement... il a le sens contraire, celui de "rameux" !!! (p.ex. pour une carotte)

     de raletas lui aussi, également périgourdin, est d’origine gavache (FEW). L’inconvénient, c’est que von Wartburg, si je me souviens bien, classe de raletas parmi les mots à étymologie inconnue, et raletar (ou plutôt raleter ailleurs)

  • Je rebondis sur liron. Voici ce qu’on trouve dans le dictionnaire Arnaudin édité par le PNRLG. Volume 2, page 30 :

    liroun s.m. Sorte de grande couleuvre. Ùu’ sérp prime é loungue, dus métres, qu’en ba biste, que mounte sous aubres, que chiule, que saute su’ le gén. Gnaque pa, mé que s’arremoundilhe autourn de le cinte, qu’ous estupe, Un serpent mince et long, de deux mètres, il est rapide, il monte aux arbres, il siffle, il saute sur les gens. Il ne mord pas mais il s’enroule autour de la taille, il les étouffe (Souleyreau 84 ans, sa femme 80 ans, leur fille 40 ans, à Iquem, Biscarrosse.). Lou liroun, qu’es ùu’ sérp berde, prime é loungue, que lùue lou cap
    un pié de haut en chiulan, é qu’apousséc le gén
    , Le liroun c’est un serpent vert, mince et long, qui dresse sa tête à un pied de haut, et qui poursuit les gens.
    (Monicien).

    On remarquera au passage les locuteurs de Biscarrosse, nés avant 1850 (1828 pour le plus âgé) qui emploient LE et UU’. Le passage à LA et UNE s’est donc fait dans la seconde moitié du XIXème siècle, vraisemblablement sous influence girondine. Ce qui explique les reliquats de UU’, LE et CALER chez certains locuteurs ultimes, comme Bernard Darmuzey, dit Lo Beurnat dou Maçoun (né en 1938). Egalement la contraction qu’ous, disparue aujourd’hui et remplacée par que lous. Arnaudin notait scrupuleusement le parler de ses informateurs, donc c’est fiable.

  • Selon J.-C. Dinguirard, le terme de liron serait également attribué au loir. Voici un peu de lecture avec "Folklore gascon du serpent" de cet auteur :

    https://ethnolinguiste.org/wp-content/uploads/2020/02/1978-J.-C.-Dinguirard-Folklore-gascon-du-serpent-Revue-de-Comminges-T-91-277-283_ocr.pdf

    Qui était Jean-Claude Dinguirard ?

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Dinguirard

  • Pour en revenir à la couleuvre verte dite couleuvre d’Esculape, je ne sais pas si son nom gascon, liron, est originaire des Landes, toujours est-il qu’il était non seulement connu à Marmande mais aussi à Baleyssagues, à 5 km à l’ouest de Duras, comme en témoigne le Thesoc en ligne.


Un gran de sau ?

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