Plaque de cheminée et insécurité lexicale Trouve

Bonjour,

sur la plaque de cheminée de ma grand’mère, j’ai pu déchiffrer :

dab aco n’embej pas arré...
est-ce du gascon ?
elle représente un berger avec un béret, ses moutons sur un fond de montagne

C’était pourtant une maison en Gironde !

Grans de sau

  • Traduction en français pour : dab aco n’embéji pas arré
    merci

  • C’est bel et bien du gascon.

    "Dab aco" : avec ça
    "N’embej pas arré" : il n’y a pas un i à embej et un s à arré ? Auquel cas, ce serait "je n’envie personne". S’il n’y a pas de s, c’est alors "rien", mais je comprends moins la formulation : "je n’envie rien", je ne sache pas que le verbe envejar s’utilise pour des choses inanimées.

    Il est possible que ce soit de mon côté un calque du français, pour lequel l’on envie quelqu’un et jamais quelque chose, ce serait alors "je n’ai besoin de rien" en somme. Assez logique : le pâtre n’a besoin de rien d’autre que sa montagne, son béret et ses moutons.

  • En Gironde, le j se prononce comme en français et arrés ne signifie pas ’’personne’’. Donc c’est plutôt un e qu’il manque à embej : ’’avec ça, il n’envie rien’’ soit ’’avec ça, il n’a rien à envier’’ (en parlant du berger, ou alors ’’elle n’a rien à envier’’ en parlant de la cheminée ou de la maison).

  • Mais l’imaginaire du berger n’est-il pas le signe d’un Ossalois (en Ossau, -j- intervocalique est également le son français j) ? Connait-on la double-négation en gascon de Gironde ?

  • Oui mais je pense que son emploi dépendra du son qui va suivre :
    n’èi pas poscut est plus naturel que èi pas poscut
    mais sabi pas est plus naturel que ne sabi pas.
    Cependant :
    As pas vist ? - No, n’èi pas vist.
    Donc à étudier précisément !

  • Comme Vincent, je pencherais pour de l’ossalois, bien que cette cheminée se trouve dans une maison en Gironde. Le arré en question n’est pas fautif. Il signifie "rien" en gascon centro méridional, alors qu’arrés signifie "personne".
    En nord-gascon garonnais ("girondin" lato sensu), par contre, nous aurions res (comme en catalan) pour "rien" et digun pour "personne". Peut-être que la voyelle manquante de embej est un "a" et non un "i". Quant à dab c’est bien sûr la forme centro-méridionale, alors que plus au nord-ouest nous aurions damb ou demb.
    La double négation n’est pas courante en gascon septentrional, donc en Gironde. Je dirais même qu’elle est insolite. Cette absence de double négation en "girondin" au sens large (marmandais compris) semble héritée du languedocien voisin. Ce qui fortifie l’hypothèse ossaloise de ce petit texte.
    Dès lors, le sens semble clair et net : "Avec ça, il n’envie rien (d’autre)".

  • A noter d’ailleurs qu’en Gironde, arrés peut signifier ’’rien’’ (en Bazadais, peut-être oriental vers Grignols et Casteljaloux), tout comme arré (Bazadais, Buch, Haute Lande), res (garonnais) et (Bordelais, Médoc, Libournais...)

  • Ce sont des cas typiques de ce que j’appelle l"insécurité lexicale" si pénible pour les néo-locuteurs non fixés sur un terroir particulier(je me rappelle qu’arres/arren ,tout comme bethlèu/benlèu m’avaient longtemps gêné et j’avais délibérément choisi d’oublier le béarnais arrès au bénéfice du "digun" plus répandu et pas ambigu) .

    Et du reste si l’on veut parler gascon au début du XXIèsiècle,il faut en créer les occasions et c’est généralement avec des locuteurs de terroirs très différents voire de pas de terroir du tout.D’où mon insistance,sans doute pesante aux yeux de certains des gasconhautes,à ne pas systématiquement utiliser des expressions très locales pour l’échange pan-gascon en y préférant des formes plus généralement acceptées.Cela dit,nouveau problème:comment connaitre les formes les plus généralement utilisées qui ne soient ni décalque patoisant du français ni de l’occitan languedocien voisin (ce qui vaut mieux ,non ?) ?
    L’ALG serait un bon guide pour un tel dictionnaire ;peut-être cela a-t-il été l’intention de P.Mora pour son "diccionari tot en gascon" ;il pourrait nous en parler utilement.

  • Et puis, je dirais que vu que c’est écrit en graphie "moderne", si c’était du girondin, l’homme aurait écrit "pa" et non "pas" qui sonne "sss". Il aurait même pu écrire "pa’rré". Nani ?

  • L’insécurité lexicale dont parle à juste titre Gérard est d’autant plus pénible qu’il n’existe pas de langue gasconne unitaire. Les occitanistes qui comparent parfois "l’occitan" hyper-dialectalisé au français unitaire sur le plan de la diversité ne craignent pas le ridicule. Si encore ils se référaient au "français" au sens très large, c’est-à-dire aux langues d’oïl... A un degré à peine moindre, il serait tout aussi ridicule de proférer le même d’ânerie en ce qui concerne le gascon. Ce qui ne doit pas nous empêcher de nos jours de "dé-dialectiser" le gascon local (quand il en reste encore des bribes) dans la mesure du raisonnable, non seulement en chassant les francismes les plus flagrants, mais aussi en adoptant des variantes lexicales différentes lorsqu’il y a risque de confusion, comme avec arrés et arré, ou risque d’homophonie comme avec demb et dens.
    Pour en revenir à ce petit texte de la cheminée girondine, voici ce qu’il aurait été s’il avait été écrit par exemple dans le "girondin" au sens large de la région marmandaise : dan/dén aco embéje rés, ou en graphie classique damb/demb aquò enveja res, sans double négation.

  • Qu’am tabé causas susprenentas com pr’exemple lo mòt "pescajon" dont vòu díser "beignet" e puish dont vòu díser "crêpe" un chic mè enlà.

    E ne parli pas de le "tomata" deu costat de Gavarnia. Òc. De le "tomata"... Percè aciu, "tomata" que vòu diser "patata"... Ne desconi pas !

    Après, b’at sàbetz, ne m’aduvi pas dab Gérard. Sustot ací, se comprénetz lo totau, un mòt o ua virada de frasa ne’vs va pas horviar deu sèns finau deu dequò. E qu’entèni pro de "patoèsis" com ic disen on collècti entà díser que quèn atz ua bona coneishença de le lenga, les particularitats dialectaus ne’vs gèinan pas. Arrèis, que balhan sau a le lenga.

    N’èm pas ací en ua situacion didactica, pedagogica on serem a ensenhar gènts "lambda" ua lenga que vorrén mè que mè apréner. En aqueth cas, oc-bè, que carré parlar quauquarré de chic o mic unitari.
    Mes entà jo, qu’es hèit, lo ertèrs, los locutors 2.0 (!!) deu gascon que son dijà en ua situacion comunautària (be’m hèi cagar d’at díser mes que sembla plan que sii le vertat...) e n’am pas a’star pedagogics percè lo monde se’n foten...

  • Juste pour vous partager ma dernière trouvaille en matière de particularisme phonologique du type "tout est possible" (après le b qui se prononce "v", genre on vous dit "Vesançou" et ça veut dire Besançon ou "vacas vloundas" pour "baques bloundes"), après le "ç" de "ací ou de tout autre "c" intervocalique mouillé comme en espagnol (sifflante interdentale), après "hercar" à la place de "cercar", j’ai rencontré un nouvel ami ! C’est le "l" qui se prononce "w".

    C’est au Port à côté de Massat. "Fwanewa" et bé ça veut dire "flanela", "Waffite", ça veut dire "Laffite". Ou "wa biwa de Wourda", et bé ça, ça veut dire "La bila de Lourde " !! Mais sur les hauteurs de Biert (encore à côté de Massat) eux, c’était les champions sur toute la ligne puisqu’ils prononcent pareil mais ils apportent une petite innovation intéressante, leur l=>w qui est à la base intervocalique, bé là il devient "w" n’importe où. Par exemple, j’ai eu un peu de mal à comprendre ce que voulait dire "le bwat". "Le qué ?" "Le bwat". "Ah, le blat !!".

    Voilà ! Alors, hé, on va pas venir roupiaguer pour un mot compliqué après ça !

  • Renaud,que compreni hòrt plan , quan collectatz mots e biaix de diser en un pichon parçan coseranès que divetz "pegar" au parlar de la gent deu lòc, de la pichona comunitat (quiò, qu’es un exercici comunautari e lo mot n’es pas cap vergonhos ) ;mes quan parlatz a gent d’autes parçans dont coneixetz pas tròp o briga lo parlar locau qu’es mielher emplegar mots e expression de mes larg emplec (com ac disetz,quauquarren de chic o mic unitari):que son situacions desparieras.
    Mes non , quan comprenem pas (o comprenem au revès ) mots o expressions localas , aquo que pot horaviar lo sens de la frasa e l’intencion deu locutor.

  • Òc, soldide, après que prení un exemple un chic estrem.

    Mes çò que vui díser, uei lo jorn, lo parlar en estants en de’questa petita comunautat occitana o gascona que pèrd d’eth medish les soas particularitats mè hòrtas, que’s normalisa tot solet. Quauques, encoèra, que’s sauvan trèits dialectaus mes que’s pòden compréner adaise.

    Entà jo, les situacions que vivi, d’anar ralhar dab un vielhòt a MAssat, en estants sortit de les Lanas, n’es pas briga naturau e qu’es le mia situacion professionau qu’ic creèt. N’an pas lo parat lo monde (hòra de situacions despariadas com le mia) de parlar dab locutors naturaus sortits d’un cròt lunhèc deu son. E un vielh de Massat ne parla pas en "patoès" dab ua vielhòta sortida de Basats. Donc, que pòden aver autant de trèits dialectaus que vulhin, aquiths trèits que damòran en le soa aira... Aquò qu’es le permèira situacion.

    Los locutors segonds, com e’m pensi quasi tots los dont hantan aquest site, que viven quauquarré de hòrt diferènt. S’an hèit l’esfòrç d’apréner un gascon dialectau, n’an pas briga daun d’at cambiar percè los sons auts interlocutors (sii d’auts neò-locutors) qu’auràn le cultura que permet d’at compréner tot e de despassar un mòt dit "esquèr" (dont n’es sovent qu’un mòt locau). E puish, sonque quauques cas completament despariats, n’utilisan aps mè los micro-particularismes com aqueth "l" que’s prononça "w".

    Hmm ? Voyez ?

  • Vodrí tornar sus l’istoèra de la dobla negacion. S’i escai qu’existís, de vrai, en vasadés, encara qu’èsti facultativa. Belèu que l’utilisaràn pulèu après ’’ne’’.

    Ne’n èi pas briga.
    Ne’n vòs ? - Briga !
    Sabi briga.

    Saben jamèi.
    Sui jamèi vingut.
    Ne’n vesen pas jamèi.

    I a digun.
    I a pas digun.
    N’i a pas digun.
    Qui es aquí ? - Digun !

    Per ’’rien’’, a nòste, diràn ’’ya parré’’ ou ’’ya parrés’’, çò que pòt se compréner a l’encòp pas ré(s) o p’arré(s). (Aquò me permet de sautar de l’ase au veguèir : pas encara/enquèra/enqüèra se contracta eth tabé a nòste en pa’ncara/pa’nquèra/pa’nquèra e pas vrai ? en p’rai ?)

  • Je viens de lire ce message qui remonte au mois de janvier :

    "Bonjour,
    sur la plaque de cheminée de ma grand’mère, j’ai pu déchiffrer :
    dab aco n’embej pas arré...
    est-ce du gascon ?
    elle représente un berger avec un béret, ses moutons sur un fond de montagne
    C’était pourtant une maison en Gironde !"

    et de lire les commentaires en-dessous dont certains évoquent les bergers ossalois...
    Je m’avise que la personne qui s’étonne d’une représentation de berger avec montagnes en Gironde peut avoir du mal à comprendre pourquoi les commentaires lient immédiatement une cheminée girondine avec une vallée des Pyrénées !

    Donc, pour ceux qui l’ignorent : pendant des siècles et sans doute des millénaires (premières races de troupeaux en Aquitaine il y a 7000 à 8000 ans, documents médiévaux réglementant le passage des troupeaux venus des montagnes à travers les Landes...) les pasteurs de ce pays qui aujourd’hui est la Gascogne, ont mené leurs troupeaux l’été en montagne, le printemps et l’automne en vallée, et l’hiver en plaine.

    Les pasteurs de la vallée d’Ossau auxquels il est fait allusion, menaient par exemple leurs vaches et chevaux dans la plaine au nord de Pau, et leurs brebis souvent bien plus loin, notamment aux "landes de Bordeaux".

    Dans les derniers siècles, les terroirs viticoles ont été les lieux privilégiés d’hivernage pour les bergers. De novembre à début mars, pendant que la vigne "dort" : comme elle ne porte plus de feuilles et laisse seulement paraître son bois, elle ne risque pas d’être abroutie par les brebis. Celles-ci se concentrent sur ce qui pousse au pied des ceps. Ainsi paissant entre les rangs d’une vigne, les brebis jouent le rôle de désherbant et leurs déjections celui d’engrais...
    Aujourd’hui on parlerait d’un système "gagnant -gagnant" : le vigneron fournit au berger une nourriture gratuite pour ses brebis, le troupeau fournit un travail gratuit d’entretien de la parcelle...

    Hors les terroirs viticoles abondent en Gironde. J’ai connaissance de bergers d’Ossau allant du côté de Langon, La Réole, Libourne, Pessac...

    L’inscription "dab aco n’embei/n’embeje pas arré" peut sans problème être écrite par Ossalois. Son sens serait "j’ai là tout ce qu’il me faut/ il a là tout ce qu’il lui faut". Une transcription plus littérale : "avec cela (ce qui est dessiné) je/il ne désire rien."

    Le dernier Ossalois à ma connaissance à faire une telle transhumance d’hiver, seul pendant plusieurs mois avec ses brebis, allait du côté de l’Armagnac. Il est mort il y a quelques années.

  • Je trouve le dernier gran de sau d’Artiaque très instructif :
    D’abord, il m’a appris que les brebis abroutissent !
    Ensuite, le système "gagnant-gagnant" vigne-troupeau en hiver... à voir si on peut le remettre en vigueur hors du schéma ancien des transhumances...
    A ce sujet, je vous signale le livre L’ours et les brebis* d’Etienne Lamazou, d’Aydius (plutôt orienté sur la vallée d’Aspe) :
    « De 1913 à 1969, Etienne Lamazou fut berger en vallée d’Aspe. Dans L’ours et les brebis, il témoigne d’une vie fidèle aux plus antiques traditions. »
    Si je me rappelle bien, il allait avec son troupeau dans des vignes de l’Entre-deux-Mers, toujours les mêmes. Mais je ne me souviens pas qu’il explique ce système "gagnant-gagnant".
    https://www.lexpress.fr/culture/livre/l-ours-et-les-brebis_1191774.html
    (article de Michel Feltin-Palas, qui défend souvent nos thèmes favoris dans l’Express)

    *Le livre ne parle pas tant que ça de l’ours ; je soupçonne son titre d’être raccoleur.

  • Bonjour, ces messages datent de plusieurs années mais peut-être que quelqu’un pourrait m’aider. En dégageant le poêle posé dans ma cheminée un magnifique plaque (enfin à mes yeux) est apparue. Il est écrit dessus : dab lous de nouste, é lou pastouris qu’ey tout co qu’im caü.

  • Silvan Carrère, journaliste de Ràdio País, a récemment initié sur Facebook un fil de discussion à ce sujet, avec l’image que je joins.
    Je ne sais pas mettre en lien ce contenu de FB, mais je me permets de citer une partie de son explication :

    C’est une plaque en fonte destinée au fond d’une cheminée à foyer ouvert, fabriquée à la fonderie Fabre à Maubourguet (Plaine de l’Adour).
    (...)
    Sur cette plaque, une inscription en gascon : "Dab lous dé nouste, é lou pastouris qu’ey tout ço qu’im caü" ("Avec ceux de chez nous et les animaux de la ferme, j’ai tout ce qu’il me faut"). Il semblerait que trois autres modèles avec des inscriptions en gascon furent produites par la fonderie Fabre (le pèle-porc, le berger, aquò segur et ?).

  • Merci beaucoup, c’est exactement celle-ci !
    Je trouve dommage de la cacher derrière un poêle. Je vais la laisser sur le devant de la scène 😊.


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