Le 47 "fier de son identité gasconne"

- Tederic Merger

Extrait de l’éditorial d’octobre 2014 de 47 Magazine (magazine du Conseil Général du Lot-et-Garonne) :

"Année après année, le Lot-et-Garonne a su s’affranchir de certains complexes par rapport à ses voisins aquitains. Soyons fiers de notre identité gasconne, de nos productions agricoles et agroalimentaires. Ayons confiance dans notre économie, nos métiers et nos savoir-faire."

Ne faisons pas la fine bouche quand une collectivité locale dit sa fiertat gascouno  !

De plus, le lien est fait clairement ici entre identité et économie. Si seulement les apprentis sorciers assembleurs de méga-régiounasses prenaient de la graine, eux qui, au contraire, se targuent d’ignorer les identités régionales* !

*ANDRÉ VALLINI / SECRETARIO DE ESTADO FRANCÉS
“Para la reforma regional hemos superado las identidades locales”

Ensuite, après ce compliment mesuré à "47 Magazine", passons à la critique :

 Un rappel : seule la moitié sud-ouest du département 47 est gasconne selon le critère lingüistique qui est aussi historique selon moi ; on sait que l’autre moitié, guyennaise, a tendance depuis longtemps à se dire gasconne ; mais les principaux centres urbains (surtout Agen) étant sur Garonne, donc entre les deux, et de population maintenant très mélangée, admettons qu’il n’est pas tenable de distinguer ici Guyenne et Gascogne ; de plus l’identité guyennaise est encore plus évanescente que l’identité gasconne, elle ne peut pour l’instant "faire le poids".

 A la relecture du passage cité plus haut ("le Lot-et-Garonne a su s’affranchir de certains complexes par rapport à ses voisins aquitains"), je doute que l’auteur de l’éditorial soit au courant que "les voisins aquitains" (les autres départements de la région Aquitaine, je suppose) sont aussi gascons que le Lot-et-Garonne, sauf la Dordogne, qui ne l’est pas. Ce serait alors le complexe du Gers, qui a tendance à se croire le seul gascon... Il reste utile de rappeler le caractère gascon de la façade landaise, de Bayonne à la Pointe de Grave, et bien sûr des Landes de Gascogne (comme leur nom l’indique), de la Chalosse, du Béarn etc. !
Quant au "complexe" lot-et-garonnais vis à vis de ces voisins, je le découvre par cet édito, mais c’est peut-être simplement le complexe du paysan par rapport à l’urbain - ou plutôt par rapport au métropolitain ? Le département 47 n’est pas dans une aire métropolitaine, d’ailleurs il hésite entre Bordeaux et Toulouse.
Dans ce cas, l’affichage de l’identité gasconne serait une manière de faire passer le côté paysan, rural, non métropolitain ? C’est un peu à double tranchant pour la Gascogne : elle ne devrait pas être réduite à la ruralité ; mais de fait, elle l’est de plus en plus, et il faut faire avec...
L’association de la gasconitat au refus du "tout-métropole" est une voie que je préconise.

 Accessoirement, ce magazine a toujours une rubrique occitane, un article bilingue français-occitan, en graphie alibertine sans explication de lecture ni de langue*, et le plus souvent en languedocien et non en gascon. De quoi compliquer encore la lisibilité de l’identité gasconne...
* par exemple dans la rubrique occitane du même numéro : "Per començar amb aquela lenga nòva" ; qui va lire correctement ? pour le gasconophone de base, la difficulté est double : mots différents, graphie incompréhensible.

Voir en ligne : L’éditorial de 47 Magazine

Grans de sau

  • Il est piquant de constater que si le tropisme basque s’étend à Bayonne et plus haut, des raisons voisines étendent la notion de Gascogne dans ce département hybride, si faible soi-elle dans les faits.
    Tant mieux : qui n’avance pas recule !

  • Aux IX et Xè siècles,jusqu’à 1052 peut-être,le duché de Gascogne débordait en Agenais la limite linguisitique et l’intégrait totalement.ESt-ce une raison de cette prégnance gasconne (cf Jasmin,qui se voulait aussi"gascon" ...) ? En sens inverse,la frontière du duché restait en deçà de cette limite aux mêmes époqes.Ces territoires se voient-ils moins gascons que leurs voisins aujourd’hui ? Le Xè siècle,c’est bien,bien loin mais il faut bien rechercher une explication.En tous cas,je vois plutôt l’ensemble du Lot et Garonne se solidariser d’une appartenance gasconne à l’avenir ,plutôt qu’une plus vague et pâlie identité guyennaise ,comme dit ci-dessus ;

  • Le traitement de texte a rendu ma troisième phrase incompréhensible.
    je voulais parler d’un territoire en arc de cercle autour de Toulouse à l’ouest de la Garonne(Lomagne,etc...)qui,gascon linguistiquement, n’appartenait pas au duché de Gascogne aux IXè et Xè siècles et me demandais si,symétriquement au nord-Agenais,les habitants de ce territoire se sentaient moins ou pas du tout gascons...

  • J’ai compris, Gérard, grâce à ta mise au point.
    Je reformule ta pensée, si je peux me permettre : si des terres non gasconnes lingüistiquement se disent gasconnes parce qu’elles ont appartenu au Duché de Gascogne, on peut symétriquement envisager que des terres gasconnes lingüistiquement ne se disent pas gasconnes parce qu’elles n’ont pas appartenu au Duché de Gascogne !-)

    Hélas, il est difficile* de corriger des grans de sau de type forum une fois qu’ils sont envoyés à la validation. C’est sans doute pour éviter des tripatouillages qui dénatureraient les textes des internautes.
    Donc, je vous invite à prévisualiser autant que nécessaire avant de cliquer sur le bouton "Message définitif : envoyer au site".

    * J’ai bien dit "difficile" ! Pour le webmèste, ce n’est pas impossible, mais laborieux !-)

  • J’avais prévisualisé mais avec une lecture trop en diagonale ,comme souvent. Désolé Tédéric mais tu as bien compris mon incertaine et douteuse hypothèse...reste à trouver d’autres éléments d’explication !

  • Le succès du terme de "gascon" dans le département du Lot-et-Garonne m’intéresse depuis longtemps et je crois que les intervenants précédents ont mis en avant des arguments que je fais mien.

    Cependant, je pense que l’époque décisive fut, comme toujours, le XIXème siècle, quand les poètes agenais ont usé de ce terme, car jusqu’au XVIIème, le terme gascon est nettement ethnique et associé aux populations de langue perçue sans ambiguïté comme gasconne (et cela inclut les Bordelais).

    Je crois également que Tederic a raison de dire que ce terme surgit, toujours avec la volonté de se différencier de voisins perçus comme non-gascons. Le Gersois se croit la Gascogne face à Toulouse, aux Landais et aux Béarnais. Le Landais se dit la Gascogne face à Bordeaux. La Gascogne est toujours une identité réduite de refuge rural.

    Il n’y a évidemment pas à braquer les habitants de l’Agenais septentrional qui se reconnaitraient dans ce terme malgré leur langue que nous disons guyennaise. D’ailleurs, ils ont leurs raisons, et peut-être que cet état de fait provient véritablement de plus loin que des concepts du XIXème siècle.

    En effet, cette année, j’ai arpenté à de nombreuses reprises l’Agenais septentrional. Septentrional d’ailleurs, c’est exagéré, le Pays de Serres n’est pas septentrional dans l’Agenais. Bref, lors de ces promenades, j’ai constaté à quel point ce pays, centré autour de la vallée du Lot et de quelques vallées affluentes à la Garonne, était similaire à notre Gascogne centrale.

    Qu’on le veuille ou non, il y a une nette différence entre l’Agenais et le Périgord, à l’exception du Bergeracois. Quand le vrai Périgord confronte à l’Agenais, par exemple à Fumel, le contraste est saisissant : la vallée du Lot s’ouvre pour définir un paysage du "Sud-Ouest".

    J’ai remarqué dans la toponymie de l’Agenais non-gascon de nombreuses convergences avec l’Agenais gascon, notamment dans l’utilisation de toponymes (Borde, Case, ...). Idem en architecture : c’est l’autre région de la maison à façade sous pignon et de l’usage du bois. La langue également : on constate que le suffixe -èr du latin -arium dépasse largement le seul fait gascon.

    Néanmoins, l’Agenais est avant tout un pays de transition : on trouve, dès les premiers villages dans les coteaux après la Garonne des toitures hautes à la périgourdine. La langue semble comme mêlée, elle tend même vers une phonétique limousine, du moins, du peu que l’on peut en entendre via les études de l’Atlas linguistique.

    Des transitions, au-delà des faits linguistiques, il y en a partout. Par exemple, les pays d’oïl que sont la Saintonge et l’Angoumois sont aussi clairement de transition entre Bordelais et Poitou.

  • Exemple au hasard de couleur toponymique agenaise. Entre Fumel et Villeneuve, sur le Lot, autour du hameau de Lustrac.

     Labadie, Lanave, Laspelènes, Laffargue, ... Ce sont des constructions guyennaises, sans problème. Mais on ne les retrouve pas en Quercy. Les équivalents exacts sont en Gascogne.

     On remarque l’usage du suffixe diminunitif en abondance, là où l’on trouve plus fréquemment -el en Quercy : Pradet, Coutet.

     Patras, dans le SO, c’est encore une fois en Gascogne qu’on le retrouve. Bourras, on le retrouve aussi en Languedoc pyrénéen. Le phénomène, c’est l’usage du suffixe augmentatif -as.

     Et puis, Arnaud-Guilhem ! Toponyme fondé sur un patronyme double, de tradition gasconne.

    Bref, si le signifiant n’est pas gascon (c’est une phonétique guyennaise, de transition certes), le signifié décrit un univers gascon, qui n’est pas celui des pays comme le Quercy, le Rouergue ou le Périgord.

  • Je n’ai pas encore fini de débusquer ce qu’il y a derrière cette affirmation d’identité gasconne dans "47 Magazine".

    Eh bien derrière, il y a la politique que nos élus locaux et régionaux appliquent presque partout : au nom de l’emploi, on déplie le tapis rouge à... Center Parcs !

    "Center Parcs La vitrine du Lot-et-Garonne" Tederic M.

    Ce n’est pas Center Parcs, avec ses "cottages", ses plages sous cloche, sa formule reproduite partout à l’identique, qui va faire vivre l’identité gasconne.
    Elle aurait pu continuer à vivre dans les auberges et hostelleries gasconnes que les normes de restauration, hôtellerie et autres, votées par nos députés, ont condamnées.

  • A Vincent :

    Labadie, Lanave : pourquoi c’est spécfiquement guyennais, c’est aussi gascon non ?
    D’autre part, il doit y avoir une forte proportion de patronymes, à ne pas trop prendre en compte dans l’analyse (Ferrier, Lanave, Labadie, ?Laffargue, ?Lavergne, Coutet...)

  • Je n’ai pas écrit que c’était "spécifiquement guyennais", juste qu’il n’y avait aucun problème à ce que phonétiquement, il s’agisse de constructions autochtones, via l’oc local des rives du Lot, qu’il s’avérait juste que le gascon faisait les mêmes choix, phonétiquement sur le cas de Labadie et Lanave, et de manière plus générale, dans ce qui nommé.

    Quant au fait que certains toponymes soient issus de patronymes, oui, une étude plus poussée est donc à mener mais a fortiori, il s’agit de patronymes portés par des habitants des lieux (nécessairement ...) et dont l’origine est en elle-même intéressante.

  • Pas nécessairement habitant les lieux, ça peut être de gros propriétaires terriens, même si je pense que ce cas est minoritaire. Je pense notamment à des noms de grandes familles médiévales qui ont donné les toponymes Mouchac (à Verdelais : pas de maison forte médiévale !), Bois de l’Encre (< Lancre ; rien qu’un bois), les Crespignans (vérifier le bâti)...

  • La presse mentionne aujourd’hui l’opposition de 200 opposants (manifestation sur le site hier) au projet analogue de Center Park à Chambarran dans l’Isère.Elle dure depuis trois ans et la construction doit débuter incessamment à la suite d’une validtion par le préfet suite à l’avis consultatif favorable du conseil départemental de l’environnement.Les opposants vont déposer de nouveaux recours devant le tribunal administratif s’appuyant sur l’avis défavorable d’une enquête publique rendue cet été en raison de l’impact néfaste sur l’environnement.
    Une voie à suivre:les opposants au center Park agenais sont-ils déjà organisés ?


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