Le dictionnaire toponymique des communes du Lot-et-Garonne par Bénédicte Boyrie-Fénié Vincent P.

- Vincent P.

Je me suis procuré, enfin, le dictionnaire toponymique des communes du Lot-et-Garonne par Bénédicte Boyrie-Fénié, qui a reçu l’aide de linguistes occitanistes connus : Bianchi, Romieu, Boissière et Gentié.

Ce livre s’inscrit dans la méthodologie, dépassée à mon sens, de Michel Grosclaude, constat qui est évident notamment après la lecture du livre Toponymie du Tarn-et-Garonne de P. Burgan et A. Lafon, qui est un bouquin admirable, beaucoup plus moderne.

Je reproche d’emblée à l’ouvrage sa présentation : les communes sont listées dans l’ordre alphabétique, et ce faisant, la vision des micro-pays est troublée. Cela manque de cartes, de contextualisation en somme, qualité qui reflète souvent la connaissance intime du pays par son auteur (or, s’agissant d’une commande, on peut douter que ce soit le cas).

Passons. Pour ce qui est des analyses linguistiques en elles-mêmes, celles-ci me semblent de meilleure qualité que pour les précédents opus (Landes et Gironde) : BBF fait moins appel à d’hypothétiques racines pré-indo-européennes fourre-tout et voit le celte là où il faut le voir (ce qui n’a rien d’étonnant dans l’ancien Agenais).

Les prononciations locales semblent fidèles, sont sourcées et l’intéressante préface de Pierre Boissière, rappelant la dichotomie du Lot-et-Garonne (entre planiu gascon et périgord guyennais), permet une meilleure approche de la situation linguistique ancienne en Agenais, au moins pour le béotien.

On retrouve en revanche les bizarreries des autres opus (dans la lignée de « Hastings » qui est le nom refait en occitan de Hastingues) : par exemple, la commune de Boudy-de-Beauregard se voit attribuer le nom occitan de Flajac sous le prétexte que Beauregard est français (bien qu’adapté dans la langue locale), même si BBF précise que ce choix devra être « validé par la municipalité ». On sent bien que nous ne sommes plus dans la recherche scientifique mais dans le militantisme administratif : il faut un nom occitan pour Beauregard, allons rechercher l’ancien domaine gallo-romain cité dans les anciens textes !

De manière générale, les analyses, de meilleure qualité ainsi que je l’ai dit, probablement du fait de l’aide des spécialistes précités, restent trop courtes, elliptiques et au fond, n’apportent pas grand-chose par rapport à ce qu’ont dit les grands anciens (Dauzat et Rostaing, Astor, Nègre, …). Je regrette profondément que les principaux hameaux ne soient pas traités, mais une fois de plus, la visée est ici de fournir un nom occitan aux communes.

Le gascon est plutôt bien traité : les communes gasconnes sont clairement mises en évidence dans leurs notices respectives, le domaine du gascon est lui aussi bien délimité et dépasse la rive droite en Marmandais et Tonneinquais.

On ne peut pas demander à BBF de trancher les graves questions de graphie qui hantent l’occitanisme, mais au moins faudrait-il parler desdites questions : l’ouvrage pourrait servir de doctrine. Ainsi, Beaupuy en Marmandais est Bèthpuch en « occitan » tandis que Frespech est Frespuèg (sachant qu’il est prononcé localement Frespèt(s) localement, mais parvenir à raisonner les occitanistes sur cette question du yod implosif d’origine latine est impossible).

Au fond, le véritable apport de l’ouvrage, c’est de permettre de bénéficier de formes anciennes, en ceci le travail est intéressant, encore que ledit listing n’est probablement pas du seul fait de BBF. Bref, à charge aux toponymistes amateurs, au bénéfice de l’existence de cet ouvrage, de proposer des explications pour les toponymes lot-et-garonnais !

Grans de sau

  • Ce genre d’ouvrages est très nécessaire.

    Un problème dérivé : les listes de noms de communes et autres lieux présentent parfois la forme officielle et une autre version en oc dite normalisée. Ces listes pourraient, si elles étaient mal interprétées, donner à croire au béotien que le nom officiel de la commune est "français" tandis que le nom réformé serait seul indigène. Mais si d’aventure un panneau portant le même nom sous deux formes est installé, on est en pleine confusion. L’idée s’installera :
    1) qu’un quasi-bilinguisme a existé depuis les temps les plus reculés ;
    2) que la langue française a toujours été en usage ;
    3) que les graphies officielles (Tarasteix, Barrétous, etc.) sont étrangères à la tradition locale.

    Ce pseudo-bilinguisme des panneaux toponymiques n’est dans bien des cas que du digraphisme. Un panneau digraphe n’est pas un panneau bilingue (comme le serait Bordeaux / Bordèu).

    Ce principe est ignoré, et souvent volontairement, comme si la question ne se posait pas.

    D’où la responsabilité des auteurs d’études et de manuels qui devraient toujours spécifier si la forme officielle est sincère et indigène ou si elle justifierait un amendement ou un doublage.
    Il y a un degré de pertinence du doublage comme il y a un seuil de dégradation toponymique (échelle E.U.S.O.).


Un gran de sau ?

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