L’énigme de la maison vasconne

- Tederic Merger

Vielle vasconne à colombage à Tioulet (Sadirac, Entre-deux-Mers)
Témoin rare de ce qui a dû être une couche architecturale vasconne, avec des maisons à colombages et remplissage en torchis, recouverte ensuite par une couche architecturale de maisons de pierre.

Tiré de "La moyenne Garonne - Agenais Bas-Quercy" de Pierre Deffontaines (Librairie Quesseveur, Agen, 2000 - réimpression de l’édition de 1932), le passage ci-dessous (p.32-33), accompagné de deux notes de bas de pages, fait une description très juste de la MAISON A GRANGE CENTRALE DE TYPE BASQUE" si présente dans la plaine de Moyenne Garonne, et en particulier en Marmandais.
Les passages en gras ont été mis en gras par moi-même.

Si je titre le présent article ’"L’énigme de la maison vasconne", c’est surtout pour son extension géographique.
Par ses mots "curieuse extension en flèche d’un type d’habitation, sans doute issu de la montagne basque" et "curieuse correspondance de ce domaine de l’habitation basque et de la zone de transhumance des moutons pyrénéens", Deffontaines manifeste lui aussi un étonnement à ce sujet.
Mais par l’appellation "type basque", il tranche la question de l’origine de cette maison.
Je préfère parler de "type vascon", c’est plus élégant que "basco-gascon", et ça permet de remonter à une époque où la scission Pays basque/Gascogne n’était pas encore claire, donc au premier millénaire après Jésus Christ, même s’il n’est pas certain que ce type soit né à cette époque là.
Cela permet aussi de donner à cette maison une origine pyrénéenne englobant Pyrénées basques et Pyrénées gasconnes. Si l’extension de ce type architectural est liée aux transhumances, il est trop restrictif de parler de style basque : les bergers transhumant en moyenne Garonne, par exemple, venaient sans doute très souvent des Pyrénées gasconnes (Aspe etc.).

Parler de "type basque" pour des maisons de plaine Garonnaise, et même de "type vascon" pour des maisons qui sont parfois légèrement au-delà de la limite nord-est de la Gascogne, c’est dire que ce type de maison est venu d’ailleurs.
C’est ce que dit Deffontaines : "En moyenne Garonne, la maison ne s’est pas formée sur place par le biais d’une lente adaptation aux conditions locales, elle est née ailleurs"

Or, nous n’avons guère d’éléments historiques qui datent ce type de maisons là où on le voit maintenant.
Nous ne pouvons pas dire, par exemple, quand il est arrivé en Marmandais, ni quel type d’habitat il y a remplacé.

Des maisons comme Bénézit à Fauillet (rive droite de Garonne près de Tonneins) ou La Falotte au Puch d’Agenais (rive gauche de Garonne près de Tonneins) paraissent quand même très anciennes (jusqu’à quand a-t-on construit en colombages ?).

Fauillet - Benezit, la façade
On remarque un poteau central. Donc, maison quadripartite !
La Falotte au Puch d’Agenais
De face (sud)

Une autre hypothèse serait que ce type "vascon" est le reste d’un type généralisé jadis dans le Bassin aquitain, et qui aurait survécu seulement dans certaines zones, pour des raisons que nous ne connaissons pas.
Dans ce cas, l’appellation "type aquitain" serait meilleure.

Comme l’étude des parlers vernaculaires, l’étude de l’architecture vernaculaire amène à poser des questions historiques...

Notons enfin que la distribution de la maison vasconne ne correspond pas à la carte de la gasconnité lingüistique, même si elle la recoupe en partie (ex : cet habitat est particulièrement présent en Lomagne, terre de langue gasconne, mais il est présent aussi en Vallée du Lot bien au-delà de la limite du gascon).
C’est peut-être parce qu’une technique de construction s’exporte plus facilement qu’une langue...

Début de citation du texte de Deffontaines :

"Nous verrons successivement : la maison en profondeur à grange centrale, s’ouvrant sous le pignon du toit, de la région d’Armagnac, de Chalosse et du Pays Basque ; la maison en longueur à grange-étable du Périgord et Limousin ; la maison en hauteur à escalier extérieur et à galerie couverte des causses du Quercy ; la maison en profondeur à logement central et à grange et étable latérales du Toulousain ; la petite habitation carrée, l’ « échoppe » des vignerons bordelais.

MAISON A GRANGE CENTRALE DE TYPE BASQUE.
Cette maison est essentiellement une grange à foin.
Un immense toit à deux eaux et à longue pente souvent dissymétrique s’ouvre sur une large façade au profil presque triangulaire ; au milieu, la grande porte de grange prend la place centrale, la maison est écrasée par la grange ; l’habitat des hommes et l’étable ne sont que de simples bas-côtés sous des prolongements du toit.
C’est la seule maison du Sud-Ouest où la façade s’ouvre sous le pignon du toit ; cela réduit sensiblement le rôle des murs ; une telle construction n’est pas œuvre de maçons, mais de charpentiers.
La maison est une vaste charpente de bois, le grand toit est supporté par des colonnades de poutres, il tient sans mur et la maison se construit comme un hangar.
Les murs goutterots, bas et petits. sont ajoutés en fin de construction.
La façade en colombage est presque tout occupée par des portes et des fenêtres ; elle doit à elle seule rendre accessible et aérer toutes les parties de ce bâtiment profond et cubique ; de simples cloisons en torchis servent à morceler l’intérieur en quartier du fourrage, quartier des bêtes, quartier des hommes.
D’ailleurs pendant longtemps, s’est maintenue la maison rudimentaire, sans cloison : on trouve encore dans les Landes des maisons de ce type, d’autres ont des cloisons à claire-voie.
Souvent, les deux parties latérales, logement et étable, dessinent deux avancées de chaque côté de la grande porte ; la grange est ainsi laissée en retrait, un espace, recouvert par un étage à balcon, la précède, formant préau ; c’est le « saou », le sol dans la Chalosse ; l’ « eskaratsa », l’aire dans le Pays Basque.
Beaucoup des travaux d’hiver se font dans cette sorte de cour couverte qui forme le œntre de la maison et donne accès aux différentes parties [...].

Ce type d’habitation s’étend en longue traînée depuis le Pays Basque jusqu’au-delà de la Garonne en passant par la Chalosse et le Gabardan, il se coule pour ainsi dire le long des Landes. Jadis, il s’est étendu plus largement à l’Est, en Gascogne.
Certaines des plus vieilles maisons gasconnes, celles qu’on appelle souvent les « maisons d’Henri IV », sont bâties sur ce modèle ; on en trouve jusqu’en Lomagne (1).
Mais d’autres formes sont venues du Toulousain et des Pyrénées centrales et l’ont remplacé.
Par contre, le type basque s’est maintenu et étalé dans la région garonnaise. Il est abondant au Sud de la Garonne dans le petit pays du Queyran (autour de Casteljaloux, Damazan) ; il est largement adopté dans l’Agenais mollassique, il déborde au Nord et atteint la Dordogne vers Sainte-Foy, il la dépasse et s’avance au-delà de Mussidan et de Coutras sur le rebord du pays vignoble jusqu’à Chalais, Montboyer et même à Mouthiers au Sud d’Angoulême et vers la Saintonge.
Curieuse extension en flèche d’un type d’habitation, sans doute issu de la montagne basque et qui s’est épandu et maintenu dans des plaines même lointaines, malgré l’existence d’autres types en progression (2).

(1) Ferme de Picardé, commune de Comberouger. canton de Verdun-sur-Garonne (reproduit dans ATHANÉ, Montauban, p. 368), maison basque à Cox, canton de Cadours, maison dite « Henri IV » à Samazan ; Alex. NICOLAI, Les maisons de Henri IV dans les Landes de Gascogne et d’Albret, Bordeaux. 1896.

(2) C. JULIAN voit dans cette extension du type d’habitation basque une preuve de l’ancienne expansion des Ibères. DAUZAT pense que l’habitation basque est un très ancien type propre au Sud-Ouest, peut-être antérieur aux Ibères. DAUZAT, Les anciens types d’habitations rurales en France, La Nature. janvier 1924, p. 59. Constatons seulement la curieuse correspondance de ce domaine de l’habitation basque et de la zone de transhumance des moutons pyrénéens."

Fin de citation

Voir en ligne : LES MAISONS À NEF ET BAS-CÔTÉS EN SAINTONGE ET EN ANGOUMOIS (Christian Lassure)

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