Rive droite gasconne Anneau gascon Gascogne médiane

Port-Sainte-Marie / Lo Pòrt Senta Maria

- Tederic Merger


 

Barroué / Barroèr / Barrouè

en graphie alibertine :

Barroèr
Prononcer "Barrouè"


Merci au mèste de Barroué pour son accueil aimable.
Il connait bien la prononciation "Barroué", qui n’apparait pas dans l’inscription BARROUE intégrée au mur près du portail. C’est qu’il n’y avait pas de É chez les vendeurs de lettres de céramique !

"Barroué" apparait sur la carte de l’IGN et sur le cadastre napoléonien.
"Barrounié" est écrit sur la carte d’état major du 19e siècle, et c’est remarquable, puisque cette forme est exactement la version guyennaise (et languedocienne) du gascon "Barroué".

Mon interprétation :
"barroué" (barroèr en graphie alibertine) correspondrait à un mot gascon encore compréhensible au 19e siècle ; sa forme languedocienne aurait été également connue par les locuteurs guyenno-languedociens.
Si le cartographe enquêteur tombait sur un locuteur gascon, il entendait maison "dou Barroué", s’il tombait sur un locuteur guyenno-languedocien, il entendait maison "del Barrounié".
Ici, le gascon l’a emporté !-)

Reste à savoir la signification du mot :
Le Trésor du Félibrige donne barroun = rondin.
Palay connait le verbe barroà = "placer, mettre des barreaux, des barrots (tuiles)"
Palay donne aussi barroàdje ("Balustrade ; cloison de barroûs"), barroade ("quantité de barres, ou de barroûs."), et barroàt (" Grille, barrière de barres").
barrouè/barroèr pourrait alors désigner celui qui manipulait les barrouns. Vieux métier ?
Cette maison "Barroué" est dans les collines du Port Sainte Marie, propices à la forêt et à ses métiers, comme l’atteste le nom de lieu voisin "Saubusse" ("mauvaise forêt" cependant pour ce dernier...).

Le barrouè est au barroun ce que le carbouè est au carboun ! (ce que le charbonnier est au charbon)


 

Grans de sau

  • C’est amusant : le catalan a le mot "barroer".
    http://dilc.org/barroer/
    Mais ce n’est pas très flatteur, apparemment : grossier...
    Il n’est pas exclus que la racine soit la même ; mais le catalan ne supprime pas, comme le fait le gascon, le "n" entre des voyelles. Il devrait avoir plutôt "barroner" si la racine était la même...
    Ou alors le catalan l’aurait emprunté au gascon, avec peut-être une modification du sens initial ?
    https://ca.wiktionary.org/wiki/barroer écrit "Etimologia : D’origen incert, potser del francès berruier (« gentilici dels habitants de Berry »), per la fama de temeraris que tenien els soldats d’aquella comarca." (origine incertaine, avec une hypothèse "berrichon" !)

  • C’est absolument remarquable, en effet, qu’un toponyme alterne à première vue entre deux formes bien distinctes, l’une gasconne, l’autre guyenno-languedocienne.

    Reste à élucider en effet le sens de "barrounié" : comme Tederic l’indique, le fait que le toponyme connaît deux formes doit s’expliquer par le fait que le terme, au XIXème siècle, était familier des locuteurs d’oc.

    Néanmoins, je propose une autre explication, mais qui reste similaire : on ne peut pas exclure que les locuteurs de la zone, dans un contexte de proximité avec les parlers du Haut Agenais, mais aussi du fait de la francisation, aient formé, dans un état de la langue dégradé, un pseudo-francisme "barrounier" (orthographié "barrounié") sur "barroun".

    On trouve fréquemment dans des zones gasconnes précocement acculturées des doublets où le suffixe -èr du gascon est refait -ièr, graphié -ié.

    Bref, les gens savaient fort bien ce qu’était un "barrounier" car le mot "barroun" était d’usage commun. En revanche, ils ne comprenaient plus l’autre forme, ou moins bien, qu’ils pouvaient dire naturellement, ou que les plus vieux disaient encore, à savoir "barroué" (en fait, "barrouè").

    Il s’avère que c’est la forme gasconne qui l’a emporté, dans des conditions à élucider (simple hasard de transmission ou vraie tendance hyper-gasconne locale), mais souvent, c’est la forme francisée qui est restée. Il conviendrait ainsi de faire l’inventaire des toponymes en -ié (-ièr du languedocien) qui sont autant d’hyper-corrections.

    Pourquoi cette théorie de la francisation superficielle plus que de la forme guyennaise ? C’est que les parlers guyennais de cette zone connaissaient aussi le suffixe -èr du gascon ... Par exemple, le toponyme Malquié de Galapian (47) est Malqué sur la carte d’État-Major.

    Personne n’a cartographié précisément le phénomène : il est en tout cas déjà présent dans les textes médiévaux agenais, pourtant pas gascons. Il était peut-être en recul au XIXème siècle (dans le cadre de ce qu’un Léopold Dardy a pu ressentir comme une plus forte perméabilité à la francisation des populations de la rive droite de la Garonne).

    Ce qui est certain, c’est que la langue de cette zone, enregistrée dans la deuxième partie du XXème siècle, ne connaît plus la chute du n intervocalique (mais reste une langue fortement nasale, qui est la base du phénomène de la chute), ce qui a pu justifier l’existence de doublets "barroué"/"barrounié".

    Vous pouvez écouter l’enregistrement pour l’ALLOc fait à Clermont-Dessous (47), dans une langue bien gasconne (classifiée "Occitan/Languedocien" par des gens qui n’ont manifestement pas écouté l’enregistrement).

    ALLOc : Clermont-Dessous : Parabole

  •  Sur -n- intervocalique :

    Le lieu-dit Pichouet de Clermont-Dessous (47) est Pichounet sur la carte d’État-Major.

     Sur l’alternance -èr/ièr :

    Le lieu-dit Naucoudier du Port-Sainte-Marie (47), en zone gasconne, est Naoucoudé sur la carte d’État-Major.

    Le lieu-dit Marinié de Prayssas (47), en zone guyennaise, est Mariné sur la carte d’État-Major.

    Maintenant, deux hypothèses à trancher : il s’agit, soit de la confrontation entre gascon et guyennais avec l’avancée et le recul d’un trait gascon comme -èr, soit d’une zone où pour des raisons que nous ignorons, le suffixe -èr a eu tendance à devenir -ièr, les deux explications n’étant pas exclusives l’une de l’autre.

    Nous ne pourrons trancher la question que par un relevé méthodique des héritiers du latin -arium en Agenais, en toponymie, dans la langue parlée, et si possible, dans la langue parlée il y a plusieurs décennies, dont il est clair qu’elle était différente au regard d’une toponymie souvent plus conservatrice.


Un gran de sau ?

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