Le DICTIONNAIRE OCCITAN AGENAIS − FRANÇAIS / DICCIONARI OCCITAN AGENÉS − FRANCÉS de Pierre-Emile Boudon

- andriu, Tederic Merger

DICTIONNAIRE OCCITAN AGENAIS − FRANÇAIS / DICCIONARI OCCITAN AGENÉS − FRANCÉS
Transcription du
« DICTIONNAIRE POPULAIRE AGENAIS − FRANÇAIS » (Parlers garonnais d’Agen à Tonneins)
de Pierre−Émile BOUDON
avec ajout d’une mise en graphie normalisée
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1 − Biographie et bibliographie d’Émile BOUDON

Pierre−Émile Boudon (1858−1937) est né et mort à Saint−Salvy près d’Aiguillon situé au confluent du Lot et de la Garonne (Lot-et-Garonne).
Il est issu d’une famille d’agriculteurs et il a continué à gérer sa propriété. Durant son service militaire, une formation d’officier lui donne le grade de capitaine. Il débute sa carrière d’instituteur près de Villeréal, puis il continue à l’école mixte de St-Salvy où il devient directeur.
Il se marie en 1882 avec Marie Maillé née également à Saint-Salvy.
Leur fils unique Léopold-Edgard Boudon est "mort pour la France" en 1914.
Il s’engage en politique. En 1932 il est président de la Chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne.

De par ses qualités d’enseignant et de félibre membre de l’Éscolo de Jansemin, il publie :
− « Manuel géographique d’économie politique – la France et ses colonies » cours supérieur 1892
− « Manuel élémentaire de linguistique pour l’enseignement de français par les idiomes locaux ; application au sous-dialecte agenais », préfacé par Frédéric Mistral – 1894

Étaient annoncés en 1894 pour une parution prochaine :
− « Dictionnaire des rimes agenaises »
− « Dictionnaire populaire agenais–français et français–agenais »
− « Seize ans d’histoire - Louis XVIII et Charles X »

Étaient annoncés comme étant en préparation en cette même année 1894 :
− « Anthologie des auteurs en sous−dialecte agenais − édités ou inédits »
− « Règles et tournures syntaxiques propres à la linguistique agenaise »

Il a publié quelques poésies dans la revue félibréenne « l’Armanat garounenc ».

Le dictionnaire « Dictionnaire populaire agenais–français » que nous publions ici semble être resté inachevé (en effet il s’arrête au mot tragic ), et ne semble pas avoir été édité.

2 −TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT

Le dictionnaire manuscrit numérisé est accessible sur OCCITANICA :
https://www.occitanica.eu/items/show/20214

(...)

3 − SAINT−SALVY EST−IL SITUÉ EN ZONE GASCONNE OU LANGUEDOCIENNE ?


Saint-Salvy

Boudon ayant passé sa vie à Saint−Salvy, il est intéressant de savoir si cette localité est de parler gascon ou languedocien.

3−1 Traduction de la « Parabole de l’enfant prodigue
La traduction de la « Parabole de l’enfant prodigue » réalisée en 1894 par l’enquête Bourciez donne une idée assez précise de la langue parlée dans la majorité des communes des départements gascons.

À partir des textes de toutes les communes situées au confluent entre le Lot et la Garonne, on constate qu’en tirant une ligne nord−sud reliant Lafitte−sur−Lot à Clermont−Dessous sur la Garonne, toutes les localités se trouvant sur cette ligne et à l’ouest de celle−ci sont linguistiquement gasconnes.
Saint−Salvy se trouve sur cette ligne mais semble faire exception. Or l’instituteur ayant traduit la Parabole pour Saint−Salvy n’est autre que notre Émile Boudon.

La conjugaison de la Parabole est de type languedocien :
(...)
Cela incite à conclure que le félibre de l’ « Éscolo de Jansemin » a délaissé la conjugaison en partie gasconne de Saint−Salvy pour prendre celle d’Agen.
(...)

La phonologie de la Parabole est de type languedocien :
La traduction faite par Émile Boudon présente les traits suivants languedociens :
− absence de la forme gasconne −èth : ausèl , anèl , vetèl ;
− non vocalisation du −l final après voyelle : del , còl , casal , sul (contrairement à la toponymie de Saint-Salvy étudiée ci-après) ;
− pas de h aspiré ou amuï provenant d’un f ; ceci est le cas assez général des communes gasconnes limitrophes, telle Galapian voisine à l’ouest de Saint−Salvy.
et par contre il utilise le trait gascon suivant :
− écriture du −n final : camin , vesins, pan , vin (mais le dictionnaire de Boudon donne les deux possibilités de prononciation, avec −n amuï ou non).

Le lexique de la Parabole est mitigé entre gascon et languedocien :
− formes gasconnes : còre , véner ; noter que les termes gascons aciu , nat , … sont également utilisés à Agen ;
− formes languedociennes : dins , z−o , joine , polida , èstre , sera , nàisher .

Sur le manuscrit de la Parabole on peut déchiffrer le mot gascon [bese ] véser qui a été effacé pour être remplacé par [beyre ] veire .
Ainsi similairement dans le dictionnaire nous trouvons ces deux termes, et il renvoie le premier vers le second qui a sa préférence.
Lexicalement on peut envisager la possibilité que la traduction de la Parabole soit fidèle au parler
de St−Salvy, mais que Boudon ait privilégié les formes d’Agen lorsque celles−ci y sont connues ?

Le lexique de ce texte est cohérent avec celui du dictionnaire, on y retrouve des mots peu courants : egalièr , pèl−lecat , abocinar , espabials …

3−2 Toponymie de Saint−Salvy
Les toponymes de la commune qui peuvent nous donner une indication sur la langue parlée, dans l’hypothèse où il ne s’agit pas des noms de personne transportés, sont :
− de type languedocien : l’amuïssement du −n final pour Lirou, Girou, Figou, Barraillou ;
toutefois on constate que dans la commune gasconne voisine de Galapian où ces −n sont prononcés, à côté de la forme gasconne Courion, on trouve aussi Blanchou, Michelou, Pauly.
− de type gascon : vocalisation en −au de −al pour le Roc de Pascau, Carretau, Nadau, et St-Salvy dont la prononciation locale est Sent-Sauvi [ʃén‘ʃawi]. Une exception notable : Al camp grand

Conclusion : La toponymie semble indiquer :
− l’amuïssement du −n final, caractéristique du languedocien ;
− la vocalisation de −al en −au majoritairement, caractéristique du gascon.

4− ANALYSE LINGUISTIQUE DU DICTIONNAIRE

4−1 La phonologie est languedocienne :
En effet, par rapport au gascon, nous observons :
− l’absence de h aspiré issu d’un f : « fenna , figa … »
− le manque de noms en −èth : on trouve « vetèl , bèl , capèl , ausèl ... », mais on a "prunèth ".
Toutefois le mot "vetèl " semblant être une forme anormale et mixte entre "vedèl " languedocien et "vetèth " gascon, il parait probable qu’il ait normalisé le −èth de "vetèth " en −èl ;
− le manque de l’amuïssement du −n− intervocalique : « luna , ... » , à l’exception de "omiàs ".
− l’absence de réduction de −nd− en −n− , de −mb− en −m− , de −nn− en −n− : « landa , camba , annada » ;
− le manque de vocalisation du −l final ou devant consonne : « chival , caishal , còl , del », sauf des rares exceptions "tombarèu ", "craupe " (languedocien "calpre " ), fèu (fiel )
mais on trouve à la fois "auba " et "alba ". Il est probable que Boudon considère la vocalisation comme une altération de la forme correcte (voir Toponymie : Saint-Salvy prononcé [ʃén‘ʃawi]).
− Pour le traitement du −n final, Boudon propose généralement les deux possibilités :
o Amuïssement [ca’mi ] comme à Agen et semble−t−il à Saint−Salvy ;
o Nasalisation gasconne [ca’mĩn ] comme dans les localités situées juste à l’ouest.

4−2 La morphologie est gasconne :
Les suffixes exclusivement gascons sont :
−ader /−adera (forme les adjectifs marquant la possibilité),
−èra (substantifs considérés comme augmentatifs par l’auteur, mais qui sur la première version partiellement visible du manuscrit étaient qualifiés de populaires),
−ader (suffixe gascon pour les noms d’instruments). Ce suffixe est en concurrence avec son équivalent languedocien −ador : on a soit −ader , soit −ador , soit les deux simultanément.
La dérivation verbale est réalisée de façon presque systématique surtout au début du dictionnaire :
« abaychà » donne « abaychadé /−ero , abaychado , abaychèro , abaychoment , abaychayre /−o » , mais elle devient moins fréquente vers la fin du dictionnaire.

4−3 Le lexique est englobant :
− Nombre de termes dans le dictionnaire se retrouvent dans l’ « Atlas linguistique du
Languedoc Occidental » aux points Foulayronnes, Clermont−Dessous et Fauillet, et surtout dans l’ « Atlas Linguistique de la Gascogne » aux points Aiguillon et Lafitte−sur−Lot (proches de St−Salvy). La similitude devient plus évidente si on fait abstraction des désinences gasconnes _èth , _au , ..., qui deviennent des désinences équivalentes de type languedocien −èl , −al , ... .

Cherchons maintenant à cerner la zone géographique sur laquelle est basée le dictionnaire :
En prenant en considération le signifiant "lézard gris" qui présente en occitan une grande variabilité géographique, on note que le dictionnaire lui attribue trois termes : segalina qui est connu dans le confluent (triangle Aiguillon/Laparade/Clermont−Dessous), engluseta qui est connu (avec de très faibles variations de prononciation) en rive droite de Garonne depuis Clermont−Dessous jusqu’à Marmande, et enfin cernilha connu à Agen. Il faut noter que dans
le lexique du "Manuel ..." édité en 1894, ce dernier terme agenais n’était pas mentionné.
On peut donc estimer que Boudon a collationné principalement pour son dictionnaire les parlers qui vont d’Agen à Tonneins.
Mais il faut remarquer que la plupart des termes ont une zone d’expansion bien plus grande et qu’un certain nombre sont pan-occitans.

− Émile Boudon, était félibre membre de l’Escolo de Jansemin d’Agen. Ceci explique l’influence du parler de Jasmin :
Ainsi on trouve le mot « caminada : presbytère » connu en Rouergue et Albigeois, qui avait été adopté par Jasmin dans deux de ses poèmes, et qui finalement se retrouve dans ce dictionnaire.
− On trouve d’autres influences. Ainsi le mot « entucar : tasser sous la semelle des chaussures » proviendrait du Couserans selon le dictionnaire de Simin Palay.

EN CONCLUSION

On peut qualifier ce dictionnaire de « dictionnaire Occitan languedocien et gascon − Français ».
Boudon lui donne le titre « Dictionnaire populaire agenais – français » ; il parle dans sa préface de langue "romano−garonnaise".
Il s’est basé pour la rédaction du dictionnaire :
− d’une part sur son parler local qu’il connaissait parfaitement, et qui possédait la double influence gasconne et languedocienne,
− et d’autre part sur une langue agenaise cultivée (celle de Jasmin et des félibres qu’il a connu) de type languedocien avec des influences gasconnes.

André Hauradou

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