Castillon : la bataille de l’image #1 Visite sur place, un aperçu du centre-ville commerçant

- Tederic Merger

Selon mon habitude, j’arrive en train avec mon vélo.

Castillon la Bataille - la gare

La desserte voyageurs est bonne, proche d’un cadencement horaire de tôt le matin (avant 6h depuis Bordeaux) à tard le soir (après 22h) ; c’est la ligne Bordeaux-Libourne-Bergerac-Sarlat ; j’ai constaté - c’était un mardi ordinaire de février - qu’elle était bien utilisée, même en milieu de matinée.
Pour retourner à Bordeaux : dernier train à 20h39 un jour de semaine. Que pòt anar (on a connu pire).
Le trajet Bordeaux-Castillon dure autour de 40 mn.
(Castillon-la-Bataille)
Le Rieuvert

Pas de sensation énivrante au sortir de la gare. Je m’égare dans un faubourg en cherchant a biste de nas une place du Rieuvert (manifestement un toponyme ancré comme nous les aimons) ; je trouverai plus tard le Rieu vert (ou Riou-vert pour le Cadastre napoléonien), le ruisseau qui traverse Castillon, en partie souterrain.

On arrive vite au centre-ville, même sans y aller tout droit.
Le concept de Guyenne

Ici, où a pris fin la Guyenne anglo-gasconne, on s’affiche "Guyenne" !

Alors, le commerce, qu’en est-il ? (je suis parti avec l’idée d’un commerce sinistré)

Je tombe en premier sur le magasin de bricolage Weldom.

Bonne nouvelle : ils ne l’ont pas mis hors la ville !
Nous verrons tout-à-l’heure que l’Intermarché est aussi en coeur de ville. Bravo !

(Castillon-la-Bataille)
La Grand Rue (Victor Hugo)

La grand rue commerçante, c’est la rue Victor Hugo ; mais elle a décliné, comme partout ce genre de rue dans les petites villes...
Un panneau municipal lance un appel aux idées : "La Grand’Rue tu réanimeras..."

Il s’agit de l’opération d’aménagement en cours ; il y a un panneau comme ça dans chaque quartier cible...
(Castillon-la-Bataille)
Rue Anatole France / Rue Mouret

Perpendiculaire à cette rue, la rue Anatole France, ex rue Mouret (Les noms de rue sont très "républicains français" à Castillon). OpenStreetMap y indique une mosquée.

Dialogue avec un vieux castillonnais

Il m’a vu prendre des photos... dans la rue Planterose, le dialogue s’établit ; on est devant l’école qu’il a fréquenté "il y a 70 ans". (Castillon-la-Bataille)
Rue Planterose

 Vous n’avez jamais quitté Castillon ?
 Non, malheureusement.
 Pourquoi "malheureusement" ?
Il déplore la désertification commerciale de la Grand’Rue, où avant il y avait tout.
Je lui dis que c’est pareil partout : les gens vont acheter au supermarché hors la ville ; d’ailleurs, souvent ils ont aussi déménagé hors la ville (ici ça peut être à Saint Magne de Castillon) ; j’esquisse à peine mon discours habituel sur la civilisation automobile... il n’accroche pas vraiment.
Il me parle de l’Intermarché, tout à côté ; encore un décalage entre lui et moi :
 moi, je trouve super (c’est le cas de le dire) que l’Intermarché soit en centre ville : à Tonneins ce n’est pas exactement le cas ;
 mais lui regrette qu’il n’y ait plus aucune épicerie ou supérette dans la grand’rue, où les vieux préféreraient aller, parce que ce serait le plus près de chez eux ;
 je n’arrive pas bien à lui expliquer que pour faire vivre un commerce, il faut un minimum de chiffre d’affaires...

Bref, j’essaye de lui redonner la fierté de, la confiance en, Castillon ; je lui parle de l’opération d’aménagement en cours mais il n’y croit pas : selon lui, chaque nouvelle municipalité essaye sans succès...
Il fait des photos, mais lui, c’est dans les Pyrénées !
Castillon : la bataille de l’image #2 Visite sur place : abords du Riou vert, Castrum, descentes vers Dordogne

Grans de sau

  • Une petite ville particulièrement sinistre, pauvre et mal famée, dans la fameuse lignée des deux croissants de la pauvreté girondins (on dit habituellement "le croissant" mais j’aurais tendance à en distinguer deux, chacun suivant un fleuve) :
     sur la Dordogne et l’Isle : Blaye, Bourg, Castillon, Ste-Foy-la-Grande, Coutras, Montpon, Mussidan... Bergerac ? St-André-de-Cubzac se rattache désormais à la métropole.
     sur la Garonne : Cadillac, Langon (centre), La Réole, Marmande, Tonneins, Aiguillon, Villeneuve/Lot, Agen, Villeneuve/Lot, Moissac, Castelsarrasin... Valence ?
     ajoutons Pauillac sur l’estuaire.

  • Le gasconhaute comprendra à la lecture de mon article* que je suis beaucoup plus positif que toi, Gaby, sur Castillon.

     "sinistre" ? j’avais choisi un matin d’hiver ensoleillé, et je n’ai pas eu cette impression de la ville ;

     "pauvre" ? je pense qu’on abuse de cet adjectif stigmatisant ; je l’entends dire globalement du département du Lot-et-Garonne : ce serait un département pauvre... ce n’est pas mon ressenti comme habitant, et sur le plan statistique, je suis très critique envers les notions de seuil de pauvreté ; peut-être d’ailleurs que selon les critères de l’INSEE je suis moi-même pauvre, pourtant je ne le ressens pas... c’est très complexe : les vrais pauvres ne sont-ils pas les travailleurs saisonniers qui viennent du Maroc, alors que les résidents lot-et-garonnais refusent désormais de travailler aux champs ?
    Et si le Lot-et-Garonne est pauvre (et Castillon la Bataille en Gironde), le "Gers" ne l’est-il pas, ni toute la Gascogne en dehors des zones métropolitaines ou côtières habitées par des retraités ?

     "mal famée" : "famé" voulant dire "réputé", il est question de réputation, et une réputation, ça se fait, ça se défait, ça s’aggrave par cercle vicieux (par des messages comme le tien...), et à la longue, ça peut aussi changer par des cercles vertueux...
    Quand je suis arrivé à Bordeaux dans les années 1990, l’idée dominante, c’est que Bordeaux était finie ; nos aménageurs et publicistes hexagonaux ne juraient que par Toulouse... je crois me rappeler d’une liste de métropoles régionales d’avenir, issue de la DATAR ou quelque chose comme ça, où Bordeaux ne figurait pas...
    Mais pour revenir à Castillon, l’expression "mal famé" me fait penser à ce que j’ai vu : en plein centre, c’était le matin, sur le large trottoir - je viens de vérifier - Google Maps me montre que c’est devant le Crédit Mutuel, un attroupement, qui semble permanent, de (plutôt) jeunes - tous ou presque d’origine étrangère, majoritairement maghrébine peut-être, qui semblent désoeuvrés. Pour le français moyen, c’est une image qui peut "marquer mal". Moi, déjà, ces jeunes éventuellement en difficulté, je les respecte, tout en pensant que c’est peut-être un symptôme de quelque chose qui va mal, mais ne m’arrête pas à une seule image pour jauger une ville.

    * Je prévois d’ailleurs une seconde visite sur place, centrée sur le quartier de Fonbaude, dont je déplore l’oubli du nom.

  • Disons qu’à chaque fois que je passe à Castillon (en voiture), et la seule fois où je suis allé à l’Intermarché, je suis frappé par le fait que les seules personnes que je vois sont des gens désoeuvrés, visiblement en difficulté sociale,etc. Ils ne sont pas à blâmer, évidemment, c’est un constat. Il me semble que les chiffres sont parlants, en termes de % de bénéficiaires du RSA (Ste-Foy-la-Grande est célèbre en Gironde pour son % stratosphérique, Castillon occupe je crois une situation proche), de taux de chômage et de CSP, aussi de niveau d’études... Pour l’aspect immigration je ne sais trop. Quant à la délinquance, c’est à creuser.

    Mal famé, c’est aussi un constat et ça ne dépend pas de la réputation que j’en fais ! Je prends quelques exemples vécus : récemment, place du Thuron à La Réole, en me rendant dans une pharmacie au début de la rue piétonne, en pleine après-midi il y avait une population inquiétante qui m’a fait hâter le pas alors que je n’avais pas cette "peur" en sortant la nuit à Bordeaux dans mes années étudiantes ; pas envie non plus de traîner dans le centre de Blaye ou de Moissac ; Cadillac idem, a fortiori avec les résidents de l’hôpital psychiatrique qui sortent dans la ville(il y a quelques années il y avait eu je crois un homicide ou tentative) ; pareil autour de chez moi à Cavignac (et notamment sous mes fenêtres) où régulièrement je dois faire attention aux gens inquiétants qui traînent (sous l’emprise de l’alcool et de substances, hurlant en pleine rue, rodéos, voitures brûlées dans les bois, décharges clandestines...). A Verdelais, j’ai assisté à une rixe où ils se défonçaient la figure avec des objets contondants, il y avait des altercations entre gens alcoolisés et/ou en difficulté sociale, mais c’était un peu différent parce que ça devient de plus en plus une cité-dortoir de Bordeaux.

    Et puis il y a un aspect délabré dans les vieux centres de ces villes, qui ajoute un côté sinistre. Mais ça,je reconnais que c’est sans doute une illusion que j’ai due à ce que j’expose précédemment.

    Bien sûr, c’est compensé par le patrimoine architectural : vieille ville de Bourg, citadelle de Blaye, abbaye de Moissac, cité médiévale de La Réole, château de Cadillac, port de Castillon, bastides...

    Pour revenir à la pauvreté, j’avais été frappé en effet par la "pauvreté" (via le % de bénéficiaires du RSA) de la région de Grignols et Captieux. Du fait de la ruralité, de la situation loin des grands axes, j’ai l’impression que la pauvreté y est moins palpable et que la population y est différente. Peut-être davantage une population d’ouvriers agricoles "stables", de petits agriculteurs aux faibles revenus, d’employés modestes (employés de commerce, aides à domicile...), de petits artisans (garagistes ruraux...), que de chômeurs et de saisonniers ? Je n’ai pas (encore) creusé la question. Au Carrefour Market de Targon, j’ai eu certes la même sensation qu’à l’Intermarché de Castillon, mais dans les rues alors là pas du tout !

    Si un jour tu visites encore une ville de ce type, je veux bien venir, tè.Pour confronter nos impressions.

  • Il y aura bientôt un article "Castillon #2", qui continuera la visite : le "Castrum" (autrefois ceint de remparts, le plus vieux quartier), le "vrai" quartier de Fonbaude* dont le nom est injustement délaissé, les multiples montées-descentes vers la rivière Dordogne qui font le charme de la vieille ville...

    *Cadastre napoléonien (Section A feuille 1 : La Ville) : "Quartier de la Marine ou de Fonbaude".
    La rue Fonbaude, artère principale de ce quartier-faubourg longeant la Dordogne, est devenue la rue Jean Jaurès.
    Et "Quartier de la Marine" semble prendre le dessus sur "Fonbaude" : l’attrait de l’air marin...

  • Ce paragraphe, que j’ai allégé, pose à mon avis les questions de fond, quasi-existentielles pour ce territoire (qui a tant de jeunes chômeurs !), mais "pas que" :

    « Qui sommes-nous ? Héritages, marqueurs et identité

    Il y a un lien de la Dordogne à la ruralité, en passant par la vigne et Montaigne. Ce lien, c’est la transmission.
    Celle d’un patrimoine matériel certes, mais surtout celle d’un patrimoine immatériel, fait de savoir faire, de culture productive et de métiers. (...)
    Cette culture des métiers et cette transmission des savoirs productifs (...) sont-elles encore vivantes, actives, fécondes ?
    Toutes les entreprises le disent, tous secteurs confondus : on manque de main d’œuvre, de travailleurs, de compétences, de gens de métiers.
    (...) se pose une question de fond au territoire productif qu’est Castillon Pujols. Celle des compétences dont il sera encore le bassin demain. C’est la condition de son avenir, autre que celui que peut lui proposer le seul desserrement résidentiel de la métropole.

    Si la transmission est interrompue, c’est parce que la jeunesse du territoire (et la jeunesse en général) doute de son épanouissement possible dans le territoire productif qu’est Castillon Pujols. Lequel n’a pas le monopole de ce doute, loin s’en faut. »
    Le projet de territoire Castillon-Pujols

    J’ai mis en gras la dernière phrase...
    Castillon-la-Bataille


Un gran de sau ?

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