Plutôt l’estela P.J. Momaas

S’il est légitime que les Gascons reconnaissent leur profondeur historique, il n’en reste pas moins qu’ils n’apparaissent comme peuple distinct qu’avec la romanisation de la Vasconie.
Les cultures du Paléolithique supérieur, du Mésolithique, puis du Néolithique font la fierté du Périgord et d’autres régions voisines, mais débordent à l’évidence l’aire gasconne et même un grand Sud-Ouest européen.
Mais pas de Gascons proprement dits avant la naissance de la Romania sur un fond euskarien.
La Dame de Brassempouy n’a donc rien de spécialement représentatif du point de vue gascon, même si l’on peut s’en enorgueillir.
D’autre part, un drapeau n’est pas un logo, ni un instrument de promotion culturelle et toutistique, et la vexillologie a des règles bien établies (peu respectées en France) : lisibilité des symboles et identification maximale à distance. Le drapeau à la testa ne respecte pas ces critères.
Enfin, il serait toujours nécessaire de préciser ce qu’on entend par drapeau et par "drapeau gascon" : les drapeaux propres à la Gascogne duché puis à la province, les bannières qui reprennent simplement les armoiries et ne sont donc pas des drapeaux stricto sensu ; ou bien un drapeau de toute l’aire gascone, de la Vasconia en somme ?
Beaucoup de gens peuvent s’y tromper, et cela crée des malentendus.
L’estela d’argent à huit rais sur fond rouge me paraît plus historique et plus lisible. On peut la placer sur la partie rouge.
Quant à l’esthétique, le drapeau à la testa me paraît moins séduisant que ne devait l’être la Dame...
Donc : rouge et blanc, pourquoi pas, mais je n’adopterais pas le motif principal.
Compliments,

Grans de sau

  • Il est tout à fait inexact de dire qu’il n’y a pas de Gascons avant la romanisation.
    La Gascogne est dans ses grandes lignes héritières de l’Aquitaine ethnique ancienne, de telle sorte qu’il y a quasi continuité, en fait probablement au village près depuis des millénaires.
    Quant à la culture préhistorique de l’espace pyrénéen et garonnais, elle est distincte de celle de ce qui deviendra l’Ouest de la France et le Périgord depuis les premières traces de cromlechs.
    L’espace aquitain, assis sur le plateau landais, est notamment caractérisé par la faible infiltration des éléments de modernité venus de l’Est.
    De telle sorte que la Dame de Brassempouy est un symbole proprement aquitain, à ce titre gascon.

  • Pour prolonger la discussion :
    Bien sûr l’aire gasconne est l’une des plus anciennement définies de l’Europe occidentale, mais :
    1)Le mégalithisme est un fait culturel de la façade atlantique en général, qui n’est pas spécifiquement "aquitain" sinon par ses extensions (J-P. Mohen et al.).
    2)La Vasconie a subi bien des bouleversements depuis les "sociétés-bandes" du Paléolithique supérieur et du Mésolithique :
    néolithisation, âges des métaux, urbanisation. Les zones de montagne ont toutefois été moins ébranlées. Nos noms de peuples ont survécu dans le cadre des diocèses impériaux, avant que l’Eglise ne prenne la suite.
    3) Le gascon est une langue romane, et par langue nous devons entendre aussi la tradition qui l’accompagne. Bien sûr, et contrairement à des conceptions qui perdurent ici et là, le roman "aquitano-pyrénéen" est passé directement et précocement au gascon sans aucun stade intermédiaire "proto-occitan commun".
    Disons que les racines des futurs Gascons étaient en germe dans ces populations.
    D’autre part, la définition d’un peuple est cumulative, sauf disparition totale :
    nous avons conservé une strate "bascoïde" comme disent certains linguistes. Mais "gascon" doit garder un contenu suffisamment précis, pour ne pas se perdre dans la très longue durée.
    J’ai trouvé un excellent tableau historique et culturel dans : E. Anati, L’Odyssée des premiers Européens, Paris, 2000 (la date m’échappe, mais l’ouvage est bien disponble), qui détaille admirablement la spécificité de nos régions, notamment l’art pariétal.
    Sur les Basques, consulter les travaux du Pr Bryan Sykes, qu’il a vulgarisés dans un livre traduit il y a quelques années sous le titre "Les sept filles d’Eve", qui leur consacre quelques pages décisives.
    Cela dit, l’important est de populariser la notion de Gascogne, de langue gasconne, de culture gasconne.

    Respects,

  • Addendum :
    L’identité d’un peuple est cumulative et sélective.
    P. J.-M.

  • Serait-il possible de rédiger un commentaire informatif détaillé sur l’estela proposée par ’Banban’ et je crois Ph. Lartigue ? Ce serait plus qu’une bonne action, car cette étoile est en général très bien reçue mais suscite beaucoup de demandes d’information. Merci.

    P. J.-M.

  • Bonjour M. Momas,

    Je lis avec attention vos courriers et je dois dire que j’y trouve une grande érudition et une analyse pertinente du fait gascon, qui tranche avec les analyses qu’on a coutume de lire.
    "L’identité d’un peuple est cumulative est sélective".
    Je souscris totalement à cela. "Le roman aquitano-pyrénéen est passé directement et précocement au gascon sans aucun stade intermédiaire proto-occitan commun".
    C’est aussi mon intuition, puis mon analyse. Je pense que le proto-roman gascon est né vers la fin du VIe ou au début du VIIe siècle. Il existe un faisceau d’indices qui permettent d’énoncer ce postulat.
    J’en ai parlé dans le mémoire de DEA que j’ai consacré au vocalisme du gascon "noir", mais citer in extenso serait trop long ici.
    Disons que les populations vasco-aquitaines de Novempopulanie sont passées directement et rapidement au proto-gascon, en conservant les habitudes phonétiques que nous connaissons.
    Je pense que ce proto-gascon devait être très marqué par le substrat aquitain et que tout cela s’est adouci avec le temps, surtout à partir du XIe siècle, quand l’influence de l’oc limousin puis "languedocien", du fait de l’immense prestige des troubadours, du fait aussi de la prise de possession de la Gascogne par une dynastie limousino-poitevine, vraisemblablement limousinophone, a entamé la spécificité gasconne.
    Peut-être que, si l’aventure littéraire des troubadours avait perduré, le gascon aurait continué à s’aligner sur ce standard occitan, pour employer un néologisme.
    Nous le voyons encore aujourd’hui, avec la gasconnité bien plus agressive du centre par rapport à la périphérie.
    Les grammairiens occitans ne s’y trompaient guère, qui voyaient le gascon comme un "lengatge estranh".
    Et pourtant, le gascon avec lequel ils étaient en contact, celui des marges, devaient être bien moins agressif que celui du sud ou du sud-ouest de la zone gasconne.
    Cette hypothèse que j’énonce ici est sur le marché des idées mais n’est pas vraiment creusée par les linguistes occitanistes, je dis occitanistes à dessein puisqu’on ne peux plus parler de linguistique occitane, tant elle est devenue une discipline de militants, malheureusement trop marqués idéologiquement.
    Les termes du débat, s’il pouvait avoir lieu sereinement, seraient :
    "Le gascon est-il un dialecte périphérique et peu caractérisé qui s’est peu à peu éloigné de LA langue du midi (c’est tout de même le credo occitaniste) ou bien est-il une langue de type "occitan" qui s’est peu à peu rapprochée de la koinè tout en conservant une grande spécificité ?
    J’opte pour la seconde hypothèse mais je ne refuse pas la contradiction, à condition qu’elle ne soit pas fondée sur des affirmations dogmatiques et partisanes.
    Affirmations de la veine de celle qu’on trouve au début du dictionnaire, par ailleurs remarquable, de Per Noste et qui assène, en substance : "Il existe indiscutablement une langue occitane...et seuls des gens incompétents et malveillants disent le contraire".
    Ou bien encore : "Tous les linguistes du monde reconnaissent l’existence d’UNE langue occitane."
    Vous comprenez bien qu’avec de tels préambules, la discussion scientifique devient quelque peu difficile.
    Je passe à juste titre pour un anti occitaniste. Je ne pense pas cependant être un anti occitaniste primaire dans la mesure où cet anti occitanisme n’est pas le fruit d’une haine politique et/ou idéologique, mais le résultat de longues années d’observation et de réflexion.

  • A vrai dire, on ne sait pas grand chose de la genèse du gascon.
    La seule chose que l’on sache, c’est que les inscriptions aquitaines latines laissent entrevoir parfois ce que seront les traits du gascon.
    Mais qu’était le latin de la Gaule méridionale ?
    Comment est-il possible que l’on gasconne si près de l’ancienne Tolosa ?
    Est-ce à dire que le latin parlé à Toulouse fut indifférent pour la constitution de l’est-gascon ?
    Ou que le substrat aquitain était si fort que les influences toulousaines ont difficilement changé le phonétisme gascon ? Il y a tellement d’hypothèses à balayer.

    En tout cas, mon intuition est que la romanisation des Aquitains est précoce, que le languedocien a exercé une influence postérieure (mais quid de l’espace atlantique sous influence bordelaise ?), qu’il est possible que le bilinguisme ait été tardif dans des endroits reculés.
    Parmi les énigmes, je ne m’explique pas non plus la stabilité de la frontière basque/gascon depuis le XIVème siècle (à quelques villages près) alors que côté espagnol, celle-ci a été entamée au long des siècles.


Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs