Le basque unifié a 50 ans

- Danièl

Dans le journal "La République des Pyrénées" de ce jour, nous pouvons lire en page 19 dans la rubrique Soule Xiberroa cet article sur le basque unifié.
Exposition bilingue "1964 : un pas décisif pour le basque unifié" à découvrir à la maison du patrimoine à Mauléon jusqu’au 16 mars.
On se prend à rêver d’une telle expo un jour à propos du gascon unifié...
Personnellement je ne manquerai pas d’aller voir ladite exposition.

Grans de sau

  • 1) Il n’est pas de langue vivante qui ne se soit appuyée, à tel moment de son histoire, sur une norme commune. C’était vrai pour les usages de chancellerie mais aussi pour les langues des peuples sans écriture qui employaient une koinè, forgée par les spécialistes de la parole ou née de l’usage.

    2) Parlers et dialectes correspondaient à des territoires et à des milieux. La diglossie collait ainsi aux cercles d’appartenance. Cette situation a très longtemps prévalu en pays germaniques et italiques.

    3) Des langues proches mais distinctes ont pu confluer ; des dialectes ont accédé au statut de langues d’Etat (bas-allemand / néerlandais : un couple inégal).

    4) Dans les conditions du monde moderne (depuis le XVIe siècle et l’imprimerie) la codification des langues communes a été ressentie comme une nécessité par ceux qui se souciaient de sort de leur langue et / ou de leur peuple. Tout particulièrement le XIXe siècle a établi les codes unitaires et minoré les dialectes (cas du néerlandais-flamand en Belgique). La raison fut extra-linguistique : patriotique, nationale, tournée contre la menace d’assimilation. On enseigne aujourd’hui, et l’on diffuse, un catalan, un gallois, un letton, un tchèque unifiés, que cela plaise ou non aux défenseurs des dialectes.
    Une coexistence réussie a permis de faire l’équivalence entre les parlers francoprovençaux, "langue dialectalisée" ("le patois" comme on le dit), et l’arpitan unifié. D. Stich a parfaitement établi la complémentarité et la normalisation possible.

    4) le sort des parlers diffère beaucoup d’une aire à l’autre : toujours honorés régionalement en pays allemands, à peu près éliminés en Belgique, vivaces dans certaines régions d’Italie... La raison d’être de cette évolution est au fond politique, et répond à un besoin de représentation commune et de communication.

    5) Des erreurs de représentation ont amené des artifices qui avec le temps révèlent leur défauts : l’occitan mono résulte de l’une de ces erreurs d’appréciation.

    6) La langue unitaire se fait par l’usage, les relations humaines, etc. Quand la langue est moribonde et n’a plus de rôle social, ce n’est plus possible, surtout en l’absence d’Etat ou d’instance indiscutée.

    7) La langue unitaire reste le seul moyen de sauver ce qui peut l’être, à condition qu’elle intègre les parlers et contribue à valoriser les derniers locuteurs. Il ne s’agit pas seulement de graphie.

    8) Les parlers, patois et dialectes auront toujours leurs amateurs, mais dans la situation actuelle, et notamment dans l’Etat français, et vu ce qu’est devenue la société traditionnelle-rurale, une langue unitaire est une nécessité, symbolique, mythique, pratique.

    9) Pour le basque, il était grand temps.

  • Merci PJM pour votre lumineuse contribution. Je retiens particulièrement ce passage : La langue unitaire reste le seul moyen de sauver ce qui peut l’être, à condition qu’elle intègre les parlers et contribue à valoriser les derniers locuteurs. Il ne s’agit pas seulement de graphie.
    Que, de nos jours, vu l’état grandement déplorable dans lequel se trouvent nos idiomes ancestraux, le seul moyen raisonnable de sauver ce qui peut être encore sauvé soit l’élaboration de langues unitaires à partir des parlers locaux ou du moins d’une partie d’entre eux, est une évidence qui devrait sauter aux yeux de tous les défenseurs desdits idiomes, "langues" ou "dialectes".
    La création d’une langue aranaise à partir des parlers commingeois du Val d’Aran en est un exemple. Mais il en existe d’autres au sein du continuum occitano-roman, je pense particulièrement à la langue cévenole promue par Yves Gourgaud dont je joins deux liens qui pourront intéresser certains :

    http://marsyas2.blogspot.com/2009/12/yves-gourgaud-langue-et-litterature.html

    http://marsyas2.blogspot.com/2011/01/ive-gourgaud-langue-cevenole-et-famille.html

    Cela dit, que les choses soient bien claires. Je ne me fais pas l’avocat de ladite langue cévenole ni le défenseur d’Yves Gourgaud. Je suis sans a priori quant à de telles "sécessions" au sein de l’ensemble "languedocien", disparate autant que mal défini, mais je considère que cette tentative de tirer le cévenol du magma languedocien est intéressante dans la mesure où il existe de nos jours une conscience cévenole hautement développée. Mais un tel degré de conscience ethno-linguistique et historique existe-t-il vraiment dans la réalité et est-il encore possible de nos jours ? Car sinon, à quoi rimerait un tel travail de défense et de promotion d’une "langue" qui n’intéresserait qu’un infime cercle de personnes dévouées à sa cause ? Ne perdons jamais de vue que la conscience d’appartenir à une communauté à la fois ethno-linguistique et historique, à tort ou à raison, est la condition sine qua non de l’existence et de la pérennité d’une langue acceptable et acceptée par le plus grand nombre. Et n’oublions pas non plus qu’en matière de "langues", et aussi de "dialectes", il n’y a pas de vérité absolue. Si l’on veut rester objectif, force est de constater que ce sont les critères linguistiques qui se plient à la conscience d’appartenance et non le contraire.

  • Merci de me citer et de rendre compte de mes positions sans parti-pris (ni défenseur ni détracteur).
    Quel est le niveau de conscience "cévenol", s’agissant de la langue ? Je serais incapable de vous le dire sans parti-pris, justement. Je puis simplement affirmer ceci : "langue cévenole" est bien plus largement accepté, dans les milieux non militants, que "langue occitane". C’est ce qui justifie mon engagement en faveur de la "langue cévenole" : c’est un concept accessible à tous.
    Bien plus facile d’expliquer la formation d’une langue cévenole (complémentarité montagne-piémont) que d’expliquer comment Nice et Bordeaux se seraient forgé une "langue occitane" (quand ? à la suite de quels contacts humains ?)

  • Une langue unique (ou même commune) de Bordeaux à Nice (ou "dis Aups au Pireneu" comme disait Mistral) est certes une vue de l’esprit tout autant qu’une belle erreur stratégique quand il s’agissait justement de réveiller la conscience linguistique d’"un" peuple.
    Mais nous devons nous demander ici quelle serait la manière de faire progresser la conscience d’une langue gasconne comme patrimoine commun d’une collectivité gasconne (ou communauté, ou peuple, comme on voudra).
    Comme l’écrivait PJM en février il est bien tard d’autant qu’on perçoit bien encore des résistances farouches à la seule idée d’une langue gasconne pas ou faiblement dialectalisée.
    Mais le simple fait de parler de la Gascogne, des Gascons, de la langue et de la culture gasconnes comme de réalités existantes et à défendre et promouvoir est bien le minimum qu’on puisse faire en ce sens.

  • Certes, une langue occitane unique ou commune de Bordeaux à Nice est une vue de l’esprit. Nier ce fait serait faire preuve d’une grosse mauvaise foi. Mais on peut se demander si une langue gasconne non moins unique ou commune de Bordeaux à Laruns n’est pas également une vue de l’esprit en 2019 pour les raisons évoquées plus haut par PJM. Toutefois, pour le petit nombre de ceux et celles qui de nos jours ont le souci de la Gascogne, le souci de l’ethnie gasconne toute évanescente qu’elle soit, le souci de la langue gasconne toute moribonde qu’elle est, il est souhaitable que chacun et chacune, à son niveau aussi modeste qu’il soit, contribue à la défense et à la promotion d’un gascon commun basé sur les parlers sud-occidentaux. Nous avons déjà la chance d’avoir une graphie, pour ne pas dire une orthographe, qui, bien que loin d’être parfaite, a le mérite d’être relativement quasi-officiellement reconnue et par conséquent socialisée. Il s’agit de la graphie dite très improprement "alibertine", qu’il conviendrait mieux de qualifier de "classique", qui sied presque parfaitement au gascon en raison de sa position de langue-pont entre l’occitano-roman et l’ibéro-roman, à l’instar du catalan.
    De nos jours il serait ridicule et vain de continuer à ergoter à perte de vue sur les qualités et les vices de telle ou telle graphie, le reproche le plus fréquent adressé à la "classique" étant qu’elle serait un obstacle pour les "locuteurs natifs", lesquels dans leur immense majorité ont déjà quitté notre monde. Tout ce que je dis là est certainement d’une grande vanité en raison de la situation plus que précaire de la langue gasconne mais se résoudre à assister impuissant à la disparition du gascon et de la Gascogne serait encore pire.

  • Bonjour Danièl,
    vous commencez par l’essentiel, de mon point de vue :
    "Certes, une langue occitane unique ou commune de Bordeaux à Nice est une vue de l’esprit. Nier ce fait serait faire preuve d’une grosse mauvaise foi." Une fois dépassé l’anathème et l’excommunication, on peut discuter raisonnablement entre partisans des "langues d’oc" ou des "langues occitanes".
    Vous avez raison : il faut bien sûr (et les faits de communication nous l’imposent) une tendance à l’unification (relative, toujours) des parlers et de leur(s) écriture(s), ce qui est d’autant plus facile et accepté que le territoire est restreint. je n’ai aucune compétence sur la définition d’un "gascon commun" ni sur la définition de la "meilleure graphie" en gascon-béarnais, je peux simplement dire qu’ici en Cévennes des facteurs objectifs militent en faveur du cévenol cantral ou alésien : graphie pensée depuis avant Mistral, littérature surtout très présente en quantité comme en qualité ; simplicité des structures phoniques et grammaticales, comparées aux autres régions cévenoles. Trois éléments qui s’ajoutent au poids démographique de la capitale Alès.
    Tout doit être pris en compte, entre autres l’aspect psychologique : surtout ne pas travailler "à la hussarde" comme ces occitanistes qui nous ont dit qu’on était "Occitan, qu’on le veuille ou non". La force n’a pas marché et ne marchera pas dans les pays qui ont une nette conscience identitaire.


Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • [Se connecter]
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs