Au delà des prises de position tranchées sur ces deux thèmes d’actualité en 2017/2018, des questions se posent, pourtant rarement traitées au fond.
Difficile de ne pas parler de deux actualités assez chaudes depuis des semaines, dont aucune ne concerne directement la Gascogne mais aucune n’est non pus totalement étrangère à sa destinée. L’une parce que très voisine et proche par la culture et la langue, l’autre par les thématiques qu’elle suscite.
On l’aura deviné : il s’agit de la Catalogne et de la Corse respectivement.
Difficile d’en parler aussi car ces thèmes sont brûlants et divisent, en France comme ailleurs. Tout particulièrement dans les pays d’oc pour d’évidentes raisons. Quand on regarde ce qui se dit dans les divers média et les réseaux sociaux on voit bien deux camps opposés.
Il y a ceux qui sont tentés de donner aveuglément raison à ceux qui militent de quelque façon que ce soit pour « l’ élargissement » indéfini de ces régions minoritaires dans leurs Etats respectifs, dans le but d’aller le plus loin possible et si possible jusqu’à leur indépendance.
Mais il y a aussi ceux qui se raidissent dans un républicanisme quasi jacobin et refusent toute évolution de ce genre, même limitée. Dans cette optique l’évolution en Catalogne leur fournit des arguments pour s’opposer à toute déviation à partir du droit commun territorial dans le cas de la Corse ( sur le thème « vous voyez bien, quand on commence, ça ne s’arrête plus ! »).
Et puis il y a ceux qui se situent quelque part entre les deux et sont assez mal à l’aise pour définir et dire leur pensée. Ne serait-ce que parce qu’en France en particulier la confusion entre autonomie et indépendance est à peu près totale et permanente malgré les timides tentatives de mises au pont ici ou là.
Cas concret : un sondage dont se fait état le Figaro du 9 février : le titre de l’article indique que près des deux tiers des Français sont opposés à l’autonomie de la Corse alors que le corps du texte, deux lignes bas, mentionne que 62% sont opposés à l’indépendance de l’île ; il y a pourtant plus d’une nuance entre les deux termes quand on sait que toutes les îles méditérranéennes (sauf Malte, indépendante et la Crète, gérée par le centralisme grec et autonome sur le seul plan ecclésial au sein de l’Eglise orthodoxe) sont autonomes en droit et en fait.
Comme tout le monde j’ai bien ma petite idée mais mieux vaut à mon sens essayer de définir les données de la question plutôt qu’être le nième cherchant à imposer ses vues.
Parmi les questions nées de l’affaire corse :
Quelle démarche est la plus efficace pour aider une région marginale ou « périphérique » à régler ses problèmes qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels ? Une solution juridique précise et sur mesure ou une reconnaissance du droit à l’expérimentation cher au Président français actuel rappelant curieusement l’ « empirisme organisateur » maurrassien ?
Et d’abord dans quels domaines exercer ce droit à l’expérimentation ?
L’économie est importante certes mais d’autres domaines ne le sont-ils pas aussi ?
Généraliser ce droit à l’ensemble des régions ou le limiter à celles qu’on « écrirait dans la Constitution » ? Ecrire quoi du reste et comment ? Avec qui et pour qui rédiger si l’on sait que certaines régions, comme la Corse, constituent des communautés humaines bien réelles (si réelles qu’elles aspirent à être nommées « peuples » ) et que d’autres ne sont qu’assemblage hâtif de territoires ne partageant pas grand-chose ?
Et enfin comment suivre sérieusement et objectivement au fil des années l’évolution des dites expérimentations ?
Enfin quand on parle de langue (et que n’a-t-on entendu ces jours derniers qui ne s’appliquerait pas aux cas occitan et gascon !) que signifient des termes comme « co-officialité » (totale ? partielle ?) de la langue régionale et « bilinguisme » terme accepté par le Président de la République qui s’est bien gardé de le définir davantage ?
Le passage d’une diglossie très déséquilibrée (encore plus dans le cas gascon que dans le corse, évidemment) à une situation plus équilibrée ne suppose-t-il pas des étapes et des mesures incitant au rétablissement de la transmission générationnelle qui ne peut se limiter à l’école ? Avec la question de la mesure du lien entre utilisation publique et sociale de la langue et son usage privé et familial.
Dans le cas de la Catalogne, d’autres questions sont à poser pour éclairer le jugement :
Un Etat peut-il retenir de force, voire en multipliant les objections juridiques même bien fondées, une de ses composantes régionales si celle-ci affirme massivement ou du moins majoritairement son intention de le quitter ?
Jusqu’à quel degré d’approbation cette intention doit-elle se concrétiser ? 50% des votants plus une voix suffisent-ils ? Ou faut-il une « majorité qualifiée » prouvant une intention massive et irréversible ,du genre 80 % ?
Et en cas d’hétérogénéité forte de choix entre les diverses composantes géographiques de cette entité, la « majorité » de celle-ci peut-elle entrainer les autres dans ce qui est bel et bien une aventure qu’elles n’auraient pas choisi ? Je pense ici au Val d’Aran gascon (officiellement « occitan »), majoritairement non partisan d’une Catalogne indépendante ou à cette néo-Padanie qui émerge actuellement au sein de la Catalogne sous le nom de Tabarnia ? Les partisans de l’indépendance arguent volontiers du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, belle formule aux accents gaulliens mais où commence et où finit un peuple ?
Plus profondément est-il devenu si évident aujourd’hui qu’un peuple ne peut plus coexister à côté d’un autre dans la même entité nationale ?
Malheureusement aucun article de presse ne semble s’être posé ces questions jusqu’à présent, la mentalité française semblant hermétique à ce type de considérations. C’est certainement à l’opinion « périphérique » de tenter de les faire remonter. Essayons.