Balaguère, Vox Bigerri et quelques autres : une tradition renouvelée

- Gerard Saint-Gaudens

J’avais découvert Balaguère il y a plus de 10 ans avec leur magnifique CD « La votz deus anjos ». Le groupe avait déjà près de vingt ans d’existence pourtant.
Patiemment il avait rassemblé, redécouvert parfois des tas de chants gascons pyrénéens (et quelques chants tout aussi pyrénéens mais en français).
Par sa qualité et le succès mérité qui a suivi, le groupe a fait repartir une tradition qui s’essoufflait au rythme de la francisation des vallées, de l’exode rural et de la désertification qui pointait.
Autant dire d’une espèce de déprime collective pas avouée mais réelle comme j’en avais eu l’intuition en vallée d’Aspe l’an passé, la vallée d’Ossau résistant mieux comme une bute témoin.
Mais enfin grâce à Balaguère c’est reparti, pas vraiment partout mais bon, l’élan était donné. Avec de petits groupes nombreux, se recoupant parfois, Los Hardidets, Los de l’Ozom, Eths Micalets, Lo Vent de l’Estey, Sense Nom, etc… certains d’ailleurs antérieurs ou contemporains de Balaguère mais me semblant avoir profité de leur enseignement ou de leur expérience, d’autres bénéficiant visiblement des travaux de Vox Bigerri… Avec aussi des développements inattendus, floraison exceptionnelle et superbe, telle la montée vers une certaine sophistication artistique, inspirée des chants corses sans doute, celle des cinq chanteurs de ce même Vox Bigerri.
Ils sont sans doute aujourd’hui le meilleur des groupes polyphoniques professionnels ou semi-professionnels entre La Rhune et Cerbère et attirent une attention déjà internationale, marquée par la collaboration avec des musiciens hors monde gascon ou français…

A mentionner parallèlement une autre veine de bon niveau, à mi-chemin entre chant traditionnel et variété, dans la suite de Nadau, Los Pagalhós, groupe durable, assez unique dans le paysage vocal gascon jusqu’à présent après la belle expérience de Marcel Amont et ses deux disques gascons des années 1980. Ce petit nombre est dommage : tous les Gascons ne peuvent pas se reconnaitre dans le chant polyphonique (du reste pratiqué à l’occasion par les Pagalhós).
La variété gasconne et le one-man-show qui lui est proche, jadis représenté dans les équivalents occitans de la « nova canço » catalane (qui se souvient de Peir André Delbeau aujourd’hui, « lo solitari de la Lana » ?) devraient pouvoir trouver un espace ; Nadau ne sera pas éternel. Ah si Eric Fraj exploitait davantage le côté gascon de ses compositions et de son imaginaire !

Un autre compartiment est encore un peu timide : le chant féminin à l’image des Izarrak basques qui me sont chères ; jusqu’à présent je n’ai repéré que les Hilhas de Bigòrra et les Daunas de Còr, celles-ci animées par Pascal Caumont, comme Vox Bigerri. Peut-être y en a-t-il d’autres ?

Et puis, une autre constellation s’est révélée plus récemment, celle d’une génération nourrie pour le meilleur et pour le pire au « rock metal » et à quelques autres aliments musicaux assez éloignés de la garbure et du magret : Famille Artus, Inspecteur Cluzo, Boisson Divine, Papa Gahus, …
Plus difficiles à apprécier pour des gens de ma génération, nourrie de musique classique et de « musique ethnique » ; les critères sont là plus incertains mais oui, on sent de la qualité en tous cas même si l’élan un peu sauvage et juvénile gagnera certainement à se civiliser avec le temps, peut-être aussi à gagner en limpidité musicale : exemple tout récent, la qualité audio du nouveau CD de Boisson Divine (Volentat), dans les premiers morceaux surtout, est discutable, c’est encore un peu flou, un peu purée de pois musicale, certes le défaut presque général de la musique « métal » à mes yeux mais sans doute pas un vice indéracinable. Et par parenthèse leur choix esthétique pour la belle couleur marron du livret rend celui-ci à peu près illisible, un détail certes …
Bref, le paysage est varié, de plus en plus ; le chant gascon, la musique gasconne, ne sont pas morts. Et ne demanderaient parfois qu’à jouer la Belle au Bois Dormant, comme dans le cas du compositeur René de Castéra.

Grans de sau

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    Je fis partie du groupe Los de Capbath qui accompagna Delbeau (1971-73).

    "Un autre compartiment est encore un peu timide : le chant féminin" : citons au moins le trio de filles Cocanha (https://cocanha.net/) côté gascon. Mais le Minervois n’est pas "trop" loin (https://www.lamalcoiffee.com/)

    De fait, la dimension gasconne "pure", mise en musique, donne à dérouler et à croiser bien des catégories et à explorer bien des questions... Ce serait un travail utile à conduire, pour aider à se repérer dans les espaces et dans les temps. Et, dans une certaine mesure, à rapprocher des démarches, au-delà d’aspects liés à l’époque.

  • Merci pour ces rappels ,Hubert (je me permets cette familiarité pour avoir plusieurs fois entendu parler de vous par votre frère Thierry ).Un autre temps,déjà ...Certaines chansons de Delbeau et de los de Capbath gagneraient à être sauvées de l’oubli vynil et à être à nouveau gravées,ne trouvez-vous pas ?
    Quant aux deux groupes auxquels vous nous renvoyez ,ils ne sont en effet guère gascons :
    Cocanha,basé à Toulouse,compte une gasconne dans ses rangs,Caroline Dufau,des confins béarnais-orthois - chalossais mais s’exprime en occitan languedocien dès son accueil ("qual sem ") .Je ne connaissais la "Mal coiffée" que de nom ;le morceau Constellation est de belle facture et on aimerait bien qu’un groupe gascon en fasse autant !
    Vous seriez certainement un atout important pour le travail que vous évoquez,tant documentaire pour le passé que stimulant pour l’avenir ;un beau projet qui pourrait bien se dessiner . A bientôt donc sur gasconha.com !


Un gran de sau ?

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