Écouter de l’aranais authentique Un dialecte haut-commingeois

- Renaud

Par rapport au débat Facebook sur Alidé Sans et l’aranais, je vous mets en lien un extrait de collecte que j’avais réalisé à la maison de retraite de Saléchan (65). J’y avais rencontré Josefina, sortie de Sent Joan de Toran, un hameau de Canéjan en Val d’Aran.

Son parler est quasi exactement le même que derrière la frontière. Et je dirais qu’il n’y a pas plus de différence dialectales entre Canéjan et Melles, qu’entre Melles et Saint-Béat, par exemple. C’est un parler purement commingeois, seul le "es igual" vient la trahir. Elle disait aussi "german" pour dire "frair".

Après pour Alidé Sans, c’est rafraichissant d’avoir des compositions modernes à 100% même si ce n’est absolument pas la musique que j’aime.
Belèu que vau har cridar mes, francament, que tròbi los sons mòts que hròchan, ne cola pas briga e ne tròbi pas aquò tròp bròi. N’ pas lo costat plegadís deu gascon e de la quita lenga d’Oc. Qu’es catalan, qué...

Eth morisco a Sent Joan de Toran (Canéjan-Val d'Aran) - YouTube

Voir en ligne : Eth morisco a Sent Joan de Toran (Canéjan-Val d’Aran)

Grans de sau

  • Que soi content d’aver comprés, a la fin de l’entervista - "Es camins qu’èran mau fotudi". Mès n’èi pas comprés çò qu’es un morisco - si n’es pas un musulman gitat hòra d’Espanha !

    Que’s escai qu’avoi tanben, ger, lo plaser d’enténer un tròç d’aranés parlat qui n’èra pas briga ispano-gascon.
    Qu’èra au Collòqui de la Societat Francesa d’Onomastica a Tolosa, dont tornarei parlar, dens la comunicacion de Jordi Suïls Subirà*, Professor a l’Universitat de Lhèida (Lleida en catalan, Lérida en castelhan).
    Que’ns hesot escotar un aranés que supausi d’atge madur, qui, en responsa au colectaire, descrivèva e nomèva eth sué environament montanhòu.

    * Ua comunicacion de comprénguer un shinhau mauaisit, dont soi incapable de descríver lo contengut - lo títol oficiau tanpau : « Les noms de lieux et l’actualisation de l’oralité dans l’écrit occitan »
    Mès sentiscoi qu’i avè aquiu ua reflexion de qualitat suu nomatge deus lòcs, articulada a un trabalh suu terren, en Vath d’Aran mès tanben aulhors en Occitània.

  • "Eth morisco" = le sarrazin

    Que’vs puish har ua transcripcion, se vòletz. Enfin, per jo qu’èntèni sovent aqueth parlar, ne’m pausa pas nada coenta.

  • D’ailleurs, ce qui est intéressant, c’est que nous concevons les langues avec une logique "d’état". Comment un dialecte côté espagnol pourrait-il être plus proche des dialectes côté français que ceux du même côté espagnol ? C’est impossible ! C’est la même logique qui fait dire que le béarnais de Saint-Pé de Leren est plus proche de Urdos, parce que c’est aussi du "béarnais", que de Labatut parce que c’est du "landais" (voir même de Pouillon, parler noir). Les langues comme les langues d’oc, les langues dialectalisées n’ont que faire des frontières "administratives", aussi vieilles soient-elles !

    Donc Bausen ou Canéjan est plus proche linguistiquement de Gouaux de Larboust ou de Melles que de Vielha juste parce que c’est plus près. La langue se moque que ce soit l’Espagne ou la France, ce n’est, si j’oserais dire, pas son problème, ça. La preuve, dans le reportage à Bausen, un homme dit "qu’ei eth aranés véritable" où il use du même gallicisme qu’à Gouaux. Sauf que lui ne sait probablement pas que c’en est un, c’est juste un mot du parler voisin qui a été adopté par sa communauté en raison de sa proximité géographique.

    C’est ça qu’il y a de fascinant dans le gascon, cette totale absence de frontière et ce permanent métissage linguistique qui fait qu’un parler n’est jamais "le véritable parler de..." (au contraire de que dit l’homme car Bagergue ou Salardú est aussi proche linguistiquement de Sentein, en France, par exemple), c’est toujours un mix extrêmement complexe du local et de plusieurs influences. Et c’est ça qui va disparaître, malheureusement...

    • Les frontières d’Etat avaient moins de poids que maintenant, parce que l’Etat avait moins de poids.
      Les gens n’allaient guère à l’école, ils ne recevaient pas de prestations sociales de l’Etat, ils se débrouillaient entre eux, ils s’autogéraient dans une certaine mesure dans leur bassin de vie de quelques km. Ces bassins de vie étaient des bassins de langue*, et peu importait qu’ils soient traversés par une frontière d’Etat - enfin, il faudrait quand même voir comment se passait cette frontière (poste de douane ? facile ou pas ?).

      Je repense à une émission radio (sur France Culture je crois) où un éleveur entré en résistance contre le puçage des moutons ou des chèvres (Faut pas pucer mêêê mêêê dans les ordis !) évoquait ce changement qui a fait des agriculteurs-éleveurs des moitié-fonctionnaires (qui ont fortement intérêt à maîtriser le français s’ils sont en France !).
      Il évoquait un vieux paysan de son coin qui avait continué à fonctionner comme avant : en autonomie, hors du contrôle administratif... Pour le jeune éleveur résistant (qui était dans le département 47, j’espère qu’il y est encore ! il disait « ne respecter aucune norme » - ça m’a frappé...), ce vieux paysan était une référence...

      * Mais l’existence d’un domaine gascon, lui même inclus dans un domaine d’oc, beaucoup plus vastes, montrent que certains échanges, consentis ou non, dépassaient ces petits bassins de vie.

      [Vincent, je n’avais pas vu ton message suivant en écrivant celui-ci.
      Que som ad ua !-)
      Tederic]

  • C’est l’un des grands paradoxes contemporains : la fin des frontières étatiques avec l’unification européenne s’accompagne d’un mouvement qui voit l’effondrement total des influences transfrontalières et des mondes métissés où venaient échouer toutes les influences locales, dans le déni absolu et magnifique des réalités officielles.

    Le paradoxe s’explique aisément cependant : l’Europe se fait par les États, après une phase très intense d’uniformisation étatique, à compter des années 50, qui a homogénéisé les différences au sein des États européens. Bref, c’est une "France" normalisée qui s’ouvre à une "Espagne" normalisée, dans la nécessité de renouer des liens, autrefois naturels, détruits par les États dits Nations pour consolider leur unité.

    Bref, plus de douaniers sur le col du Portillon, mais paradoxalement, un plus grand gouffre que depuis des millénaires.


Un gran de sau ?

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