Serge Labégorre est un peintre gascon : né à Talence en 1932, de parents originaires l’un du Béarn, l’autre du Libournais.
Il vit et travaille toujours à Fronsac après avoir vécu dans plusieurs villes et villages de la région et une jeunesse marquée par des séjours fréquents dans le Barétous de ses aieux et à Biarritz.
Est-il pour cela un « peintre gascon » ? Et du reste qu’est-ce qu’un peintre gascon, la Gascogne en a-t-elle seulement produit ? Réponse pas évidente.
Pas sûr que les Gascons aient été un peuple « pictural ». Une recherche sur internet bornée aux époques récentes donnera des noms comme Etienne Mondineu, le peintre de l’Albret ou Henri Brun, coiffeur et peintre à Cologne dans le Gers (tiens, tiens, un peintre coiffeur ? N’avions-nous pas déjà un poète coiffeur il y a longtemps avec Jasmin, gascon proclamé tout en étant en fait bon occitan comme tous les habitants d’Agen ?).
Jean-Roger Sourgen ou Alex Lizal, côté landais peuvent sans doute aussi être considérés comme peintres gascons. Tous ces noms du reste évoquent des paysages locaux, des dessins ou des peintures de fermes ou de colombiers, de scènes paysannes. Il faudrait sans doute ajouter,un peu à part, Odilon Redon, le peintre du Médoc (mais pas seulement) au XIXè siècle, le peintre des paysages sombres et inquiétants.
Rien de tel ou à peu près chez Serge Labégorre. On peut certes trouver dans son œuvre peinte quelques tableaux évoquant des lieux gascons, souvent réinterprétés par cet expressionniste à la limite de l’abstraction. Mais c’est surtout autrement, d’une manière en quelques sorte spirituelle qu’il me semble relever de la gasconité, à côté de son état civil et de ses lieux de résidence.
Par les couleurs d’abord qui frappent immédiatement celui qui découvre son œuvre : noirs et rouges profonds et multiples, se heurtant souvent et parfois s’harmonisant comme nos paysages flamboyants d’été (je pense ici à ce que j’avais écrit ici jadis de l’œuvre romanesque francophone de Christian Laborde) ; plus rarement des gris de nuages et de pluie, une couleur fréquente dans nos pays éloignés de la continuelle splendeur méditerranéenne.
Ensuite par le mélange d’ironie pessimiste et de scepticisme qui émane des portraits plutôt sombres qu’il fait de ses personnages. Le gascon, quoique plutôt exubérant (comme la peinture de Labégorre me parait être), n’a rien en effet d’un méridional joyeux et expansif, prompt à la galéjade (cf ce qu’en écrivait Manciet dans la Revue de Psychologie des Peuples, un numéro qui n’en finit pas de sortir -ou plutôt de ne pas sortir- de mes caisses d’archives…). Personnages qu’il aime toutefois certainement, à sa façon, quand il ne s’agirait que des portraits de son entourage familial, pas ménagé pour autant dans le genre visage à coup de serpe. Bref, des tableaux jamais « jolis », rarement « beaux » d’ailleurs mais toujours profondément expressifs.
A tort ou à raison tout cela me parait correspondre bien à l’esprit gascon. Mais peut-être nos lecteurs /contributeurs verront-ils les choses autrement.
En tous cas je conseille vivement la visite du Fonds Labégorre créé par une des filles du peintre à Seignosse (à côté de Capbreton/Hossegor) dans la zone artisanale de Labian ; les oeuvres exposées valent le détour, tout comme l’excellente cuisine à la fois familiale et imaginative de Sophie Labégorre, également restauratrice en ce lieu inattendu !