D’abord, relire cette déclaration choc, écrite au soir de sa vie :
L’objectif dé ma bito : Magnifià la Gascougno, é soun Patouès Gascoun.
Pour Georges, le couple Gascogne - "patois gascon" est indissociable :
La léngo parlado dou Gascoun, « la léngo Mayrano » qu’éy lou Patouès Gascoun.
Georges dou Cadet (1933-2016) : un gascon entreprenant et patriote "L’objectif dé ma bito : Magnifià la Gascougno, é soun Patouès Gascoun."
Georges dou Cadet et le triangle gascon Face au "dépeçage" de la Gascogne
Georges dou Cadet et le Béret gascon
Il se dit aou servici dous Gascous, qué bon countinua à parla lou Patouès Gascoun (au service des gascons qui veulent continuer à parler le Patois).
Son attachement au gascon est tellement fort qu’il confie à ses lecteurs que l’histoire de la vie de sa famille est [n’est que ?] un fil conducteur pour transmettre ce patois :
Enta vous transmété aquét patouès qu’ém serbichi d’un hiou counductou : la bito d’uo famillo diguén lou haout Astarac 32170 éntaous vinto cin prumès chapitrés, é diguén l’Astarac 32300 pèr la suito.
J’insiste :
L’histoire qu’il nous raconte est pourtant intéressante en elle-même - elle montre la mutation de l’Astarac rural : passage à l’agriculture industrielle, irruption du machinisme dans tous les domaines de la vie - même les fêtes du Foyer rural en sont transformées en soirées discothèque !
Eh bien, Georges nous dit qu’il la raconte d’abord pour transmettre son "patois gascon" !
L’usage permanent chez lui du mot "patois" (en opposition avec "l’occitan") montre qu’avec les occitanistes, ça n’a pas marché !
Qué poudét imagina las discussious qu’èy subit pous « puristos » gascoun occitan.
Incompréhension totale de sa part :
l’occitan éy uo léngo éscriouto é parlado én occitanio (l’occitan est une langue écrite et parlée en Occitanie - donc pas en Gascogne !-))
La Gascougno parlo lou patouès Gascoun, qué vario séloun las régious, més nous s’écriou pas.
"Le patois gascon varie selon les régions et ne s’écrit pas..." On retrouve ici un cliché assez banal chez les gascons de la génération de Georges.
"le patois gascon ne s’écrit pas"
Mais Georges l’écrit sénsé téngué counpté de nado orthographo, m’éntéréssan sulomén aou phrazat, én soulignan l’éntounaçiou !
Bravo à lui, d’ailleurs de mettre en gras dans chaque mot la partie du mot qui a l’accent tonique ! on voit là qu’il avait repéré un point crucial de la langue et de sa transmission ; l’impossibilité pour la graphie française de rendre l’accent tonique gascon nécessitait cet artifice.
Bravo à lui aussi, pour nous rappeler que le gascon roule les r (Georges les roulait même en français !) :
Lou Gascoun rounlo lous R, coumo lous arrious rounlon lous callaous én traouèssan la Bigorro.
Georges écrit en franco-phonétique. Son souci n’est pas de suivre une norme établie, mais de bidouiller avec l’orthographe du français pour rendre à l’écrit son langage parlé gascon, et se faire comprendre de sa cible : les locuteurs naturels de sa génération et de son pays.
C’est parfois plus que bizarre : perturbant (mais peut-être moins que la graphie alibertine dite "occitane" pour le gascon de base) !
Par exemple quand il rend par ai le gascon è :
Qué bous baou hai uo counfèso ; n’aymi pas la corrida (pourquoi pas hè pour transcrire ce qui est l’infinitif du verbe faire (hèr en graphie alibertine ?).
ço qui éstat haiyt (haiyt pour hèit !!!)
Mais même ce ai problématique, il ne le suit pas toujours :
Moun amic Jacques Tujague néscut à 1 Km de nousto [Mirando], a hèyt un lexiqué Gascoun-Françés couratjous et rémarquablé, qué bous conseilli dé lou pratiquà. »
Ne cercatz pas tròp de coëréncia !
Les mauvaises coupures pullulent :
q’aou pas mélanga duos caouzos (quelle horreur, cette mauvaise coupure "q’aou" alors que "caou" faisait l’affaire ! et "mélanga" "ne le fait pas" : si on applique la règle française, la lecture n’est certainement pas ce qu’attendait Georges, qui pourtant écrit "Ageanço" !)
Georges faisait parfois des expériences graphiques. Une bonne idée qui apparait dans une de ses chroniques mais qu’il n’a guère suivie, l’usage du w :
Uo bordo léwgèro pèrmétéwo dé stouka quawqué fourratgé, loutja quawquos bèstios én traitomén, é un burèw coumun, dé réunious é dé trabail.
Le rendez-vous manqué avec les occitanistes
Non aux plaques de rue en occitan !
Commentaire :
Pour Georges, "plaça deu marcat deus chivaus", c’est de l’occitan, et "plaço dou marcat dous chibaws", c’est du gascon !
Il se trompe, nous le savons : ces mots sont strictement identiques, mais écrits dans deux codes graphiques différents.
Mais nous aurions tort de nous moquer : cette confusion, la grande majorité des gascons la font. Georges dou Cadet est représentatif de la population gasconne qui ne reconnait pas sa langue quand elle la voit écrite en graphie alibertine-occitane.
Mais en plus, l’intérêt même des plaques bilingues, si chères aux occitanistes dans leur volonté de rendre la langue visible, Georges ne le comprend pas : « D’abord n’at awri jamés proupawzat »
Là, la divergence est encore plus profonde : c’est sans doute l’idée récurrente que le gascon n’est pas digne d’être écrit, et surtout pas sur des plaques officielles. Au fond, seul le français l’est... Georges a pourtant fréquenté le Val d’Aran et savait que celui-ci était de langue gasconne : n’y a-t-il pas vu les plaques en gascon ? N’ac saberam pas jamei !
Pour lui, les occitanistes veulent remplacer la langue des anciens en Gascogne par une autre langue, l’occitan, et ça le révolte :
L’aoutou a voulut rélétà én Françés-Patouès Gascoun, soulo lénguo parlado én Gascougno pous ancièns : La lénguo Mayrano « la lénguo maternèlo ». Coumprénguérat soun désespouèr quant bé qué bon rémplaça én Gascougno, pèr l’énseignomént dé la lénguo occitano, pèrqué ?. égalomén marqua las plaços d’Aouch capitalo dé la Gascougno én occitan, aoun ban !
Entre Georges et les occitanistes, il y avait un monde de différence, un fossé infranchissable.
Quel dommage ! Georges avait les racines et la connaissance du terrain, les occitanistes une connaissance académique, que Georges respectait vaguement mais n’assimilait pas. Les deux auraient dû se féconder et produire des arbrés béroys.
Nous n’avons pas fini d’en tirer les leçons.