Apollonie rejoint le Cheval d’orgueil pour témoigner de la fin d’un monde

- Tederic Merger

Apollonie de Marie Rouanet et Henri Jurquet.

Inutile de réécrire un résumé quand celui de Google dit ce qu’il faut - « çò que cal » pour le dire en "occitan" !

Toujours la même histoire, et ici encore bien documentée et racontée : la fin d’un monde, la vie qui s’en va des maisons et des villages d’autrefois. Là, c’est en Rouergue dans les monts d’Aubrac ; avec Le cheval d’orgueil de Pierre-Jakez Hélias, c’était en Bretagne, en Pays bigouden.
On peut aussi penser aux villages morts de l’Aragon.
Pour le Béarn, Gasconha.com a récemment abordé le sujet avec Prosper et Florencine - Un monde qui s’efface ; mais il est en arrière-fond constant de Gasconha.com :
La fin d’une civilisation agraire d’avant la mécanisation et les transports modernes, qui de plus ont rendu particulièrement obsolète l’économie montagnarde où la mécanisation de l’agriculture était plus difficile... Le Béarn d’avant le pétrole...
Le Béarn avant le Pétrole

Tròs causits e coumentaris :

La mort de la langue en même temps que le monde ancien :
« Quelques savoirs, eux, ne se seront pas dégradés, ils s’arrêteront, dans la perfection, avec la mort de ceux qui les possèdent, comme s’arrêtera leur occitan intact qui, pur depuis le Moyen Age, s’était fait un chemin aux franges de l’histoire. »

Les auteurs, qui connaissent évidemment "l’occitan" (celui du Rouergue pour Henri Jurquet petit fils d’Apollonie), transcrivent en occitan (occitan "tout court" !), graphie alibertine, les mots et les phrases de l’ancien monde.
Mais ils prennent en compte la difficulté de cette graphie pour le grand public en mettant en notes de bas de page ce que j’appelle la graphie franco-phonétique, accessible au francophone.
Exemple :
Secador [secadou] : séchoir à châtaignes
Mag [match] : pétrin
[ço qué cal] : ce qu’il faut
Il y a bien quelques "coquilles" qui font suspecter, comme souvent, l’absence de relecture compétente des phrases en occitan ; mais dans l’ensemble, ça va.

Une société "genrée" :
Le monde des hommes et celui des femmes sont distincts. Le partage des tâches et des rôles est clair, et même exalté par les travaux ritualisés comme le battage :
« C’était tout une démonstration de force qui était parade nuptiale, courtisement, affirmation de soi au milieu du groupe d’hommes, combat de cerfs ou de sangliers. Ils portaient tout le jour des sacs de quatre-vingt à cent kilos. Il y avait la manière de charger, la façon de se déplacer devant ceux de la batteuse, devant les femmes, la force mais la grâce aussi. »

En même temps...
 Les femmes sans hommes (les veuves comme Apollonie, ou en temps de guerre...) arrivent à faire à peu près ce que font les hommes
« Maintenant, les femmes se réunissaient pour accomplir les travaux des hommes. Elles s’y mettaient plus nombreuses, voilà tout. »
 Les hommes sans femmes (en séjour saisonnier sur les hauts plateaux, au buron) se tirent très bien de tâches en principe réservées aux femmes : la cuisine... mais de retour au foyer familial, ce savoir est éludé !
Au total, peut-être parce qu’il est centré sur Apollonie, le livre met fortement l’accent sur le savoir-faire des femmes, qui travaillent du matin au soir, règlent l’économie domestique, transmettent la mémoire...
Je pense à La Daune, même s’il ne s’agit pas ici, comme dans certains parçans des Pyrénées gasconnes ou basques, qu’une femme bénéficie du droit de l’ainé, et assure la continuation de la lignée dans une maison.

D’autres évocations du monde d’autrefois sur Gasconha.com :
 "GASCOGNE" de Raymond Escholier
 La battère, magnifique document de Guy Pierre Souverville

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