Les foires / Las heÿres de Pélebusoc Foires aux bestiaux, mais un peu à tout

- Tederic Merger

(Allons)
Lande de Pelbusocq

Emmanuel Delbousquet écrit ceci vers 1900 dans ses "Contes de la lande gasconne" : « Il y a trente ans à peine, ce désert de Pélebusoc où seuls quelques pâtres mènent leurs troupeaux, se couvrait trois jours durant d’une multitude d’hommes et de bêtes, sur la limite de la Gironde, du Lot et Garonne et des Landes, - à six ou sept lieues de tout village important - c’était le point de rencontre entre les gens de l’Albret, du Bazadais, de l’Armagnac et du Marsan, on y venait de plus loin encore ; les maquignons du Béarn y coudoyaient ceux des rives de la Garonne. »
Cela date la fin des foires de Pélebusoc vers 1870, donc - c’est logique - au moment où le système agro-pastoral landais, dont elles étaient un fleuron, disparaissait face à la plantation généralisée du pin impulsée sous Napoléon III.

Le nom :

Pelabusòc, Pelabisòc
Prononcer "Pélebuzòc", "Pélebizòc"...

Péle-busoc : fait la peau du busòc, le mâle de la buse !
La graphie officielle Pelbusocq est fautive parce qu’elle supprime un e qui n’est pas muet en gascon, donc dégasconnise le nom.
Il faut promouvoir la graphie Pélebusoc (utilisée par Emmanuel Delbousquet, quand même !) qui a l’avantage aussi d’économiser un q final inutile.
En graphie alibertine : Pelabusòc

Le lieu (perqué aqui ?) :

 un point frontière
La borne de Pélebusoc est signalée par la carte de l’IGN. L’auteur du présent article n’est pas sûr de l’avoir trouvée, mais ne marquait-elle pas d’abord une limite des trois communes de Losse, Lubbon (département des Landes) et Allons (département du Lot-et-Garonne) ?
C’est aussi une limite ancienne entre des diocèses.
Question : le choix de ce point frontière fut-il de pur hasard, sinon quels ont été les avantages espérés ?

 un lieu pastoral
La carte d’état major du 19e siècle, qui date d’avant la transformation massive en pinhadars montre que les parcs à moutons étaient très nombreux sur cette lande de Pélebusoc, mais ils étaient nombreux sur tout le massif landais !

 un tuc (petit relief) et une "fosse"
Le cadastre de 1813 indique le Tuc de Pelebusoc ou l’on tient foire le 16 juillet.
http://labbe.arue.over-blog.com/article-les-foires-et-marches-des-environs-d-arue-116133876.html
Les témoignages mentionnent une "Fosse aux chênes" où se tenait la foire. Le mot "fosse" est utilisé par les anciennes cartes du lieu pour signaler peut-être une petite lagune (qui ne convient pas pour s’installer !), à moins que ce soit le mot fossé qui ait perdu son accent.

« Au milieu de ce désert surgit une croupe allongée, sans doute dune continentale, appelée Pelbusoc, sur laquelle passe la limite des départements de Lot-et-Garonne et des Landes. Ce point commande de vastes horizons ; il devait être le principal accident du paysage avant la conquête par le pin, aussi est-il devenu un lieu de rendez-vous.
Chaque année, le 16 juillet [1], il s’y tient une foire sur un emplacement signalé par la carte d’Etat-major, cette réunion est plus active encore aujourd’hui, grâce au chemin de fer [2] »
Ardouin-Dumazet - Voyage en France (1893-1907) [3]

 Quelques traces d’habitat
Le cadastre actuel montre une marquetterie de parcelles au sud-est du point de rencontre des 3 communes, à l’emplacement de l’ancien lieu-dit "Paysan", dans la commune de Losse.
Le cadastre napoléonien montre aussi un parcellaire qui témoigne d’une occupation humaine au même endroit, entre trois lieux bâtis : "Paysan", "Martuzac" et "Petit Pellebusoc".
Y avait-il une église, de ces églises - souvent à clocher mur - dont tant ont disparu ?

 Le lieu était aussi marqué par un chêne, "arbre gigantesque et séculaire, planté au beau milieu d’une rase lande dont les horizons de bruyère se confondent au ciel" [ E. Delbousquet - L’ours de Pélebusoc dans Contes de la lande gasconne].

Pélebusoc en 2017 : un descendant du chêne de signalement ?


La foire d’Ousse-Suzan - La hèÿre d’Ousse-Suzan - La hèira d’Ossa-Susan L’Assemblade de la Sent Miquèu

Voir en ligne : Description des foires de Pélebusoc - en descendant au paragraphe "Le Centre de l’Aquitaine.(4)"

Notes

[1J’ai voulu aller en reconnaissance sur les lieux le 16 juillet 2017, donc à la bonne date, mais environ 150 ans après les dernières heÿres. C’est que je voulais, en plus du symbole de la date, retrouver les conditions météo de ces foires de Pélebusoc - il peut faire très chaud mi-juillet... Je n’ai trouvé aucune trace des foires, ni involontaire, ni volontaire (une plaque commémorative ?).
J’ai rencontré un des nouveaux mèstes des lieux, mais c’est une autre histoire...

[2La voie de chemin de fer dont parle Ardoin-Dumazet est la ligne de Marmande à Mont-de-Marsan dont la section de Casteljaloux à Roquefort a ouvert selon Wikipédia en 1893.La Gare de la Tourneuve est à environ 3 km du site de Pélebusoc.
Il y a apparemment contradiction sur les dates entre Ardoin-Dumazet qui affirme la vitalité des foires vers 1900 et Delbousquet qui en parle au même moment comme un fait du passé ("il y a trente ans à peine"). A moins que la foire ait entre temps changé de nature, et que Delbousquet ne parle que de la foire aux bestiaux...

[3Le tome 30 de "Voyage en France", consacré à la Gascogne, d’où est tiré ce passage, semble avoir été écrit en 1902. Cela suggère que les foires de Pélebusoc auraient continué bien au delà de la date de 1870 déduite de Delbousquet.

Grans de sau

  • Aux sources mentionnées plus haut, Emmanuel Delbousquet qui dit en substance que la foire avait disparu vers 1870, et Ardoin-Dumazet, qui dit qu’elle avait été réactivée par le chemin de fer, donc vers les années 1890, je rajoute le chanoine Tauzin, qui nomme la foire de La Peyrade (Lapeyrade) parmi les nouvelles qui ont concurrencé la foire de Saint Justin*.

    Or, si la foire de La Peyrade a pu concurrencer celle de Saint-Justin, elle a pu avoir le même effet sur celle de Pélebusoc, à une dizaine de km.

    Je fais donc le scénario suivant :
     années 1870-1880 : la foire de La Peyrade apparait, peut-être grâce à sa situation sur la route nationale "de Mont de Marsan à Périgueux", et concurrence aussi bien celles de Saint Justin que de Pélebusoc ;
     années 1890 : sursaut (sans lendemain) de la foire de Pélebusoc grâce à la nouvelle voie ferrée entre Casteljaloux et Roquefort.

    Rappel : la foire de Lapeyrade a disparu en 2010, donc seule demeure aujourd’hui celle de Saint Justin.
    Las hèiras, ua escasença entà la Gasconha Les foires, une chance pour la Gascogne

    * « L’établissement de foires nouvelles et avant tout celle de La Peyrade, la multiplicité de ces réunions, la crise agricole et la pénurie d’argent qui en est la suite, ont depuis quelques années fait perdre aux foires de St-Justin une partie de leur importance ; mais en 1894, elles ont eu tout l’éclat des anciens jours. »

  • L’écrivain régionaliste Gaston Chérau*, dans son premier conte de La Despélouquéro, "La vache d’Arquisan", amène son personnage vendre sa vache "la Taouzillo"** à la "foire de Lubbon", qui doit être celle de Pélebusoc, mais qu’il présente comme une "foire aux sonnailles", où les bergers échangeaient leurs sonnailles : « qui bo bigà ? » (qui vòu bigar = qui veut échanger)

    *Gaston Chérau (né en 1872) a séjourné - Jean-Paul Ducos nous l’a signalé - près de Sos, et a pu ou dû y croiser Emmanuel Delbousquet (né en 1874) dont il était l’exact contemporain, avant la mort précoce de ce dernier ; je ne trouve pourtant aucune trace de leurs échanges hypothétiques, alors que leur matière littéraire était identique : qu’ils aient tous les deux situé un de leurs contes à la heÿre de Pélebusoc est significatif.

    ** la Taouzillo = la tausia : gland du chêne noir, explique Chérau ; le chêne noir est le tausin.
    Beròi nom end’ua vaca !


Un gran de sau ?

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