Henri IV, "Bissouze" et le château de Cazeneuve à Préchac

- Tederic Merger

Aquitaineonline.com (Philippe Cloutet) nous raconte qu’Henri IV a cédé ce château à son ami Raymond de Viçose qui l’a transformé « en un château de plaisance et d’apparat ».

D’après mes premières recherches, la famille de Viçose (ou parfois Viçoze) est une famille noble qui avait opté pour le protestantisme. On trouve des attestations anciennes de de Viçose à Montauban, Clairac (où il y a une Place Viçose), Préchac (justement au château de Cazeneuve), et aux Pays-bas (sans doute des protestants qui avaient fui les persécutions)...

D’où vient ce nom, qui s’écrirait "Viçosa" en graphie alibertine, et existe ainsi en portugais sans qu’il soit certain que c’est le même nom ? "Viciosa" aussi en castillan...
Le nom Vissouze est attesté vers Nîmes, donc plutôt vers le domaine provençal.

Aquitaineonline.com oublie la cédille et écrit "Vicose", mais nous donne l’information intéressante qu’Henri IV surnommait son ami Raymond "Bissouze".
Qui ne connait pas la graphie alibertine (ou la graphie médiévale dont elle est issue) ne verra pas le rapport entre "Bissouze" et Viçose. Le premier est tout simplement la version franco-phonétique du second prononcé en oc.
Du coup, on aurait ici une preuve qu’Henri IV parlait familièrement l’oc ; c’est logique puisqu’il a vécu sa jeunesse et une partie de sa vie adulte en pays gascons, mais ça fait plaisir de le voir attesté ! Peut-être d’ailleurs que je débarque, et que d’autres attestations sont bien connues...

* mais la noblesse gasconne était déjà en cours de francisation, et la famille d’Henri IV était en grande partie française (Bourbon, Valois etc.).

Voir en ligne : Château de CAZENEUVE en Gironde

Grans de sau

  • Je me demande s’il n’y a pas eu au moins deux familles de Viçoze (ou Vissoze ) distinctes. L’une en Languedoc (Montauban,etc...) qui pourrait bien avoir à faire avec la famille (existante) Courtois de Viçoze (fondatrice de la petite banque toulousaine du même nom) et l’autre, gasconne, de l’ami (et médecin, voire très vaguement parent si je me souviens bien) d’Henri III de Navarre (IV de France). Il me faudrait retrouver un ancien petit livre (éditions SO) sur le château de Cazenave qui pourrait donner quelques lueurs là-dessus...

  • Une recherche sur Geneanet montre que la famille est attestée à Montauban depuis un certain Michel de Viçoze, au XVIème siècle, fixé à Montauban, protestant, et professeur de philosophie, ce qui semble incompatible avec une origine noble.

    Une recherche rapide sur Google montre que "Michel de Viçoze" est dit d’origine portugaise à deux reprises, dans un article de L’Express ainsi que dans un ouvrage du XIXème siècle. Cela semble compatible avec la profession (un professeur portugais attiré à Montauban par la Réforme) et l’existence d’une particule ibérique, qui n’indique par la noblesse.

    On a donc, à mon sens, bel et bien là un patronyme portugais "De Viçosa", qui indique quelqu’un originaire d’un hameau homonyme. Je ne connais pas le sens en portugais mais il doit être transparent.

    Ainsi que cela était pratiqué, Viçosa fut adapté Bissouze en langue romane locale, comme Peixotto devient Peychotte à Mérignac. A l’écrit, Viçoze est resté plus proche du portugais original.

  • Deux ou trois vérifications me donnent ceci :
    1) le livre sur Cazeneuve (E.de Sabran-Pontevès, éditions Sud Ouest) donne bien Raymond de Vicoze (sic) comme "meilleur ami et cousin" d’Henri de Navarre, son père ayant été le médecin de la cour. Le roi lui ajouta son célèbre panache blanc à ses armes ("home d’or panaché de trois plumes d’autruche d’argent").

    2) un article de l’Express sur la famille toulousaine Courtois de Viçoze les donne comme descendant de portugais, liés également à Henri IV :
    "En 1840, une demoiselle Viçose, descendante de Michel de Viçose, capitaine d’origine portugaise, financier autant que soldat - il fut trésorier du bon roi Henri IV en Guyenne - devenait épouse Courtois".

    3) un site héraldique montre que cette même famille porte bien en coeur de ses propres armes le même "home d’or panaché,etc...".

    Donc , très vraisemblablement, il s’agit de le même famille, d’origine effectivement portugaise ; le cousinage avec Henri IV est à vérifier, peut-être la famille était-elle déjà luso-gasconne au XVIe siècle.

  • Dans cette phrase p. 12 de Henri IV le plus vert des galants « rien ne m’est plus insupportable que l’autorité absolue qu’elle a laissé prendre sur elle à Conchine et à sa femme »*, j’espérais trouver une preuve de plus de la compétence gasconne du nouste Enric, qui lui aurait fait prononcer l’italien Concini sans perdre l’accent tonique.
    Henri IV - Le grand-dessein

    Finalement, il semble que "Conchine" était alors une prononciation courante pour Concini, et pas seulement par des gascons d’origine.
    Maintenant, la prééminence de l’écrit sur l’oral ne le permettrait pas, et dans le monde français, l’accent tonique se placerait sur le i final.

    *"elle", c’est la reine, Marie de Médicis.

  • La prononciation/déformation "Conchine" permettait de garder l’accent tonique là où l’italien le place, en avant-dernière syllabe (voire dernière,le e étant muet). Et l’époque transformait toujours les noms étrangers (voir Bouquinquant pour Buckingham).
    Qu’en était-il des noms des nombreux gascons de l’environnement d’Henri IV (et avant lui, d’Henri III) ? Ils étaient bien français de nationalité mais étrangers par la langue. Je n’ai pas à l’esprit de telles transformations.

  • « Dans le film La Reine Margot, de Patrice Chéreau, Daniel Auteuil interprète un Henri de Navarre parlant un français standard. Le futur Henri IV (1553-1610) avait pourtant un accent gascon à couper au couteau. Son français était mêlé à tant de gasconnismes que certaines élégantes de la Cour, écœurées, partirent abriter leurs échanges sophistiqués dans des salons. »
    http://www.slate.fr/story/174804/grands-personnages-francais-histoire-langue

    Et aussi :
    Comment parlait Henri IV et avait-il engasconné la Cour ?
    « Depuis quinze jours en ça les forces de France et d’Espagne sont affrontées » (1597). Le béarnais dit miey an en sa, demi-an en ça (depuis six mois). « Vraiment ma venue était nécessaire en ce pays, si elle le fut jamais en lieu » (1593). En béarnais, on dit : si-n troubatz en loc : si vous en trouvez en un lieu (pour quelque part).
    https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article7093


Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs