Le tropisme basque des fêtes estivales Ou quand les Gascons font de la Vasconie sans le savoir

- Vincent P.

Je me trouvais à Eauze, samedi dernier, lors des fêtes : petite frustration, je venais y voir le musée archéologique, il était fermé, dommage (je me suis rabattu sur *la domus de Cieutat, avant de reprendre la route vers le Béarn pour le week-end ...).

* : cf discussion ci-après sur le genre de domus en latin

A Eauze, au frontispice d’une maison à colombages sur la place centrale, les drapeaux du Béarn, l’écartelé gascon et les armes de la Navarre. Des jeunes en habits blancs et à foulards rouges qui chantent, phonétiquement, Hegoak. Des vieux à bérets, l’accent du Sud-Ouest, fort, dans les bouches de chacun, à défaut du gascon, probablement éteint.

Toute personne étrangère à nos terres du Sud-Ouest (je n’ose plus dire gasconnes), mais suffisamment imbibée des clichés de la France contemporaine, n’aura pas de mal à dire tout ceci basque, et ce du premier coup d’œil. Comment leur donner tort ?

L’on peut débattre ad libitum de ce que tout ceci signifie. Oui, il y a perte identitaire, le gascon est mort, ou d’usage social nul, et les autochtones ont besoin du miroir basque pour leur décorum festif. Pour autant, j’y vois un signe positif : si la culture basque, parente de la culture gasconne, est aussi populaire, c’est qu’il reste quelque chose d’un sentiment local. Et ce n’est pas facile à Eauze, dans la nouvelle méga-région "Occitanie", aux accents méditerranéens !


En illustration : une affiche pour les fêtes de Bordères-sur-l’Echez, en banlieue tarbaise.

Grans de sau

  • Petite remarque de genre :
    Pour le "(sic)" après le " la" et avant "domus" pour "la domus de Cieutat".
    Il est inutile car domus est bien féminin en latin : c’est domus, domus au féminin (et pas domus domi au masculin).

  • Sans doute as-tu partiellement raison, Vincent et il faut s’efforcer (je le fais aussi souvent que possible ) de voir le côté positif des choses. Mais aujourd’hui - effet de la fatigue du jour, peut-être - je ne peux m’empêcher d’y voir un pitoyable reniement de soi-même, un jeu enfantin à l’échelle d’un village, celui des déguisements ("Bordères se transforme en basque" !).
    Mais demain, plus en forme, reviendrai-je peut-être à ta perception... et de toutes façons les enfants se lassent vite des déguisements et passent rapidement à d’autres.

  • Au sujet de la tenue blanche et foulard rouge des hestayres, Tyrosse essaye cette année de relancer le "yemé" pour ses fêtes :
    http://www.sudouest.fr/2016/06/27/lou-yeme-est-arrive-2414390-3350.php

    • Ce retour au "yemé"* me parait une saine réaction : retrouver ce qui est vraiment sien, à l’encontre des modes venues d’ailleurs.
      Je note que la seule réaction à cette heure à l’article de "Sud-Ouest" est cependant négative : ce serait moins joli que la tenue blanche au foulard rouge ; et puis ça obligerait ceux qui viennent d’ailleurs à se racheter une tenue, voire même 4 yemés, un pour chaque jour de fête si je comprends bien...

      Personnellement, moi qui suis arrivé à me bricoler des tenues blanc et rouge (certes assez peu conformes), je peux être agacé de devoir acheter une nouvelle tenue. Je l’ai ressenti pour les fêtes de la Madeleine au Moun, où les couleurs sont le bleu et blanc. Du coup je n’y suis jamais allé, mais c’était pas la seule raison...

      Ces fêtes sont-elles seulement pour les autochtones ou pour des hestaires voyageurs ?
      Dans mon optique de constellation de hestes gascounes, je voudrais aussi satisfaire les seconds (dont je suis !)... fédérer toutes les hestes par un élément commun, une couleur commune...
      Un compromis possible : mettre le yemé avec un foulard rouge. Reste l’achat du/des yemé(s)... Le principe de verser une obole à l’organisateur parait juste.

      * yemé = gemèr (gemmeur), prononcé en negue gema = gemme, résine

  • Sur l’affiche "Bordères sur l’Echez se transforme en basque", j’ai vu le site web de l’organisateur Gaia Elkartea :
    « GAIA est une association loi 1901, active depuis plus de 20 ans dans le monde culturel et sportif au Nord du Pays–Basque. Elle est issue du village de Saint-Martin d’Arberoue. »

    Il semble que Gaia Elkartea fasse du bon boulot pour transmettre le patrimoine culturel basque, et en particulier ses jeux traditionnels.

    Ce qui peut nous faire tiquer, c’est que Gaia Elkartea va faire à Bordères sur l’Echez - sans doute à partir d’une demande locale - une transmission hors-sol, ce qui est contradictoire.
    Du coup, c’est un peu superficiel, comme un repas basque au restaurant d’entreprise de xxx dans le quartier d’affaires de La Défense à Paris. Il y aurait aussi le poulet basquaise et le gâteau basque au menu...

    Bien sûr, si Bordères sur l’Echez et la Bigorre tarbaise cultivaient (avaient cultivé ?) par ailleurs leurs propres traditions, ça pourrait passer pour un échange - d’ailleurs un échange entre voisins* - et une association de Bordères pourrait porter en retour la tradition festive bigourdane à Arberoue en Pays basque...
    Sabi pas s’ac haran atau...

    * et il se peut que jadis la Bigorre ait eu des jeux cousins des jeux basques

  • La tenue blanche et rouge de quasiment toutes les fêtes gasconnes est aussi copiée sur Pampelune, archétype de la fête dans le Sud-Ouest. Le blanc et le bleu de Monte-de-Marsan, identique à Saint-Sébastien et à Bilbao. S’il y a un tel tropisme basque en Gascogne, il faut se demander pourquoi. Pourquoi les Gascons sont-ils attirés par ce modèle ? Y a-t-il atavisme ? N’est-ce vraiment qu’un "pitoyable reniement de soi-même" ? Peut-on parler de "hors-sol" entre Gascogne et Pays-Basque ?
    Ce n’est tout de même pas s’habiller en cowboys et danser aux sons de la musique country, fêter halloween, organiser des fêtes de la bière avec un orchestre bavarois (il existe un orchestre bavarois du Born. Quel rapport avec la choucroute ?). Et les corridas en Gascogne, les espagnolades en tout genre (bodegas, peñas, sangria, musique flamenco, festival Tiempo latino, Toros y Salsa, Flamenco à Mont-de-Marsan). Qu’est-ce qui est le plus hors-sol, jouer au basque (basco-landais, basco-gascon) ou singer l’Andalousie ?
    Il va aussi falloir songer à raser toutes les maisons de style néo régional basco-landais et glorifier le mas provençal, le méditerranéen rose et jaune orangé qui règne en maître dans tous nos lotissements. Ce sera moins hors-sol et plus occitan.

  • Non, cher inconnu de retour, ce n’est en effet pas la même chose ; en d’autres termes, c’est moins grave mais c’est grave tout de même. C’est bien en mineur un reniement de soi même.
    Quant au monde taurin, il y a bien une unité d’esprit (dans la diversité des des pratiques taurines) unissant toute la péninsule ibérique (Pays basque et Catalogne inclus quoi qu’ils en disent !) et un tiers ou une bonne moitié des pays d’oc (Gascogne et Provence au moins).
    Les bandas jouant seulement des airs espagnols, j’aime modérément mais ça n’est pas pire que ne jouer que des airs basques.

  • Je pense que nous nous trompons à voir l’élément basque comme irrémédiablement étranger en Gascogne, surtout méridionale, dans son expression populaire.

    Pour deux raisons :

     La première, c’est que nous partons du principe que les Basques de France ne seraient pas eux-mêmes acculturés : rien de plus faux. Si le Pays Basque intérieur, très intérieur, est encore pas mal épargné par les vicissitudes de la transmission culturelle imparfaite, il n’en est pas du tout de même sur la côte, bien évidemment, mais également en Soule, à la sociologie pyrénéenne plus "française".

    Bref, les bascouilleries de pacotille sont aussi le lot des fêtes de Mauléon ou des fêtes de Saint-Jean-de-Luz, les bandas interprètent pareillement des fandangos ou des airs basques stéréotypés, ... Il n’y a aucune différence majeure entre un Basque à l’accent basque, un peu aviné, et un Gascon à l’accent gascon, lui-même aviné.

     La deuxième, c’est que la culture du Pays Basque de France, qu’on le veuille ou non, depuis deux siècles, n’est pas différenciée outre mesure de celle du "Sud-Ouest" de la France.

    C’est la même sociabilité, les mêmes mouvements culturels de fond, parce que si ce n’est la langue (et c’est primordial), rien ne distingue vraiment les pratiques culturelles basques modernes des pratiques culturelles des Gascons immédiatement voisins. Et cela est assez ancien, probablement depuis des siècles.

    Non, plus que l’adoption par des villages gascons des oripeaux basques, la nouveauté est plutôt que depuis quelques décennies, les Basques de France s’éloignent de leurs voisins gascons, en piochant dans un univers "basque du Sud", plus hard, plus ethnique. Cela vaut aussi pour les manifestations sociologiques ou politiques.

    Bref, le vrai mouvement de fond, c’est la défrancisation, sur un moule "France du Sud-Ouest" (vague mirage de l’ancien monde gascon) de larges secteurs basques.

  • « l’élément basque comme irrémédiablement étranger en Gascogne »... certes pas irrémédiablement, surtout si nous réussissons à populariser le regroupement Gascogne - Pays basque dans l’ensemble vascon !

    Mais... étranger quand même, et de plus en plus à mesure que, comme tu le dis Vincent, « les Basques de France s’éloignent de leurs voisins gascons » !

    Une nouvelle Vasconie basco-gasconne émergera peut-être si on ne fait pas du hors-sol, si on n’ignore pas la différence basque/gascon - même si elle est en partie fantasmée, si on ne se contente pas de plaquer des oripeaux basques sur le sol gascon.

    Il y a aussi une question de fierté : quand on est gascon, on ne doit pas se basquiser, on doit assumer son héritage propre et dialoguer d’égal à égal avec les basques, en promouvant si possible un espace commun (la Vasconie), comme il existe de fait déjà avec la Guyenne ou avec l’Occitanie.
    Si on n’apporte rien dans la corbeille de mariage, on est méprisé du côté du conjoint...

  • La vasconie existe... presque !

    DIAGNOSTIC
    Citoyenneté Eurorégionale
    Persistance de la « frontière », méconnaissance mutuelle des deux régions, absence de sentiment eurorégional, différences culturelles importantes, différentes façons de travailler, la langue agit comme une authentique barrière, échanges rares ; absence d’un réseau approprié de transport public…

    /http://www.aquitaine-euskadi.eu/strategie/citoyennete-euroregionale/

    La "nouvelle Aquitaine’’ ne devrait pas arranger cette tentative de rapprochement.

    Pour ma part je préfère le pays basque (sans à avoir à apprendre la langue) à la néo-Aquitaine...

  • Il y a un document de travail en pdf qui planifie les actions sur 2014-2020.
    On y trouve des cartes montrant la juxtaposition des deux régions qui forment l’eurorégion : la CAV (Communauté Autonome Basque) et "l’ancienne Aquitaine".
    Déjà, il y avait un déséquilibre et une bizarrerie : la CAV est toute petite et ne communique avec l’Aquitaine que par un isthme très étroit : la où le Gipuzkoa touche la France ; la Navarre ne fait pas partie de cette eurorégion !!!
    Alors maintenant, avec une Aquitaine qui va jusqu’à Châtellerault et Guéret...

    Et comme il était question de créer un sentiment d’appartenance commune, en particulier chez les jeunes... il faudrait maintenant que ce sentiment d’appartenance commune habite aussi les jeunes poitevins et limousins. Va-t-on leur faire des cours de rattrapage en espagnol, de l’initiation au basque (que même 32406465 rechigne à étudier...) ?

    Bref, encore un grand gâchis !

  • La grande Nouvelle Aquitaine a moins de budget et de pouvoir que la toute petite CAV. N’oublions pas que nous sommes en France jacobine et centralisatrice, on crée des géants aux pieds d’argile. Ces eurorégions sont donc des fictions tant la différence est grande entre les compétences des divisions administratives françaises et les régions quasi autonomes des pays voisins.

  • je suis tout à fait d’accord avec ce qu’écrivent Tederic et Vincent en 7 et 8.Quant à l’eurorégion,cela me rappelle le "Consorcio pirenaico" annoncé à son de trompes au début des années 2000 par les régions Aquitaine et Midi Pyrénées associées aux Communautés de Navarre, d’Euskadi et d’Aragon ,ledit Consorcio n’ayant,que je sache(Artiaque a-t-il des infos autres ?) accouché de rien.A la rigueur aura-t-il joué en faveur de la réouverture de la voie Oloron -Canfranc

  • A Vincent Poudampa

    Si vous avez vu le musée dans l’ancienne gare et la domus alors vous avez vu le plus intéressant. Le musée archéologique avec le trésor l’est un peu moins. Par contre, il faut aussi aller à la villa de Séviac.
    D’autre part, Eauze est une petite ville très agréable.

    • Oui, c’est possible, mais je ne visite pas les musées véritablement pour les collections, sauf musée exceptionnel de peintures (ce que ne sont ni le musée des Beaux Arts à Bordeaux, ni le musée des Augustins à Toulouse, au contraire de Bonnat à Bayonne, mais qui est fermé depuis des années pour rénovation), mais plus pour la muséographie, et à ce titre, le musée archéologique d’Eauze me semble ménager de belles photos potentielles, avec notamment toutes ces pièces de monnaie.

      Quant à Eauze, c’est une belle petite ville, qui cependant me semble un peu gâtée par le XIXème siècle, qui y a percé des artères qui éventrent un peu le vieux centre, qui n’est du coup pas assez "resserré" (ainsi qu’on peut en avoir la sensation dans les vieilles villes espagnoles). Les abords immédiats de la ville sont également assez moches, beaucoup de lotissements médiocres, pour partie sur l’ancienne Elusa d’ailleurs. Enfin, des années que je cherche, en vain, un belvédère sur la ville. Depuis Castelnau d’Auzan, il doit être possible d’obtenir quelque chose mais j’ai beau cherché, je ne trouve pas de point de vue.


Un gran de sau ?

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