La basquisation des toponymes de Bayonne

- Vincent P.

L’IGN, depuis quelques années, s’est engagé à éditer ses cartes en indiquant les noms en langue régionale des divers lieux-dits au Pays Basque ou en Roussillon.

Cela entraîne souvent une grande perte d’information car les toponymes, tels qu’ils avaient été transmis, possédaient une histoire et les formes romanisées en Pays Basque, souvent par l’entremise du gascon, étaient primordiales pour l’étude des toponymes vascons. Tant pis ...

On peut comprendre le souci légitime de voir transcrits sur les cartes les toponymes basques selon l’orthographe normalisée du basque. Mais la basquisation des toponymes de Bayonne n’est pas tolérable.

Les lieux-dits Biscardy et Recart de Bayonne, rive droite de l’Adour (donc dans l’ancienne commune landaise de Saint-Esprit !) sont transcrits tels quels depuis les premières cartes à notre disposition, et probablement depuis plus longtemps dans les textes anciens.

Il est clair que Biscardy comme Recart sont d’origine basques : ce sont bel et bien les formes romanisées de *Bizkardi ("lieu où abondent les croupes") et d’*Errekarte ("entre les ruisseaux"). Ces toponymes s’inscrivent dans une liste de toponymes basques romanisés assez denses en Gosse et Seignanx (le plus connu est Berrouague, sur les rives de l’étang d’Yrieux). Cela étant, ils peuvent très bien être tirés de patronymes basques, une étude au cas par cas est nécessaire.

Dans tous les cas, la langue de Bayonne, a fortiori celle de sa rive droite (il ne conviendrait pas de distinguer mais soit ...), est le gascon depuis que cette langue existe. Il n’y a aucune raison de rebasquiser des toponymes gascons, issus du basque.

D’ailleurs, on remarque que nos apprentis sorciers ont loupé Lahubiague, qui est aussi un toponyme basque gasconnisé, au Sud de Lachepaillet. Ils sont aussi passés à côté de toponymes gascons de la rive droite assez ambigus, qui pourraient être basques : Sarronguitte, Arcoundaou, Laduche.

De même, les toponymes basques du Boucau ont échappé à cette hyper-correction : Picquesarry (qui est un patronyme) et Lissonde.

Bref, Bizkardi et Errekarte sur les cartes de l’IGN sont une aberration. On ne peut pas m’accuser d’anti-basquisme primaire. Juste que cela n’a aucun sens historique.

Grans de sau

  • Si les croupes abondent à Biscardy, je vais aller m’y installer au plus vite. Pouvez-vous nous donner plus de détails ?
    Pour le reste, les Basques sont parfois affligeants d’inculture quant à leur Histoire propre. Ils sont dans le folklore et la mythologie de bas étage. Rien à envier aux fariboles du roman national français.

  • Des croupes, des mottes, des tétons, ... autant de métaphores orographiques. Sauf à faire la preuve que Biscardy, comme nombre de lieux-dits, n’est qu’un patronyme figé comme toponyme.

    Dans tous les cas, Biscardy ne paraît pas sur la carte de Cassini. Ce qui est certain, c’est que la phonétique du gascon neugue de Bayonne autorise qu’il s’agisse là d’un ancien *Biscardie (simplification de -ia final en í), autrement dit une formation totalement romane sur la racine, certes d’origine pré-indo-européenne, *biscar(r).

    Cf Biscardel en Bas-Quercy au Nord de Montauban, qui doit probablement faire état de cette racine, suffixée en -èl (latin -ellum). Le passage -rr > -rd- s’explique par une dissimilation phonétique standard.

  • J’abonde dans le sens de Vincent, mais je voudrais expliquer encore, parce que la critique qu’il fait de la (re)basquisation par l’IGN de toponymes bayonnais risque d’être mal comprise.

    Ce qui ne va pas, c’est que l’IGN n’a pas tenu compte de la spécificité de Bayonne en général, et encore plus de sa rive droite de l’Adour : le fait que le gascon y a été la dernière "langue régionale", parlée massivement, et depuis bientôt 1000 ans (à la louche)...
    L’IGN a voulu appliquer à cette zone charnègue, qui a certes un lointain passé basque, la règle appliquée au "vrai" pays basque.

    C’est comme si l’IGN regasconnisait tout d’un coup, sans réflexion, les toponymes du Blayais supposés gascons, sans faire attention au fait que le gascon n’y a plus été parlé depuis des siècles (si il l’a été, ce qui semble quand même être le cas).

    Autre comparaison : c’est comme si l’IGN reflamandisait les toponymes du côté de Saint-Omer (genre Isbergues, Zutkerque etc.) là où le flamand a été supplanté par le picard il y a des siècles.

    Le retour à des formes de toponymes plus proches de leur origine linguistique même lointaine n’est pas à exclure, mais demande à mon avis la définition préalable d’une politique, d’une méthode intégrant les différentes couches linguistiques successives ; et le souci, également, de la réception que fera la population actuelle de ces changements.

    Finalement, je ne suis pas forcément contre écrire "Bizkardi" à la place de "Biscardy" (graphie plus française que gasconne) ; je ne suis pas forcément contre (mais c’est déjà différent, parce que ça va plus loin que la graphie) réécrire "Récart" en "Errekarte".
    Mais ça doit se faire au terme d’une réflexion approfondie.
    Le cas des toponymes qui viennent d’un nom de personne déplacée doit aussi être traité.

    Enfin, dans une zone où une bonne partie des toponymes sont gascons, il n’y a pas de raison de ne considérer que les toponymes basques. Mais là, comme l’IGN n’a aucune politique envers les toponymes gascons, il faudrait partir de zéro.

  • Oui, nos amis - et cousins - basques, dont l’identité est une évidence qui se vit au quotidien, n’ont pas fait le ménage nécessaire dans le tissu de niaiseries romantiques du XIXème siècle.

    Le roman national basque est parfois exaspérant. Nous-autres, Gascons, avons une chance infinie, celle d’être des losers de l’Histoire et donc de pouvoir contempler celle-ci avec beaucoup de recul et d’acuité scientifique.

    Parmi les traits les plus horripilants du nationalisme basque se trouvent la quête des origines  : cela va des délires sur le Jardin d’Éden dont le basque aurait été la langue aux fantasmagories préhistoriques sur Lascaux et Altamira.

    Il convient, en toute occasion, de faire état des dernières avancées de la génétique des populations : les populations basques modernes ne sont pas les descendants inaltérés des chasseurs-cueilleurs et des artistes pariétaux du Paléolithique supérieur.

    Les études les plus récentes, je n’insisterai jamais assez, font la preuve que les Basques sont proches des populations du Néolithique européen, autrement dit des premiers fermiers, en provenance du Moyen-Orient, qui étaient eux-mêmes métissés de populations de chasseurs-cueilleurs, au fur et à mesure de leur progression vers l’Ouest.

    L’originalité basque, tout comme les Sardes, et probablement les populations vasconnes, est d’avoir, dans une proportion à déterminer, échappé à la dernière migration massive en provenance de l’Est et de la steppe, celle des Indo-Européens (qui a vraiment profondément modifié le paysage européen, notamment en Europe centrale).

    Les Basques ne sont pas une population aussi ancienne que leurs franges nationalistes le prétendent : l’histoire de ce peuple est pleinement européenne, à savoir faite de migrations successives, de génocides de populations autochtones pré-existantes ou d’assimilations, avant la grande stabilisation de la Pax Romana.

    Le peuple basque est lui-même probablement assez divers, et il est des mythes qu’il convient également de détruire. Pèle-mêle :

     Bilbao est une ville qui se trouve, depuis des temps immémoriaux, à la frontière entre populations romanophones de souche cantabre (les Encartaciones) et populations bascophones (la Biscaye véritable), une limite qui correspond déjà à la frontière avec les Autrigons, qui devaient parler le celtique.

     La vallée de l’Èbre en Alava comme en Navarre est un pays roman depuis aussi longtemps qu’il existe une langue romane distincte du latin. La limite médiévale du basque en Navarre est parfaitement balisée vers Artajona : le recul de cette langue en Navarre est avéré, mais cela ne justifie pas de basquiser la vallée de l’Èbre qui possède sa propre culture, où l’élément basque n’a jamais dominé (bien que présent par voisinage).

     De manière générale, le roman national basque ne comprend pas que le phénomène urbain depuis le Moyen-Âge est l’affaire des populations romanes. Saint-Sébastien est une création gasconne, un avant-port bayonnais, qui a probablement adopté le castillan sans transition basque. Pampelune est une ville de "francos" (populations de la France méridionale, notamment du Massif Central) au sein de laquelle l’élément basque autochtone était minoritaire. Idem Estella. Ne parlons même pas de Bayonne, le grand port gascon après Bordeaux, qui en quelques décennies, est passée de la ville détestée qui acculturait à une capitale fantasmée d’Iparralde.

    Il faut aider les Basques à détruire leurs mythes. Car leur identité est suffisamment solide pour affronter un reality-check. Nous sommes les mieux placés pour le faire, car nous sommes les détenteurs d’une culture somme toute en tout point similaire, pourtant exprimée dans une autre langue. Quand les nationalistes basques accepteront que leurs voisins existent, cela ira mieux.

  • Une partie du problème est aussi que l’on restitue une forme basque, sans rien savoir même de ce que pouvait être le basque local : il est probable d’ailleurs que comme tous ces dialectes basques aturins, il était procédé à la confusion entre z et s. On aurait eu quelque chose comme Biscardi/Bixcardi.

    Tout ceci est sans importance. Si les populations locales sont d’accord pour restituer des formes basques hypothétiques, nous n’avons rien à dire, car il s’agit là alors d’une décision qui fait sens politique

    Sens politique donc, mais pas de sens historique. En effet, pour les locuteurs locaux depuis des siècles sur cette zone, Biscardy ne se différenciait pas de Habas ou Vignau. La connaissance qu’il s’agit là d’un reste de substrat plus ancien est une idée neuve, induite par les progrès de la science linguistique. Elle n’était pas du fait des populations locales.

    En ceci, restituer des formes basques dans des zones où cette langue n’a pas eu de transmission naturelle autochtone depuis des siècles est une expérience de vaudou et de travestissement historique, qui ne peut être effectuée qu’avec le consentement général.

    Notez qu’il en va de même quand on procède de façon identique à Bassussarry, dans la périphérie de Bayonne, qui était un village en voie de gasconnisation lorsque la francisation est venue interrompre le phénomène.

    Le lieu-dit gascon Argelous est désormais graphié sur les cartes IGN : Arjeluz. Il convient de savoir si cette forme est celle des derniers locuteurs basques des lieux, qui avaient adapté un toponyme gascon (probablement patronyme à l’origine) ou s’il s’agit d’une décision arbitraire, par méconnaissance de la nature gasconne du lieu-dit.

    Sur la même commune, des toponymes gascons comme Moussans, Betbeder, Lataste, Peillé, ... ne sont pas traduits, ou adaptés en basque selon la prononciation locale. Pourquoi ces différences ?

    Un exemple en France de politique similaire est la celtisation forcée de la Haute Bretagne de langue d’oïl autour de Rennes, Nantes et Saint-Brieuc, dite "gallo" (assez improprement pour différencier la langue de la Haute Bretagne de celle du Maine ou de l’Anjou, qui est pourtant la même).

    Là haut, il semble que la celtisation artificielle (restitution de formes bretonnes dans des lieux où le breton n’a pas été parlé depuis 1.000 ans) ne fasse pas l’objet d’une forte opposition. Au contraire, le breton est perçu comme la seule langue régionale légitime en Bretagne, face au gallo trop français. Rennes vient de baptiser son stade de foot : Roazhon Park.

  • En gascon occidental, -ia accentué sur le i donne "-iye" (pègaria "pègueriye") ; c’est -ia accentué sur l’avant-dernière syllabe qui donne "-i" (nòvia "nòbi"). Donc *Biscàrdia ! Mais bon c’est un détail.

    Au sujet de Biscardel, c’est au moins un chafre : http://www.geneanet.org/search/?name=biscardel&ressource=autres. Est-ce à rapprocher de biscardet "fripon" (https://apps.atilf.fr/lecteurFEW/index.php/page/lire/e/238466 ; mais que signifie Puiss. ???), ou plutôt de biscarda "nasse" (mot gascon) ?

    Pour en venir au coeur du débat : qu’appelle-t-on "gasconniser" ou "basquiser" ? S’il s’agit de traduire en basque (ou d’écrire en graphie basque normalisée) un nom gascon, d’accord, ça pose problème. S’il s’agit de passer en graphie IEO un nom gascon (p.ex. en Blayais comme dit Tederic), ça pose problème aussi, parce que cette graphie n’est pas connue du public. Mais s’il s’agit d’un nom déjà basque que l’on met en graphie basque normalisée, où est le problème ? Que le gascon ait été massivement parlé à une époque récente dans la région, on avait des toponymes basques et ça reste des toponymes basques. Quant aux toponymes gascons, tu dis, Tederic, que l’IGN n’a aucune politique envers eux... eh bé heureusement ! Imagine qu’ils se mettent à écrire en graphie alibertine.... qu’ils traduisent "rue" par "carrèra" et "avenue" par "avienuda" jusqu’à Libourne... qu’ils alibertinisent même les toponymes issus de patronymes non gascons... où irait-on ? :)

    @Vincent : "Sur la même commune, des toponymes gascons comme Moussans, Betbeder, Lataste, Peillé, ... ne sont pas traduits, ou adaptés en basque selon la prononciation locale. Pourquoi ces différences ?"> De quoi se plaint-on ? Les toponymes basques restent basques, les gascons restent gascons ! Malgré quelques erreurs comme Arjeluz que tu cites.

  • Il me semble bien que la toponymie fait la preuve de la tendance de la simplification en gascon neugue de Bayonne jusqu’en Maremne de simplifier -ia tonique en -í.

    Cf le patronyme Lahary qui est évidemment Laharie, le village landais. Le lieu-dit Mayenty à Angresse (40) (qui doit être Magendie). En tout cas, lorsque la forme est plurielle, c’est -ís : cf les innombrables Beyris, qui sont tirés de Veirias.

  • "On avait des toponymes basques et ça reste des toponymes basques".

    En quoi Biscardy et Recart sont-ils des "toponymes basques" ?

    Oui, ce sont des toponymes formés en langue basque originellement, parce que nous savons, par analogie et connaissance du basque (certes très parcellaire) que ce sont des formations linguistiques basques (encore qu’il y ait débat).

    Néanmoins, leur traitement phonétique est gascon : Recart est la gasconnisation absolument classique d’Errekarte (chute du -e final, chute de er- initial par mécoupure).

    Biscardy n’a pas été très modifié, peut-être du fait d’une accentuation spécifique, comme souvent s’agissant d’un toponyme d’origine basque (recul de l’accent tonique), à moins qu’il ne s’agisse d’un patronyme, donc plus stable.

    Dans tous les cas, Biscardy et Recart font partie d’une série de toponymes de vieille origine basque, passés par le moule de la langue romane locale, le gascon, qui a succédé au basque il y a plusieurs centaines d’années.

    L’on détecte pareils toponymes "basques" bien au Nord encore dans ces landes côtières. Je prends au hasard la carte IGN autour de Seignosse. Sont d’apparence bascoïde : Yreye, Yrache, Liposse. Juste un coup d’œil, sans creuser plus, ils doivent être plus nombreux.

    Bref, des toponymes "basques", l’on en trouve ailleurs que sur la rive droite sur le territoire communal de Bayonne ... Je ne sache pas qu’on les rebasquise en restituant des formes hypothétiques originelles.

    En suivant pareil raisonnement en effet, l’on se trouverait à élaborer des formes celtiques aux toponymes celtes comme Izon ou Lauzun. Pourquoi pas restituer également les formes latines des toponymes en -an ?

    On ne s’arrête finalement jamais ... La linguistique n’est pas qu’une science abstraite. Connaître l’origine des mots est une bonne chose, mais il convient également de prendre en compte le contexte socio-linguistique. L’obsession des étymologies me semble un virus que l’on attrape dans l’occitanisme ...

    Quand une zone donnée parle une langue donnée et a conféré à des mots ou toponymes issus d’une couche antérieure une nouvelle forme, conformément à ses propres caractéristiques phonétiques, il n’y a aucune raison valable de restituer la vieille couche sur des fondements fatalement hasardeux. L’ancienne couche est fascinante mais elle est ce qu’elle est : une ancienne couche.

    Restituer l’ancienne couche, selon des règles à élaborer arbitrairement (on sait quoi du vieux basque de la rive droite de l’Adour ? Sauf à utiliser le batua, auquel cas, la symbole est évident ...), ne peut être qu’un acte politique, émanation de la volonté générale. C’est ce qu’il se passe dans les environs de Bilbao, sur la rive gauche du Nervion, où le basque n’était pas la langue locale. Mais la volonté de s’identifier au fait basque moderne, donc à sa langue, a conduit à la réfection maladroite de toponymes basquisés (Traparagan, Muskiz, ...).

    On peut déplorer cette manière de faire, mais nous n’avons rien à dire ... Si l’on me fait la preuve que les Bayonnais souhaitent pareille politique, je m’inclinerai, non sans dire mes arguments. Mais vu que des toponymes comme Lahubiague ont été oubliés, j’ai bien plus dans l’idée qu’il s’agit là d’une politique cosmétique faite à la hâte sur des toponymes plus transparents que d’autre, visant à ancrer Bayonne dans un monde basque pour lequel elle a longtemps été le foyer d’acculturation.

  • Quelques toponymes basques (ou "bascoïdes") des environs proches de Bayonne, au nord de l’Adour :
     Tarnos : Birangos, Daguerre, Garros, Etang de Garros, Serrumby
     Le Boucau : Lissonde, Picquessary
     Saint-Esprit : Arcoundaou, Bizkardi, Errekarte, Gassané, Mouqueron

    Seuls BIZKARDI et ERREKARTE ont été basquisés, graphiquement pour le premier, avec restitution de l’étymon pour le second.

    BIZKARDI : Biscardy sur le cadastre napoléonien de 1831. Désigne en basque un "lieu de croupes" (bizkar(r) + suffixe -ti/di). Une forme basque correcte devrait faire apparaître l’article -a, qui suit chaque nom de maison. Il me semble que la gasconnisation phonétique des toponymes basques supprime automatiquement cet article final, et applique ensuite ses règles :
    Bizkardia —> Bizkardi —> Bis’cardi

    ERREKARTE : Recart sur le cadastre napoléonien de 1831. En basque : "entre les eaux" (erreka + arte). Même chose, ce serait normalement en basque Errekartea :
    Errekartea —> Errekarte —> (Er)re’cart

    Il est vrai que les travaux entamés par l’IGN et l’Académie de la Langue Basque visent uniquement à orthographier les toponymes d’origine basque situés en zone administrative basque (comprendre désormais "Communauté d’Agglomération du Pays Basque") avec les règles actuelles de la langue basque.
    L’évolution due à une prononciation gasconne dans tout le Bas-Adour a marqué l’histoire de ces toponymes. Mais elle ne rentre hélas pas pour l’instant en compte dans ces travaux.
    Je pense qu’avant une volonté politique de vouloir "basquiser" à tout vent, il y a surtout une méconnaissance de l’influence de la langue gasconne dans ces secteurs sharnègos.

    Mais rien n’est irrémédiable !

  • Ce joli Arcoundaou (qu’on retrouve dans la rue d’Arcondau à Bayonne) reste mystérieux pour moi.
    Il est d’apparence gasconne, je l’analyse comme Arrecondau ; donc Recondau avec le a prosthétique ? Le problème est de trouver un sens à ce Recondau ; Condau existe mais pas Recondau.
    Le basque a Errekondo (errek ondo : près de la rivière ?) ; Recondo est un patronyme basque ; est-il possible qu’il ait été gasconnisé par attraction de Condau ?
    Le patronyme Recondau, qui pourrait être une clé, a une attestation, dans le département 33 ; c’est peu, d’autant plus qu’il peut s’agir d’un Recondo francisé, comme il y a au moins une trace de Recondeau en Pays basque.

  • Arcoundaou est selon moi un toponyme basque fortement gasconnisé.

    A rapprocher des toponymes suivants :
     Arcoundaou, maison de Bayonne nord
     Arcundoa, maison d’Orègue (Pays de Mixe)
     Errekondoa, maison d’Ordiarp (Arbaille)
     Errekondoa, maison de Lacarry-Arhan (Haute-Soule)

    Si l’origine est basque, ces quatre noms peuvent venir d’un Errekondoa, fortement romanisé pour le cas de Bayonne, soit un lieu "près de la rivière".
    Les noms de Bayonne et Orègue, tous deux au contact de la langue gasconne, auraient pu être gasconnisés aussi bien par les traits de phonétique gasconne mais aussi l’attraction du terme arrèc de sens proche.

    Mais on pourrait aussi voir dans Arcoundaou et Arcundoa un composé simple arka/arku + ondo(a), soit un lieu "près des arcs" ou "près des arches de pont".

    Arcondo est aussi un patronyme des Pyrénées-Atlantiques.

  • Il est certain que c’est bien plus la méconnaissance des interpénétrations mutuelles entre gascon et basque qui explique de telles basquisations, et nous n’avons pas fait grand chose, côté gascon, pour tenir des propos cohérents, qui ne seraient pas mus par un anti-basquisme primaire, qui décrédibilise instantanément toute parole portée par ce camp.

    Un élément de contexte sur cette zone : il est quasi certain que la zone où se trouve Bayonne de nos jours devait être bascophone au Xème siècle, mais pas moins que les petits pays landais du nord de l’Adour comme le Gosse, ou encore une large part du Béarn frontalier de la Soule. La toponymie bascoïde y est suffisamment dense pour en être assuré.

    A compter de la séparation de Bayonne de la vicomté de Labourd, et de sa constitution en quasi-bastide, attirant avant tout des populations gasconnes de la vallée de l’Adour (mais aussi des populations basques, qui néanmoins, se romanisent), il est clair que la ville de Bayonne, emmurée, est un foyer de romanisation, comme le fut à moindre échelle dans un contexte encore plus enclavé La Bastide-Clairence.

    Tout cela pour dire que si l’on peut trouver des toponymes vraisemblablement basques sur le territoire communal de Bayonne ou du Boucau, il convient toujours de rappeler que pareils toponymes se trouvent plus au Nord, et il est nécessaire de démêler les vrais toponymes-fossiles, témoignage de l’ancienne langue basque parlée dans le Bas-Adour, passés par un moule roman, des toponymes-patronymes, fixés par migration ponctuelle d’un Basque à l’époque moderne.

    Ce travail, complexe, n’a clairement pas été mené, et il convient de le faire, avec ouverture d’esprit, sans anti-basquisme (oui, Biarritz et Anglet ont vraisemblablement été romanisés à date relativement récente, disons au XVIème siècle, et oui, ces deux paroisses étaient purement labourdines), mais sans tomber dans la mythologie basquisante (on peut tourner l’affaire ainsi qu’on le veut, mais Bayonne, c’est historiquement LA grosse ville romane des lieux depuis des siècles, la relation avec la périphérie basque a toujours été très conflictuelle).

  • Reprenons la liste des toponymes bascoïdes proposée par Peio :

    - Tarnos : Birangos, Daguerre, Garros, Etang de Garros, Serrumby
     Le Boucau : Lissonde, Picquessary
     Saint-Esprit : Arcoundaou, Bizkardi, Errekarte, Gassané, Mouqueron

     Pour Saint-Esprit :

    1. Biscardy apparaît en effet sur le cadastre napoléonien, et un toponyme voisin, désormais disparu, est Jauréguy. Juste à côté, l’on trouve également Héguy qui possède une apparence basque, ainsi que Chanda.

    Ces toponymes n’apparaissent pas sur la carte de Cassini. Ils sont concentrés dans une zone où, très vraisemblablement, les toponymes pour une grande partie, quand ils sont gascons, semblent tirés de patronymes, soit que les noms indiquent un lieu d’origine (Mérignac, Lesperon, Legaby, ...), soit qu’il s’agit d’un patronyme commun en Bas-Adour gascon (Niert), soit que la disposition des lieux ne correspond en rien à la signification du lieu, ce qui dénote plutôt un patronyme.

    Donc, à mon sens, Biscardy comme Jauréguy et Héguy disparus, s’inscrit dans un contexte d’habitat mobile à compter du XVIIème siècle : les migrations des Souletins sur la rive droite de Bayonne sont un fait très connu par exemple.

    Dans la même zone, on trouve des toponymes pas même gascons sur la carte d’État-Major du XIXème siècle : Clinquart, Rossi, ... Ce sont là les faubourgs d’une grande ville, d’un grand port, et il suffit de prendre les registres généalogiques de la ville pour voir combien les gens venaient parfois de loin à Bayonne. C’est un phénomène que l’on retrouve à Bordeaux.

    2. Même chose pour Recart, qui au passage est un patronyme fréquent en Gosse, du fait des mariages entre les deux rives. Je pense même qu’il doit être possible de trouver en Gosse des patronymes basques disparus des terres de langue basque, et conservés seulement côté gascon (comme Cambérabéro).

    3. Gassané : ce doit être le prénom gascon Gassanèr, forme contractée du médiéval Garssia-Aner. C’est un nom de famille porté à Tarnos à la fin du XIXème siècle.

    4. Mouqueron : on retrouve Mouqueron à Saint-Vincent-de-Paul (40) et Mouquerons à Saint-Laurent-de-Gosse (40). Le toponyme a les apparences d’un nom gascon. Avant d’envisager une construction sur le basque mokorr "motte", il convient de vérifier si en gascon sud-landais, le terme n’a pas eu une signification (un terme qui d’ailleurs pourrait avoir la même étymologie que le basque, mais qui aurait été nom commun en gascon, de telle façon qu’on ne peut pas parler de toponyme basque).

    Je pense immédiatement au terme voisin Mugron, que l’on retrouve partout en toponymie gasconne, de l’estuaire de la Gironde jusqu’aux Landes, pour vraisemblablement désigner des monticules, mugron étant potentiellement une forme contractée de mouqueron.

    5. Arcoundaou : ce toponyme est plutôt énigmatique en effet. On est clairement dans un cas où la seule étude du toponyme justifierait une étude pleine.

    Maintenant, une recherche rapide sur Google Books montre qu’il aurait existé un fief dénommé Arcondau, ainsi qu’une famille Lalande d’Arcondau, présente à date ancienne à Bayonne.

    Il y a donc des chances qu’Arcondau soit un véritable toponyme, la souche d’une famille qui y avait son fief. Ce n’était pas à proprement parler la paroisse de Saint-Esprit, mais celle de Saint-Étienne d’Arribe-Labourt, rive droite de l’Adour, dont le nom n’a, je crois, pas donné lieu à une explication satisfaisante (il semble clair que le Labourd s’est étendu rive droite de l’Adour, mais était-ce le Labourd au sens civil alors même que Bayonne en était détachée, ou l’évêché de Bayonne, héritier de Lapurdum ?).

    Dès lors, outre qu’Arcondau serait un vieux toponyme, il serait aussi très ancien.

    Faut-il envisager une gasconnisation de Errekondo ? Il conviendrait de voir, statistiquement, les façons dont le suffixe -ondo se trouve gasconnisé. En général, c’est plutôt -ondou (cf Mendiondou en Barétous). On aurait Recondou/Arcondou.

    Tederic propose un croisement avec condau "comtal". Pour un toponyme d’apparence basque, mais qui est en fait pleinement roman, vois Le Biscondau, quartier d’Oloron, qui est tout simplement ... "vicomtal".

    Malgré cela, je crois, d’instinct, qu’il s’agit bel et bien là d’un vieux toponyme basque très modifié, peut-être antérieur à la séparation de Bayonne du Labourd, en tout cas, de ces véritables et vieux toponymes de la rive droite comme Ardangos, qui a disparu des cartes actuelles, cité depuis le XIIème siècle à Saint-Esprit (cf Ardengost en vallée d’Aure).

    • En liaison avec la famille Lalande d’Arcondau signalée par Vincent, Geneanet donne aussi André DUBOSCQ D’ARCONDO.
      On a ici comme un retour à une graphie plus basque : Arcondo, patronyme basque signalé par Peio.

      Je partage votre avis ou "instinct" : Arcoundaou vieux toponyme basque très gasconnisé ; il a eu le temps de l’être sur la rive droite de l’Adour où le basque a perdu pied très tôt, et où un tel toponyme ne pouvait plus être compris.
      Je penche pour Errekondo : la présence du k a pu permettre l’attraction par "Condau" et donc une évolution de la finale en au qui ne se serait pas produite si la consonne précédente avait été autre.

      Maintenant, le patronyme Arcondo m’étonne, surtout quand je le vois à Masparraute ou Orègue, là où une gasconnisation a moins lieu d’être ; quoique...

  • Il n’y a aucun problème à envisager une influence romanisante à Masparraute et Orègue :

     Masparraute n’est pas très loin des terres romanes de Bidache et Bergouey-Viellenave, le nom du village est lui-même un composé romano-basque Mas (du latin mansem) + Barraute (du basque berroeta "endroit où abondent les broussailles").

     Nous avons abordé il y a désormais de nombreuses années les pénétrations gasconnes à Orègue, notamment autour du quartier des Barthes.


    Orègue

    Dans tous les cas, on peut supposer une souche unique pour le patronyme Arcondo, probablement la maison d’Orègue Arcundoa, que je ne trouve pas sur les cartes IGN actuelles, mais citée par Peio.

  • Arcundoa d’Orègue est située quartier Laharanne. Arcoundo sur le cadastre de 1825.

  • Le toponyme a manifestement été normalisé Arkondoa sur la dernière version des cartes IGN. Est-ce que ce travail de normalisation est véritablement sérieux ? Enquêtes de terrain ? Qui s’en occupe ?

    Je vois par exemple que la maison Charhipia est normalisée Sarripea : est-ce que l’on ne perd pas l’information d’un -rh- aspiré ? Je vois également que la rivière de Laharanne devient Laharan : en est-on certain ?

    Je sais qu’en Catalogne française, les toponymes sont normalisés selon le moule de la norme de Barcelone, on n’est pas loin du travestissement. Ce que je constate en tout cas, c’est que l’on est en train d’effacer des cartes IGN toute une histoire locale, celle des croisements entre basque et gascon, qui ont abouti souvent aux formes des toponymes.

    • Je vois que Géoportail ne présente pas encore cette version normalisée des toponymes dans ce coin du Pays basque.

      Par exemple, sur Géoportail, on a encore Hittakoeyhera et non Hitaeihera. Justement sur ce lòc de Gasconha.com (Orègue)
      Hittakoeyhera
      on voit trois effets différents de normalisation :
       le passage des y en i ; simple choix graphique
       la suppression du double t : Hitta -> Hita ; si le double t n’était pas spécialement prononcé, c’est une simplification graphique qui me parait bienvenue, et qu’on pourrait aussi selon moi appliquer aux toponymes gascon "Hitte".
       la suppression du -ko qui marque le génitif (Hitako = de Hita) : là il s’agit d’un choix qui va plus loin que la graphie, et touche la langue elle-même ; je ne suis pas compétent pour juger le bien fondé de la chose.

      Sur d’autres toponymes, on voit que l’IGN systématise la présence d’un a final, qui correspond en basque à l’article.
      Je remarque par exemple que Bixindaritz devient Bixindaritzea. C’est comme si en Gascogne, l’IGN rajoutait systématiquement l’article quand il n’y est pas : Bordenave -> La Bordenave. Je peux l’admettre comme un travail de rationalisation qui ne modifie pas réellement les toponymes. Sur Gasconha.com nous n’allons pas si loin, et nous nous préoccupons généralement du cas où le toponyme est un nom de famille devenu toponyme (par exemple un Bordenave qui a donné son nom à la Borde où il habitait ; dans ce cas, l’ajout de l’article peut être malvenu).
      Cela va peut-être plus loin, si le rajout du a final a pour but de systématiser la (maison de) Bixindaritz...

      Enfin, je vois que l’IGN change des formes qu’il estime peut-être fautives, ou trop locales : Alcheburia -> Altxuburua

  • Si, si, Géoportail propose les toponymes "mis à jour", en zoomant un niveau de plus sur les cartes.

    Pour le reste, je ne suis pas suffisamment compétent en basque, en fait même pas du tout, pour savoir si la généralisation de -a final se justifie. Je ne la constate pas côté espagnol dans les ouvrages que je possède qui analysent les domonymes de certaines communes, ni même sur le site de l’IGN espagnol.

    Iberpix

    Au hasard, un extrait de la carte autour d’Andoain : Itrumitz, Biribillondo, Oiartzun, ... L’article -a est présent seulement quand il y a nécessité de déterminer : Olaiko Gaina, autrement dit "Le Haut de Olai".

    J’ai un peu la sensation que ce -a final est généralisé sans vraiment de raison mais je ne connais pas suffisamment le basque pour en être sûr.

  • Géoportail mets à jour les cartes IGN petit à petit. Une histoire de temps.

    Voici un article paru le 19 août 2015 dans Sud Ouest Pays Basque au sujet des travaux toponymiques effectués sur l’ancienne communauté de communes du Pays de Hasparren en partenariat avec Euskaltzaindia, l’académie basque.

    http://www.sudouest.fr/2015/08/19/les-lieux-de-vie-mieux-identifies-2100367-4167.php

    Un groupe local de travail s’est aussi mis en place sur La Bastide-Clairence.

    Tederic, la présence du -a final était automatique en basque. Il s’efface cependant très souvent dans les zones sharnègas et même en Soule (sharnèga à sa façon) dans les formes orales lorsque l’on s’exprime en français.

    Par exemple, à Bardos :
    Urrutia —> U’rruti
    Errekaldea —> Re’calde
    Gerezieta —> Gre’ciét
    Ipharragerrea —> Iparra’guèrre

    Attention, les locuteurs basques de ces communes où le gascon est prépondérant ajoutent toujours ce -a final quand il parlent en basque.

  • Je crois qu’en basque, le suffixe -di s’applique à des arbres (plantation de, forêt de), si bien que ce *bizkardi m’étonne pas mal. Il existe les mots bizkarra, bizkarregi qui sont des toponymes connus (région de collines) et ce sont aussi des noms de famille basques. A ma connaissance biscardi est un nom de famille italien et non basque. L’origine du nom est germanique, latinisé en viscardus. Il pourrait s’agir ici du même nom latin. Villa viscardi -> biscardi.

  • 19. Les suffixes en -di et -doi s’appliquent dans la très grande majorité aux noms de végétaux, arbres, etc. mais aussi à d’autres éléments toponymiques comme les pierres : par exemple, hardi, hardoi (lieu de pierres). On retrouve d’ailleurs hardi dans le dictionnaire de Lhande (1920) avec ce sens.

  • Biscardi serait donc l’équivalent basque du toponyme français Guiscard, var. Giscard (Wisihardt en francique, c’était le nom d’un lieutenant de Charlemagne, latinisé en Viscardus, puis Guiscardus plus tard. Dans l’aire gascon, le mot est aussi un adjectif : biscard-biscarda (vif, éveillé) , que l’on trouve aussi sous la forme giscard (Montgiscard= monte guiscardo, XIIIe), C’est aussi un nom de famille gascon : Biscard.

  • Hardi : carrière de pierre, c’est vrai. Biscardi=*bizkardi (lieu de collines) ou bien Viscardus (germanisme latinisé, nom de personne et adjectif, biscard en gascon), la question est ouverte. Les deux sont possibles. J’aurais aimé que l’on trouve l’attestation de *biskardi en basque pour mettre en probabilité numéro un l’hypothèse basque. Pour moi, l’hypothèse germanique est mieux documentée (y compris Viscardus, attesté, et biscard en gascon), mais le "i" final me pose problème. Peut-être un dérivé marquant la propriété genre (villa) *viscardina.

  • La thèse du nom de famille d’origine germanique pose quelques soucis :

     Aucune attestation à ma connaissance que le prénom médiéval Giscard/Guiscard ait été Biscard parfois.

     Difficulté à expliquer le -y final (même si l’on trouve des Bernardy, sur Bernard, en pays d’oc, dont il convient donc d’expliquer la finale).

     Le nom de famille Biscardy existe, il est attesté Cadillac (33) par exemple, et semble d’origine italienne :

    https://gw.geneanet.org/rlatapy?lang=en&iz=5&p=antoine+henry+balthazar&n=biscardy

    Seulement, si l’on devait fouiller cette piste, il convient d’enquêter sur le fait de savoir si cette famille italienne a essaimé à Bayonne.

     Constatons ainsi que je le disais il y a quelques années, plus haut, que tout ce terroir rive droite à Bayonne a été peuplé récemment : entre la carte de Cassini et celle de l’État-Major début 19ème siècle, l’on constate un nombre important de maisons, qui portent probablement un nom de famille. Ainsi, les maisons Jauréguy et Héguy qui étaient proches, et ont disparu face à l’industrialisation des lieux.

     Il y a Biscardel à Lamothe-Capdeville (82), en pays languedocien en Bas-Quercy, dans un paysage assez tourmenté, ce qui pose la question, comme tant d’autres racines pré-indo-européennes, de son maintien dans les langues d’oc.

     Bizkardi est un toponyme en Navarre, a priori un sommet non loin de la frontière avec l’Alava : il n’y a donc aucun souci pour une telle formation en basque.

    https://mapcarta.com/es/N1243010076

  • A noter, pour l’anecdote, que le seigneur normand Robert de Hauteville avait comme surnom Guiscard ( = vif, avisé, en latin de l’époque Wiscardus ou Guiscardus). Robert Guiscard a conquis le sud de l’Italie au dépent des musulmans et fondé le royaume normand de Sicile avec son frère Roger. Voir Wikipedia Robert Guiscard.

  • Sur l’équivalence guiscard (avisé) et gascon biscard (vif), je pense qu’il n’y a pas de doute à avoir. C’était devenu un adjectif en roman au moyen-âge, même si, à l’origine, c’était un nom de personne. Biscard est la forme gasconne de l’adjectif. La question reste posée : étymologie euskarienne ou étymologie germano-latine pour Biscardi ? Les deux sont tout-à-fait possibles, puisque biscardi est attesté comme toponyme montagnard (ce qui ne vaut pas trop à Bayonne, mais bon, je l’admets, pourquoi pas) et biscard (de viscardus) est attesté en Gascon. Donc deux hypothèses possibles : biskardi à la basque ou un dérivé de Viscardus genre (villa) *viscardina ayant dérivé à la mode gasconne ou basco-gasconne. Personnellement, je me garderais de trancher, faute d’éléments décisifs. Mais on peut croire ce que l’on veut, bien sûr.

  • Je pense qu’il n’y a pas lieu de croire ce que l’on veut : il s’agit d’un toponyme qui ne paraît pas à date ancienne, qui se constitue manifestement fin 18ème siècle, il est donc possible d’enquêter et d’avoir le fin mot, sachant que mon instinct me fait dire que c’est un patronyme fixé comme toponyme, la question de son origine étant alors celle de "traquer" la famille à Bayonne, via les outils nombreux à disposition.

  • Ajoutons dans la température toponymique des lieux que l’on trouve en amont de Bayonne, donc non loin de Biscardy, dans les barthes à Saint-Martin-de-Seignanx (40), le toponyme Iscardy, que j’aimerais voir comme étant un patronyme devenu toponyme, mais sans que l’on ne trouve jamais qu’Iscardy ait été patronyme.

    Par ailleurs, une recherche sur Google Books montre que le domaine de Biscardy était la propriété de familles israélites au début du 19ème siècle. Le fait que ce domaine agricole ait eu une certaine importance me fait douter du caractère récent, en fin de compte : le fait que Cassini l’omette dit surtout de la résolution de ses cartes, qui ne vont pas tant dans le détail.

  • De fait, Hector Iglesias nous mentionne la métairie bayonnaise Biscardie (avec un -e, 19ème) qu’il explique, comme Vincent, par le basque bizkar- di, mais il oublie, lui-aussi, la possibilité d’une étymologie purement gasconne : maison ayant appartenu à M. Viscardus :(villa) viscardina -> biscardie. Les deux possibilités sont tout-à-fait acceptables et je vois mal pourquoi on devrait rejeter l’une ou l’autre.

  • Concernant Iscardi, Vincent a tapé dans le mille. Iscard(us) est attesté, un nom germanique très probablement (un toulousain portait ce nom), et la construction Iscardi serait la même que mon supposé Biscardi. Iscard est un nom de famille. Iscard(us) -> Iscard(en)a -> Iscardie. Au fond, cette construction romane est parrallèle à celle qu’on trouve à Saint-Jean de Luz : Lafitenia ( = Lafitenha, version basque).

  • A propos de Iscard(us) et du toponyme , on voit que le nom Iscard(us) est ancien. En tapant Iscardus dans google livres, je vois qu’un grand nombre de manuscrits médiévaux en latin, d’origines variées, rapportent ce nom. Il est attesté depuis au moins le 9ème siècle.

  • Et puisqu’on parle de la basquisation des toponymes de Bayonne, on pourrait aussi parler de la basquisation des toponymes de Saint Jean de Luz, parce qu’à la série des Biscardi(e) (nom Biscard), Iscardi (nom Iscard), on pourrait ajouter le toponyme luzien Erromardie, qui rappelle furieusement le nom roman Romard(us) (googler romardus dans livre, googler aussi Romard) et le nom de famille gascon Arromard (goggler Arromard). La terminaison -ie du toponyme suggère un toponyme gascon, à vérifier..

  • 29. Le toponyme luzien Lafitenia doit être décomposé ainsi : Lafitte+enea = le domaine de Lafitte. Plus au nord, à Bidart, on a aussi Lafargenia, le domaine de Lafargue.

    On a ici des noms gascons dotés d’un suffixe basque que l’on retrouve dans des centaines d’autres toponymes d’anciennes maisons ou fermes (exemple : Belcenia = chez Beltz)

  •  Sur Erromardie :

    Le souci provient quand même du fait que le nom de famille Arromard n’est jamais attesté et que des dérivés de "Romard" ne font pas partie du stock connu de prénoms médiévaux gascons (notamment recensés par Berganton). C’est problématique que Viscard, Iscard et Romard ne soient jamais usités dans la contrée, et qu’il faille avoir besoin d’eux sur quelques kilomètres carrés pour élucider 3 toponymes.

    On en connaît un qui ferait intervenir les Vikings, certes ...

     Sur l’explication de la finale -y :

    Gérard propose ceci : Iscard(us) -> Iscard(en)a -> Iscardie

    Il faut savoir que la suffixation basque -enea est assez récente en basque, elle est notamment absente des attestations médiévales. Aller expliquer deux toponymes en terre romane comme Biscardy et Iscardy via un mode de suffixation récent en basque me semble compliqué.

    Ce qui est certain, c’est que dans cette zone neugue, -ia final peut être rendu bien souvent -i/y en toponymie, enfin surtout au pluriel : cf Beyris, qui est Beyries (Veirias).

     Sur la nécessaire simplicité en toponymie :

    Je pense qu’il ne faut pas chercher à trop compliquer. Le basque possède de manière claire et connue une suffixation -doi/di. Il est moins coûteux d’admettre qu’il y avait quelques toponymes basques en pays neugue voisin des terres basques actuelles que d’aller chercher des noms médiévaux qui n’ont jamais été utilisés localement.

    Comment expliquer sinon le toponyme basque "Orbaleycardy" à Banca ?

  • Je me suis fait mal comprendre. Dans la derivation (V)Iscardus -> (V)Iscardena ou (V)Iscardina > (V)Iscardie après perte du n intervocalique sur le modele gallina - > garia ou cadena -> cadia , le patron est bien le roman, pas le basque. Ce que je voulais dire c’est que c’est bien la dérivation basque en -enea qui était copiée du latin et non l’inverse. C’est une généralité suggérée par Valeriano Urquiola. Bon, c’est hors-sujet.
    En tout cas, Arromard est un nom parfaitement attesté en Gascogne, voir là : http://www.fshgenea33.fr/actes/tab_mari.php?args=LE+PIA- SUR-GARONNE+%5BGironde%5D,_A
    Romard l’est également.
    Je ne crois évidemment pas que n’importe quel toponyme (gascon ou non) se terminant par i ou ie est basé sur un nom propre. Mais si la "racine" est un nom propre, c’est évidemment probable et cela peut être le cas pour nos trois exemples : Biscardi(e), Iscardi et Erromardie, sachant que cette terminaison -di(e) derrière un nom ne peut venir que du gascon et absolument pas du basque, ce qui me fait dire qu’on a à faire à trois toponymes d’étymologie parfaitement romane, en fait gasconne, et non basque (sauf pour le err- mais il faut savoir qu’à la fin du 19èmè, le toponyme était écrit "Roumardie" en français, une correction de l’ancien toponyme gascon, probablement). Je crois qu’on peut ajouter Erromardie à la liste des toponymes gascons de la région de St Jean de Luz, comme St Pée, Serres et sans doute d’autres. Sauf preuves du contraire, évidemment.
    _

  • Le biais de cette démonstration, c’est qu’on ne trouve nulle part trace de telles transformations depuis le basque -enea vers le gascon -ia réduit à -i, ce dans tout le domaine gascon, cela va de soi, mais pas plus en zone charnègue (où elles devraient abandonner), et que l’on va aller l’inventer pour trois toponymes pour lesquels l’on se refuse (pour quelles raisons d’ailleurs ?) à bêtement voir la suffixation basque -di, omniprésente en toponymie basque.

    C’est d’autant plus compliqué, à mon sens, quand l’on a un homonyme Bizkardi en Navarre bascophone ... Je crois que l’analyse toponymique exige une économie de moyens. Une théorie globale sur l’utilisation d’un suffixe pour trois toponymes, c’est alambiqué. A minima, il faut trouver d’autres exemples.

    Pour autant, il convient de ne pas contester qu’Erromardie a toujours eu un arôme bizarre pour un toponyme basque. Mais avant d’aller chercher des théories sur un nom Arromard, attesté bien loin, il faut essayer de voir ce que pourrait être la racine "erromar" en basque.

    **Correction de Tederic : "où elles devraient abandonner" -> "où elles devraient abonder" ; je suppose qu’il y a eu l’interférence d’une proposition automatique.**

  • Encore une fois, ces dérivations -ena et -ina pour indiquer une propriété ne doivent RIEN au basque, elle sont latines et bien attestées, y compris dans la toponymie d’origine latine du Pays Basque (cf. les articles d’Urquiola). C’est son évolution gasconne en -ie (parfois réduit à -i dans la graphie) que je veux souligner ici. Ensuite je ne refuse pas la possibilité d’une hypothèse d’une étymologie basque, Spécifiquement pour biscardi, je l’ai admise plus haut. Mais cela n’oblige pas à écarter l’hypothèse gasconne. Les noms Viscardus (Biscard), Iscardus (Iscard) et Romardus (Romard, Arromard) sont bien attestés, tant en latin médiéval que dans l’anthroponomie contemporaine. Je ne les ai pas inventés. Une série de trois de même structure : Biscardie, Iscardi et Erromardie, avec correspondance parfaite avec les anthroponymes, pour moi, c’est significatif. Quant à l’étymologie basque d’erromardie, on a proposé "lieu plein de Romains" voire "lieu plein de pélerins". Bof. Moi, je préfère l’hypothèse gasconne (domaine d’Arromard), mais chacun peut croire ce qu’il veut. J’ai de tout façon de bonnes raisons de penser qu’on a parlé gascon à Saint Jean de Luz, ce qui me fait accepter le domaine de cet Arromard gascon sans difficulté.

  • Je ne connais aucune dérivation sur un nom propre médiéval via une forme -ena qui donnerait -ia en gascon. Ce n’est mis en avant par aucun des toponymistes connus, ni anthroponymistes comme Berganton. Cela ... n’existe pas en domaine gascon.

    En revanche, le suffixe roman -ia (-ie en oïl) est connu dans tout le monde roman pour former des noms de domaine, ainsi que Berganton l’a mis en évidence. Il est tout de même généralement accompagné de l’article.

    Seulement, je n’ai pas connaissance qu’il ait été usité localement dans ces zones occidentales gasconnes, c’est un "tour" de la Gascogne centrale ou septentrionale, en conformité avec le monde languedocien et le monde d’oïl. Une hypothèse toponymique doit être crédible également dans son contexte géographique : si on ne trouve pas en abondance des toponymes en -ia en Orthe, Seignanx ou Maremne, il n’y a aucune raison que la suffixation ait été usitée à Bayonne.

  • Oui, je suis sensible à l’argument. Le suffixe n’est peut-être pas -ina mais tot simplement íe (ía), suffixe bien roman et qui n’est pas limité au domaine gascon. On rejoindrait les très courants Ricardie, Guillermie, Renaudie, Arnaudie, souvent accompagnés de l’article la, etc que l’on trouve un peu partout (en oil comme òc) et qui veulent dire : bien (ou domaine) de Richard, de Guillaume, etc.

  • Que ce soit rare, je m’en fiche un peu, en vrai. C’est la correspondance parfaite des trois toponymes avec des noms latins et romans qui m’interpelle. Viscardus est un qualificatif appliqué à un supérieur de congrégation d’après un site italien, de wisi qui signifie sagesse et hardt qui signifie dur, fort, d’où l’adjectif gascon qui en dérive biscard qui signifie rusé, avisé. Iscardus pourrait p.-ê. être une forme dérivée de la première, en tout cas l’anthroponyme est attesté en latin médiéval et est encore utilisé comme nom de famille de nos jours (Iscard). Quant à (Ar)Romard, le nom est aussi attesté en latin et comme patronyme gascon (Arromard). Saint Romard (martyr) est reconnu par l’église. On ne sait pas d’où il était originaire, va savoir, c’était peut-être un vascon de Saint-Jean de Luz parce que je ne connais pas d’autre personne qui porte ce prénom hihihi. En tout cas, si on est d’accord que le basque n’explique pas la formation des toponymes Serres et Senpere qui sont, en fait, de simples adaptation en basque de toponymes 100% gascons, on n’a pas vraiment de raison d’être choqué par l’hypothèse d’une étymologie romane pour Erromardie.

  • Le souci n’est pas seulement que Viscard et Romard soient rares, c’est qu’ils ne sont attestés quasi nulle part et quand ils le sont, c’est bien loin de la Gascogne méridionale et du Pays Basque actuel.

    Nous aurions un toponyme basque comme Berardi ou Añaudi, je dirais : pourquoi pas envisager (La) Bérardie et (L’)Arnaudie, mais là, le raisonnement est que l’on va "inventer" quelque peu le prénom pour faire coller au toponyme, faute d’avoir reconnu un prénom initialement.

    Pour la liste des prénoms usités par les Basques au Moyen-Âge :
    Anthroponomastique médiévale en Pays basque :
    Prénoms et surnoms en Basse-Navarre et Soule au début du XIVe siècle (1305-1350)

    Au-delà de ce grief, force est de constater que la suffixation -ie est vraiment peu fréquente en gascon, et voilà que nous aurions trois toponymes de la sorte sur un petit espace. Arnaud est probablement le prénom le plus fréquent en toponymie gasconne, mais tous les Larnaudie en toponymie sont en Périgord ou Quercy : ce n’est pas un tour gascon.

    Il est vrai que le toponyme Erromardi pose problème, quelque chose dans sa formation est bizarre, probablement le fait que nous avons un toponyme avec r- initial. On pense à Erroma, la version basque de Rome : il existe une maison médiévale Erromategi à Saint-Jean-le-Vieux, qui est la maison du pèlerin, la "maison de Rome" (cf camin romiu en gascon).

    Si l’on part de l’hypothèse plus crédible que nous avons un toponyme basque en -di, reste à expliquer "erromar".

  • J’évite en général de faire des interprétations fantaisistes en public. Mais comme nous sommes entre gens de bonne compagnie, je vais m’y hasarder un peu au sujet d’Erromardi (sans -e puisqu’elle ne fait pas partie de la prononciation, ni en basque, ni en gascon negue).

    Les mots basques commençant par ERR- et ne venant pas du roman existent. J’en donne quelques-uns :
     Erro : racine
     Erroin : pondre
     Erroi : corbeau, corneille (Lhande précise "freux/ corbeau qui niche dans le creux des rochers")
     Erroitz : précipice, fissure dans les montagnes et les rochers

    C’est bien évidemment ce dernier terme qui semble le plus approprié : la plage d’Erromardi est entourée de falaises (de plus en plus interdites à cause de l’érosion et du recul de côté). On sait qu’en basque, -tz est un suffixe assez archaïque (bel*+tz = noir). On aurait donc une possible racine (sans faire de jeu de mot avec erro) : erroi*+tz.

    Le deuxième terme mar est tout aussi dur à interpréter. Le plus ressemblant serait bar* = intérieur de ; avec la fameuse instabilité basque b m.

    L’idéal serait la preuve qu’il existe une racine erron* (qui tournerait autour de l’idée de précipice, sachant qu’un n peut se vocaliser en -i- à l’intérieur d’un mot comme dans eman+ten > emaiten, car erron*+bar+di donnerait de façon très régulière Erromardi grâce à n+b=m.

    erron*+bar+di : = le lieu compris à l’intérieur des falaises ?

  • Michel Morvan donne quelques toponyme en Erro (de montagne ou bien le fleuve Errobi) et y voit plutôt erro = souche, racine :

    https://journals.openedition.org/la...

  • J’ai édité un précédent message, dans lequel pour cause de mauvaise interprétation du mot espagnol cancilla, j’ai proposé une version un peu étonnante pour Erromardie.

    Bruno propose des explications purement basques, que j’apprécie, et qui ont leur crédibilité. Mais cherchons si la base erromar ne pourrait pas être un mot basque, emprunté au roman.

    Les doublets basco-romans sont probables dans cette zone : je pense au rocher biarrot d’Opernaritz (sur le gascon operne, nom d’un crustacé + suffixe basque -itz).

    Le terme erromera existe en basque : cela désigne un portail.

    https://www.euskaltzaindia.eus/index.php?option=com_oehberria&task=bilaketa&Itemid=413&lang=eu-ES&query=erromara

    Quelle acceptation toponymique possède ce terme ? Est-il suffixable en -di ?

    Il semble également, selon ce dictionnaire, qu’erromar soit synonyme d’erromatar "Romain" : on sait que le terme "Romain" est souvent équivalent de pèlerin, Erromardi était-il un lieu de pèlerinage ? Mais l’on revient à la possibilité qu’un ethnique soit suffixé en -di en basque.

    Autre piste : un poisson que l’on trouve dans l’Atlantique est dit romero en espagnol, probablement "pèlerin", allez savoir pourquoi. Est-il possible que ce poisson ait été connu localement, sous le nom adapté erromero/erromera, puis suffixe en -di pour désigner un lieu où abonde ce poisson ?

  • Ce que dit Orpustan du suffixe -doi/di :

    http://tipirena.net/Tipirena_-_Site_officiel_de_Jean-Baptiste_ORPUSTAN/I._Linguistique_et_lexicographie_basques_files/Basque_medieval.pdf

    b) De sens collectif et presque exclusivement réservé aussi pour cette raison aux noms botaniques dans la dénomination des lieux, le suffixe -doi, -toi après sifflante, se reconnaît aisément sous sa forme pleine, compte tenu de la variation vocalique et dialectale -dui propre à la zone hispanique la plus occidentale (voir Chapitre II 2 e 3°). Le lexique moderne utilise assez abondamment son paronyme -koi, vraisemblablement de la même série et de sens voisin “porté à…”, mais sans attestation médiévale connue, pour faire des qualifiants indiquant un penchant, moral, affectif, sensible etc. Les premières citations, de provenance alavaise, ont la diphtongue fermée -dui, qui alterne cependant très vite ou en même temps avec -doi/-toi, et même -di/-ti, cette dernière posant par ailleurs un problème particulier d’identification. Les dérivés bâtis sur une même base lexicale, le plus souvent des noms de végétaux, invitent à reconnaître, indépendamment de l’époque et des
    lieux, des variations de même origine et de sens collectif identique :

    sur aran “prune” : 1075 arandi(a), 1280 aranduy “(la) prunelaie” ;
    sur haritz “chêne” : 1042 ariztuya, 1054 aristia, 1174 ariçtoya, 1195
    arestia, 1198 ariztea ; Censier, 1374 haristoy “la chênaie” ;
    sur ira “fougère” : 1294 iradi, iradoy(a) “(la) fougeraie” ;
    sur ilharr “bruyère” : 1025 hillarduy, 1346 ilardi(a), 1412 ilhardoy “(la)
    brande de bruyères” ;
    sur sagarr “pomme” : 1217 sagardia, 1300 saguirduya (cacographie
    pour sagarduya), Censier saguardoye, 1484 sagarduya “la pommeraie”.

    De rares noms indiquent que le suffixe collectif a été donné à des mots autres que végétaux : sur lapitz “marne” Censier lapitztoy, sur harri “pierre” ibidem ardoya, 1098 ardui. Le radical est moins visible dans 1350 eriduya, 1412 errdoy (à Garris en Mixe).

    Un suffixe -du relativement rare pourrait représenter une variante par monophtongaison dans 1249 arraidu, 1292 guarardu, sur arrai qui était probablement un nom ou un dérivé végétal en topoymie médiévale (“ronce” ? cf. 1097 arraçtia, 1268 bidarray, arraioz) et galharr/gar(h)arr “bois mort”.

    Si l’on peut ramener à la série précédente tous les dérivés végétaux documentés seulement avec la variante -di/-(z)ti, comme 1024 hydia sur ihi “jonc”, 1290 eçcurdi sur ezkur “gland”, au Censier zuhity sur zuhi “chênaie”, 1412 burquidi sur burki pour urki “bouleau” etc., un quasi homonyme -ti a servi et sert encore aujourd’hui à former des termes exprimant non un collectif, mais une qualité comme dans les éléments si répandus en toponymie basque médiévale goiti, behe(i)ti, urruti “situé en haut, en bas, de l’autre côté”, en zone hispanique seulement barruti sur une forme barru”intérieur” parallèle à urru dans 1179 zuuarrutia, 1229 zuhuuarrutia, 1398 olazabarrutia (voir aussi le chapitre III 2 b 2°a).

    Il faut sans doute reconnaître ce suffixe qualifiant dans 1140 (montis) irati “(de la montagne) où pousse la fougère”, par rapport à 1284 iradi gorria “la fougeraie rouge”, dans 1208 gorriti “de couleur rouge”, ou un nom peu lisible comme le labourdin 1249 heuti, dont le premier élément contient sans doute une romanisation phonétique de latérale : cf. sur la même base 928 elessu, 1249 heleta.


Un gran de sau ?

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