Pourquoi s’évertuer à concevoir une nouvelle graphie du gascon ?
Le gascon est une langue en très grand danger, sa transmission a cessé depuis plus de 50 ans (au mieux), les gascons eux-mêmes sont donc aujourd’hui ignorants de leur propre langue qui n’est justement plus leur langue propre. Nous ne reviendrons pas en arrière. Et s’il n’y a pas déclin, ce sera dans le meilleur des cas, stagnation. Mon ambition est de travailler pour les locuteurs d’aujourd’hui et de demain. Le public visé en priorité n’est pas scolaire : les scolaires prennent l’option occitane comme on prendrait allemand ou quoique ce soit d’autre, et très peu au final deviendront des locuteurs et des acteurs de notre langue.
Ma proposition cible plutôt les éléments isolés, adultes ou adolescents, ayant une conscience régionale et ayant envie de coller à un territoire. Je vise donc avant tout les passionnés. Mais, par une plus grande transparence graphique, je veux aussi faire en sorte que les béotiens puissent rentrer dans l’écrit gascon beaucoup plus facilement qu’aujourd’hui. Et par là-même, devenir les passionnés de demain. Je voudrais donc humblement forger une graphie à mi-chemin entre le côté populaire de la graphie moderne et le côté savant de la graphie dite classique.
L’enquête menée par Nosauts de Bigòrra et l’Ostau Comengés en 2014 pour la DGLFLF auprès des locuteurs actuels du gascon en Bigorre et Comminges a montré qu’il y avait, pour faire court, 4 types de public qui, aujourd’hui, parlaient la langue.
Le premier et le plus nombreux : les locuteurs natifs du gascon, ils ont parlé cette langue avant le français, la maîtrisent parfaitement, ne savent pas l’écrire et la lisent si la graphie est parfaitement calquée sur leur parler.
La deuxième : les dits « néo-locuteurs » qui ont appris la langue à l’école et sont le produit des « politiques » occitanes. Ils sont extrêmement faibles en nombre. Ils emploient uniquement la graphie normalisée
Des locuteurs passionnés, souvent autodidactes qui ont appris sur le tas, comme ils ont pu. Ils maîtrisent souvent de par leur soif de langue, les 2 graphies aujourd’hui existantes.
Des locuteurs imprégnés. Fils ou filles de locuteurs natifs. Ils ne parlent quasiment jamais la langue mais pourraient parfaitement le faire car ils ont le gascon dans l’oreille.
J’ai eu la chance de participer à cette enquête qui portait sur la perception des locuteurs de leurs propre langue. Il est clairement apparu que ces 4 types de publics ne se fréquentent pas et ne se connaissent pas (hors locuteurs imprégnés avec les locuteurs natifs). Je voudrais essayer, de par ma proposition, de forger un petit trait d’union entre ces différents types de locuteurs gascons.
C’est sûrement une tentative, ou du moins une esquisse, totalement vaine mais l’écrit est essentiel de nos jours. Le temps de l’oralité est achevé et l’aire de l’écrit l’a remplacée. Alors quelques questions majeures posent problème : comment peut-on dire que la graphie actuelle est acceptée quand elle est véritablement massacrée à l’oral ? Comment peut-on dire que l’écrit est secondaire alors qu’il y a de très grandes chances que le premier contact d’un adolescent avec la langue de son pays (ou pas) soit un panneau ou un encart dans un journal ? Et si, en le lisant, il est incapable de faire le lien avec un seul mot de gascon qu’il connaît, ne serait-ce lou graphié lo, continuera-t-il sur le chemin de ce qu’il pensera être un autre espéranto ? A la lecture de ces problèmes comment peut-on dire que la graphie n’a pas tant d’importance que ça ?
L’esprit de la graphie :
Une graphie souple pour une langue ultra-dialectalisée
Les différences dialectales sont encore très marquées en Gascogne et sauf quelques cas de néo-locuteurs parlant une novlangue sans identité, la majorité des apprenants a la volonté de manier le gascon de leurs parents ou grands-parents. Et s’ils ne sont pas d’une famille gasconne, ils ont quand même le désir de parler un gascon cohérent. Or, il n’existe pas de parler normalisé.
Il est très important de comprendre ce fait : la langue est profondément ancrée à un territoire et quand il ne restera plus de locuteurs natifs dans 20 ans, les jeunes iront piocher dans les collectages faits chez eux (si aucune normalisation n’émerge)... Il faut encourager chacun à adapter sa façon d’écrire à son dialecte. On peut très bien le faire avec la graphie occitane mais l’idéologie centraliste et normalisatrice lui colle à la peau... Patrick Sauzet avait écrit « la graphie est plus que la graphie ». Cet excellent titre rappelle malheureusement trop les travers de l’application de la graphie dite « classique » : monolithisme, inadaptabilité, quasi-dogmatisme, etc...
On peut encore plus parfaitement adapter sa graphie à son dialecte avec la graphie fébusienne mais elle abuse de ce péché mignon qu’est l’identité. Il faut trouver un compromis entre les deux...
Une graphie qui ne se confond pas avec les différences dialectales.
La graphie occitane, par trop de rigidité, a donné à penser à ses usagers qu’il n’y avait qu’une seule façon de graphier un mot car il était inutile de mettre en avant les variantes dialectales de ce même mot. Cette exigence repose sur l’idéologie qu’il y ait UN mot véritable... Or, nous savons bien qu’il n’y en a pas... Il n’y a aucune raison, dans la situation actuelle des choses, c’est à dire hors de toute normalisation, de dire que noeyt est plus valable que neyt.
Il est donc important, voir primordial, de marquer ses différences dialectales dans le respect de la graphie : d’écrire lunh, lounh, loenh, d’écrire dab, dambe, dam, en ame, d’écrire neyt, net, noeyt, nuyt etc... La variation doit être au coeur de la graphie. Car, nous avons ici affaire à des variations dialectales, pas à des variations de prononciations (phonologie) comme ça peut l’être entre puyar e pujar (pujar) ou auè et abè (avè) ou co, ca et can (cân).
Une graphie qui reprend des codes populaires français
La graphie occitane a 2 principales difficultés pour le lecteur lambda, le « a » final du féminin et le « o » qui se prononce « ou ». Si la première est une solution de compromis dont on ne peut faire l’économie (j’y reviendrai plus précisément dans quelques lignes), j’ai du mal à concevoir un quelconque intérêt à la seconde. N’oublions jamais que nous parlons une langue en danger de mort, subissant une diglossie écrasante de la part du français.
La Gascogne est uniquement peuplée de francophones qui maîtrisent tous les codes du français (Val d’Aran mis à part). Alors, pourquoi se priver du « ou » au profit d’un « o » que personne ne lit correctement ? Mais surtout, quels sont les avantages du « o » occitan ? S’il y a un code graphique inconnu du grand public, on doit pouvoir le justifier, il doit avoir une utilité, ou être une solution de compromis (comme le « j » de pujar, par exemple, qui synthétise les deux prononciations). Ce « o » est sensé relier le gascon à d’autres langues romanes comme le portugais, le catalan (qui le prononce « o » comme dans « otarie », soit dit en passant) ou bien-sûr le latin. A la lecture des textes du Moyen-Âge en gascon et en comparaison de la prononciation contemporaine, on a souvent cru, par exemple que le « o » médiéval de pont était prononcé « ou », ou que le jo médiéval était prononcé jou. Il apparaîtrait en fait que les « o » en questions étaient tout simplement prononcés comme ce même « o » de cette même « otarie. On retrouve des traces de ces anciennes prononciations dans des dialectes gascons pyrénéens de fonds de vallée, on dit donc pont ou hont en Barousse, au lieu des pount e hount plus classiques ; à Sentein dans l’Ariège, on dit encore jo au lieu de jou.
On retrouve en outre très tôt le « ou » dans les écrits gascons, citons donc au passage Jean Laffite : « Le o note soit / ó/ ou /o/, soit ce qui est aujourd’hui devenu /u/ : asso cela, notari notaire [a’so, nu’tari] ; ce n’est que tardivement qu’apparaît ou pour ce qui est aujourd’hui /u/, probablement du fait du passage progressif de la valeur /o/ à la valeur /u/ : soun linatje son lignage, pousquan qu’ils puissent, soulamentz seulement, nou ne… pas dans une charte bigourdane de 1279 citée par Luchaire (1879, p. 296). L’ancienneté des textes où apparaissent les ou permet d’affirmer que cela s’est fait de façon autonome, sans doute par analogie (cf. p. 151) et en parallèle avec le même phénomène apparu en oïl, sans que l’on puisse y voir un effet de la « domination française » (cf. Lafitte, 2003-3) »
Alors, oui, on peut prouver par A+B que le son /u/ a historiquement été noté « ou » sans l’influence du français. Bien.
Mais j’aurais envie de dire... historique ou pas, on s’en contrefout ! Le gascon est une langue mourante ! Et même si le catéchisme occitaniste était exact et que l’on prouvait que l’on avait commencé à écrire le « lo » occitan, lou, il y a 100 ans de ça sous l’influence dévorante du français, ce ne serait pas un problème pour moi. Il s’agit d’être pragmatique. Le « o » est lu tel quel par le gascon lambda, « ou » est lu /u/... C’est malheureusement très simple.
Et le « ou » relie la langue à la toponymie, aux patronymes, à la langue populaire. Pendant que le grand-père est en train de faire une attaque et de rendre son dernier souffle, on se paye le luxe de lui mettre une plus jolie toilette...
Une graphie qui garde principalement les codes occitans pour
a) permettre une lecture facile selon son dialecte
C’est là tout l’avantage de la graphie dite classique. On peut la lire à sa façon, selon son parler. Lorsque je suis arrivé dans l’est des Hautes-Pyrénées, on m’a prêté un livre de poèmes d’un baroussais Janoun de Ventura. Son texte entièrement écrit entre phonétique et graphie « moderne » m’a donné beaucoup de fil à retordre car je ne maîtrisais pas son dialecte. Le voir ensuite en graphie classique me l’a rendu de suite plus lisible. En effet, une graphie calquée uniquement sur les codes du français fait ressortir tous les particularismes mais devient rapidement illisible pour le non-initié, mon but étant au contraire d’avoir une seule graphie, mais souple, pour toute la Gascogne. La graphie occitane lorsqu’elle choisit d’être fixe quand il y a des différences de prononciation (exemples passés de puyar/pujar, co/ca/can, auè/abè, un tchic/un chic/ un tyic) me semble être la plus raisonnable.
b) donner une emprunte « romane »
Un parler si on le considère comme langue, doit avoir sa dignité. C’est principalement le problème de la graphie phonétique qui fait « patois », « charabia ». Le gascon est une langue romane, on doit donc lui donner une cohérence, notamment en marquant les infinitifs avec leur terminaison classique « ar », « er », « ir ». On ne change pas la toilette du mourant mais on la laisse un peu jolie quand même !
On ne doit pas non plus abuser des lettres étymologiques muettes sous peine de rendre la lecture trop laborieuse...
Une graphie qui dépasse la tentation étymologique
« Tentation » car il est normal de vouloir relier sa langue à celle des voisins (castillan, portugais, catalan, italien, roumain, etc...) et de lui donner une légitimité. Mais de vouloir marquer la romanité du gascon à tout prix ressemble plus à un manque de confiance et de fierté qu’à autre chose. Ainsi, lorsque l’on écrit dans la graphie classique « trobador », « pomèr », « pòur », même si l’on a fait référence au caractère roman de la langue, on s’expose automatiquement à une prononciation active du « r » final par quasi n’importe quel francophone : « trobadorr », « pomèrr », « pòurr »...
On peut toujours arguer que c’est une indication pour la formation du féminin, que de lire « pelièr », nous ferait écrire par déduction le féminin « pelièra ». Mais à qui s’adresse-t-on dans cet argument-ci ? Aux étudiants en Master en occitan qui rédigent une composition ? C’est un raisonnement absurde, un sophisme. On forme les féminins car on les connaît, pas parce que l’on a vu une lettre à la fin d’un mot. D’ailleurs, comment saura notre étudiant en Master que l’on dit « pelièra » et pas « pelierèra » ou « pelieroura » ?
Je préconiserais donc d’écrire « troubadoú », « poumè » ou « pòu ». De ce fait, en supprimant la consonne finale étymologique muette, les parlers qui ont des consonnes sonores (ailleurs muettes) pourront le signaler par écrit. On saura que celui qui écrit « segú » est, par exemple, béarnais, et celui qui écrit « segur » est commingeois, sans avoir à doubler le r final comme expérimenté dans les graphies DigamLigam.
Une graphie qui prêche le moins pour le plus
Le gascon ne peut, comme nous venons de le voir, avoir des lettres muettes marquées par écrit (sauf infinitifs) car toute prononciation autre est aplatie par la lettre fantôme. N’étant plus « esclaves » de l’étymologie, on peut parfaitement décider d’écrire arré au lieu de l’actuel arren car le « n » est très minoritaire en Gascogne. Comme pour l’exemple de segú, les dialectes qui prononcent véritablement arren pourront l’écrire de cette façon et de ce fait, marquer leur particularité. Idem avec tanben que l’on notera tabé et que la petite poche du sud des Landes qui prononcent « tabèn » pourra écrire à sa manière (s’il reste encore des locuteurs ou héritiers désirant dire « coucou, je suis là ! »). En résumé, si une consonne est écrite en finale, à cause de l’étymologie, mais que sa prononciation est très minoritaire, on doit faire sans (arré, quauquarré, tabé...).
Faire sans pour que ceux qui en ont l’utilité puissent faire avec !
Mais une graphie qui sait que l’exception est forcément règle
« Exception » car en plus de la terminaison muette de l’infinitif, je voudrais marquer le « t » des mots finissant en « ent » comme « mashant », « bastiment », « hount », « pount », etc... Premièrement, ce « t » muet marque, doublement le « n » dental. D’autre part, il est souvent prononcé en liaison, comme dans « mashant_omi » ou dans « vint_ans ». Enfin, il tout bonnement systématiquement prononcé dans des parlers allant de la Bigorre au Couserans, et plus loin dans les parlers languedociens. Sa prononciation est donc tout sauf quelque chose d’anecdotique.
Une graphie qui dépasse les querelles stériles et idéologiques
Je voudrais que nous nous placions au dessus de ces partis pris qui font que l’on est soit occitaniste soit le contraire (et ça, on ne sait pas trop bien ce que c’est). L’occitanisme a des défauts mais il a aussi fait de très bonne choses. L’écriture fébusienne a elle aussi du bon, à nous de savoir prendre le meilleur des deux, sans à priori. Jean Laffite, pourtant plus IBG que IEO, propose de perfectionner le système du tréma de la graphie moderne en lui ajoutant le « n » qui va après. Donc, d’écrire « cân » au lien de « câ » comme l’écrivait Camelat, par exemple. Ce signe diacritique permettrait donc de distinguer sans faille le « n » dit vélaire du « n » dental et allégerait l’écriture : plus besoin d’écrire grann pour le différencier de gran, la différenciation se faisant toute seule par l’utilisation du tréma. Grân et gran...
L’explication point par point (enfin presque !) :
A
Hemna : le « a » final du féminin
C’est un moindre mal. Il est très souvent mal prononcé par les non-initiés, c’est un fait : « la hemnA », « las lanAs », « CalandretA », etc... Malheureusement, je n’ai pas mieux à proposer. Il n’y a aucun système graphique qui puisse satisfaire tout le monde... Il y a 3 prononciations de la finale du féminin et le « a » peut permettre de dire à sa façon le mot « lana », par exemple : lane, lano, ou lana avec l’accent sur la première syllabe. Si l’on veut que cette graphie puisse être efficace et adaptable partout, on ne peut pas faire l’économie du « a » occitan. Car si une personne vient à écrire lane, l’autre lano et le troisième lana (selon son dialecte propre), il y a confusion entre prononciation et lexique et ce serait alors écrire un « patois » plutôt qu’une langue. Et je rappelle que la notion de dignité, entre autre graphique, est capitale. Il faut donner envie, simplifier
Que cantava/que cantèva
En préambule de cet exemple-ci, plus les 3 autres qui suivent, résumons la règle : si un « a » rassemble les 3 prononciations possibles du féminin (« a », « e », « o »), il doit être graphié uniquement « a ». S’il peut-être prononcé « a » ou « e » mais pas « o », on est légitime de choisir (selon sa prononciation dialectale) entre « a » ou « e ».
Quand il s’agit de l’imparfait et donc d’une tonique, comment peut-on enseigner que « a » se prononce « è » ?! Pour les dialectes qui disent « cantèva » et non pas « cantava », il faut faire ressortir sa particularité graphique et donc abandonner le « a » pour le « è ».
Douçament
Comme pour le « a » final de « hemna », il y a trois prononciation dans les mots finissant par « ament » : « douçament », « douçoment », « doucement ». De ce fait, l’usage d’un « a » systématique est parfaitement légitime puisqu’il synthétise les trois prononciations.
Espiçaria/espiceria
On ne dit pas « espiçoria », juste « espiçaria » ou « espiceria », le « e » est donc parfaitement légitime et le « a » ne doit pas être systématique.
Que cantarà/que canterà
Si le « a » dans un mot se prononce soit « e », soit « o », soit « a », alors il est légitime, sinon, nous sommes dans notre droit de l’adapter à notre parler. Il n’y a que 2 prononciation pour l’exemple donné : on dit soit « que cantarà », soit que « canterà », jamais « que cantorà », de ce fait, comme pour l’imparfait, l’usage du « e » est parfaitement légitime.
La/le
Bien entendu, en une telle position tonique, il est logiquement impossible de prononcer « a » => « e », voir « oe » pour les parlers dits « noirs ». Celui qui dit « le hoemne » doit donc le graphier « le hemna ». Tout simplement et dans le respect des parlers dialectaux.
B
Rien de majeur à signaler sauf que le « b » n’est pas une solution à adopter dans « aver » (et tout autre mot avec un « v » intervocalique). Nous sommes face à une différence de prononciation et le « v » peut parfaitement servir pour la prononciation « aué » ou pour « abé ». Le « auer » aranais n’a aucune raison d’être si l’on est cohérent avec la graphie.
On pourrait dire que sur l’esprit, on peut graphier, pour les Chalossais et Béarnais (et quelques Bigourdans aussi), « aber » mais si l’on se permet de noter « b » un « v » intervocalique, alors, la chaîne des conséquences est immense : on écrit « abè », « aberà », « aberé », « abouy », « cantaba », « haba », etc... sans parler des dérivés...
On n’utilise pas non plus le « b » pour signifier sa prononciation en début de mot, le « v » s’y employant bien et reliant la langue avec ses racines. En outre, le « v » prononcé « b », étant un code de l’espagnol, il peut être très rapidement assimilé. Et vu que l’espagnol est une langue très répandue (beaucoup plus que le français), le code graphique pose peu problème.
Tout mot, dérivant d’un mot commençant par un « v » se prononçant « b » doit être graphié avec le « v » d’origine : « alavetz » dérive de « vetz » donc le « v » est légitime, « horaviar » dérive de « via », idem.
Mais quand nous avons affaire à un « v » en position intervocalique ne se prononçant jamais « b », alors il faut graphier « b ». C’est ainsi que je recommande d’écrire « chibau » car on ne dit jamais « chiuau »...
D
Bien entendu, il faut laisser la liberté totale à ceux qui prononce « civada » et non pas « civasa » de l’écrire, idem pour « díder », ou même chose pour les régions bigourdanes qui disent « cadau », « maydoûn », « glèida ». C’est une particularité locale qui n’entrave en rien la prononciation de la majorité.
E
Pour les cas de a/e, voir la lettre « a ».
Le parler noir et son traitement du « e » doit être comme un phare dans la langue. Ainsi, tout ce qui est prononcé « oe » (pour résumer) dans le parler landais doit être graphié « e ».
G
Le « g » peut être employé comme il l’est déjà dans la graphie dite « classique » en lettre intervocalique pour « agi » afin de symboliser les deux prononciations.
I
Je pense que le « i » dans les diphtongues est assez handicapant car il relie très souvent l’écrit au français. Ainsi, celui qui lit « maisoûn » aura pas mal de chance de prononcer « mésoun ». L’exemple donné récemment sur Gasconha.com de Nay graphié Nai à l’occitane est très parlant. Il y a plus de chances de prononcer correctement à la vue du panneau d’entrée de ville qu’à la lecture de son pendant « occitan ». C’est plus que paradoxal !
Si l’on utilise le « y », systématiquement, dans chaque diphtongue, on relie l’écrit gascon aux noms de famille (plus de chances de relier Lapeyre et « la pèyra » que Lapeyre et « la pèira ») et à la toponymie (Peyrehorade et « Pèyra Hourada »). C’est toutefois, un point dont je doute un peu mais son côté pratique me convainc en partie de son utilité.
J
Le « j » est aussi une solution e compromis dans les cas où il est intervocalique. Il y a 2 prononciations pour « pujar » : « puJar » et « puYar ». Le « j » de la graphie occitane offre une solution entre les deux. En écrivant « j », on peut prononcer à sa façon, le mot en question. La solution d’écrire « puyar » ne me semble pas être la bonne car c’est tout simplement imposer une prononciation locale à toute la Gascogne. On sait que le « j » peut-être prononcé « y », l’inversement n’est pas exact.
Comprenons bien que je ne propose pas le « j » intervocalique comme solution parce que je pense que tout le monde devrait prononcer « puJar ». Ce serait aussi localiste que de dire « tout le monde doit prononcer puyar ». Le « j » est une lettre de compromis qui doit permettre à tout le monde de se trouver.
N
On a toujours le problème de savoir comment prononcer le « n » final de « can » : doit-il être dental (prononciation de « can » en anglais) ou vélaire (le « an » du « pan » de mur). Même si c’est un problème plutôt mineur, Jean Laffitte a proposé une solution parfaitement efficace pour les distinguer. On pose un accent circonflexe sur la voyelle précédent le « n » et le tour est joué : c’est une prononciation dite vélaire. On ne le pose pas, la prononciation est dentale.
Cân se prononce comme un « pan » de mur.
Can comme le verbe « pouvoir » en anglais.
Ce système pose néanmoins un problème pour les parlers commingeois qui n’ont que des vélaires : il leur faudrait donc écrire « que cantân », « que parlàvân », « eth poûnt », etc... C’est un peu fastidieux. Je proposerais donc qu’ils ne l’emploient pas et en étant l’exception qui confirme la règle, on saurait que leur prononciation sont uniquement vélaires (même si dans le non-emploi de ^, cela devrait être le contraire...)
O
Comme déjà amplement expliqué, ce qui est « o » est « o », ce qui est « ou » est « ou ».
R
Le « r » doit être marqué à l’infinitif pour permettre de les faire ressortir facilement. « canta » paraît moins sérieux et roman que « cantar ». On sait que c’est la seule fois, où le « r » final ne se prononce pas. Une exception contraire au code du français est simple à retenir.
Le « r » étymologique disparaît des mots comme (écriture occitane) : pomèr, trobador, etc... qui s’écrivent plus simplement « poumè », « troubadoú »...
Si une complication graphique n’a pas de justification pratique, il faut l’abandonner. Le gascon doit être facile à lire tout en étant digne.
V
Les exemples donnés pour le « b » valent aussi pour le « v ». Disons juste en plus que le « v » prononcé « b » en début de mot a aussi son point faible, à savoir que dans un mot comme « vous » (bous), il y a de grandes chances qu’il soit prononcé comme le « vous » français.
Y
Le cas est évoqué à la lettre « i ».
Exemple avec la parabole de l’enfant prodigue de Mimizan (40)
Ûn ome n’avè pas sounque dus hilhs. Lou mè joen dishout a soûn pay : « qu’es tèms que singui moûn mèste e qu’agi argent. Que cau que me’n pusqui anar e que vedi peís. Hètz lou partatge dou voste bên e balhatz-me ço que divi aver ». « O moûn hilh, dishout lou pay, coum ic vulhis. Qu’ès ûn mashant e que seràs punit. E après, qu’aubrit un tiroèr. Que partatjèt soûn bên e que’n hit duas parts.
Quauques journs après, lou mashant se n’anout dou vilatge en hèntz lou fièr e shèt díser adishatz en digûn. Que travassèt hort de lanas, de bosc e d’arrius.
Au cap de quauques mes, que divout vénder sa pelha en ua vielha hemna e que’s louguèt per estar vèylet. Que l’embièren aus cams per goardar lous aynes e lous bùus. Alavetz, qu’estout hort maluroús. N’avout pas mè nat leyt per droumir le neyt, ni huc per se cauhar quèn avè hret. A bèths còps, qu’avè tèlement hami qu’auré bien minjat aquiras hulhas de caulet e aquera hruyta pouyrida dount minjan lous porcs, mes digûn li balhèva pas arré.
Ûn dessé, lou vènte vuyt, se dishèt càder sus ûn trounc e qu’espièva per le frinèsta lous auchèths qui voulèvan liugèyrament. E pus, que vedout parésher hen lou cèu le lua e les estelas e se dishout en plourantz « Lahòra, le mèysoûn de moûn pay qu’es plenha de vèylets, qu’an pân, vîn, oeus e hroumatge. Tant que’n vòlen. Entertèms, jou que mori de hami ací. E bè, que’m vau luvar, qu’anirèy troubar moûn pay e que li dirèy : « Que hiri un pecat quèn ves voulouri dishar, qu’avouri gran tort e que cau que me’n puníssitz. Qu’ic sèy bien. Ne m’apèri pas mè lou voste hilh, tractaz-me coum lou darrè dous vostes vèylets. Que suy estat coupable mes m’anujèvi lunh de vous. »
Quelques traits tirés du texte, en vrac :
Pas : la règle est englobante, il y a une lettre notée qui peut être soit muette, soit prononcée. Les 2 traits sont suffisamment généraux pour que l’on note le « s ». même chose avec « mes ».
Joen : nul besoin de se compliquer en écrivant « jouen », on adopte la solution de l’école Gastoû Fébus. Après, faut-il écrire « lou hoec » ou lou « huec » ? C’est une question compliqué car « hoec » détient le « ou » du « houc » couserannais, et « huec » le « u » du « huc landais/girondin... Peut-être est-ce plus facilement lisible avec le « oe ».
Pay : comme dit avant, pas de « r » étymologique et de « i », donc « pay ». Utiliser une règle simplificatrice comme celle-ci peut aussi comporter des risques comme créer une homonymie entre « la may » (la mère) et « lou may » (l’arbre planté en mai) ou « lou mes de may » (le mois de mai). Mais je ne pense pas que l’homonymie soit un handicap si elle reste exceptionnelle : « ma so » (ma soeur) et « la ma » (la mer) peuvent s’écrire pareil, toutefois, de par le contexte, il y a peu de chances de prendre des vessies pour des lanternes.
Tèms : le « p » de « temps » n’est jamais prononcé. Alors pourquoi le faire ressortir sempiternellement dans la bouche des apprenants ? Idem : on écrit « toustèm » ou « toustém » selon l’accent.
Idem plus loin pour le mot « cam » (champs) qui ne doit prendre le « p » que quand celui-ci se prononce.
Argent : C’est l’exemple de « n » dental renforcé par le « t » final qui a les 2 prononciations soit « argén », soit « argént ». Le « t » final est donc ici pour la possible liaison avec une voyelle qui suit, comme un double marqueur du « n » dental. Ceux qui le désirent ou trouvent ce « t » inutile car ils ne le disent jamais, peuvent l’enlever.
Hètz : Même règle que dans la graphie occitane, le « s » final est prononcé ou pas selon les dialectes.
Dou : c’est le mot qui s’écrit « deu » en graphie occitane. Si l’on regarde une carte linguistique de l’ALG, on se rend compte que ce « dou » est largement majoritaire sur le « deu » en Gascogne. Le « deu » étant le pendant du « del » languedocien ou du « deth » pyrénéen, il est vrai qu’il est logique. Logique, mais peu fréquent. D’autant plus qu’il complique la tâche des apprenants... Comment comprendre que « deu » ou « peu » put-être prononcé « dou » ou « pou » ?
Toutefois, de préférer « dou » à « deu » entraîne une cascade de petits problèmes en conséquence... « Suu » devient alors « sou », créant une homonymie avec « sou » (soleil), « peu » devient « pou » créant aussi une homonymie avec « pou » (peur). On peut donc choisir de les écrire « s’ou » ou « p’ou » mais cela ferait écrire « d’ou ». Je pense que l’homonymie est tout de même une solution préférentielle.
Il y a aussi le problème de « que’u » (je le, tu le, il le) car si on écrit « dou », on envoie un signal fort qui dit : n’est prononcé « ou » que ce qui est écrit « ou ». Toutefois, « que’u » est majoritairement prononcé « qu’ou ». Mais l’écrire ainsi reviendrait à faire un erreur car l’on sait que c’est le pronom qui se coupe et non pas le « que » (en général). Donc, la seule solution que je verrai dans ce casse-tête serait d’écrire « dou », « sou », « pou/prou » » mais de continuer à graphier « que’u »... Ce n’est pas satisfaisant mais cela me paraît être le plus sage...
Mashant : j’ai décidé de graphier le son « ch » de « hache » en français, « sh » en faisant disparaître le « i » du fameux trigraphe « ish » qui est d’une inutilité totale car très largement minoritaire... et pourtant très souvent prononcé par les débutants, ou même des gens ayant un bon niveau de langue, mais sans contact avec des locuteurs natifs. De ce fait, la partie du Couserans qui prononce « maishant » (GO) pourra le graphier « mayshant » et être parfaitement identifiable.
Ecrire « maxant » aurait aussi été une solution mais je ne le graphie pas ainsi pour 2 raisons pratiques. Premièrement, et malgré la proximité du basque, la légitimité historique d’une telle graphie gasconne, le « x » est condamné à être prononcé comme dans « accès », les gens diront donc « macsant »... Deuxièmement, la marque Adishatz est populaire auprès des personnes conscientisées (ou pas) et même auprès des jeunes et privilégier le « x » au « sh » serait écrire « adixatz » ce qui serait hautement contre-productif étant donné que c’est un des seuls mots graphiés à l’occitane que les gens voient écrit partout. En gros, ça aurait été bien mais c’est trop tard pour graphier « x ». D’autant plus que le « sh » est parfaitement connu de tous, la société française étant surexposé aux anglicismes et à l’anglais tout court. De ce fait, écrire « mashant », c’est être sûr que le mot sera prononcé comme il faut.
Tiroèr : Par la suppression des « r » étymologiques muets, les mots qui ont un « r » prononcé en finale se retrouvent comme promu et « condamnés » à être bien prononcés, notamment pour les francismes. Si on prend en cas les parlers orientaux (toujours laissés pour compte dans les grammaires gasconnes, comme s’ils n’existaient pas), les Commingeois pourront écrire « que trabalhi lou hèr » ce que des Béarnais écriront « que trabalhi lou hè ».
Vilatge : débat fut lancé s’il fallait écrire « vilatge » ou « viladge » pour les mots en « tge ». Aucun intérêt. Je propose donc de rester à « tge » pour ne pas faire de changements inutiles.
Díser : Le système d’accentuation tonique occitan me paraît très performant, donc pas d’utilité de le changer. Dans les cas où le « r » étymologique disparaît, il n’y a qu’à accentuer la voyelle finale, comme dans « segú », « troubadoú », « dessé », etc...
Goardar : c’est un mot qui est prononcé soit « uardar », soit « goardar ». De ce fait, l’écrire « guardar » comme on le fait avec la graphie occitane pour le relier au « gardar » languedocien n’a d’autre raison que celle-ci, puisque la prononciation « gardar » est très minoritaire en Gascogne. Et puis comment ce qui est graphié « gua » pourrait être être prononcé « goua » par celui qui ne sait pas ? « Goa » me paraît être plus sûr et plus fidèle aux dialectes gascon.
Hret : on pourrait enlever le « h » de devant le « r » mais il ne fait de mal à personne !
Classiquement, on écrit « hred », c’est pour moi une autre consonne étymologique, condamnée à être prononcée « d » alors que c’est clairement un « t ». La preuve, les parlers pyrénéens orientaux qui font des « t » finaux des « tch » comme dans « cantatch », « batutch », ou justement « heretch » (à écrire normalement, bien-sûr). Si le « d » final était véritablement justifié, hormis étymologie, il ne serait pas palatalisé. En résumé, si c’était un « d » à « hered », on le prononcerais tel quel. Alors qu’il n’y a que le « t » final qui peut faire « tch » dans ces parlers-ci.
Auchèth : Au delà de la forme locale, on peut avoir ausèth, audèth... Du « th » final, on pourrait dire comme le « h » de « hret », il ne fait de mal à personne ! Il relie le mot au languedocien et aux autres langues romanes et donne au mot un caractère bien gascon. On est sûr qu’il ne sera pas mal prononcé par un francophone, donc... Laissons-le !
Vòlen : le « ò » est la notation de la tonique sur la 3ème personne du pluriel, ce qui tend à se faire de plus en plus. En effet, il y a une différence de prononciation si l’on suit la règle entre « càntan » et « cantan », le deuxième devant être accentué sur la dernière syllabe. Je pense que ce sont des points très secondaires, toutefois.
Hami : même remarque que pour « díser ». Le système d’accentuation est satisfaisant (s’il est couplé à l’oral, mais il est beaucoup plus simple pour une personne isolée d’entendre le gascon sur internet qu’il y a 10 ans), et même ici le système de non-accentuation. Tout signifier finirait par être trop lourd. Il faut aussi penser à ceux qui écrivent la langue et si ils doivent écrire un accent toute les deux lettres, ils seront vite découragés...
Lunh : il est vrai que « nh » n’est pas facile à lire pour un francophone. Toutefois, c’est une graphie qui va de paire avec « lh » et c’est pour cela que je pense qu’elle est plus performante. D’autant plus, que le « gn » peut servir pour des mots comme « signar » où le « g » et le « n » sont bien séparés, si bien qu’on le voit écrit « sicna » dans Arnaudin.
La même parabole en gascon Bigourdan (Nistos) pour un autre exemple de dialecte
Ûn ome n’aviá pas que dus hilhs. Eth mès joen que digoú a sa pay : « que se’n va téms que siá eth mié mèstre e qu’àjay tarjas. Que cau que poúscay anar-me’n e que véjay país. Partatjatz eth voste bên e balhatz-me ço que devi aver. « O, eth mié hilh, ça digoú eth pay, couma voulhas. Qu’ès ûn mashant e que seràs punit. Push, qu’aubriscoú uá tireta, que partatjè eth sué bên e que’n he duás parts.
Quauques diás après, eth mashant que se n’anè deth vilatge en tout hèr eth fièr e sense díguer arré ad arrés (en Commingeois : « arren ad arrés »). Que trauquè ûn pialè de lanas, de bosquis, e d’arriberas e que vengoú en ua grana vila oun se goastè touta era suá mouneda..
Ath cap de quauques mesis, qu’avoú a véner eras suás hardas en ua vielha henna, e que’s louguè entad èster vaylet. Que l’envièn taths cams entà goardar eth asous e eths boeus. Alavetz, que hou hort maluroús. N’avoú pas mès nat lhet entà droumir era net, ni hoec tà cauhà’s quan avá heret. Qu’avá, a bèths còps, tant de hame, qu’auriá plân minjat aqueras hoelhas de caulet ou aquera heruta pouyrida que mínjan eth pòrcs. Mes arrés no’u balhava arré.
Un se, eth vente voed, que’s deshè càger en uá trounca e qu’aueytè pera herièstra eths ausèths que volàvan leugè. Push, que vi a parésher en cèu era luá e eras estelas e que’s digoú en plourar : « Aciu, era maysoûn de ma pay qu’ey plea de vaylets qu’an pân, vîn, oeus e hourmatge. Entertant, jou, que moureshi de hame ací. E be, que me’n vau lhevar, qu’anirè troubar ma pay e que’u diserè : « Que heri un pecat quan voulouri deshar-vous. Qu’avouri gran tort e que cau que me’n puníssatz, qu’ac sabi plân. Nou m’aperetz pas mès eth voste hilh, tractatz-me couma eth derrèr deths vostis vaylets. Que houri coupable mes que m’avoejavi lounh de vousatis.