La France est peut-être le pays le plus centralisé d’Europe, avec une capitale omnipotente qui étouffe le reste du pays. Nos trente six mille communes et notre demi million d’élus locaux, nos régions sans véritable pouvoir de décision (on a surtout fait de la déconcentration mais pas de la véritable décentralisation), nos départements et nos cantons sont une spécificité qui doit étonner bon nombre de nos voisins européens.
Quant à l’aménagement du territoire, on se demande si nos gouvernants savent de quoi il s’agit.
Le découpage des régions françaises a souvent été fait au mépris de l’histoire et n’a tenu compte que des interêts de telle ou telle métropole régionale. L’Aquitaine a ainsi été conçue comme l’arrière pays de Bordeaux et Midi Pyrénées comme celui de Toulouse.
Un des cas les plus caricaturaux étant la fameuse région Pays de la Loire, création artificielle sans âme, sans racines, sans histoire et sans passé. On comprend qu’aujourd’hui elle soit appelée a disparaître dans l’indifférence quasi générale. On pourrait dire la même chose de Midi-Pyrénées ou de Rhône-Alpes, régions stupides qui ne signifient rien.
La commission Balladur a planché sur la réorganisation des régions françaises.
Nous, Basques et Gascons, avons-nous été consultés ? Pas que je sache.
Mais avons-nous manifesté notre désir de nous exprimer ?
Or, nous devons être prêts à dire dans quelle région nous voulons vivre, sinon on nous imposera un nouveau découpage aberrant, comme l’est celui qui nous divise aujourd’hui. Il est toujours aisé de dénoncer les technocrates, de Bruxelles ou de Paris. Mais que faisons¬nous pour nous défendre ? Que faisons-nous pour faire valoir nos identités locales, quand elles existent encore ? Rien, ou à peu près rien.
Le découpage d’une région ne devrait pas uniquement obéir à des critères économiques lesquels, de toute façon, ne profitent qu’aux métropoles régionales puisqu’ils sont conçus par et pour elles.
Il y avait Paris et le désert français, bientôt Bordeaux et le désert aquitain ou Toulouse et le désert midi pyrénéen.
La région ne devrait pas uniquement être un espace au service de sa capitale.
Les découpages administratifs ne devraient pas être faits pour permettre à une caste d’élus locaux d’exister, à la manière des hobereaux de l’ancien temps. Qui dans sa commune, qui dans son canton, son département ou sa région, a la tête de son SIVOM ou de sa communauté de communes.
Quant à la disparition programmée des « pays », avec leurs noms marketing et leurs logos ridicules, je m’en réjouis par avance.
Dessiner les contours d’une région et nommer cet ensemble ne sont pas choses faciles. Faut-il laisser ce soin à une commission parisienne qui, bien entendu, n’a cure ni de l’histoire ni de l’identité des territoires qu’elle tronçonne ? Et qui n’en a d’ailleurs aucune idée la plupart du temps.
Pour notre région, les choses sont apparemment compliquées tant les concepts de Gascogne ou d’Aquitaine sont flous dans l’esprit de la plupart de nos concitoyens. Du point de vue historique, Aquitaine et Gascogne ont beaucoup varié au fil des siecles. Les frontières se tracent ainsi au gré des annexions, résultant des conquêtes militaires ou des unions princières. Avant-hier vascons, hier anglais, aujourd’hui français et demain qui sait quoi. Notre Aquitaine ne déroge pas a la règle qui n’est veritablement française que depuis le XVe siècle. Pourtant, l’Aquitaine administrative d’aujourd’hui n’est pas celle du Moyen-Age ni même celle, originelle, de l’époque de la conquête romaine.
L’Aquitaine primitive est exclusivement celles des territoires compris grosso modo entre la Garonne, l’océan et les Pyrénées.
La Gascogne médiévale est l’héritière de cette Aquitaine, après avoir été la Novempopulanie.
Une région historiquement cohérente comprendrait ainsi les départements de la Gironde, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, du Lot-et-Garonne, du Tarn-et-Garonne, du Gers, des Hautes Pyrénées, de la Haute-Garonne et de l’Ariège.
Sans omettre de dire que le territoire de certains d’entre eux n’est que très partiellement Aquitain/Novempopulanien/Gascon.
Mais la référence départementale est claire pour tout le monde et, malgré toutes les critiques qu’on peut leur adresser, nos départements n’ont pas été decoupés à la hache comme le furent souvent les régions actuelles.
Les hommes de la Révolution étaient bien plus proches des aspirations des populations que ne le sont nos technocrates contemporains. De plus lesdites populations avaient encore une conscience très claire de leur appartenance à tel ou tel territoire.
Il faut cependant souligner le cas spécifique du Pays basque qui est, en France, un des seuls endroits où l’identité s’exprime avec autant de force. Or, le Pays basque est pour nous, Gascons, la terre qui a su conserver l’identité que nous perdîmes au cours du haut Moyen-Age. Ainsi, dans une région aquitaine-gasconne remodelée, il sera nécessaire de respecter l’identité de nos cousins basques en leur donnant une existence territoriale qui tiendra compte de leur personnalité ethnolinguistique. Je suis depuis longtemps favorable à la création d’un département basque, avec Bayonne pour chef lieu, séparé de Pau et du Béarn.
La définition de la nouvelle région Aquitaine-Gascogne, si elle se fait, devra évidemment tenir compte de l’aspect linguistique. En effet, notre espace culturel est avant tout celui où fut parlé un des dialectes gascons.
J’emploie résolument le passé puisque, aujourd’hui, la langue gasconne est à l’agonie, avec une proportion de locuteurs qui ne dépasse sans doute pas les 5 % de la population. J’en suis le premier désolé.
Mais la langue gasconne reste un fait historique et culturel, un espace gascon a existé et existe toujours, ne serait-ce que dans la toponymie ou l’anthroponymie. Je serais même tenté de dire que le seul critère véritablement objectif est celui-ci. II est clair et précis, parfaitement identifié sur le terrain et devrait être utilisé par ceux qui redéfiniront notre région.
Cependant, les récentes migrations liées au balnéotropisme ou à l’héliotropisme ont provoqué l’arrivée d’une population exogène nombreuse, surtout sur les littoraux. Il faudra donc tenir compte de cette donnée. En effet, les nouveaux arrivants, parfois majoritaires dans certains endroits, n’ont peut-être aucun attachement profond à l’Aquitaine-Gascogne et sont venus vivre ici sans véritable intérêt pour une identité locale qui, de toute manière, n’intéresse pas toujours les autochtones eux-mêmes. C’est à nous à leur montrer qui nous sommes.
Si une nouvelle région doit voir le jour, peut-être devrons-nous la concevoir en prenant aussi en compte les critères historique, linguistique et culturel.
L’Aquitaine-Gascogne que nous souhaitons sera ainsi plus proche de ce grand espace triangulaire limité à l’Ouest par l’océan Atlantique, au Sud par les Pyrénées et à l’Est par la Garonne.