Pour une région Aquitaine-Gascogne Article paru dans le n°9 de "Vasconia", revue du Conservatoire du Patrimoine de Gascogne

- Halip Lartiga

La France est peut-être le pays le plus centralisé d’Europe, avec une capitale omnipotente qui étouffe le reste du pays. Nos trente six mille communes et notre demi million d’élus locaux, nos régions sans véritable pouvoir de décision (on a surtout fait de la déconcentration mais pas de la véritable décentralisation), nos départements et nos cantons sont une spécificité qui doit étonner bon nombre de nos voisins européens.
Quant à l’aménagement du territoire, on se demande si nos gouvernants savent de quoi il s’agit.
Le découpage des régions françaises a souvent été fait au mépris de l’histoire et n’a tenu compte que des interêts de telle ou telle métropole régionale. L’Aquitaine a ainsi été conçue comme l’arrière pays de Bordeaux et Midi Pyrénées comme celui de Toulouse.
Un des cas les plus caricaturaux étant la fameuse région Pays de la Loire, création artificielle sans âme, sans racines, sans histoire et sans passé. On comprend qu’aujourd’hui elle soit appelée a disparaître dans l’indifférence quasi générale. On pourrait dire la même chose de Midi-Pyrénées ou de Rhône-Alpes, régions stupides qui ne signifient rien.

La commission Balladur a planché sur la réorganisation des régions françaises.
Nous, Basques et Gascons, avons-nous été consultés ? Pas que je sache.
Mais avons-nous manifesté notre désir de nous exprimer ?
Or, nous devons être prêts à dire dans quelle région nous voulons vivre, sinon on nous imposera un nouveau découpage aberrant, comme l’est celui qui nous divise aujourd’hui. Il est toujours aisé de dénoncer les technocrates, de Bruxelles ou de Paris. Mais que faisons¬nous pour nous défendre ? Que faisons-nous pour faire valoir nos identités locales, quand elles existent encore ? Rien, ou à peu près rien.

Le découpage d’une région ne devrait pas uniquement obéir à des critères économiques lesquels, de toute façon, ne profitent qu’aux métropoles régionales puisqu’ils sont conçus par et pour elles.
Il y avait Paris et le désert français, bientôt Bordeaux et le désert aquitain ou Toulouse et le désert midi pyrénéen.
La région ne devrait pas uniquement être un espace au service de sa capitale.
Les découpages administratifs ne devraient pas être faits pour permettre à une caste d’élus locaux d’exister, à la manière des hobereaux de l’ancien temps. Qui dans sa commune, qui dans son canton, son département ou sa région, a la tête de son SIVOM ou de sa communauté de communes.
Quant à la disparition programmée des « pays », avec leurs noms marketing et leurs logos ridicules, je m’en réjouis par avance.

Dessiner les contours d’une région et nommer cet ensemble ne sont pas choses faciles. Faut-il laisser ce soin à une commission parisienne qui, bien entendu, n’a cure ni de l’histoire ni de l’identité des territoires qu’elle tronçonne ? Et qui n’en a d’ailleurs aucune idée la plupart du temps.

Pour notre région, les choses sont apparemment compliquées tant les concepts de Gascogne ou d’Aquitaine sont flous dans l’esprit de la plupart de nos concitoyens. Du point de vue historique, Aquitaine et Gascogne ont beaucoup varié au fil des siecles. Les frontières se tracent ainsi au gré des annexions, résultant des conquêtes militaires ou des unions princières. Avant-hier vascons, hier anglais, aujourd’hui français et demain qui sait quoi. Notre Aquitaine ne déroge pas a la règle qui n’est veritablement française que depuis le XVe siècle. Pourtant, l’Aquitaine administrative d’aujourd’hui n’est pas celle du Moyen-Age ni même celle, originelle, de l’époque de la conquête romaine.

L’Aquitaine primitive est exclusivement celles des territoires compris grosso modo entre la Garonne, l’océan et les Pyrénées.
La Gascogne médiévale est l’héritière de cette Aquitaine, après avoir été la Novempopulanie.

Une région historiquement cohérente comprendrait ainsi les départements de la Gironde, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, du Lot-et-Garonne, du Tarn-et-Garonne, du Gers, des Hautes Pyrénées, de la Haute-Garonne et de l’Ariège.
Sans omettre de dire que le territoire de certains d’entre eux n’est que très partiellement Aquitain/Novempopulanien/Gascon.
Mais la référence départementale est claire pour tout le monde et, malgré toutes les critiques qu’on peut leur adresser, nos départements n’ont pas été decoupés à la hache comme le furent souvent les régions actuelles.
Les hommes de la Révolution étaient bien plus proches des aspirations des populations que ne le sont nos technocrates contemporains. De plus lesdites populations avaient encore une conscience très claire de leur appartenance à tel ou tel territoire.

Il faut cependant souligner le cas spécifique du Pays basque qui est, en France, un des seuls endroits où l’identité s’exprime avec autant de force. Or, le Pays basque est pour nous, Gascons, la terre qui a su conserver l’identité que nous perdîmes au cours du haut Moyen-Age. Ainsi, dans une région aquitaine-gasconne remodelée, il sera nécessaire de respecter l’identité de nos cousins basques en leur donnant une existence territoriale qui tiendra compte de leur personnalité ethnolinguistique. Je suis depuis longtemps favorable à la création d’un département basque, avec Bayonne pour chef lieu, séparé de Pau et du Béarn.

La définition de la nouvelle région Aquitaine-Gascogne, si elle se fait, devra évidemment tenir compte de l’aspect linguistique. En effet, notre espace culturel est avant tout celui où fut parlé un des dialectes gascons.
J’emploie résolument le passé puisque, aujourd’hui, la langue gasconne est à l’agonie, avec une proportion de locuteurs qui ne dépasse sans doute pas les 5 % de la population. J’en suis le premier désolé.
Mais la langue gasconne reste un fait historique et culturel, un espace gascon a existé et existe toujours, ne serait-ce que dans la toponymie ou l’anthroponymie. Je serais même tenté de dire que le seul critère véritablement objectif est celui-ci. II est clair et précis, parfaitement identifié sur le terrain et devrait être utilisé par ceux qui redéfiniront notre région.

Cependant, les récentes migrations liées au balnéotropisme ou à l’héliotropisme ont provoqué l’arrivée d’une population exogène nombreuse, surtout sur les littoraux. Il faudra donc tenir compte de cette donnée. En effet, les nouveaux arrivants, parfois majoritaires dans certains endroits, n’ont peut-être aucun attachement profond à l’Aquitaine-Gascogne et sont venus vivre ici sans véritable intérêt pour une identité locale qui, de toute manière, n’intéresse pas toujours les autochtones eux-mêmes. C’est à nous à leur montrer qui nous sommes.

Si une nouvelle région doit voir le jour, peut-être devrons-nous la concevoir en prenant aussi en compte les critères historique, linguistique et culturel.
L’Aquitaine-Gascogne que nous souhaitons sera ainsi plus proche de ce grand espace triangulaire limité à l’Ouest par l’océan Atlantique, au Sud par les Pyrénées et à l’Est par la Garonne.

Grans de sau

  • La logique folle des mégapoles reproduit un modèle mental français atavique.

    Le territoire n’est conçu que par rapport à un centre omnipotent donneur d’ordres.
    La conception française de la culture est homologue : un produit élaboré par des milieux protégés à destination des administrés-assujettis, consommateurs d’école, de télé, de festivals, etc. Symptôme : pendant qu’on tuait la culture et la langue vivante (circa 1950-1965) on ouvrait des "maisons de la culture" pour mieux rééduquer les indigènes, déjà bien mis au pas par la départementalisation.

    Quelques notes de lecture qui éclairent sur le long terme la fatalité française :

    E. Burke, Réflexions sur la révolution en France : « Il apparaît à quelqu’un qui s’efforce d’apprécier l’ensemble, que la force de Paris, ainsi bâtie, donne naissance à un système de faiblesse généralisée. On prétend que du fait de l’adoption de cette politique géométrique de découpage, toutes les idées locales disparaîtront et que le peuple de se divisera plus cocasses qu’en Picards, Bretons, Normands, mais qu’il ne constituera que des français avec un même pays, un seul cœur, une seule Assemblée. Il est fort probable cependant qu’au lieu d’être tous des français, les habitants de ce territoire en viendront rapidement à n’avoir pas de pays du tout. Personne ne s’attachera jamais par orgueil, partialité ou affection à une unité géométrique. » « C’est la première fois que l’on voit des hommes mettre en morceaux leur patrie de manière aussi barbare. »

    « Je sais bien, dit Mirabeau, qu’on ne couperait ni les maisons, ni les clochers, mais on trancherait tous les liens qui resserrent depuis si longtemps les mœurs, les habitudes, les productions et le langage... »

    « Les anciennes capitales provinciales, écrivait P. Gaxotte, avaient un rayonnement propre : elles résistaient à l’attraction de Paris. La division départementale a contribué à déséquilibrer la France en stérilisant la province… » « Dans la pensée de l’Assemblée Constituante le département était l’organe d’un gouvernement unitaire, un instrument de transmission de ses ordres plutôt qu’un centre d’administration autonome » (cité dans E. Minot, Le Président du Conseil Général, 1981).

    Tocqueville dira du Consulat et du Premier empire : « On ressaisit la centralisation dans ses ruines et on la restaura ; et comme, en même temps qu’elle se relevait, tout ce qui avait pu autrefois la limiter restait détruit, des entrailles mêmes d’une nation qui venait de renverser la royauté on vit sortit tout à coup un pouvoir plus étendu, plus détaillé, plus absolu que celui qui avait été exercé par aucun de nos rois. »

    Pour ce qui est du patriotisme, Montesquieu constatait la solidité des liens organiques fédératifs : « Une manière de constitution qui a tous les avantages intérieurs du gouvernement républicain et la force extérieure du monarchique. Je parle de la république fédérative » « Ce furent ces associations qui firent fleurir longtemps le corps de la Grèce. Par elle, les Romains attaquèrent l’univers, et par elles seules l’univers se défendit contre eux. » « C’est par là que la Hollande, l’Allemagne, les ligues suisses, sont regardées en Europe comme des républiques éternelles » (Esprit des Lois, 1. IX, ch. I).

    D’une façon générale, le système administratif français se caractérise par l’incapacité de régler sur place aucune affaire importante » J.-F. Gravier, Paris et le Désert français, 1945, p. 114 ss. Le fruit en est la corruption rampante et l’incivisme.

    « Les responsables politiques qui tenaient les leviers de commande, déclare en 1981 G. Deferre, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, ont maintenu en tutelle les Français leurs élus, les traitant comme des mineurs soumis aux décisions d’une classe politique et d’une administration de plus en plus centralisée et de plus en plus technocratique… Ce type de centralisation, qui se voulait éclairée et qui était en réalité dominatrice, a engendré une administration et une réglementation étatique, tatillonne, bureaucratique, un dirigisme étouffant pour les élus et pour les entreprises. » En 1966 M. Rocard constatait pour son camp : « La gauche française a en effet toujours été jacobine » (Rapport général socialiste, Grenoble, 1966). Paroles, paroles...

    Aujourd’hui le camp des jacobins transcende les clivages politiciens.

  • "Les découpages administratifs ne devraient pas être faits pour permettre à une caste d’élus locaux d’exister, à la manière des hobereaux de l’ancien temps. Qui dans sa commune, qui dans son canton, son département ou sa région, a la tête de son SIVOM ou de sa communauté de communes."

    Je pourrais partager beaucoup de ce qui est dit, mais ce couplet facile des élus locaux me daille. On fait du mal en ne le nuançant pas.

    Enrichissement personnel : moins qu’on ne croit, allez vérifier le montant des indemnités et divisez par le nombre d’heures passées. Vous me direz si c’est vraiment un job bien juteux. On connaît les cas dans lesquels on cède plus facilement à la tentation : reprendre un mandat à la soixantaine pour compléter sa retraite (et tous ces vieux aganits qui louent ou vendent un bien à prix d’or aux jeunes ou aux étrangers, c’est mieux ?), siéger à deux comités théodules où l’on ne f. pas grand chose en plus du mandat qui vous occupe vraiment... C’est à combattre, mais je crains que pareil individualisme ne se trouve dans beaucoup de maisons.

    Je connais personnellement des conseillers municipaux, trois maires-adjoints, deux maires. Tous déjà bien occupés professionnellement par ailleurs, ils se tapent des emplois du temps assez costauds. Désir de gloire, de pouvoir ?
    En se réveillant au milieu de la nuit pour un accident ? En se cognant de la paperasse jusqu’à pas d’heure ? En gérant des conflits de voisinage ou en se débattant avec l’administration et les normes absconses de ceci ou de cela ?
    Presque personne ne le voit ou ne le sait ça, donc où est la vanité là-dedans ? 50 h de besogne anonyme pour une inauguration et deux photos, ça ne fait pas nécessairement fantasmer...

    La preuve ? Quand il faut trouver des volontaires pour s’engager, on peine régulièrement à boucler des listes !
    On ne se bouscule vraiment au portillon qu’à quelques postes bien précis... C’est aussi pour ça (parfois hein) que certains font quatre ou cinq mandats : personne pour prendre la relève ! Après ont-ils su la susciter, je pense qu’il y a un cercle vicieux.

    L’incompréhension entre milieux culturels et politiques m’étonne toujours, ils partagent pourtant d’être mus par des passions chronophages qui ne rapportent pas d’argent mais beaucoup de critiques.
    Et si ce qui faisait bouger la plupart des élus locaux, c’était la même chose que vous avec la culture : la passion gratuite pour un pays et une population ?
    Et si cette méfiance, méconnaissance réciproque entre politique et culture n’était pas pour rien dans l’état actuel des choses ? Vous avez sûrement mieux réfléchi que moi à ce sujet. Mais je ne manque jamais de me demander comment on en est arrivé à cette captation de la politique culturelle par des groupuscules mal greffés sur le territoire et au sein du peuple (qu’ils me pardonnent, mais je le ressens même localement) : les élus qui pèsent s’en foutent et les élus qui s’y impliquent ne pèsent pas...

    Sur le demi-million d’élus que vous mentionnez, il doit y avoir une large majorité de conseillers municipaux quasi-bénévoles. Quand vous pensez élu local, essayez de ne pas focaliser sur la minorité (très active je le reconnais) de professionnels de la politique. Vos Landes, vous les réduisez au PS et à Emmanuelli ?

    Aux postes-clés, je partage le constat : le renouvellement, le brassage, la diversité de parcours et d’opinion sont insuffisants. Direction des conseils généraux et régionaux, des grandes intercommunalités. Question du cumul excessif des mandats successivement ou simultanément.
    Mais aussi symétriquement, de l’engagement trop rare du citoyen, du manque de considération pour les efforts d’autrui, de civisme et de sens du bien commun.

  • Il n’y aura pas de région Aquitaine-Gascogne puisque le territoire de celle-ci est coupé entre Nlle Aquitaine et Occitanie.

    Et pourtant Aquitaine et Midi Pyrénées ont des intérêts communs puisque existe une agence de l’eau Adour Garonne qui regroupe ces deux régions (plus les Charentes et la Corrèze).

    Cette commission présidée par l’ancien président de Midi Pyrénées s’est réunie à Bordeaux :

    Martin Malvy : "Je suis inquiet pour la qualité de l’eau" dans le Sud-Ouest
    http://www.sudouest.fr/2017/06/22/martin-malvy-je-suis-inquiet-pour-la-qualite-de-l-eau-dans-le-sud-ouest-3555071-706.php?xtmc=malvy&xtnp=1&xtcr=1

    http://www.eau-adour-garonne.fr/_contents-images/ametys-internal%253Asites/www/ametys-internal%253Acontents/qui-sommes-nous/_metadata/content/_data/CARTE%2520BAG-DelegationsVdef.jpg_300x326

  • A propos de l’eau. nous vivons actuellement une sécheresse assez sérieuse. Le niveau des nappes phréatiques est très bas, celui des étangs est à peu près un mètre en dessous de son niveau normal, on traverse la Leyre à gué à beaucoup d’endroits et des crastes qui normalement coulent sont à sec. Ceux qui sont en contact avec la nature se seront aperçu qu’il n’a pas plu normalement depuis le printemps 2016 et que ce printemps 2016 avait fait suite à une période déjà très sèche. Tout ceci est inquiétant pour l’été à venir et il se pourrait que des restrictions d’eau soient ordonnées. Pendant ce temps, les maïsiculteurs arrosent leurs champs 24 heures sur 24...
    Je pense que c’est pire que l’été 1976.

  • Le quotidien Sud-ouest nous dit dans un article :
    En Nouvelle-Aquitaine, l’alerte crues-inondations, qui concernait déjà les Landes, s’étend maintenant aux Pyrénées-Atlantiques. Deux départements d’Occitanie sont également concernés.

    Les deux départements "occitans" sont Gers et Haute Pyrénées.

    Il n’y a pas d’identité vraiment régionale autrement que l’assez vague Sud-ouest.

    https://www.sudouest.fr/2020/12/11/meteo-desormais-quatre-departements-du-sud-ouest-en-alerte-orange-crues-inondations-8178214-4971.php

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