Occitanitude Vincent P.

- Vincent P.

Au profit d’un déplacement professionnel à Montpellier, samedi dernier, sur la route du retour, en longeant l’étang de Thau, j’écoutais Ràdio Lenga d’Oc.

Occitanitude. Le nom de l’émission. Le journaliste, à fort accent languedocien (qui n’est vraiment pas le mien, gascon : je me reconnais dans Albaladéjo, pas Herrero), interviewait l’élu Michaël Delafosse, l’homme fort du PS héraultais, en charge de la culture à la région.

Interview en français. Pour cause, l’élu est né à Paris et ne parle que français. Je ne le lui reprocherai pas, cela dit cependant quelque chose de ce qu’est devenue Montpellier, Paris-sur-Méditerranée.

Monsieur Delafosse est prof d’histoire-géo. C’est un beau métier. Il commence par tous les poncifs : Montpellier rayonne quand elle s’ouvre au monde, quand elle est plaque tournante du commerce méditerranéen. Quand elle fait dans la guerre de religions ou la revendication viticole, c’est une ville moins attractive, qui rate des étapes historiques.

Mister Obvious ...

Bref, tous les clichés sur la culture "occitane" : le partage, l’ouverture au monde, la "convivencia", ... Le catéchisme occitaniste depuis les années 60, qui ne marche absolument plus à une époque où cette France méridionale vote FN et réclame des canevas idéologiques et identitaires fermes, que l’occitanisme se refuse à leur donner.

Le débat se poursuit. L’élu s’enthousiasme que Titoff ait été traduit en occitan, que c’est "super" et "moderne". Misère ... Il continue que son fils s’appelle Hadrien (avec H), que c’est un prénom occitan en somme comme le lui a dit un jour un autre élu (mais sans H), car c’était un prénom fort donné en Languedoc. Ah, pas ailleurs ?

Une question un peu polémique. Le journaliste de sa voix grave théâtrale (type patron du bar de Plus belle la Vie) lui demande ce qu’il pense de la nouvelle Grande Région et l’interroge sur comment l’appeler. On sent que le journaliste l’approuve cette grande région, à cheval sur deux bassins fluviaux, un vrai monstre.

Les sous-entendus sont évidents : le Languedoc enfin réuni (pas de frontière sur le seuil de Naurouze dit le journaliste), et de toute évidence, cette grande région doit s’appeler Occitanie.

Là, surprise, Monsieur Delafosse s’indigne de cette réforme. Ouf ! Je vais enfin être d’accord. J’espère qu’il va dénoncer l’aberration de cette fusion statistique, le tropisme métropolitain de la superstructure française, tous les vices rédhibitoires d’une réforme qui restera la honte du quinquennat.

Il le fait. Un peu. Mais très vite, sa vraie pensée émerge : la capitale ne sera pas à Montpellier et c’est mauvais pour Montpellier. J’enrage. Non pas qu’il n’ait pas raison, en effet, c’est mauvais pour Montpellier la perte de services administratifs. Et entre nous, Montpellier est une ville qui a autrement plus d’aura et de modernité que Toulouse. Ce que l’on fait à cette ville est dégueulasse.

Non, le problème, c’est qu’une fois de plus, un élu ne raisonne pour s’opposer à une réforme que sur la seule situation de la circonscription dont il est l’élu, sans penser la réforme dans son ensemble.

J’en ai confirmation dans la minute : Delafosse explique que si le gouvernement ne fait pas machine arrière, alors il faudra bien trouver un nom. Et qu’alors, en effet, selon lui, Occitanie est le seul nom possible.

Raisonnement dingue. D’un point de vue occitaniste, c’est donner des arguments à la Provence ou l’Auvergne qu’elles ne sont pas l’Occitanie. D’un point de vue anti-occitaniste (le mien), c’est une injure faite aux Gascons de Midi-Pyrénées (quand même 2/5ème de la région actuelle) et aux Guyennais des vieux pays du Massif Central (Quercy, Rouergue, ...).

Bref, qu’est-ce que l’occitan ? Un machin pour communiquer, sans respect pour les réalités historiques ou culturelles. Un objet publicitaire.

Je regarde l’étang de Thau, qui est sublime, le Mont Saint-Clair à l’horizon, qui domine Sète et je soupire : c’est donc ça l’état du débat intellectuel chez les Languedociens ... C’est vraiment ça. Voici l’occitanisme à l’automne de sa vie, qui combat pour que la grosse région bric-à-brac qui va des confins des Landes jusqu’à la Camargue, s’appelle Occitanie.

Les occitanistes ne méritent pas le Languedoc.

Grans de sau

  • Oui, prof d’Histoire-géo c’est un beau métier. Enfin, ça pourrait être un beau métier. Mais la déséducation nationale en fait une simple courroie de transmission de l’idéologie dominante. Ce Monsieur Delafosse semble être un archétype. L’Histoire officielle et politiquement correcte assénée aux futurs chômeurs par lesdits profs bien dociles qui, à part leurs petits avantages, ne défendent pas beaucoup la qualité de l’enseignement qu’ils sont censés dispenser.
    La réforme des collèges, en cours et en voie d’achèvement, sonnera le glas du service public d’éducation, sous les coups de boutoir conjugués de la boboïtude pédagogiste post-soixante-huitarde à la Meirieu, la connivence du personnel politique, droite et gauche confondues. En fait, la destruction de ce bel outil a débuté en 1975 avec le fameux collège pour tous du ministre Haby, réforme qui convenait parfaitement au patronat de l’époque.
    Les profs, ils vont être mangés tout cru et ce sera bien fait pour leur gueule. C’est une corporation méprisable de béni-oui-oui sans cojones.
    Elle sera impitoyablement éradiquée par ceux même pour lesquels ils ont voté pendant des décennies, sans discernement ni esprit critique aucun, je veux dire le PS. On a ce qu’on mérite.
    Si vous voulez vous cultiver un peu et vous désintoxiquer de vos "cours" d’Histoire de collège et lycée, je vous recommande les conférences d’Henri Guillemin, entre autres...

  • Dans le même style et sur le même sujet,entendu mardi soir sur Radio Classique l’interview de Jean-Michel Baylet par Patrick Poivre d’Arvor (PPDA pour la France entière et peut-être aussi ses intimes), soit la rencontre d’un inoxydable et d’un fonds de tiroir...
    La conversation porte sur le nom de la future région:après avoir balayé Septimanie "devant lequel même Frêche avait dû reculer" Baylet s’attache à celui d’"Occitanie" :"un grand contenu historique,détruit par les rois de France et les Normands (???) qui s’étendait de l’Allier à Florence en Italie" ! Bref,du total n’importe quoi .
    Si j’ai bien lu , la future ex-région Midi Pyrénées ,promue en Piémont de l’"Occitanie" revisitée façon Elysée 2014 ,sera une des bonnes fées penchées sur le berceau du futur (?) Office Public de la Langue Occitane .Voilà qui promet !

  • Le plus grand allié de l’occitanisme est l’Etat français et vice versa. Les occitanistes sont-ils persécutés par l’appareil d’Etat ? Non. C’est un signe majeur.
    Ceux qui ne vivent que des prébendes publiques ne peuvent pas vraiment remettre en cause le système dont ils se nourrissent. Traitements des profs d’"occitan", subventions diverses et variées, sinécures que sont ou seront les instituts et offices de toute sorte, associations bidons, pseudo artistes et écrivains creux etc...
    Bref, des gens qui vivent de la manne de l’Etat français ou de celle des collectivités territoriales, qui en sont l’émanation directe, et qui font semblant de lui cracher dessus pour donner le change. Quel manque de dignité !
    Pourquoi ces gens ne sont-ils pas honnêtes ? Par exemple la démission pour les enseignants qui travaillent pour le colonisateur qu’ils dénoncent.
    Vive la France, sans laquelle l’Occitanie ça n’existerait décidément pas.

  • J’en suis arrivé depuis longtemps aux conclusions suivantes :
    Hors Gascogne :
    On peut (pouvait ?) distinguer du point de vue de la conscience identitaire et historique :

    1) l’Occitanie (du Sud) Miègjorn occitan, en Languedoc et Haute-Guyenne ;

    2) les Hautes Terres d’Oc ou Haute Occitanie, Occitania Nauta, soit le domaine alverno-limousin et ses confins (Limousin, Marche d’Oc, Angoumois d’Oc, Périgord, Auvergne, Forez d’Oc, Velay, Gévaudan et Vivarais). Ces Hautes Terres d’Oc sont jalonnées par les trois monts des Monédières en Limousin, des Monts Dore d’Auvergne, des monts du Velay.

    3) La Provence, Provença / Prouvenço, nationalité de langue d’Oc dont le territoire, presque entièrement à l’est du Rhône, est issu du Royaume d’Arles, englobant les Dauphinois d’Oc dont la langue (nord-occitan) est traditionnellement appelée « provençal alpin ».

    Tels me paraissent les trois reliques des groupes ethno-culturels gallo-romans d’oc en l’état des choses.

    Mais ce qui compte maintenant ce sont les régions planifiées.

    Quand à compter sur le monde enseignant, non, c’est mort, et pour trop de raisons dont l’une est que son vivier est le milieu lui-même, qui s’auto-reproduit, ou de nouveaux recrutés qui ont été formés par le système et sont très représentatifs de leur classe d’âge. Quelle est la part des préoccupations régionalistes, historiques et linguistiques dans la population actuelle des pays d’oc ? Le milieu enseignent la reflète, en y ajoutant à l’occasion ses préjugés. L’histoire-géographie n’est plus une discipline de découverte (historiè) mais l’imposition de catégories toutes faites, inculquées à l’université, adaptées à un public de moins en moins apte à la réflexion. Autrement dit : si la société dans son ensemble s’inquiétait vraiment de ses racines occitanes, gasconnes, provençales, etc., ou simplement des conséquences des découpages et des droits et pouvoirs des citoyens dans le cadre de la réforme, cela se ferait sentir sur l’enseignement, au risque de provoquer des critiques de l’institution, des crises sur ses objectifs, etc. Il n’en est rien.

    On pourrait continuer longtemps sur ce qui caractérise la société française dans son ensemble depuis très longtemps : conformisme, refus du local concret remplacé par les abstractions générales, mépris du peuple et des peuples, tyrannie des clercs et des fonctionnaires, domestication des citoyens, assèchement des forces vives par les centres urbains distributeurs de savoirs et de subsides. Rien de nouveau sous le soleil.

  • Il est parfaitement sain et normal que les enseignants de langue(s) d’oc profitent de l’impôt public et des organismes d’Etat. C’est la situation normale de la plupart des groupes linguistiques (minorités nationales ou nationalités) inclus dans des Etats européens (et qui bénéficient pour la plupart d’instances spéciales). Ce qui n’est pas normal est la marginalisation des revendications, conséquence d’une usure du sens d’appartenance commencée chez nous dès le XVIe siècle mais renforcée, entretenue par des facteurs spécifiques qu’il serait trop long d’analyser.

    La minoration n’est pas en soi affectée de qualités positives ou négatives. L’évaluation des milieux réputés occitanistes, ou gasconistes, ou provençalistes, ou anti-régionalistes, etc., ne peut se faire que par l’analyse de la société française dans son ensemble. Les mouvements institutionnalisés si peu que ce soit reflètent l’évolution de la société française.

  • Dans un premier temps au moins, certains occitanistes avaient fait le forcing pour que la nouvelle région regroupant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon se nomme tout simplement "Languedoc". Quel respect pour le Roussillon et surtout pour la Gascogne, voire pour la Guyenne !
    Je ne sais pas où ça en est.
    Il est étonnant que Montpellier accepte de perdre le rôle de capitale régionale. Il est vrai qu’elle pèse moitié moins que Toulouse*. A suivre.

    Côté Arrégiouasse Aquitaine, on avance :
    Alain Rousset a d’ores et déjà eu la révélation de ses trois couleurs
    , le vert, le bleu, l’ocre : « le vert de la forêt, de l’espace agricole, le bleu de l’océan, l’ocre des pierres ».
    http://www.aqui.fr/politiques/grande-region-alain-rousset-choisir-le-meilleur-des-pratiques-de-chacune-des-trois-regions,11984.html
    Cet article est suivi d’un commentaire de bon sens, qui conteste le nouveau "colbertisme" bordelais (l’auteur doit vouloir dire "jacobinisme").
    Je le cite en entier :
    « il aurait ete plus intelligent d’etre moins colbertiste en mettant le poids sur bordeaux comme etant un petit paris..... Si on prenait une petite ville comme agen par exemple comme capitale regionale cela aurait contribuer a creer une entite qui n’aurait pas forcement attire tous les fonctionnaires. Cela aurait oblige l’entite regionale a repenser ses transports. Albany est bien la capitale de l’etat de new york et cela n’empeche pas la Grosse Pomme de vivre. »

    Dans la même interview, Alain Rousset tente de rassurer sur un maintien partiel des rôles de Limoges et Poitiers comme centres régionaux : « il faudra que Limoges, Poitiers et leurs administrations continuent - les technologies nous permettent d’aller très vite - d’échanger les informations sur les dossiers ».
    Je suppose qu’il table sur Internet et ce genre de choses.
    Mais justement, si Internet abolit en partie les distances, pourquoi nos têtes pensantes devraient-elles être concentrées dans une douzaine de métropoles régionales considérées comme les seuls lieux de « l’économie du savoir » selon l’idée-force du regroupement régional actuel ?

    * « Au 01/01/2008 l’aire urbaine de Montpellier possédait 539 368 habitants ce qui en faisait la 15e aire urbaine de France »

  • Je ne sais pas s’il est possible de lire quelque chose de plus lénifiant que l’interview de Rousset ... Tous les éléments de langage autour de l’union qui fait la force, les références explicites à l’Aquitaine actuelle pour rassurer ses anciens électeurs (avec un certain mépris que je ressens pour la Creuse et les Deux-Sèvres), et la touche historique grotesque avec Aliénor.

    Je note le ridicule qu’il y a à citer ce pauvre André Labarrère, qui est la seule légitimité politique de Rousset qui lui doit tout, ce même Labarrère qui avait légitimé la grande circonscription européenne du Grand Sud-Ouest, avec des arguments identitaires. Surtout quand la citation en question a trait au cliché le plus absolu, à la mièvrerie la plus confondante : l’ocre de la pierre de Bordeaux. Les gens de Corrèze ou des vallées pyrénéennes seront heureux d’être placés sous cette sainte protection.

    Je propose ainsi que pour que l’union soit plus forte, de l’étendre aux autres Megaländer issus de la réforme. Une identité qui sera également "riche d’histoire, de patrimoine, d’innovations et de couleurs". On l’appellera identité française. Comme ça, il n’y aura pas besoin de "raconter" une "histoire" de la Grande Aquitaine, nous en avons déjà une de bien codifiée depuis un peu plus de 200 ans.

  • Concernant Montpellier, j’y ai passé 3 jours, dont je ferai un petit compte-rendu quand j’en aurai le temps, sur Facebook, pour qui veut me suivre.

    J’ai dans tous les cas vu une belle ville, résolument dynamique et moderne. On peut penser ce que l’on veut de Frêche mais il avait clairement une ambition pour sa ville.

    Le quartier moderne autour de la gare, d’Antigone et de Port-Marianne est très impressionnant, c’est la première fois en France, ailleurs qu’à Paris, que je ressens comme un souffle européen, celui que l’on constate ailleurs qu’en France.

    J’ai trouvé la ville assez dense, correctement étalée dans son espace. Je l’ai trouvée fort fonctionnelle avec 3 lignes de tram, dont le plan m’a semblé fort bien pensé (les lignes empruntent parfois le même parcours le temps de quelques stations d’où un cadencement meilleur qu’à Bordeaux par exemple).

    Moi qui ai vécu à Toulouse, j’ai senti comme un gouffre. Toulouse est encore sur un modèle de croissance des années 70. L’étalement urbain s’y poursuit de façon inquiétante. La ville pèse peut-être démographiquement plus que Montpellier mais elle apparaît sensiblement moins performante.

    Dans tous les cas, je ressens la perte du statut de capitale régionale de Montpellier comme une profonde injustice, comme une trahison même faite à l’histoire récente, pour laquelle le parti du président avait pourtant œuvré. La violence de cette réforme territoriale est hallucinante.

  • J’ai cliqué un peu par curiosité pour ce titre "Occitanitude", plus élégant que "Occitânerie".

    Merci à Vincent et à tous les autres pour le plaisir que j’ai eu à vous lire…

    Amistats a touts,

  • Merci Monsieur Lafitte !

    Amistats

  • Dans la lignée du discours occitaniste :

    Rapprochement Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, « une chance historique »

    "- Restons dans le domaine politique, le rapprochement Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées doit vous satisfaire..."

    "- Pour moi, c’est une chance historique. C’est la réunification du Languedoc historique. Globalement, c’est cohérent. Ça parle aux gens. Maintenant, on ne peut pas appeler cette région Occitanie. Moi qui suis Sarladais, cela m’ennuierait d’attendre d’être à Gourdon pour me dire que je suis en Occitanie ! (rires) En revanche, que le nom Occitanie soit associé à un autre aurait un écho réel."

    Je rappelle qu’en Midi-Pyrénées, le Languedoc historique, c’est à peine le département du Tarn et un tiers de la Haute-Garonne, puis quelques bribes de Tarn-et-Garonne.

    Et on n’insistera jamais assez que le Languedoc historique n’est qu’un patchwork de territoires au Sud de la Gaule (l’entité géographique) qui se sont trouvés précocement sous la domination capétienne, et rien d’autre.

    C’est une structure administrative médiévale, qui n’est attachée à aucune identité, pas plus que l’Aquitaine des Ducs ou la Provence du Saint-Empire.

    Je crois qu’il est urgent de détruire les mythes occitanistes par un manifeste simple à diffuser sur le net.


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