Emission "d’oc show" sur femmes en Pyrénées

- Renaud

Adishatz,

E i a gènts qu’espian Oc Tele e le soa emission lo D’òc Show ? Çò que’n pénsatz ?
Que serí hòrt critic sus çò que dit Isaure Gratacos...

http://www.octele.com/video-oc/doc-show.html

Grans de sau

  • Ah tiens oui, vu cette émission, et la partie avec Mme Gratacos notamment. M’intéresse. Sujet rarement (jamais ?) abordé dans un média audiovisuel. Dans ce qu’elle a dit, qu’est-ce qui vous chépique ?

  • Adixatz ,
    Qu’ei vist l’emission (merces a Renaud,non conexeivi pas aquera TV d’òc).Lo paper introductiu que’m sembla l’arrebat e la consequencia de l’aliança politica formada per l’occitanisme politic e oficiau dab los "Verds" e quaques grops vesins, mantun emprenhat d’un femenisme dogmatic e radicau .Lo devis de dauna Gratacos ( quin nom ,que’m prutz dejà !) qu’es totaument confòrme a çò qui’s podeva esperar : politicament iper-correcte dab un discret perhum annadas 70 deu segle passat . Aquò dit, tot n’es pas d’arrefusar hens çò que ditz , era e las autas ,un chic tròp sistematic totun,plan segur ...

  • Et bien... Pratiquant le même "métier" qu’elle, sur les mêmes zones, à 30 voir 40 ans d’intervalle, j’ai des doutes, non pas sur la véracité de ses propos, mais surtout sur ses interprétations...
    On sait, par des études dans les archives, dans les procès-verbaux, que l’aînesse absolue n’était ni synonyme de sinécure pour la femme, ni quelque chose de bien accepté dans les communautés montagnardes.
    On sait aussi que le système soit disant "égalitaire" des sindics n’étaient accessibles qu’aux notables des villages, pas aux "laboureurs" par exemple.
    Elle dit que c’est un système unique dans "la civilisation indo-européenne"... Or, elle n’a pas fait d’études poussées comparatives, se contentant juste de dire "c’est unique" et c’est comme ça.
    Le concept même de "civilisation indo-européenne" est très critiqué et ne semble au final n’être qu’un critère linguistique. De plus, s’il était digne de confiance, le territoire en question est un tout petit peu grand pour affirmer avec aplomb que la femme était l’égale de l’homme dans la société "vasconne", juste parce qu’une mamie lui a dit un jour "je suis chez moi"...
    D’un point de vue personnel, j’ai compris que la mémoire d’un peuple s’efface mais que des bribes restent toujours. La preuve : les histoires de fées. Il est très bien possible d’avoir 2 voisines de 90 ans, l’une connaissant le mot "hada" et ayant une histoire à raconter dessus et l’autre, ayant toujours vécu ici et pratiquant la langue tous les jours, ignorant tout du sujet jusqu’à l’existence-même du mot... Ces histoires-là, très lointaines, ont été collectées par Gratacos et je l’ai ai recueillies des dizaines d’années après. Toutefois, la question de l’ainesse absolue et du pouvoir des femmes dû à leur situation de "maître de maison" n’amène que très, très rarement des réponses comme on en trouve dans les témoignages de Gratacos... Pourquoi les fées ont-elles encore une existence dans la mémoire collective (ben que rare) et pas les femmes "cap de casa" ?? Je me le demande... J’avancerais l’hypothèse qu’elle a un tout petit peu exagéré...

    De plus, son livre "Femmes Pyrénéennes" est un véritable défouloir d’interprétations, d’hypothèse lancées à la va-vite, de fantaisies, quoi... Un exemple, les histoires de fées qu’elle a collectées lui semblent être la preuve absolue de son cheval de bataille "l’ainesse absolue" et "la femme libre". Car elles seraient, selon elles, des symboles d’une cosmogonie féminine vasconne qui viendrait de la terre et non pas du ciel. Elle les appelle sans rire des "divinités"... Elle voit en la figure des Saints que l’on trempent dans l’eau, des curés qui font reculer les orages, des preuves d’une particularité vasconne : le christianisme n’a pu éradiquer la vieille religion païenne des vascons.

    Or... Tout d’abord, une divinité est une entité à laquelle on rend un culte. On n’a jamais rendu de culte aux fées. C’est une entité surnaturelle au même titre que la sorcière, par exemple.
    Mais surtout, comme dirait Martin Luther-King : j’ai lu un livre (ah non, ce n’est pas ça). "Patrimoine narratif de la Savoie" par Charles Joisten que Isaure Gratacos n’a manifestement pas lu... Les histoires de fées qu’elle a collectées, les Saints trempés dans l’eau, les curés-sorciers... tout y est. Jusqu’à des histoires que j’ai moi-même enregistrées qui me paraissaient complètement inédites... Ils avaient exactement les mêmes histoires surnaturelles que dans les Pyrénées Gasconnes et Vasconnes... Et les femmes, dans le livre de Charles Joisten, partent aussi seules en montagne pendant une semaine, partent aussi colportrices à l’autre bout de la France...

    De ce fait, le discours d’Isaure Gratacos est pour moi un discours complètement régionaliste. Elle parle très bien mais ne se base que sur des enquêtes orales, ce qui est trop peu (et je sais de quoi je parle) en tirant des conclusions très hatives... Elle écrit très bien, aussi. Mais, la comparaison des 2 livres, celui de Gratacos et de Joisten est assez cruelle sur la différence de méthode. Notre savoyard ne donne que les histoires, classées entre elles, avec des références internationales des récits (ce qui veut dire que cela dépasse largement la Savoie... et les Pyrénées), c’est un véritable travail ethnographique. Isaure Gratacos rédige son livre, on arrive avec elle voir telle vieille femme, on la trouve attachante, il n’y a que de courtes citations du discours et énormément d’interprétation, de raccourcis. Bref, c’est totalement subjectif... Il y a donc un travail scientifique (Joisten) et un travail fantaisiste de vulgarisation...

    Bon, voilà, vous m’avez demandé, je vous réponds !

    En lien, un compte-rendu de son livre avec lequel je ne saurais être plus d’accord.

    http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1989_num_44_2_283599_t1_0424_0000_003

  • "défouloir d’interprétations" : hélas, combien de travaux intéressants sont gâtés par les fantasmes des auteurs !

    N. B. Place des femmes : E. Benvensite, Le vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, éd de Minuit, 1968, ou G. Dumézil, Mariages indo-européens à Rome, Paris, octobre 1988 ; et Uwe Wesel, Der Mythos vom Matriarchat, Suhrkamp Verlag, 1999, pour nous en tenir à trois classiques accessibles.
    Mais faut-il aller chercher si loin pour décrire des faits communs à toute l’Europe ("ancienne" jusque dans les années 1950) ?